Béatrice Lukomski-Joly


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TU TE RAPPELLES ? MAMAN

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Sophie

 

Tu te rappelles, Maman ?

J'étais toute petite et toute insouciante. Je ne me souviens d’ailleurs pas ne m'être jamais soucié du temps qui passait. Et pourtant Maman. Si l'on m'avait dit qu'il filerait si vite. J'aurais fixé chaque seconde de mon début de vie dans ma mémoire de petite fille. Celle aux yeux couleur lagon. Tu te rappelles, Maman ? De l'époque où, du lagon, il ne coulait pas encore de cascades ? De l'époque où le lagon n'était pas encore un marécage boueux devant lequel on a simplement envie de fixer un grand panneau : « interdit à toutes personnes étrangères ». Un peu comme le panneau qu'on met devant la pendule qui tic et tac dans la poitrine. Celui qui fait des bonds et gèle à la fois.

Tu te rappelles, Maman ?

Des robes à fleurs qui tournaient, tournaient, tournaient. Encore et encore. Ça éventait un peu. Lors des fortes chaleurs. Quand, allongées dans l'herbe avec un gros chien peureux et quelques peluches spectatrices d'un bonheur sans nom, on riait, riait. Que c'était bon Maman. Sentir le doux parfum des roses du jardins. Celui des Lilas. Que c'était bon Maman la candeur des après-midis de printemps. Quand les papillons venaient encore se poser sur nous. Lorsque, faisant l'école buissonnière, je hurlais pour ne pas faire la sieste. Cet enfant candide, c'était moi.

Tu te rappelles, Maman ?

Il y avait des princesses, les peluches qui parlent, le grand manège à deux étages qui illuminait mes nuits, il y avait les jeux, les collants qui grattent. Les chaussures qui faisaient mal aux pieds que j'aimais tant porter. Les douces histoires : Et cot cot cot faisait la poule. Trois œufs ! c'est ça ? Et toc toc toc, je faisais à ta porte. Lorsque le noir qui, encore, toujours, m’oppresse venait étouffer mes rêves. Quand les cauchemars hantaient mes nuits. Quand le sol s'effondrait sous les pieds de la jeune fille au milieu de la grande pièce au miroir. Tu te rappelles, Maman, de tes bras autour de mon enfance ? De l'armure, celle qui brillait au soleil, si scintillante, elle était. Elle me semblait faire toute ton aura. Non tu ne peux pas te rappeler Maman. J'étais seule à la voir. Et pourtant, elle était presque aveuglante. Il faut des lunettes de soleil pour te regarder Maman. On devrait le dire aux gens. Peut-être qu'il en faut pour me regarder moi aussi. C'est peut-être pour ça qu'ils détournent le regard sur mon passage, Maman ? On devrait leur acheter des lunettes de soleil, Maman. C'est sage comme idée, ça, Maman ?

C'est idiot l'enfance.

Les cauchemars hantent toujours mes nuits, Maman. J'ai grandi. On ne toque plus à la porte de la chambre. On peut toujours essayer. Il y a peut-être quelqu'un, de l'autre coté près à m'offrir des genoux, des bras ou des bisous pour apaiser une âme torturée. J'ai ouvert la porte Maman. Il n'y avait personne. Un grand chat ingrat, les peluches, elles sont toujours là. Muettes. Les peluches ne rient plus, Maman. Elles ont sombré dans le sommeil profond des gens qui ont plus de dix-huit ans. Elles ne vivent plus, Maman. Pourtant, je les ai recousues, Maman. Plusieurs fois j'ai dû jouer au chirurgien. J'ai fais quelque chose de mal, Maman ? Pour que jamais, plus jamais, une seule ne daigne sourire aux histoires contées ? Ai-je oublié mon enfance, Maman ?

Et, tu sais, je tourne, tourne, tourne encore, maman. Inlassablement. J'ai le tournis. Le monde va trop vite. Sans moi. Et, en courant, courant, après la locomotive, je crois bien que je me suis foulée la cheville, maman. Je clopine, Maman.

J'avance Maman. Je ne cours plus, Maman. Je suis tombée, Maman. On me marche dessus, Maman. Je hurle encore, Maman. Pour faire la sieste. Les yeux clos, m'évader loin. Loin de tout ça. Des centaines de mètres bien au-dessus des étoiles. Tenir au bout d'un fil. Un gros ballon chancelant, Maman. Je suis un gros ballon chancelant. Gonflée à l’hélium. Je n'aime pas l’hélium. Au bout d'un moment, les ballons deviennent toujours tout raplapla, Maman. Tu crois que je vais devenir raplapla moi aussi ? Tu crois que j'ai encore un peu de temps pour ça ?

