Béatrice Lukomski-Joly


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L'azur bleu-nuit

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Lors de ma première nuit-pénombre,

animée d’un éphémère tendre voile,

vint soudain à ma rencontre

une dame, si belle, revêtue d’étoiles.

 

Ma nuit scintillait de flammes

éclairant son voile en mon obscurité,

céleste et de fine soie diaphane

que j’en pouvais voir l’azur constellé.

 

Assise sur un trône solaire sans fin,

d’un or nulle part vu ailleurs,

je la vis, les yeux arrimés au lointain,

fixant l’avenir de nos heures.

 

Son regard immobile comme la nuit,

de celle qui fut avant le jour-Un engendré,

me laissant la regarder, je la vis

nous attendant aux confins de l’éternité.

 

Quand, debout dans le giron d’une crypte,

elle me montra la source jaillissante

allumant la sainte lumière triple,

je fus comblée en ma nuit saisissante.

 

Ses yeux de soleil liés aux fin-fond étoilé

devinrent douloureux sur sa terre.

Elle regardait, le visage triste et voilé,

secoué de larmes, telle, je la vis, lunaire.

 

Montrant à nouveau la source qui est vie,

elle cisela d’un doigt son image en mon cœur

que j’en pouvais voir la clarté bénie,

et en son ciel, épouser mes douleurs.

 

Tout était silencieux, ancré dans la solitude,

vécue dans l’azur bleu-nuit aux astres d’or,

que son regard, ses larmes, sa sollicitude,

sa plainte et ses roses bleues, furent sculptées d’or.

 

 

L'année horribilis et les âmes indignes

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

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Aujourd’hui, enfin, aujourd’hui se fane,

disant adieu à tous les blâmes de tous les profanes

que les jours de l’année ont accumulés,

envers les hommes que l’autre n’a pas aimés.

 

Une question demeurée sans réponse

a juré du peu de respect, et fut une semonce,

que l’âme molle complaisamment invisible

affirma de sa paresse ou de son âme insensible.

 

Une volonté d’abandonner la perfection,

absente de prosternation, voguant dans la nuit,

malgré beaux écrits et belles pensées exprimés,

elle offre l’indigne de l’ego inabouti sur leur sentier.

 

Osent-ils dire, les hommes, qu’ils aiment leur Maison

que nous les voyons s’éclipser dans leurs haillons,

disant fort à qui, discrets, les écoutent en secret,

qu’ils n’aiment pas untel et tel autre en leur bosquet.

 

Mais, ils sont beaux comme des princes fortunés,

mieux ! comme des rois sublimés en leur lignée,

qui est vide de toute offrande en leur cœur oublié.

Ils n’ont pas vu la lumière endimancher leur foyer.

 

Archanges veillant sur nos consciences.

 

Aujourd’hui meurt l’année horribilis sans trône

que le monde a partagé pourtant avec ses hôtes,

humains de leur nom, disons-nous, assurément,

pourtant, miséreux et puérils, incontestablement.

 

Des âmes inélégantes au verbe fleuri de chardons,

ils sont, disons-nous, les créatures de demain

n’entendant pas le fleuron du Verbe ensoleillé

qu’il racontent de vive voix à l’ombre déguisée.

 

Vient-il, Michaël, revêtu de jour comme de nuit,

que chacun attend pour toutes révélations à minuit,

qu’il les voit endormis, sans vrai labeur à cette heure,

malgré l’apparence, malgré les mots d’honneur.

 

Que meure l’année qui n’a point porté d’amour bel’,

dans l’espérance de voir naître âmes plus belles,

car de loin, telles nos pupilles observent les signes,

les hommes n’ont pas saisi l’épée servant le Cygne.

 

Que l’année qui n’a pas de nom donne enfin son Verbe,

nous, luttant contre l’infâme et son diable sur terre,

pour que nos âmes rayonnantes en l’Esprit Saint

nous couronnent pour notre courage en Son Pain.

 

Saint-Michel projetant le dragon et son armée parmi les hommes sur terre, libérant les Cieux de son emprise.

La table dressée.

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

I

Je me suis promenée au bois des écorces ; j'ai vu l'alizé frémir. Au regard des oiseaux, j'ai écouté les chants, et au son des vents, j'ai reconnu le Zéphyr.

Je me suis allongée dans l'herbe des étoiles, couverte d' un linceul de fleurs de tilleul.

Le ciel en arpèges fredonnait l'éternité.

Aux yeux des corolles, j'ai aimé les averses.

La caresse sur les cils, j'ai entendu la vie.

Aux branches des roses, j'ai regardé le temps, la guérison des serments, et au son des harpes, j'ai frémi sous l'averse ; j'ai vécu d'émotions.

Dansait sur les pétales la rosée des matins que les rêves fatigués relevaient de sagesse.

Je me suis guérie quand j'ai vu le loin et au souvenir, s'éteindre.

J'ai dansé et chanté, la robe rose au bal, le volant de dentelle accroché à la ridelle des barrières en bois, la porte du jardin bée.

Je vivais loin des lunes.

Quand le chemin s'illumina, de toutes les feuilles mortes au sol, je vis la lumière briller ; et, sur le chemin me tracer une allégorie des fées qui m'apparurent d'étoiles, brillantes comme jamais !

Des mousses au tendre bois, je vis s'envoler une Ondine.

Elle me dit son prénom. Pénélope à Brocéliande me racontait sa joie de me voir, et à la nuit noire, éclaira la vie qui semblait s'éteindre.

Amoureuse d'une fée, attendrie par une étoile, aimée des feuilles semées, je sentis la chaleur née des odeurs et des parfums que l'aurore offrait aux matins.

D'abondance, je crus aux fées. Il semblait que l'éternité m’offrait la lumière des éclairs.

Je regardai, étonnée, le doux message de la forêt que le petit peuple abandonnait. À mes pieds valsaient les Ondines. Je sentis une larme de fée au creux de mes mains. Je vis trois Elfes prier sur la pierre de la fontaine.

Le rouge-gorge délia ses ailes. Il chanta si fort que le houx, à mes pieds, tomba de son bec, en accueillant le vœu encore non-dit.

C'est toute la forêt qui psalmodiait.

Elle s'orna de papillons d'or, et au bel arbre de mémoire, s'enhardit de liesse, me voyant le cheveu au vent, le cil battant.

Les Rois ramassèrent les fleurs, en ornèrent leurs couronnes.

Le chemin de verdure s'ouvrit, laissant la lyre posée sur la pierre quand un ange la prit sur son aile pour jouer le chant du rouge-gorge.

Le ruisseau de Barenton bullait. Je déposai, là, mon chapelet, l'offrant aux mémoires anciennes.

Un caillou roula jusqu'à moi. De la mousse se décolla du chêne. Je vis l'oiseau voler de branches en feuilles, suivant mes pas.

Quand j'ouïs le vol des Sylphes, aux Salamandres, je dressai un autel, loin des hommes impurs.

La nuit était claire sous les arbres. Tout semblait intemporel, loin des villes et des villages.

Les ronces s'écartaient sur mon passage, relevaient leurs dômes d'épines ombrées que ma peau léchait de douceur.

Y eut-il plus douce rencontre que les élémentaux en ce lieu,

soulevant la traîne de mon voile que l'invisible volonté enchantait ?

Les feuilles au sol se redressaient, savourant chaque aile des airs que l'esprit, encore, s'en souvient.

Au verger, j'ai rencontré une fleur. Une rose adossée à l'écorce frémissait aux branches écorcées.

Je l'ai vue enlaçant un cerisier quand les pétales des cerises sur mon épaule se sont posés dans l'arrondi des dessins vierges.

Au verger, j'ai rencontré une fée. La fée dansait autour de l'écorce. L'arbre amoureux la courtisait épousant le voile de lumière que sa chevelure d'or et de rubis aimait de tendresse parée d'amour.Au verger, j'ai rencontré un Sylphe. Le Sylphe se cachait au cœur de la rose, d'elle aimait le parfum de pourpre que l'air offrait en parure d'air. Pour un instant, la magie d'un être, d'un Sylphe, caché au clair d'une feuille me courtisait !

Dans le verger, il y avait un ruisseau, tout beau, tout doux, tout frais, qui coulait, roulait, ruisselait, sautait, ancré aux ombres des éclairs du matin, quand soudain les pétales d'eau sortirent du lit, du beau lit fait de noyaux de cerises.

