Tombe le jour
En plein jour,
La nuit sous la lune,
Les étoiles sur la dune,
Le soleil sous la pluie,
Au jour est la nuit,
À la nuit est le jour,
Tombe le jour !
Le crépuscule est aurore,
L'aurore, le bouton d'or,
Ses levers, des typhons,
Mon émoi se fond.
Des offrandes, des amandes
Ces offrandes, des andantes
À mes loins, mes mains
Posées sur des satins.
Poètes, qui m'aimez
Mes verts émeraudes adorez,
Qui de mes nuits
Quand je suis
Loin des tourments,
Proche des serments
De vous, affamée
De rimes acclamées,
Parturiente modèle
À mes citadelles
Amante et amie fidèle
Oui, fidèle !
Oui, citadelle !
Génitrice de voyelles
Que l'esprit conçoit
À l'orée des bois,
De rayons flammés,
De mots enflammés
Je vais, âme en peine
Mais à peine !
Parfois heureuse
Jamais amoureuse
Mais d'amour aimant,
Au feu des catharsis, l'élan;
Encore de liesse
De détresse
Sous le saule
Sur l'épaule
Douloureuse,
Mais pas ombrageuse.
Je vais sans l'ombre
D'une ride sombre
Ni l'ombre d'un rire,
Armée d'un sourire.
Légère
Amère
Lourde
Gourde.
L'âme vilipendée
Le refuge loué,
Je cours
Sans détours
Dans la ligne arrondie
Que la courbe parodie.
De poèmes en miettes,
D'amour aux poètes,
Qu'au temps j'ai volés
Que le temps m'a volés
Au ciel des firmaments
J'ai levé de froment.
J'ai écrit Liberté
Sans fragilité
Aux fronts rondelés
De mes envolées.
Faut-il être bien-né
L' âme confinée
Sous le héraut,
Sous les barreaux
Des exigences
Sans confiance.
Serai-je la goulue
Que la fronde a voulu
Aux émois de la nature
Aux poèmes de pâture
Quand fleurs m'embrassent,
Quand émotions me brassent,
Aux calices des lys
Complice de la physalis
Qu'aux pétales mariée,
J'ai aimé la fleur épousée
Qu'aux roses j'ai rêvé
La larme à l'oeil enclavée ?
Sans malice,
Farouche aux délices,
Des adoubements,
Des accouchements,
Des sacrifices,
Des Artifices !
Tombe le jour,
Naît le contre-jour,
Vient la tombe
L'outre-tombe
Sans palombes
Sans colombes.
Le cheveu blanc argent
Auréolé de vif-argent
Naît,
Paraît
À l''antre de la chimie
Pour le feu de l'alchimie.
Symphony No. 9 ~ Beethoven
La poésie est l'oraison de la Nature, et chaque arbre, chaque fleur, chaque brin d'herbe est sa louange ; c'est pour cela que l'oiseau chante plus puissamment le matin qu'au crépuscule car il salue, de battements d'ailes dans le courant des forces de vie, la naissance de la terre qu'il vivait, épuisée, dans la nuit car la nuit est la fatigue du jour communiquée à l'homme.
La Nature est l'adoration du principe créateur dont le poète se charge pour la restituer à sa Nature ; elle prend l'Homme à témoin pour que le vent, chantant son mouvement, soit l'éloge de l'adoration.
Nul ne peut préférer la ville à la nature si sa nature n'est déjà pas pervertie par le néant de la ville. La ville n'a qu'un but, c'est celui de faire comprendre combien la Nature est primordiale pour que l'Homme renoue avec elle car elle est une avec Lui.
Un arbre est une prière. Voyez comment ses branches et son feuillage s'inclinent et se redressent et vous entendrez un psaume chanté pour la grâce de la lumière. Il en est ainsi de tous les sons de nature. Dans la force calme de l'eau, nous percevons des Laudes. Dans son tumulte, nous discernons les Nones. Dans l'amplitude du vent, ce sont les Tierces qui parlent à nos oreilles. Lors d'un orage, ces Sextes nous racontent le martyr de la nature balayée par sa souffrance. Le cri du hibou nous appelle à célébrer les vêpres. Même la lune a son chant qui sont les Complies. Rien n'est muet, et tout raconte au poète la force de la musicalité que donne à entendre la nature au lever, à ses heures, à son coucher.