Tu te rappelles, Maman ?

Les histoires d'amour ? Le petit blond après lequel je courais, toute la récréation durant ? Tu te rappelles maman ? Des fleurs dans mes cheveux, des boucles indémêlables, de tes poussées sur la balançoire. Des danses, des musiques, des notes, ces rires qui ont comblé ma vie.

Je ne me souviens plus, Maman. Je suis fatiguée, Maman. Fatiguée d'essayer de me souvenir.

Le sommeil me brûle les yeux, Maman. Mais, seule dans ce noir oppressant qui habite la chambre toute entière et dont la froideur a pénétré mon cœur, je pleure Maman.

Les pensées m'ont assaillies, Maman. Je suis si triste, Maman. C'est ça un spleen maman ? Le vide, le gouffre. Être face à la nuit, au crépuscule de mon minable sourire.

Le feu ardent de l'enfance s'est transformé en brasier qui a confondu la misérable flamme de ma vie dans son enfer. Je me consume Maman. Je me consume. La cigarette se consume, maman. J'ai la gorge qui brûle. Je ne suis plus qu'un tas de cendres, Maman. Un coup de vent. Pouf. Disparue la mioche.

Et je hurle, encore. Le silence. Assise, je pleure encore. Le mal me ronge, le mal m'a rongé, m'a entaillée, coupée, déchiquetée. Aux ordures, on a même oublié de me trier. Etais-je seulement à trier, Maman ?

Il a eu raison de moi. Mais, qui c'est moi ? Qui c'est « Il » ? « Ils » ? Dois-je les haïr moi aussi Maman ? Les rires sarcastiques des enfants ? Ces adultes qui vivent, cachés derrière un mur, sans jamais bouger. Et ceux qui sautent par dessus pour prendre appui sur moi. Je suis pas assez solide pour être un escabeau, Maman. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas réussi à être un escabeau, moi.

Tu te rappelles, Maman ?

De mes jolies chaussons roses. De mes dessins sur les murs qui ne te faisaient pas franchement rire. Tu te rappelles, Maman ? Quand, à tue-tête, je chantais. Je ne savais pas chanter, Maman. Maintenant je le sais. Je ne sais toujours pas chanter. Je n'ai plus envie de chanter. Je n'ai pas le cœur à chanter Maman. Le silence. Je veux juste du silence. Chut. On se tait. Qu'ils se taisent. Dis leur de se taire Maman.

Tu te rappelles Maman ? Je ne me rappelle plus, moi, Maman. Rappelle-moi, Maman.

Je ne me rappelle plus de rien, Maman.

 

Béatrice

 

Ma fille. Tu te souviens. Tu te souviens de ton enfance dorée et c'est bien. Accroche-toi toujours aux ailes des papillons que nous regardions voler ensemble. N'abandonne jamais le parfum des fleurs, roses et lilas qu'un seul filet d'air accompagnait jusqu'à la quintessence de nos partages.

Ma fille, tu te souviens bien. Je t'aime pour cette mémoire douce . Même pas embellie de nos jeux sur la balançoire en plein été. Les belles histoires inventées chaque soir. J'ignore encore, vois-tu, cette puissance de l'imagination qui créait en moi, pour toi, les fleurs que seul le bel esprit voit. L'histoire de la poule fut celle qui te fit rire aux éclats. Je me demande encore pourquoi «  la poule » plutôt que « le chausson aux pommes ». Toc, toc, toc ; il n'y a jamais eu de portes dans nos maisons. Dis, ça sert à quoi les portes, les murs. A murer la relation.

Tu te souviens.

Je me souviens. Mes bras te portant jusqu'à danser avec toi, portée par une de mes béquilles pour que jamais tu ne te sentes délaissée même quand mon dos faiblissait et que je sortais à peine de mon fauteuil roulant, par la magie et force de volonté pour toi, pour moi. Oui, je me souviens. Tu chantais dans mes bras le vent des alizés. J'adorais ta petite voix d'enfant émerveillée par la vie. Tu chantais renardement bien.

Tu te souviens.

Tes robes à fleurs. Tes couronnes. Tes ballerines. Tes tutus. Je voulais t'offrir tout ce qu'il y a de plus beau pour engendrer la vie, la féerie de l'enfance qui crée l'avenir et la force d'être. Tes peluches. Celles recousues. Voici une aiguille. Apprends à coudre, cela te sera fort utile dans la vie. Parfois les âmes sont toutes couturées. Nous avons besoin d'aiguilles pour nous réparer. Quand recousues, nous sommes, les aiguilles deviennent une rose.

