NOVEMBRE ASSOUPI
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire
Odilon Redon "Les Yeux clos"
http://www.musba-bordeaux.fr/sites/musba-bordeaux.fr/files/odilon_redon-dossier_pedagogique.pdf
Que veut mon Novembre à ma pensée somnolente,
Loin des fleurs qui ont orné mes vases, opulentes ?
Les gnomes, aux jardins de juin, se sont endormis.
Les fées aux roses ne taquinent plus les fourmis.
Les Salamandres ont rejoint Jupiter en sommeil.
Dans les maisons, tout s'assoupit, rien ne veille.
Tout dort à l'entour. Tout somnole dans l'Avé.
Seules, les rimes semblent encore rêver.
Pourquoi de novembre, suis-je le cristal d'une larme ?
Du cristal, deviens-je l'obsidienne de mon âme ?
Des prières aux pensées, tout se veut souffre.
Le printemps et l'été s'alitent ; l'automne souffre.
Au déploiement de mon frère Novembre,
À la naissance de sa soeur Décembre,
Ô, mon somptueux recueillement !
Tout m'est fécond d'endormissement,
Car il n'est de profond et de lent sommeil
Sans les rêves qui ne fécondent les hommes qui veillent.
Quand fleurs meurent au prompt chant des Ondines,
Les arbres se dévoilent, offrant au vent leur col Claudine.
Aux saisons se mourant sous des baumes d'ambre,
C'est de trépas qu'est mon époux, mon fier Novembre.
Brandissant ses flèches, mon orgueilleux Jupiter
Meurt à ses feux de joie sur ma terre.
De sa noble stature, je ne perçois de son feu
Que l'adouci aux feux sages, de l'été son adieu.
Pourquoi de Novembre, la langueur humble, me confine,
Pleurant les Sylphes ; l'élégance perdue me ravine,
À leurs seins, qui de tout temps, me nourrissent ?
De leurs entrailles qui me bénissent, me pétrissent,
Me modèlent, jusqu'au venant noeud lunaire,
Creusée, brûlée, percée jusqu'au coeur solaire,
Je vis des émois l'étreinte dessérrée qu'abandonnent
Les rayons aux berges des brouillards qui me chiffonnent.
La langueur des chants d'automne m'assoupit.
Aux aurores chantées, je n'entends plus le saut des pies,
Ni leurs chants muets, au nid se morfondre, alanguies.
Des mésanges, je n'entends plus la douce mélodie.
Des grives sautillant dans mon jardin, le bec mutin,
Je n'ai plus la beauté des danses qu'aiment les lutins.
De Novembre, faut-il ouir le silence que tout contient,
L'âme assaillie des musiques à mes yeux éteints ;
Repentie, aux chants de Lohengrin, casser mes bogues
Qui ne sont plus qu'un silence dans lequel je vogue.
Les forêts, profondes abbatiales, naissent temple ;
Aux lueurs des merveilles brûlent de flammes amples.
Coeur de Novembre, oh ! S'étreint de voltiges en volutes,
Parmi les flèches d'argent, aux dômes, jouent du luth,
Avec la brindille alourdie, sa ramure perdue.
Volent les parures de feu, au vent éperdues.
Est-ce pour cela qu'automne m'alite sur son lit de gel ?
Est-ce pour le silence qu'il m'aime au feu des nigelles ?
Est-ce pour les roses frippées que je me couche, blanche,
Dans le manque des rondes qu'arc-boutent leurs branches ?
Ne vois-je des sépales que l'arrivée de l'étoile
Que mon coeur surprend au ciel du voile ?
Novembre n'a rien dit à ma vie d'ailes idéelles !
Novembre n'a pas esquissé sa rime irréelle !
Novembre n'a pas répondu à l'assoupissement,
Moins encore n'a dit d'arcs de feu son flamboiement.
Alors, pendant que les cimes, du beau mois endormi,
Créent la somnolence transie de froid à l'endormie,
J'entends la douleur hurler sa mort, car il n'est rien
De Novembre qui, de tout, se meurt fécondé de biens.
Les saisons - L'Automne - Alexandre Glazounov