Ne croyez jamais que ce sont les hommes qui ont créé les chants des heures divines que Nature offre à notre entendement et à notre conscience, c'est la Nature qui les a soufflés aux consciences, emphores d'Hommes, acteurs du monde, ayant entendu le Verbe.
La poésie est donc, par essence, le témoin de la parole de la Nature morcelée soiut du principe Créateur, qui se veut rédemptée en un tout.
BLJ

Toutes photos personnelles
Un poème, c'est toujours une pensée fondamentale qui veut atteindre les consciences quand il s'agit de poèmes et non de poésies. Le poème est un état de conscience, une pensée égoexcentrée de soi vers le monde venu à Soi ; la poésie, non ! elle est un divertissement, une pensée égocentrée : soi vers soi.
BLJ
Il n'y a pire disciple que celui qui prend la place du maître afin de se glorifier et avoir foule de disciples, relèguant le maître au second plan. Vous les trouvez partout dans le monde et dans toutes les disciplines et écoles de pensées.
Les écrivains sont le plus souvent leur statut que le poète accuse, car il y a un abîme entre un écrivain et un poète. Le poète peut être écrivain mais il témoigne du maître, jamais ne prend sa place, car il est de par sa nature d'abord poète.
C'est la différence entre un écrivain et un poète.
Comme leur orgueil est grand !
Comme le mal fait est immense !
Le maître se témoigne ; nul ne le remplace.
C'est la forme d'un meurtre. Tout est compté.
BLJ
illustration : Friedrich von Schiller
Ô poète ! Des muses, laquelle est ton élue ?
De quelle saison, aimes-tu l'abondance des talus ?
Des royaumes, desquels, aimes-tu la plaine ?
Des fleurs, aimes-tu l’œillet ou la marjolaine ?
Qui des montagnes, lèves-tu à l'apogée des cimes ?
Quoi des mers et des océans, habille tes rimes ?
Ô poète ! De quelle semence, as-tu levé la fleur ?
Dis-moi le nombre du temps qui a aimé tes heures ?
De quelle terre, as-tu posé l'encre de tes jours,
Quand fleurissaient d'or les belles-de-jour,
Quand jours, il y eut, quand nuits les a aimés !
Raconte ! Raconte le vent et ses baisers enflammés,
Les frissons des arbres dansants par tous les temps,
Par tous les vents volant vers l'admirable firmament,
Quand des vols d'argent sur les plumages,
Des feuilles des saules et d'ailes d'oiseaux de passage,
Tu écrivais l'espace d'un verdoyant pré, l'espace étoilé !
De quel oiseau, as-tu volé la plume des êtres ailés ?
Ô poète ! Dis-moi l'infini enlacement de ta muse !
Quant à la lumière des bougies, ta pensée tu infuses,
Là, avec rien, une plume, une flamme, presque rien,
Tu écris les louanges que les défilées chantent aériens.
De quel oiseau, as-tu adoré l'envol et le long col ?
De qui, as-tu fredonné le chant des blanches paroles ?
De quelle lumière, as-tu grandi de rayons,
Usant la pointe noire de tes fusains et crayons ?
Dis-moi, ô poète ! Dis-moi ! D'amour ou de pitié,
Ce que fut ton blanc manteau aux lacs des inimitiés,
Que vagues sous l'orage t'a revêtu d'ombres embellies,
Et paré de lumière que l'aura soutient de solennité d'abbaye.
D'hallalis, ô poète, à jamais, tu écriras la lumière
Que poètes enchantent des pensées de ciel, si fiers.
Ô poète ! Des muses, je t'ai levé d'oriflamme;
Et des égéries, je t'ai nourri de prophéties d'âmes.
Dis-moi ! De quel onguent, ai-je oublié le parfum
Qu'encore, je nettoie tes pieds d'encens au défunt !
Ai-je dit toute la musique des sphères au lointain
Qu'encore je chante ton opéra ! Ah ! Moi au palatin !
Là-haut, recueillant des rimes et des architectures,
La beauté des langues célestes que rêve ma tessiture.
Ô poète ! Des muses, laquelle fut ton élue ?
De Léda, assurément, tendue vers le cygne élu !

Poème dédié à Friedrich von Schiller, Johan Goethe et Novalis