Tu te souviens.

Tes yeux lagons. Riches de sourire que même les banquiers sont pauvres à côté de ta beauté épanouie. J'ai appris à nager dans ton beau lagon et je t'avoue que des yeux comme cela étaient autre éblouissement qu'il fallait regarder avec des lunettes de soleil. C'est pas Dieu permis d'avoir de tels yeux, d'un bleu qui n'existe nulle part ailleurs que dans tes yeux ! Même les peintres ne sauraient reproduire leur couleur. Lagon. Non. Calandre. Lagon. Non. Cyan. Ciel. Empyrée. Là où jamais n'ombre ne ternit sa puissance d'aimer.

Tu te souviens.

Tu te souviens. Non ! Ne te souviens pas ! Les cauchemars. Les mauvais rêves. Ne te souviens pas. Le grand miroir. On devrait toujours se méfier des objets. On ignore quels sont les objets qui font peur aux enfants ? J'ai toujours aimé les miroirs, pourtant ne me regardant, jamais, dedans. C'est seulement pour la lumière qu'ils renvoient et j'aime la lumière. Quand le soleil frappe à ces étranges vitres, c'est le ciel qui s'invite dans la maison. J'avais tes yeux pour ciel et les miroirs pour refléter tes yeux qui illuminaient toute la maison.

Tu te souviens.

Je me souviens avec toi. C'était si beau tes pas de danse. Tes doigts effleurant le piano. Tes créations musicales. Je ne m'en lassais jamais. Tes dessins. Tes peintures. Tes livres. Ceux que tu écrivais. Tu n'avais pas dix ans quand la plume te chatouilla l'esprit. Qui est-elle ? Me demandais-je. Non. Tu ne prenais pas la relève d'un papa compositeur. Ni d'un grand père trop célèbre. Ni de moi, poète. Nul ne prend la relève car il est. Tu es.

Tu te souviens.

Du grand chien. Du saint Bernard qui te servait de lit. C'était dans sa fourrure épaisse que tu préférais faire tes siestes. Je me souviens. Tu ne voulais pas quitter mes bras. Elsa jouait avec toi ses triolets. Elsa. Quelle idée que de nommer un saint Bernard, Elsa. Je lui voulais un tonneau. Je n'en ai jamais trouvé pour te donner mon lait quand je m'absentais pour ma blouse blanche. Tu te souviens. Tu ne me racontes pas Rose et Petite Rose. Peut-être est-ce trop douloureux de se souvenir des ces deux amies parties dans la force de leur âge. Tu avais façonné un sac pour y loger Petite Rose qui ne te quittait jamais. Un chat. Deux chattes. Un chien. Une chienne. Oui, tu es bien seule aujourd'hui sans tes amies. Les miennes aussi. Nous sommes toutes deux orphelines de ces amours animales si particulières.

Tu te souviens.

Je me souviens. Oui. J'ai toujours su que j'aveuglais. J'ignore pourquoi. Oui, comme toi, tu le vis aujourd'hui, « on » changeait de trottoir me croisant . Même ceux qui me croisaient pour la première fois. Oui, nous devrions leur acheter des lunettes de soleil car si bonté et amour aveuglent, ce ne sont pas nous qui aveuglons, mon trésor de lumière, mais bien l'amour en nous, palpable et si insupportable que l'amour n'est pas encore né pour cette époque. Oui, tu éblouiras. Oui, tu seras toi aussi un rayon du Soleil qu'Amour donne et pour cette beauté, ne t'écroule jamais.

Tu te souviens bien.

Les gens parlent d'amour mais n'aiment pas l'amour. Les gens réclament à tout-va l'amour mais ignorent de quoi ils parlent, Le nommant. Il n'est qu'un mot dans leur bouche, l'amant (e) dans leur lit, l'enfant mis au monde. L'amour est ce soleil rayonnant qui tout enveloppe, tout embrase, tout bouge, tout reçoit, tout donne, châtie aussi. Il est le vent qui porte le monde. Le soleil rayonnant. Qu'importe les murs. Non. Cela t'importe. Cela m'importe.

Ô ! Toi !

C'est difficile aussi pour moi de te lâcher la main mais je t'aime tant que je suis force de te laisser aller libre. Vie est chemin ardu. Grimpe après les branches bourrées d'épines. Je serai ta Rose pour toujours comme tes robes roses, comme les roses du jardin, comme les roses papillons, comme tes chaussons de danse, comme ton âme. Demeure la mienne. Ta fleur a éclos. Maintenant adulte. Maintenant majeure.

Je me rappelle de tout, Sophie.

Je T'aime.