Dans le ruisseau, j'ai vu une Ondine qui écrivait en lettres diamantées le plus beau des poèmes d'amour pour un noble chevalier de lumière, et sur son armure étincelante, déposa un baiser fait de péridot.

Le ciel s'invita à la belle fête où cerise, rose, ruisseau chantaient l'opéra du cœur pour un beau soleil paré de lys que la rose adorait comme une sœur qui n'a de cœur que pour l'étoile.

Dans le verger, sous le cerisier, se reposait une étoile saphir que l'amour chantait pour la vie, afin que l'amour devienne un rayon et que sa transparence soit un chemin, toujours délié, arrondi, courbé.

Je vis l'eau creuser un puits où puisait une ronde de fées, toutes voilées de rose, de parme, de garance à la nuit devenue soleil, que leurs soies endimanchaient de fragrance d'un feu géant qui aimait autant la nuit que le jour.

Je vis encore des petits êtres coiffés de petits chapeaux ronds s'embrasser sous les collines de pierreries.

Des émeraudes, que contenait un vase, brillaient dans une goutte débordant d'une fissure, de l'airain à l'or pur sous le feu du métal.

Un Ange descendit, émerveillé ; il prit de la rose le parfum de cerise qu'il déposa au pied d'un arbre vieux que la robe blanche épousa, sur l'autel des roses et des lys.

Il y déposa un épi de blé tout blond.

Je vis, là, une foule de blessures que la terre pleurait comme une enfant, ramassées par les belles ailes parfumées que les arbres accueillirent tendrement.

Au futur des vœux sages à venir que les cerises au blé offraient, je vis et vécus l'amour.

Au verger, dans le ruisseau, sur l'arbre écorcé, adossée, je vis descendre des nuées les pieds lavées par le sang :

Un Roi de la terre habillé de ronces que les mûres aimaient de passion, m'attendait.

Sous le beau cerisier, je vis la rose ; je vis le lys et le ruisseau se préparer, se toiletter pour le beau bal des fées que les étoiles adoraient, que les traînes des Ondines caressaient pour l'autel de nature que le Roi aimait.

Un nuage s'est levé sur l'horizon, m'a dit la pluie comme une chanson, puis m'a soulevée dans l'air du vide tel un papillon sorti de sa chrysalide.

J'ai entrevu une luciole au pré, assise sur la barrière du vent

que j'ai fleurie de vols en arpèges, loin des maisons, loin du village.

Un arbre a levé d'une graine et m'a dit le courage des branches à porter les fruits de la belle saison.

J'ai vu un abricot rond et doux épouser une framboise quand il chuta.

Au beau mariage, je me suis rendue, la robe rapportée dans un lien de soie, la chevelure couronnée de pistils.

Il y avait une bicyclette dans l'herbe que des Lutins usaient en escarpolette, le rire plein, les bouches framboisées et les mains agitant l'air du temps.

Là, encore, il y avait un foulard rouge, posé sur le grain des offrandes que la terre donne au beau juin.

Quand les Lutins tirèrent un fil d'or du bel œuvre qui chante la création, je vis des étoiles, des étoiles et des sourires.

Je regardai, émerveillée, le fil passion qui volait, dansait, sautait dans le pré.

Une table me fut dressée dans le pré que je fus seule à voir sous l'arc des cieux de sept couleurs.

Une belle nappe tissée de lumière, posée sur le châtaigner et l'ébène fut délicatement envolée sur le plat.

Il y avait du pain, de l'eau, et une grappe qui parlaient, racontaient, récitaient une belle histoire : l'histoire d'un Roi en majesté qui m'observait assise dans le pré.

Je vis une rivière et sa chaloupe sage. Je vis une pointe de lance acérée aux deux tranchants aiguisés, danser dans le vent et les embruns, dans l'océan des verdures de nature.

Deux chats jouaient dans la rivière avec les Elfes proches de la grotte que petit nain apprêtait d'ornements.

Un chat blanc, un chat noir, une rose rouge, jouaient au pré, près de la rivière qui était proche de la grotte.

Sous la table dressée des levains, sur le bois branchu des abricots protégés par les framboises, ils léchaient leur pelage pour adorer, adorer le fil de soie qui volait, tournoyait, chahutait, leur liberté toute lumière !

Un des chats vint porter une coupe.

Le vin turbulent aux arômes d'herbe et de cassis jouait avec la vague du temps.

L'arbre se fendit en deux.

Un Ent en sortit tout timide, cependant fort et sans peur.

Il avait comme une épée à la main qui fendait les âges pour les sages.

La nappe fut secouée. Une airelle tomba que l'Ent mangea, vivifié de tant de sève.

Je ne sus, qui de l'arbre ni du pré,

ni de la framboise ni du cassis,

ni de la lance dorée ni du fil de soie,

ni de l'escarpolette ni du vase,

ni de l'herbe ni des chats,

ni des fées ni des Dames

ni de l'arbre fendu, moins du roi

qui m'avait choisie pour voir tant de merveilles !

Un orage se leva sur le beau pré ; un orage qui emplissait l'éther.

Une averse gorgée de lumières se déversa sur la beauté des ailes que les fées prirent pour toute parure.

Je vis, là, miroiter mille lucioles sur le pré, tels des feux, jouant sur le dos des lucioles qui portaient une chaloupe :

une chaloupe et son berger porteur d'une crosse.

Le vent se leva sur le beau pré, sur la chaloupe et le berger,

sans toucher la crosse ni la main qui la tenait.

C'était, tout à la fois, un beau et terrible spectacle que la crosse qui maintenait debout le berger.

Jamais, je n'avais rien vu de semblable dans la nature, sous le chêne des lumières et des ombres.

Je demandai, implorante, la belle aide qu'offraient les Sylphes assis sur ma robe, les Rois et les Chevaliers postés à l'aube.

À l'aube des aurores, aux crépuscules des chevets, je vis l'Ent brandir son épée et fendre l'air des herbes folles, frappant l'insolence des ivraies.

Il se déplaça avec lenteur.

Sagesse, courtoisie et beauté.

Il ramassa au creux de son arbre l'élégance d'une fleur que d'abord, je ne reconnus pas : rouge et veloutée, suave et embaumée, épanouie et de parfum vêtue.

Je ne sus comment il la fit flotter dans l'air, si ce n'est que lorsqu'elle vint sur ma main, je sus qu'elle était la rose des roses de la vie.

J'en comptais alors sept, sans comprendre d'où elles venaient, regardant seulement la belle danse autour de son bois.

Les fées dans le beau pré se reposaient.

Les lucioles portaient toujours la chaloupe.

Le pré continuait à se parer de leur lumière, pendant que l'Ent sculptait une nouvelle crosse qui remplacerait l'ancienne, qui avait bien vieillie.

Il m'avait chuchoté à l'oreille qu'elle m'appartiendrait si je la voulais prendre de sa main, du beau Roi qui me l'offrait.

Un parfum de vent éclaira ma nuit.

Un torrent de larmes surgit de je ne sais où.

Une cascade naquit d'une grotte.

Je vis une Dame bleue au sommet, voilée d'une belle coiffe d'un bleu sombre qu'un deuil affligeait.

Deux géants l'accompagnaient.

La cascade surgit de la pierre que la terre aux gnomes ravivait.

Les Sylphes revinrent, sautillant dans le pré, et vinrent me prévenir d'un terrible danger qui, lentement, arrivait, furtif comme un éclair.

Je vis les brins d'herbe frémir de beaucoup d'audace.

Un long ruban vert glissait, relevant parfois un de ses fils, glissait à nouveau le long des brins, avant qu'il n’achève son chemin au pied d'un arbre, et quel arbre !

Un cerisier en fleurs !

Roses et Roi, roses et lys plièrent, se courbèrent vers ma robe pour m'élever vers un arc-en-ciel de toutes les couleurs, vers un soleil tissé d'espace dans lequel belles âmes pures, beauté des Anges et des Chérubins, sagesse d'éternelles créations me racontèrent la beauté du silence.

Le long ruban vert dressa sa lumière.

Il espérait un pont que les hommes pouvaient édifier, pourvu qu'on lui donnât d'abord la main, la pensée transformée en sagesse.

