Celui qui connait la poésie, depuis qu'elle nourrit le monde, sait qu'elle est la plus subtile des pensées. C'est en elle qu'habite la vérité. C'est pour cela qu'elle paraît souvent hermétique aux commun des mortels.
Le roman est fait pour le loisir quand bien-même il est philosophique, alors que la poésie habite deux mondes et elle construit un pont entre les deux pour les relier.
Elle passe donc du profane vers le sacré et du sacré vers le profane sans cesse pour que le pont soit.
Le poète qui ne ferait pas ce chemin du profane vers le sacré et du sacré vers le profane ne peut pas être authentiquement poète. A ceux qui aimeraient le faire, qu'ils osent tout simplement, se moquant de ce que l'on pensera d'eux, car je sais combien nous nous créons d'ennemis à parler du sacré en notre époque si glauque ! mais la poésie n'a jamais été autrement, même chez les poètes les plus sombres.
Je n'ai pas lu un seul livre de poésie des siècles passés sans y lire au coeur de ses vers la profondeur du sacré quelque soit son appartenance.
il faut réintroduire le chemin du profane vers le sacré et laisser le sacré descendre vers le profane si nous voulons rester pleinement humains.
Qu'en vos mains rien ne dérange, à mon âme si lasse,
Qu'aux rênes des harnais tenus sans vergetures,
Mes mains souffrent de plus de talents que de pâture !
Mon cheval est allé par mille terres guerroyer,
Aux armures lourdes chevauchées l'épée a tournoyé.
Dans l'air des salves au feu grégeois, ma tente a flambé.
Nous n'avions rien vu de tel au feu des enjambées.
Des jours de lutte, aux blessures frappées dans le sable,
J'ai combattu l'hydre, l'âme plus armurée que mon râble ;
Pugnace et sans peur, j'ai lutté contre l'oiseau noir,
Quand notre ciel s'obscurcit en ce terrible soir.
Pour Lui, mon Roy, au manteau bleu azur du lys,
J'ai arpenté les déserts, pris la route depuis Senlis ;
Aux sables riches de vipères rampantes,
J'ai levé le mord de mes juments titubantes.
Le désert a assailli le camp, et le camp a sombré.
Blessé, j'ai pansé mon cheval avant mes côtes fêlées,
Bien que mon surcôt finement tissé d'or et de bleu roi,
Sous la cotte de mailles argentée ait été lourd en poids.
Lui et moi au cachot, sous un ciel de tempérance,
J'ai mandé le coffre du saint trésor pour sa délivrance.
Respectés des Sarrasins pour un tel amour sans faille,
Toujours, fûmes reçus en rois, jamais en parias de mailles.
Il était beau ; il était grand, la chaîne fine des flagellations
Accrochée à sa main ivoire, il pensait mériter cette punition.
Quand au cachot, sans titre et la robe de lin reconnue,
Il essuya mes plaies d'un pan de sa chainse tenue.
Quand au retour, la nef Montjoie nous portât religieux,
Portant le souvenir de la sainte ceinture de Dieu,
Chacun, silencieux, sur mer houleuse, priait cette offrande,
Avec Marguerite portant l'enfant que Blanche ne connut pas.
Dans la nef de la cathédrale de Sens, porteurs sacrés et adoubés,
De la vénérée église de Villeneuve l'Archevêque, parée d'abbés,
Je vécus avec lui la lumière des très saints vœux réalisés,
Remontant l'Yonne* vers la belle Lutèce adorée, sous les alizés.
Jehan n'en a jamais rien dit, l'obligé humilité à ses deux rois*.
Aux rênes des harnais, ayant arraché la peau sous nos soies,
Aux chevaux, noble amis, arrachés à nos amours par les lances,
J'attends encore mon cheval, car rien ne ramènera sa vaillance !
Reconstitution de l'armure et des armoiries de Sire Jean de Joinville à l'auditoire de Joinville Haute Marne
* Deux rois : Louis et le Christ
*Pourquoi l'Yonne et non la Seine ? parce que tous ces lieux longent la rivière d'Yonne et que nous savons maintenant grâce aux images satellite que c'est réellement l'Yonne qui coule à Paris. La Seine étant une appelation contrôlée, le doux nom de Seine est resté.
La ville de Joinville, Haute Marne, possède depuis le XIIIème siècle, en l'église de Notre-Dame, un véritable trésor, la Sainte Ceinture Saint Joseph, qui fut ramenée de la Croisade par Saint Louis et donnée au Sire de Joinville, Jean.