 

écrit avec Sophie Lukomski-Renard

https://www.facebook.com/beatricelukomskijoly/

http://beatrice-lukomski-joly.copyright01.com/

 

Pour le clin d'oeil....

"Ballade pour un sourire" 

 

 

 

Nouvelle parution "Lumière et ténèbres"

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

https://www.amazon.fr/gp/product/B088LMW7MD/ref=dbs_a_def_rwt_bibl_vppi_i0

Cinquième livre, des poèmes, des nouvelles, des choses vues, un conte, des pensées, et des partages écrits en partenariat avec Sophie Lukomski-Renard, font de ce livre un condensé choisi de dix années d'écriture sans que cela ne soit l'oeuvre intégrale. N'entrez pas dans cet écrit si vous ne voulez pas être remué, si vous ne voulez pas être, si vous ne voulez pas penser, vous risqueriez de vous blesser. Lumières et ténèbres se côtoient au fil des pages pour se raconter, pour vous dire ce qu'ils sont de gnose. Composé de sept chapitres, 763 pages, il est l'oeuvre pensée des rires, des pleurs, des sentiments, et de leur enseignement.

Suivez le lien, vous y êtes.

Amitié

Béatrice Lukomski

 

 

Septième livre paru : " En l'an trente-trois de mon âge"

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Mon septième livre paru en vers et en prose.

Quatrième de couverture sobre et courte :

"Merci de m’avoir aimée quand bien même ce ne fut qu’un très court instant ; merci pour ce bel instant, si tendrement en mes cœur et âme, gravé." reprenant les premiers vers d'un poème dédié à Jeanne dans :  http://articles.bugquest.fr/Beatrice-Lukomski-Joly/l-etrange-nuit?fbclid=IwAR3_tvQFcQIWinmo3hKIlnGYMEnlytZ68kGXYvbPT2j7W7sD2fRUsj0Sgmg 

"L'an trente-trois de mon âge" est le vécu intérieur ayant fécondé et transformé les expériences de l'âme depuis l'an trente-trois de mon âge, année indélébile en chacun de nous qui fait d'un chemin un nouveau sentier et d'un sentier, la révélation intérieure que seul l'esprit voit, ressent et perçoit.

281 pages https://www.amazon.fr/dp/B0B4NRLHSL?ref_=pe_3052080_397514860&fbclid=IwAR01mFAFmZNH0QOK1Ie0UeWSXhkqKXuoumx9LBN_kcnC1n2mGNtxKT7SD5w

A bientôt !  d'autres livres en cours d'écriture ou en cours de mise en forme suivent.

BLJ

La colombe et le corbeau

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

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Il était une fois une colombe et un corbeau. Le corbeau avait grands biens et plusieurs niches en ses murs et la colombe n’avait qu’un arbre fleuri pour se poser. Le corbeau aimait agacer la colombe et tournait sans cesse autour de l’arbre où se reposait l’oiseau blanc. Il avait en vue de prendre l’arbre qui avait une roseraie pour amie et d’agrandir son domaine. Il pensait que la roseraie pouvait lui appartenir également. Pour ce but, il volait sans répit autour de l’arbre. La colombe ne bougeait pas. Elle n’avait que faire du corbeau qu’elle trouvait bien laid dans ses vœux et ses actes. Elle le regardait tournoyer autour de l’arbre fleuri de roses, paisible, mais ne doutant jamais qu’un coup de bec du corbeau pouvait détruire ses ailes. Le corbeau avait appelé en renfort les corbeaux de son lignage alors que la colombe était seule en ce lieu. Tous attaquaient la colombe en sa roseraie. Les corbeaux sont foison ; les colombes sont rares.

Le corbeau croassait fort et parfois imitait le roucoulement de la colombe. C’est un mimétisme que possèdent tous les corbeaux. La nature l’avait doté de ce pouvoir alors qu’elle n’avait donné à la colombe que le pouvoir de roucouler. Injustice dirons-nous, mais c’est ainsi que la nature est faite. Nous pouvions nous demander si dans cette capacité à imiter, la création n’avait pas voulu signifier qu’un oiseau noir pouvait ressembler aux hommes néfastes et par là, s’en méfier.

Le corbeau était tout juste sorti du nid et savait déjà imiter les attitudes apprises par ses pairs. La colombe ne ressemblait qu’à elle-même, unique parce que pure en son intelligence d’oiseau blanc.