C'est alors que la lumière d'amour écarta la peur, m'offrant sa nouvelle crosse.

Je vis la table dressée revenir sur le beau pré.

Il y avait toujours l'eau, le pain et le beau vase érigés sur la belle nappe posée sur l'herbe.

Comment l'autel divin se leva-t-il au-dessus du pré, je ne le sus, mais l'Ent voulut que je mange.

Émerveillée de tant de gratitude, je ne pus manger à la table du Roi sans avoir pris, avant, la crosse de sa main, ni avoir bu dans sa coupe le jus du cassis que les framboises et la vigne m'offraient.

Je ne pus aller me reposer, déjà reposée de nature. L'Ent m'avait portée sur son dos pour que je ne tangue pas dans la chaloupe. Il y avait là un mystère, un mystère du magistère qui m'attendait.

Je regardai la belle crosse, toute de diamant taillée, à la pointe effilée, aux volutes d'encens, qui attendait dans les airs que je la pris.

À peine approchai-je ma main qu'elle tournoya dans le vaste ciel enluminé d'or.

Un feu fait de flammes vives, comme venant de ma pensée

Et aussi de l'éther terrestre, ceignit ma taille et arrosa mes pieds.

Quelle étrangeté que ce feu m'embrasant l'Esprit, tout de fraîcheur couronné, qui scandait mon prénom !

De l'eau abreuvant le beau pré sortaient des flammes.

Les Salamandres cessèrent un instant de voler pour adorer l'instant et le Roi qui le fit naître, respectant l'eau du beau puits.

Je vis encore se transformer le long ruban vert qui devint jaune, semblable à de la lumière.

Il monta si haut, si haut, que je dus avec force et volonté, continuer à regarder la source et la crosse dans les belles flammes.

Le beau ruban devenu lumière s'assit à côté du Roi et de son chevalier.

Ils étaient si pareils que mon esprit fut confus un moment sans que son temps éphémère ne dérangea ma pensée.

De l'un émanait l'amour, de l'autre, le froid de l'hiver.

C'est à cause de leur différence que je sus qui chacun était.

Le Roi déposa l'épée de l'Ent au côté de la crosse qui toujours dansait dans l'éther.

Son beau chevalier au regard grave, tout à la fois servi de conscience, s'approcha de moi dans un battement d'aile si rapide que je n'eus pas le temps, le temps et la conscience de saisir la crosse. Je sus alors qu'il me faudrait beaucoup d'eau et de flammes pour m'approprier le beau feu que les Salamandres conservaient dans leur sanctuaire créé de rosiers que leur volonté exigeait de liberté.

Quel ne fut pas mon émerveillement quand je vis danser tous les êtres unis dans une même volonté sur le beau pré devenu un vaste vase !

Ils touchaient la crosse avec une facilité qui m'était étrange de savoir faire.

Moi, qui ne pouvais la saisir, autant dans l'attente que dans les manques, je regardai, étonnée, le beau bijou que les êtres de la terre s'appropriaient, le rictus taquin.

Ils chantaient, tous, si fort qu'il était impossible que les hommes ne les entendissent pas !

Et pourtant !

Les hommes étaient aussi sourds que leurs vues étaient défaillantes !

J'étais seule à les voir se miroiter dans le lit de noyaux de la rivière que la chaloupe et son être contenu connaissaient de connivences.

Jamais, je n'entendis plus beau chant que leur hymne créé pour le beau Roi.

Pourquoi advint-il à ce moment la venue d'une étrange ombre que l'Ent contrecarra, s'arquant tout devant, sans courber le tronc, la crosse récupérée ?

L'ombre tenait à reprendre les perles que la rivière façonnait, qui étaient dans la chaloupe, portées par une invisible défunte, et la crosse que l'Ent tenait.

Le lit de nature esquiva de l'ombre, un coup, puis un second, assénés avec force.

L'Ent me tendit la crosse sans qu'encore, je ne pus la saisir.

L'ombre revint, plus téméraire, plus agacée, follement fâchée, que les fées s'éloignèrent, que les Sylphes frémirent, que les Ondines ruisselèrent !

La chaloupe sur l'eau fendit l'air comme une barque envolée que le Roi voulut de sauvetage, chassant les brumes du rivage, offrant un thé à la rose sur sa belle table, le bel autel !

Des pétales par milliers voltigeaient autour des nuages qui absorbaient l'ombre et les perles de nacre, les perles de nacre et le feu.

Couchée à l'heure du soleil levant, je vis poindre visages d'hommes mal intentionnés, menteurs et pervers, m'ayant fait croire à une fausse image de l'amour, qui changeait sa forme et son âge, m'espérant dans la belle bascule des ombres des sombres destins. Forte et avertie, je les fis reculer. Ce ne fut pas sans perdre des hommes de peu de foi, la confiance par la lumière froide dans l'ombre épaisse.

Que de nains offensants à la beauté de leur peuple se servent d'esprit pour voir chuter l'Esprit !

J'en rencontrai quelques-uns dans le beau pré, qui d'assurance, secouaient sa nappe.

La crosse apparut au coté de la lance qu'une fée tenait de ses deux mains, suspendue dans l'air du temps.

Je compris que l'heure était venue pour regarder du Roi, les armes comme des armes de justice, c'est-à-dire l'Amour.

La crosse enlaça l'épée et l'épée fut forgée devant moi.

Double et acérée, le profil plein, elle coupa les têtes des iniquités qui rôdaient autour du pré, du pré et de la chaloupe, du pré et de la rivière, des framboises et des cassis, des roses et des lys, devant les kyrielles de pétales qui toujours dansaient dans l'air, autour du bois vivant de l'Ent.

J'osai enfin avancer ma main vers la crosse qui se laissa saisir. Le berger me l'offrit après l'avoir multipliée pour m'en offrir une.

Il me dit : « Il y a autant de crosses en ce monde que la nature et ses êtres choisissent aux volontés des pétales et des pistils que le roi aime pour ses fleurs en son jardin de soleil, pourvu que les âmes soient pures.

Mais il n'y a qu'une épée que l'univers pointe vers le bas et une seule érigée vers les hauteurs ! Les épées forgées sont les sœurs de la grande épée du monde que le Roi offre aux fées habillées de robes blanches ceinturées de cerises. L'une d'elle fut forgée pour toi. Va l'annoncer à la forêt ! »

C'est ainsi qu'au premier soir, je m'endormis sans dormir, le cœur léger, la peine tombée sur la terre, volant haut, haut dans l'éther du monde.

II

J'eus alors faim comme jamais, qu'aucun mets de nature ne me rassasièrent !

Assoiffée au point de n'être assez abreuvée, pourtant le verre plein que je buvais, j'emplis inlassablement à la fontaine des cœurs bien nés, à l'esprit des Dieux m'aimant que jamais je ne remerciai assez, mon verre.

Je revis l'eau descendre de la grotte, baigner mes pieds.

Comme était agréable cette sensation de fraîcheur !

Je la vivais comme d'une immersion dans les enluminures de nature.

Assise à la belle table dressée que tous les êtres célestes ornaient, je pouvais manger sans compter, revêtue d'une gratitude toute nouvelle.

Le long ruban vert et l'ombre s'assirent chacun à mes cotés, arguant, l'un et l'autre, d'autres mets plus copieux, plus savoureux, que je pouvais de ma volonté et de ma liberté choisir, et que je regardai comme autant de possibles.

Alors je vis la table dressée reculer et ses mets se raréfier.

J'eus froid.

J'eus faim davantage.

Je ne sus plus quel aliment prendre.

Quand une rose tournoya dans l'air des vents que caresse la liberté, elle me dit : « Prends de moi un seul pétale et je t'élirai cœur en mon cœur aimant. »

 

Le soleil se leva si haut que je connus une chaleur intense ; l'ombre alors me dit : « Abrite-toi sous mon manteau pour que je te rafraîchisse d'une autre fraîcheur qui te ravigotera d'un tout autre possible, que plus jamais, tu ne sentiras la faim ni la soif ! Viens à moi ! »

Le long ruban vert dit : « Je te donne ma sagesse si, de moi, tu aimes ma lumière, celle qui ne te brûlera jamais ni jamais ne te réchauffera ; je suis préférable à l'ombre qui point ne t'aime et t'attend pour te pétrifier, le soleil loin de ton regard ! »

L'un et l'autre me regardèrent tour à tour, me faisant défi pour qu'au soleil, je m'éteigne, de famine devenue, de soif inextinguible atterrée, afin que je meurs à moi-même.

Je vis la lance et l'épée revenir, l'une à ma droite, l'autre à ma gauche, pendant que la table dressée demeurait en arrière, suspendue haut dans le ciel, loin des arbres que pourtant, elle aimait ; loin, des élémentaux qui, pourtant, la servaient, loin des famines qui n'ont vu que l'airain des plats.

Le soleil brillait entre la lance et l'épée.

Vis-je, dans l'ombre épaisse éclairée de la fausse lumière du long ruban vert, plus grande volonté secourable, que la belle arme qui vint à moi parée d'Amour m'enseignait pour que je ne les confondis jamais.

L'une revêtue d'une robe bleue, l'autre d'une robe rouge me regardaient d'un œil sévère, que j'eus honte d'avoir épousé l'ombre et le ruban quelques instants dans ma vie.

La table dressée se rapprocha, s'ornant à nouveau de la rose, de la cerise et de la vigne.

Autour, chantaient les Ondines à la grâce de l'eau, les Sylphes à l'envol des airs, et les Salamandres, brûlant de mille feux.

Les Anges, si blancs d'amour, qui habitent les nuages, les Chérubins, les Séraphins et les Trônes, riches d'ailes de lumière pure aux mille yeux qui ceignent le monde, à l'amour si pur, que leurs frémissements à la table dressée bénissent de toute gloire, chantaient également.

L'ombre en fut si chagrinée, si fortement agacée, qu'elle sortit des grottes sombres, une hache à la main, me demandant de lui briser ses chaînes pour une nouvelle volonté des Dieux que, pourtant, je n'avais d'aucun livres connue ni de ma pensée reconnue.

Fut-il un doute, un instant, dans mon éternité, que je demandai à la table dressée, à nouveau en recul, quelle était sa volonté. Elle ne répondit pas. Puis, après un long silence affirma : Sois libre, bel enfant !

Je vis alors un fait étrange : La table dressée reculait chaque fois que l'ombre approchait, avançait chaque fois que l'ombre reculait, et restait immobile chaque fois que le ruban vert venait.

Je vis encore, quand l'ombre approchait, la lance et l'épée au-dessus de ma pensée.

Fendant l'air des temps qui ont fait de moi ma Genèse, l'épée s'approcha à nouveau et me dit : Quel que soit mon approche où mon éloignement, il te faudra me saisir, car je n'ai d'existence que dans le geste humain qui m'adoube au chant du soleil et de sa lumière pensée offerte. C'est de ta faim et de ta soif que je m'approcherai lentement. Il ne te suffit pas seulement de me toucher !

Sept beaux chats s'approchèrent venus du haut des sphères, immobilisant un ruban vert dans la bouche qu'ils maîtrisaient.

Sept chevaux ailés montés des plus beaux chevaliers armurés d'un bleu rutilant au soleil levant hennirent autour de la table dressée.

Sept oiseaux prirent la traîne de la nappe que leur vol tenait en grâce, picorant sur la table le pain, buvant à la coupe d'or céleste.

Douze étoiles apparurent, épousant la table dressée, toutes ornées d'un voile de mariée, toutes alliancées du plus bel anneau qui du Rhin s'était transfiguré, devenant ainsi tous les fleuves du monde.

Je sus que je ne devais pas saisir la hache, mais la lance au scintillement si grand, la lance au bel éclat des merveilles, pour le vase serti d'émeraudes.

L'ombre recula à nouveau, effrayée par la lumière, effrayée par la libre décision.

Alors, sous l'arbre, et toujours assise dans le beau pré, toujours environnée d'Elfes, toujours aimée de l'Ent, qui avait commandé son armée pour venir m'honorer, je vis foule d'Ents venir caresser ma volonté en mes rides prenant leur chemin.

« De l'éther, nous sommes. À ton éther, nous voulons apprendre l'amour, cet aimé besoin au soleil levé, courbés vers la table pour sa lumière éclatante que nous nourrissons de mets.

Prends l'épée !

Point pour nous fendre, mais pour nous élever dans le bel astral qu'oiseaux, chats et chevaux, aigles, taureaux, lions quémandent d'humanité. »

Fatiguée, je ne parvenais plus à rester en éveil.

Je me vis soulevée ; de mon corps m'absenter, maintenue par l'Ange qui est mon gardien.

Il posa tout alentour ses ailes en demeure de me garder.

Je volais !

Je venais de prendre mon premier envol.

À la table de l’en haut, je me suis assise, toute chargée de fruits que nulle part sur terre je n'avais vus, pas même sur la table dressée de l'en bas !

Je voyageai de la lune au soleil, en passant par Mercure et Vénus. Puis, approchant le Soleil, enfin ! je traversais Mars, Jupiter, et Saturne, avant de redescendre doucement, sans être pressée, tellement bercée par l'univers.

Que vis-je donc, cernée d'astres, accueillie par les étoiles ?

La table était portée par une symphonie.

Des sphères éclatantes la servaient.

Et, oh ! merveille ! J'étais à nouveau invitée.

Je vis d'anciens mets savourés ainsi que d'anciens breuvages bus.

Ainsi, avais-je donc moi-même tout préparé à cette belle table ! Ainsi, avais-je contribué à mes mises en bouche !

Je compris mieux pourquoi j'avais pu la voir avancer et reculer, selon que le ruban vert et l'ombre m'entouraient de dispositions, bien étrangers aux beaux astres !

Tout ce que j'avais décidé d'y poser était, là, dans la beauté du temps !

Je vis descendre la table d'or céleste qui n'était pas encore la mienne et qui m'attendait revêtue de tant d'amour que je la saluais de mon amour devenu aussi grand que le sien, un instant. Ébahie, je regardai, tout autour, dans l'espace de sa profondeur, sa joie, son espace et sa lumière.

Je vis Vénus réparer la pointe de ma lance que j'avais émoussée d'usure sans y avoir fait vraiment attention.

Tout n'était pas vraiment beau et m'arrachait parfois quelques larmes, quelques cris, quelques rires aussi.

Le pire fut de revoir la rose à laquelle j'avais arraché un pétale pour un jour le piétiner. Oh ! Certes, ce ne fut pas souvent ! Mais quand même ! J'eus très mal.

Comment avais-je pu ainsi froisser un pétale, consciente de le faire et pourtant bien honteuse, simultanément ?

Je vis sur Mercure les actes moraux qui avaient été les miens et tout l'amour en mon cœur plein qui n'avait cessé de croître. Savais-je déjà tant aimer, le monde et la rose, les enfants de la terre et leur nature ? Mercure me répondit que oui. Mercure cria : “Quelle superbe progression ! Continue ! Ne lâche jamais prise ! ” C'est ce que je vis.

Je courbai la tête sous les étoiles, pour remercier ma table

qui, de tant de beaux fruits, s'était embellie.

L'autre table vint se servir sur la mienne et prit pour elle l'amour en grappes de rayons solaires pour orner sa coupe d'or céleste. Je dis simplement l'air mutin : Cadeau ! 

Combien triste, je fus, un instant, de voir tant d'âmes endormies sur mon passage !

Même parmi les âmes que j'avais fréquentées sur terre, j'en vis beaucoup d'assoupies ou profondément endormies, soutenues par le voile des profondeurs bleues.

Je passai, ne m'attardant pas, ayant vu de moi ce que j'avais ancré pour Mercure et agrémenté sur la belle table.

Je me rendis ensuite du côté de Vénus, si petite et si seule parmi tant d'autres êtres endormis.

Presque tout le monde dormait, là, tous ceux qui avaient négativé la beauté des chants aux sept toitures du monde ! Tous ceux qui n'avaient pas compris le sens du verbe relier !

Mon bel ami dormait, là aussi, comme un bébé attendant sa mère, une belle Suzelle qu'un renard amoureux charmait ! Je fus triste, un peu, me disant que j'attendrai autour du soleil, qu'il se réveillât pour venir enfin me rejoindre.

Mon père me tendit la main. Ma mère me reçut contre son sein. Lui, l'amoureux des différences ; elle, l'amie de Michaël, qui, de lui, avaient vu l'armure bleue.

Comme je me sentais bien, volant entre eux tous !

Je ne fus plus certaine de vouloir encore dormir. Je découvrais mon appartenance à l'espace de la table, aux hauteurs des génies élémentaires, aux beautés des âmes animales, à la splendeur des fleurs et des parfums, à la beauté du minéral, à l'écoute de la musique.

Puis, je regardai du côté du soleil. Là, deux êtres de lumière m'attendaient. Si beaux ! Si majestueux ! se tenant la main. Ils me dirent : « Qui suis-je ? Peux-tu nous nommer ? »

Je les regardai, éblouie, avant de leur répondre.

Je sentis un moment mes paupières s'alourdirent. J'écarquillai, grands, les yeux, les frottant avec un pan de voile bleu qui me berçait dans l'azur comme pour me dire : « Qui as-tu vu sous mon pied ? »

Je frottai tant mes yeux, scrutant ma mémoire, que je la vis sortir mon souvenir noué dans sa ceinture et à ma table dressée, s’asseoir.

Quand les deux lâchèrent ma main, je pus revoir dans l'un des êtres de lumière, la beauté du froid de l'hiver. Et dans le second, je découvris pour la première fois la chaleur de l'été.

Les deux étaient vêtus d'une robe ample jaune, tellement se ressemblant que j'en fus étonnée et remuée. Je les avais déjà vus, mais il me fallut bien les reconnaître sans failles.

De l'un, sortaient deux couronnes, tellement grandes que je sus qu'il était le Roi de l'univers. Je ne vis que de l'amour resplendir de sa face, lequel me ceignit l'âme et l'esprit au point que je vis mon esprit avisé descendre pour me couvrir.

De l'autre n'émanaient que la beauté et le froid. Je ne vis aucune couronne bien qu'il fût roi.

De l'un, l'amour dressait ma table et de l'autre naquit l'image d'un long ruban vert glissant dans le pré, que sur terre, j'avais déjà vu.

Au Roi que je reconnus, je dis : Tu es. À l'autre, je dis : Tu seras ! Je vis la lance et l'épée arriver, me servant. Je pus ainsi continuer mon chemin entre les astres.

C'était leur nom :

Je suis ;

Tu seras.

J'arrivai sur Mars. J'eus un peu froid. J'eus un peu peur lorsque je vis un visage joufflu m'accueillir et me présenter ses joues pour un baiser tendre, aux célestes armées, aux armées d'anges.

J'entendis, là, puissamment, l'orchestre des chants que tout l'univers chantait, que mon bel ami qui allait me rejoindre prenait en son bagage pour redescendre sur terre, tous deux enfin réveillés de ce si long parcours d'étoiles, au Roi aimé que nous avions chacun reconnu, éveillés que nous étions devenus, lui et moi.

Parvenue sur Jupiter, je dansai autour du bel astre. J'en aimais sa sagesse. Aux flots du feu m'entourant, je pris de lui, le bel arc qui tend sa corde avec force et remerciement, puis les flèches qui piquent les inconstances.

Il mit dans mon baluchon une lampe, de l'huile, du sel, pour que j'allume son feu et le maîtrise à volonté ainsi qu'un éteignoir.

Il me dit : Tu te réveilleras la flamme au cœur, l'amour soumis, et de la soumission, tu devras t'affranchir, brandissant la flamme des libertés pour n'en choisir qu'une que mes flèches lancées t'indiqueront, afin de t'orner de la plus belle :

La liberté que tu auras faite tienne. J'adoucirai la portée de mon feu, quand de moi, tu auras épousé ma sagesse !

Sur Saturne, je m'assoupis un peu, puis je m'endormis. Il fallait bien me reposer un peu ! Je pris surtout le passé qui éclaire l'avenir.

Le bel ami embrassa le bel astre et en fit son ami premier.

C'est alors que je le revis en pleine lumière, l'étreignant fort contre moi, l'aimant aussi vaste que le peu l'amour dans les bras du Roi.

Lui et moi dansions parmi les étoiles, affamés autour de la belle table.

« Réveillons-nous ensemble à la terre ! me dit-il. Que notre somnolence s'achève ! »

Je dus redescendre vers l'astre terrestre qu'hier, j'avais quitté. Il me fallait bien retourner au beau pré, manger à la table si je le pouvais enfin !

J'avais considérablemen vieilli. J'étais portée par tous les astres et planètes de l'univers, déposée par la lune.

Beaucoup de monde dans le ciel pleurait autour de moi, tristes de me voir les quitter comme si le jour de ma mort était venu, saluant de leurs mains tremblantes mon beau départ du vaste ciel, et ma belle arrivée sur la terre des océans. Ne ferme pas la porte ! dirent-ils en chœur. Ne nous oublie pas et demande-nous de l'aide à tes heures difficiles ! Si tu nous oublies, là, sera la mort, un instant dans l'éternité.

J'eus beaucoup de mal à revenir. Quitter un si bel espace n'est pas facile, mais comme rien ne peut s'amender sans la terre, je décidai, volontairement, de m'unir à nouveau à son être.

Le beau pré m'attendait déjà au plus jeune âge que je fis de sagesse. Je me souvenais du bel envol et des astres m'ayant accueillie.

 

III

 

C'est, assurée, que je refis mes premiers pas, baisant les joues de ma mère et de mon père si aimants à mon égard.

Je partis jouer dans le beau pré.

Mon père me dit : viens ! Il y a là une très belle table que j'ai vue et que tu dois m'offrir ! J'ai apporté quelques mets pour toi, mais... ta mère surtout t'offrira le plus délicieux d'entre tous, la table servie en ta chambrée, celle qui te fera aller au pré, consciemment. Ne lui en veux jamais ! C'est écrit ! Elle t’enfermera pour que l’ombre t’apporte la lumière.

Pendant que je jouai dans le beau pré, mon bel ami me regardait, prêt à venir me rejoindre. Il dit : il y a sept chevaux à monter sur cette terre que nous devrons partager. Pour cela, il nous faudra nous mesurer. Toi au long ruban vert, moi à l'ombre ténébreuse ! Quel cheval, prendras-tu pour affronter ces deux diables ?

Je répondis : je crois que je vais m'approprier le tien ! Tu as de l'intelligence, la perception des concepts ; j'ai, du mien, l'intelligence du cœur, qu'il nous faudra nous féconder ! C'est ainsi que je me réveillai pleinement, un enfant dans les bras. Je n'étais plus seule autour de la table dressée.

J'avais nouvelle mère, nouveau père, une sœur malade, deux frères étranges, enfants nouveaux et mon bel ami si doux à mon âme que mon esprit les adora tous, malgré les défaillances.

Les Ents saluèrent mon retour.

Les nains avaient nettoyé ma terre, tout cela pendant l'hiver.

Les fées avaient fait refleurir les cerises.

Les Ondines avaient rafraîchi les pétales.

Les Salamandres avaient donné de nouvelles roses au beau printemps et au bel été qui m'aimaient.

Le long ruban vert continuait de glisser dans l'herbe, parfois accrochant des fils de soie aux branches des arbres. L'ombre rôdait sans que la lumière ne la réchauffe, tellement assoiffée d'ombre qu'au centre de la terre, elle vivait.

Depuis mon précédent séjour sur terre, elle avait un peu changé.

Elle n'était plus libre dans le ciel, mais enchaînée par de très lourdes chaînes au centre de la terre qui, lorsqu'elles s'agitaient, la faisaient trembler au point de créer des raz-de-marée et divers désastres. Elle attendait son heure.

Je compris pourquoi elle m'avait montré sa hache, tout en sachant que point, il ne fallait la libérer. D'ailleurs, qui du beau voile bleu le souhaitait à cette heure ? Aucun !

Le ciel était d'un bleu si vaste que je sus pourquoi il était bleu,le jour comme la nuit.

Il était le beau voile des étoiles qui m'avait reçue dans mon voyage, couronnant le plus beau des Rois.

Le Roi des astres, de l'univers et de la terre, au soleil radieux, à l'amour si chaud, que les cœurs aimants ressentent de plénitude, d'envol à la table dressée, à la lance à nouveau aiguisée, à l'épée rutilante, pour les planètes non nommées : Jupiter s'enfantant, Vénus encore non née, Vulcain qui n'a pas son semblable, apparurent à mon regard.

Je levai mes mains, presque avide de manger à la table, parce que la faim et la soif me saisirent si fort qu'il me fallut me rassasier, aux plus beaux des fruits qu'est le raisin, aux plus beaux des grains qu'est le blé, que tous les peuples aiment parce que tous, ils nourrissent, depuis que la terre est née. Je sus alors que j'avais repris de Vénus la loyauté envers les êtres qui se lient et se relient.

Mon amour grandit tant et plus, fort et agissant, que je sus que de Mercure, j'avais endossé pour toujours la plus belle des parures, et qu'au soleil, j'avais tant dansé en son cœur de lumière, parmi tant d'êtres sans souillure, que je gardais encore sa pureté.

Je demeurai sur terre dans le soleil qui, sur le beau pré, inondait de ses bienfaisances mes nourritures terrestres qui se mariaient avec les siennes.

J'étais légère comme un oiseau en plein vol.

J'étais ourlée de la plus belle robe, jaune, rouge, bleue, à la trame tissée d'or. De ma robe, apparurent sept pans de soie bleue, et douze étoiles tissées sur chaque pan. Je dansai dans l'air, accueillie par les Ents qui des étoiles reçurent leur sève.

Parfois, vis-je un arbre grimacer que je sus que son Ent voulait en sortir, encore prisonnier de mon plein envol à venir.

Ma vie au pré s'écoulait dans la grâce et la beauté devant la table. Parfois, les larmes et la peur, face à l'ombre brandissant sa hache, m'accaparaient.

Ma joie devant le ruban vert qui s'effaçait et continuait sa course dans les herbes, loin de mes pas, fut d'une intense émotion.

La gratitude devant la crosse, la liberté, enfin montée dans la chaloupe, la pitié et la compassion devant la lance, l'aimer à toutes les boutures de l'épée qui taillait les rosiers, la piété devant le vase de la terre que je foulais maintenant avec légèreté, me fit la diligente de l'aimer à l'Amour qui se montra à moi.

Alors l'ombre recula après s'être grandie démesurément pour m'effrayer, m'appelant de toute sa puissance sans que je tombe après un grand moment d'effroi qui m'avait couchée des heures durant !

Le ruban vert commença à tisser une écharpe qui, des couleurs de l'arc-en-ciel vers l'or transformé, m'offrit pour ma liberté, la conscience. Je m'habillai de blanc.

Je m'assis sous l'arbre que l'Ent aimait, l'arbre des origines aux beaux pétales de cerises qui m'avait déjà tant nourrie, tant abreuvée, de jour comme de nuit. La chaloupe venait de m'y déposer pour que j'achève ma tâche. Le soleil brillait haut, éclairant les étoiles que je voyais, malgré l'absence de la nuit.

Quel ne fut pas mon étonnement d'être éclairée d'étoiles sous le soleil ! Les astres apparurent, parés de soleil qu'en plein jour aussi, je voyais. Tout est, à tous moments, du visible à l'invisible, de l'invisible au visible, semblable ; ce qui est caché est.

Une fée me dit : les hommes croient que les étoiles cachées cessent d'exister à l'aurore venue et pourtant à la nuit revenue, tous les voient, pourvu que leurs yeux se lèvent nuit et jour et au lever du regard puissent-ils croire que l'invisible devient le visible en toutes choses !

Éblouie devant tant de merveilles suspendues que l'espace témoigne, je revins vers la chaloupe.

Quelques gouttes d'une eau vive descendirent me laver le visage. Souvent, je les sentis me baigner sans que le ciel ne pleure, lorsque j'étais contraire à l'idéal, lorsque ma pensée s'anoblissait. Il m'appartenait de faire la différence, pour comprendre.

Suivie d'un beau feu, tout de flammes rougeoyantes qui ceignirent mes mains jusqu'au cœur, je regardai pareil à un enfant le beau cerné de bonté, en cet instant d'épousailles avec l'eau et le feu. Quand tombèrent quelques gouttes d'une précieuse sève, conservée depuis ma nuit des temps, je sus que les Anges aquarellaient la table dressée sur mon front perlé d'un beau rouge garance. L'Ent baissa ses branches pour cueillir les beaux fruits dont les cerises bien mûres ; il emplit un panier qu'il déposa à ses pieds, dans l'eau bien fraîche qui les baignait pendant que les flammes dansaient sur le pré.

Je vis, le jour et la nuit s'enlacer, la lune épouser le soleil, des étoiles naître du soleil, que chacune d'elles contenait de mes pensées. C'est alors que je revis la table dressée réapparaître, vers moi venir, éclaboussée de lumière.

Fus-je aveuglée à nouveau un instant ? Point ! Mes yeux étaient libres, libres de tant de lumière dans laquelle aimait l'Amour qui m'embrassait, me ceinturait, me réchauffait, me berçait, me reposait, me posait, m'enseignait, semblable à sa lumière, pareille à son amour.

Elle avait sur sa nappe, déposé : ma lance, mon épée, ma crosse, mes cerises, mes roses, aidée des Anges et des Archanges, des Archées, et de toutes les hiérarchies célestes, ainsi que de tous les élémentaires qui s'étaient parés de soierie et de satin, et encore de velours, pour mes épousailles avec la table. L'Ent me demanda si j'étais prête à savourer de la table dressée, ses mets. Les fées jouaient. Les Gnomes osèrent sortir pour regarder. Les Sylphes et les Salamandres tournoyaient dans les airs, créant une farandole, riche de rubans arc-en-ciel, virevoltants au gré du rythme des étoiles. C'est tout l'univers qui s'était invité à ce repas.

Les arbres jouèrent de la contrebasse avec les Gnomes jouant de la grosse caisse ; les branches jouèrent du hautbois avec les Sylphes jouant de la flûte, du pipeau et du fifre, pendant que les feuilles harmonisaient leurs violons. Les Elfes prirent leurs lyres et leurs cloches, accordant leur diapason avec les Salamandres au La-cosmique. Au Mi-cosmique, s'accordèrent les Ondines avec leurs clarinettes. Ce furent tous les cuivres, les bois, les percussions et les cordes qui jouèrent leurs beaux accords pour le plus beau des mariages.

Pendant cette longue préparation festive, le long ruban vert soufflait dans son clairon, et l'ombre tapait de son marteau sur l'enclume, sur ses chaînes empesées, désespéré de ce repas auquel il n'était pas invité.

La table s'avança devant moi et pour la première fois se posa sur le beau pré, ornée des gouttes de cerise et des perles d'eau, éclairé des flammes vives en plein soleil. La lune s'était retirée, discrète, masquant de sa lumière une sphère sans nom, tant elle était sombre et accablée par ce mariage de lumière contraire à sa destinée d'ombre éternelle !

Je levai les mains vers la lune pour la remercier d'un grand coup de paume de la main, balayant l'air qui la suspendait, de m'avoir montré ce qu'elle cachait d'ignoble : la mort dont nul ne revient s'il n'a pas trouvé la lumière et l'amour.

« Que prendras-tu pour te rassasier ? » dit la table dressée.

- Un vase pour boire l'eau qui baigne mes pieds. La lance pour briser l'enclume sans briser sa chaîne au centre de la terre, l'épée pour multiplier les flammes, la crosse pour ne jamais faiblir. » répondis-je.

« Et les mets, ici déposés ? » demanda la table dressée.

- Je les porte dans la chaloupe pour te les redonner en beau remerciement que je te dois, quand mon doigt, tu auras alliancé. Je mangerai et boirai avec les êtres de nature dans la coupole d'or sise sur la montagne céleste, quand libérés, ils réclameront mon alliance.

- Qui suis-je ? demanda encore la table dressée.

- Tu es l'Amour qui m'a traversé le cœur, quand de ta lance j'ai vu la rivière couler sur la terre, quand de ta crosse, j'ai vu mon si long chemin, quand de ton épée, j'ai su que tu me l'avais confiée. Tu es celle qui est de toute éternité, hier, aujourd'hui et demain. Tu es le « Je suis », le levain de mon pain, le levain de l'Humain.Tu m'as tant parée de cerises à mon front, de perles de nacre à ma chaloupe en cristal, de gouttes de pluie chaque fois que j'avais soif, d'entraide par tes soldats aux épées multipliées, de mûres quand j'avais faim, d'étoiles et de saisons, d'astres et de vêtements, pauvres comme riches, à mes chants terrestres et solaires, à mes cantiques lunaires, que je te dois une nappe imprimée de mes douleurs et de mon amour. Je t'aime ô, mon Roi ! Tu es celui qui fut, est et sera, sur tous les prés de la terre.

L'Ent rentra dans son arbre, humble devant la table dressée.

Il prit de mes mains la lance et avec moi fracassa l'enclume pour que l'ombre point n'use, dessus, ses chaînes.

Le ciel ruisselait de lumière.

Le grand voile bleu se libéra du temps, volant dans mon immensité, prenant de mes mains le beau vase emplit de sagesse que j'avais bien voulu voir, remplir de mes peines pour aimer et devenir celles d'autres. Toutes les fleurs, les fruits du monde, tous les arbres, les brins d'herbe, les arbustes et les végétaux libérèrent leur être élémentaire parce que j’avais beaucoup aimé.

Je devins une rose, la rose du Roi.

Ainsi, le mariage fut consommé.

 

Publié en auto-édition

 

 

 

 

 

Lilie, Amaury et Jean.

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Une belle histoire.

N’en doutez pas !

Toutes illustrations du site : https://lexica.art/?q=fireflies

 

Trois amis se promenaient.

Leurs prénoms étaient Lilie, Amaury et Jean.

Lilie invita Jean à aller chez un de ses amis, Amaury, vivant à Paimpont à proximité de la forêt de Brocéliande. C’est lors de ce court séjour que Jean vécut une rencontre merveilleuse, une rencontre spirituelle, de celles auxquelles on ne s’attend pas, de celles qui sont des cadeaux de la vie, de la Nature, de celles encore qui réconfortent l’âme lors de lourdes peines. Les chagrins, Jean les empilait comme un mille-feuilles, image qu’il donnait à son karma et aussi de ses sacrifices volontaires. Las, si las parfois.

Lilie, aussi.

D'un mille-feuille pensé, Jean allait rencontrer mille feuilles, mais pas de ces mille-feuilles auxquels il avait pensés ! soit la pâtisserie qui lui servait d’image pour dire ses maux. Il utilisait quelquefois le mot de gratte-ciel qui lui semblait plus juste pour dire : « Ça suffit ! Je n’en peux plus. Vous me surestimez…! Tant de douleurs ! »

C’est ainsi que, de temps à autre, d’une pensée, la nature veut nous surprendre et en cela Jean l’apprit grâce à Brocéliande : Brocéliande, cette femme-forêt que l’on dit féerique qui nous appelle, nous emprisonne ou nous libère, nous invite et nous garde, nous aime ou ne nous aime pas, nous offre des présents ou nous fait des croche-pieds. Il le vécut. C’était bien réel. Les légendes de Brocéliande n’étaient donc pas des légendes. Jean allait le vivre de façon incroyable.

C’était par une nuit froide de la fin de l’automne en 2005, une nuit pleine, que la nature se montra au regard de Jean. Tous les trois ne voyaient pas même la lune qui n’en était qu’à un timide quartier. Ils étaient partis lors de l’après-midi pour une belle promenade en cette forêt, laquelle promenade s’éternisa des heures. Amaury connaissait Brocéliande comme s’il en était un hôte permanent doué de complicités. Il en connaissait chaque chemin au point qu’il pouvait choisir lequel prendre sans jamais se tromper, même dans la nuit noire. Lilie savait qu'elle pouvait faire confiance à Amaury ; elle l’avait affirmé à Jean ; Jean avait donc confiance ; il ne doutait pas de la parole de sa belle Lilie. Jean se laissa donc guider, sans crainte.

Lorsqu’ils entrèrent dans la forêt, une branche de houx tomba aux pieds de Jean. Interloqué, il demanda à Amaury d’où elle avait pu venir, car il n’y avait pas de houx à l’entour. Il avait beau observer ; rien ! Pas de houx ! Pas même un oiseau ou un animal qui aurait pu la laisser chuter de son bec ou de sa bouche ! Puis, la branche était conséquente, d’environ vingt centimètres, chargée de belles boules rouges et de feuilles vertes, brillantes et dentelées.

Amaury sourit et dit :

« Merlin vous souhaite la bienvenue. Brocéliande fait toujours des cadeaux à ceux qu’elle trouve dignes, seulement aux âmes qu’elle trouve dignes. Vous êtes donc les bienvenus ici, il ne vous arrivera aucun mal. D’ailleurs, je n’en doutais pas. »

Lilie et Jean n’en avaient pas non plus douté. Que peut une forêt cependant ? Lilie avait bien raconté à Jean avant de partir qui était Brocéliande. Jean en avait été émerveillé. Il avait toujours eu confiance en la parole de Lilie, cette jeune femme si jeune qui avait, une nuit de l’enfance, rencontré une fée dans son sommeil. Jean l’avait réveillée au petit matin sans savoir que Lilie parlait avec une fée. Lilie en avait beaucoup voulu à Jean, chagriné, consterné par la colère de l’enfant, qu’il n’avait alors rien pu faire ni dire pour la réconforter ; le charme de la visite avait été rompu dans cette rencontre de nuit, à l’aube dans l’Aube, couchée sur le sol, face à une cheminée crépitante.

Pourquoi ne pas être les bienvenus ! Cela amusa Jean d’une innocence enfantine sans qu’il ne dise mot. Allons pour Merlin !

Peu de temps après, un rouge-gorge vola au-dessus d’eux, claironnant un solo de sa belle voix limpide. Lilie, Amaury et Jean étaient toujours à l’orée de la forêt. Brocéliande avait regardé, comme à son accoutumée, la venue de ces deux étrangers accompagnés par cet Amaury qu’elle connaissait bien.

« Oh ! Un rouge-gorge ! » dis-Jean.

Amaury répondit avec peu de paroles :

« Brocéliande confirme… Vous êtes chez vous. Le rouge-gorge, c'est Merlin ! »

Allons pour le chez nous et pour Merlin transformé en rouge-gorge ! pensa Jean, toujours amusé et attendri ; Jean ne croyait pas qu'un homme puisse renaître en animal. Un homme en un autre homme, oui, mais pas en oiseau. Tout au plus en était-il un symbole. Après tout, n’avait-il pas besoin de réconfort ? N'avait-il pas besoin d’amour malgré celui de Lilie qui voulait lui offrir un onguent délicat pour son âme meurtrie et la sienne ? Cela lui convenait. Jean ne se posa pas de questions. Etait-ce bien ? La jolie Lilie n’était en rien étonnée.

La Nature, Jean l’adorait depuis toujours ; aussi, était-il bien chez lui. Il n’y avait pas de doute. Il parlait peu, laissant Amaury et Lilie partager ensemble le plus souvent. Il les suivait, simplement. Il avait besoin de silence intérieur. Son âme était pleine de larmes. Il était semblable à la fontaine de Barenton à l’intérieur de lui qui bullait peu, sans promesse, et avec un chagrin éternisé dans le temps dont elle avait refusé de dire la durée malgré un chapelet blanc jeté en ses entrailles pour la questionner.

Combien de temps encore ? Combien de temps faudra-t-il encore souffrir avant de connaître un peu de paix ?

La nuit était tombée. Ils n’avaient pas vu les heures passer. Brocéliande les avait gardés en son sein. Cela était vérifié. Brocéliande décidait pour chacun. Exit la liberté vraie ! La Nature est maîtresse de tout et de chacun. N’en doutez pas. Arrivés vers seize heures trente environ, ils la quittèrent à minuit ! Rien que ça ! Tant d’heures à marcher sans que le temps n’ait semblé aussi long ! Un peu plus de sept heures à cheminer. Il y eut bien un moment où Jean demanda à Amaury s'il fallait s’inquiéter de sillonner les chemins de la forêt dans la nuit noire. Il le rassura, percevant son inquiétude :

« La forêt est mon amie. J’en connais chaque branche. Allons ! »

Lilie était toujours confiante, sans inquiétude, marchant à côté d’Amaury qui était sur sa gauche sur le chemin dans la nuit sombre. Jean fut apaisé et continua à marcher derrière Lilie et derrière Amaury, scrutant le ciel noir pour tenter d’y voir une lueur qui guiderait ses pas dans la nuit noire, car noire, elle l’était. Ébène ! Toutes les teintes de vert, de l’émeraude à l’amande, du col-vert à la fougère et de la teinte de l’absinthe au vert de Peter Pan qu’adorait Lilie, avaient disparues sous la lune intimidée. Si sombre que Jean ignorait où il posait les pieds. Il savait seulement qu’il les suivait et qu’il marchait sur le chemin, confiant. Il n’avait encore jamais marché la nuit dans une forêt et qui plus est, par une nuit aussi sombre sans être ténébreuse. Simplement colorée de nuit. La tristesse revint. Il repensa, silencieux, à son mille-feuilles.

De mille-feuilles, Jean vit alors toutes les feuilles mortes tombées des arbres au sol devenir lumière. Il écarquilla les yeux, se demandant s'il ne rêvait pas, mais non ! Toutes les feuilles sur la terre, devant lui s’éclairèrent au fur et à mesure de ses pas, éclairant son chemin, l’accompagnant. Il s’arrêta pour regarder, tellement stupéfait. Etait-ce possible ? Tant de lumière ! Tant de lumière que le chemin n’était plus sombre, mais s’était transformé en une allée faites d’étincelles commençant à surgir des feuilles. Il voyait l’éther des feuilles ; il voyait leur corps éthérique l’éclairer et sortir d’elles pour monter dans l’air. Cela, il l’avait appris dans les Mystères de la Nature.

Il avait conscience de ce qu’il voyait de leur nature vraie, de ce qu’il voyait de Nature. Son âme s’allégea à un point tel que la joie l’habita. Le spleen le quitta. Son regard était celui d’un enfant émerveillé. Il rebroussa chemin, à peine de quelques pas pour suivre la lumière.

Alors qu’il se laissa vivre dans cette vision si majestueuse des feuilles qui disent adieu, ou à Dieu, à la Terre, il n’était pas encore parvenu au Zénith de cette apparition.

Dans cette apparition, il prit conscience que les feuilles aussi mourraient, qu’elles connaissaient également la mort, laissant leur corps physique de feuilles à Déméter qui les rappelait.

Il vit alors naître de chaque feuille posée au sol leur forme spirituelle montant au ciel, rejoignant leur Éther. Leurs formes avaient l’allure de fées, toute de lumière habillées, ailées. Il était certain qu’il n’avait pas à faire avec des lucioles. Il les nomma « fées » car il ’ignorait quel nom donner à ces silhouettes. Elles grandissaient devant lui tout en s’éloignant vers les hauteurs qui les appelaient. C’était beau, si beau et époustouflant à voir. L’une d’elles s’arrêta devant lui avant de reprendre son ascension. Il la nomma Pénélope, car il avait envie de la nommer sans savoir si c’était son nom. Jean réalisa simultanément que tout dans la nature et la Vie était ascension. Que tout montait vers l'azur éclatant sans ombre ni ténèbres. Que seule la Terre revêtait la nuit. 

Jean appela Lilie et Amaury pour qu’ils voient. Amaury vit ce qui était pour lui derrière lui, et pour Jean devant lui et tout autour. Lilie ne les vit pas. Elle fut déçue, même triste. Jean aurait tant aimé que Lilie voie. Elle aussi. Elle cria : " Je ne vois rien ! je ne vois rien ! " Mais n’avait-il pas, Jean,  quelques décennies de plus qu’elle et que l’âge donnait les apparitions de jour qui nous attendent ? Amaury ne fut pas plus stupéfait que cela, ce qui étonna Jean. Etait-il habitué à voir ce que Jean voyait ? Nul ne le saura. Tous l’ignorent. Amaury dit simplement : « C’est Brocéliande. C’est toi.»

La vision cessa sur le chemin alors qu’ils n’étaient pas arrivés à l’orée de la forêt. Jean regretta qu’elle ait dû s’achever. Plus rien. Il pensa à la fée de Lilie sans rien lui dire. Il ne lui dit jamais. Car il ne voulut pas lui faire de peine.

Une seule fois, sans les voir, et en plein jour, dans un espace clos abrité du vent au bord du fleuve sans nom, alors que Jean lisait un livre sur Merlin, et simultanément un Livre de Thomas Meyer à propos de Scythianos, un puisant Vortex l’enroba, soulevant branches et feuilles au point qu’il crut qu’une tempête se levait. Le Vortex cessa comme il était venu se manifester. Il n’en sut pas davantage ce jour-là.

Il repensa à la fée de Lilie et aux siennes qui l’avaient enrobé de tant de lumières que la forêt en avait été flamboyante.

Un instant de paix vaut la durée de mille souffrances.

Si, un jour, Lilie venait à lire cette histoire, qu’elle sache que sa fée ne la quitte pas, qu’elle virevolte toujours autour d’elle, la nuit, attendant qu’elle se réveille sans plus dormir le jour à l’aube, sur le sol devant un âtre crépitant. Dites-lui d’aller à Brocéliande durant une nuit habillée d'un quart de lune,  accompagnée de sa fée pour la rencontrer le jour !

 

 

Les nuits-temples

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

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Il est des nuits-temple si majestueuses,

que nos prunelles étreignent, heureuses,

de mille feux scintillants nous enlaçant.

Tant de lumière et d’aurores nous berçant !

 

Nos yeux, telles des perles, voient du jour l’éclat.

Tous êtres animés de vie parlent de l’Alpha.

La terre, le ciel, ciselés par l’Oméga,

disent Ses fleurs avec la Reine-Rose et l’acacia.

 

Cent chapelets de Gnomes tirent de la Terre

la transparence du soleil venu vers Déméter.

Leurs mains enlacées nimbent l’amour-chapelle

qu’aux reines des fées, ils adorent de leurs ailes.

 

 

Se joignent à eux dans cette soudaine grâce,

Korrigans, Sylphes et Ondines, sur l’Atlas,

d’harmonie svelte, de roses vêtues d’abeilles,

si parfumées de miel qu’en chante* la treille.

 

Nous voyons se lever dans la tunique de l’air

les corolles encore nues de leurs pétales

qu’au bleu firmament de leur éternité,

elles clament d’innocence et de virginité.

 

Tout esprit tremble de joie en ces nuits-temple,

en haut, en bas, de l’est à l’ouest, ensemble,

unis, tous serviteurs de l’homme, du nord au sud,

dansant l’aube que nul n’entend des multitudes.

 

 

D’un élan d’allégresse fleurie dans l’azur indigo,

proclamant le printemps au cœur du gel des ruisseaux,

ils adorent la voix des psaumes de tout temps

qui ont retenti des millénaires, durant.

 

Les voyants lanterner d’ardeur solaire,

aimer les volutes de la vie comme Il les aime,

eux à Son service, éclatants d’Évangile, de passion,

d’abondance, d’apocalypse, bruissent l’adoration.

 

Résidant en mon âme complice de leur destin,

je les aime de tant de beauté qu’ils portent mes matins,

baptisant mon front de grêle en leur souffle puissant,

de pluie, de chaleur douce, de neige, dans le vent.

 

 

Les sentez-vous silencieux en vos demeures,

qu’elles soient de pierres en vos églises d’heures ;

les voyez-vous se réjouir en ces Nuits, cette Naissance,

qui est la leur, aussi, que hères oublient de leurs sens ?

 

Voyez-vous la rosée scintiller en leur alliance,

qui, au point du jour, bénit leurs Êtres qu’elle fiance

à toutes reines nées de Dryades et de Naïades dignes,

là, si proches, nous enveloppant de leur mantille ?

 

Les croyons-nous éphémères et impuissantes,

que leurs gestes touchent nos âmes naissantes.

Quand nous les oublions, ils nous baignent de messes,

encore et encore, qu’ils manifestent de tristesse.

 

 

Ô, mille règnes oubliés au labeur assidu et fidèle,

servant le Roi des rois depuis des siècles avec zèle,

venus nous dire leur féconde présence en nos déités

parmi mille seins gorgés nous allaitant de vérités.

 

Les croyons-nous de balade solaire un seul jour d’été,

qu’en la Saint-Jean du splendide solstice des blés,

ils nous aveuglent de leurs rayons de les ignorer,

eux, eux, si fiers de travailler en Christ consacré.

 

* En chante du verbe chanter ou enchante du verbe enchanter : à vous de choisir.

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