Jours et nuits, il épiait l’arbre et la roseraie. Un jour, il agressa avec un de ses semblables une branche fleurie. Les griffes acérées balafrèrent le bel arbre. La branche tomba. La colombe gémit. Le corbeau revint à l’attaque. Il renversa l’abreuvoir d’eau pour que la colombe ne put plus boire ni se laver. La colombe alla à la rivière pour boire et se laver, loin de tous regards, pour que sa pureté demeure. Le corbeau ne l’ignorait pas et fut satisfait. Le corbeau vit un chien se promener dans la roseraie. Il lui donna un coup de bec, comme à son habitude, et envoya le chien dans un refuge. Il fit de même avec tout ce qui se promenait dans la roseraie, amis de la colombe. Il la  toisa et et lui dit : Le béton siérait mieux à cet endroit, je m’en fais le garant. Il dit encore : Ici vivent des gens sales et malotrus, en parlant de la colombe et du peuple des oiseaux. La colombe appela le peuple des moineaux et demanda à ce que cette infamie soit mise sur le compte de ses actes et paroles malveillants. Ce fut acté. Le corbeau ne lâcha pas prise. Il y avait un mur près de l’arbre. Il décida de le détruire à coups de becs et de griffes, et d’agrandir, ainsi, son territoire. Le mur gémissait au sol. Il fit venir un ouvrier qui se servit des pierres pour bétonner sa cour. Le corbeau put ainsi entrer chez la colombe. Et ne s’en privait pas. Nul ne le voyait.

Hors de son domaine, il avait curieusement bonne réputation car, avec ses amis sombres plumés, il embauchait corbeaux et corneilles de la campagne pour s’enrichir. Lorsqu’il croassait, il exigeait que la colombe point de bruit ne fasse, point ne se montre. Son chant lui était insupportable. Les oiseaux de la roseraie pleuraient, car il avait aussi volé une carabine dans un champ voisin et d’un coup tiré, sans que nul ne s'en aperçoive, il tua un pigeon qui volait au dessus de ses nids. Il s’attaquait inlassablement au peuple des tourterelles nouvellement arrivé qui veillait sur le lieu. Le corbeau travaillait dur à ses niches, les embellissait avec des moyens dont nul ne savait d’où ils provenaient et payait ses congénères avec des plumes noires mais, laissant croire d’une belle écriture, que la plume noire était une plume blanche cachée sous son ventre, il paradait, or chacun sait qu’aucun corbeau n’a de plumes blanches sur le ventre.

Le peuple des oiseaux nichait dans une haie de thuyas plantée près de ses alcôves ténébreuses. Ils chantaient si fort que les matins heureux louaient les rouge-gorges,  les mésanges, les moineaux, les rouge-queux, les merles, les pigeons et la colombe dans son arbre. Un jour les oiseaux tinrent conseil. Les pigeons décidèrent de salir les niches pour que le corbeau comprenne que la laideur n’est pas de l’âme pure. Plus personne ne vint voir l'oiseau noir. Il s’en alla un temps pour trouver refuge ailleurs. Son oeuvre n'était qu'une  grande faillite. A force d'acculer la colombe, il avait tout perdu. Ses mangeoires délaissées s'abîmèrent. L'une de ses niches s'écroula, preuve que l'on peut vouloir déloger une colombe, la vie vient en aide au bel oiseau affublé de tristesse.  Il décida de revenir chez lui et d’embellir à nouveau son bien, clamant au peuple des oiseaux et à la colombe qu’il avait changé et qu’il avait compris la leçon, qu’il serait désormais leur ami. Mais le corbeau reste un corbeau, sombre et envieux, inquisiteur et épiant la mort. Il redevint lui-même et décida de tuer la colombe puisque telle était sa nature. Le peuple des oiseaux pendant son absence s’était multiplié dans le jardin. Ils avaient connu la paix et dans leur sérénité construit leurs nids. Le corbeau ressortit sa carabine trouvée dans un champ. Il avait appris à la manier comme tous les corbeaux font pour se nourrir de cadavres. Voyant parfois un des leurs gémir au sol, un autre agonir avant de rendre l’âme, le conseil des oiseaux se réunit une nouvelle fois. La colombe écoutait. Les moineaux en plus grand nombre dirent : il nous faut déménager de cette haie car la haie va périr, ainsi sera juste la sentence. Le corbeau comprendra que sa laideur n’a d’égal que la mort de ses arbustes proche de ses niches.

Il nous faut nous en aller, dirent les oiseaux. La colombe approuva, tout en étant triste, car elle serait seule en son arbre, sans plus avoir d’oiseaux près d’elle si la haie venait à mourir. Le corbeau avait entendu cela et ne comprit pas leur intention. Il dit : pourquoi devraient-ils partir, je ne pourrais plus jouer avec la mort, mais je veux bien raccourcir les branches pour que la plupart quitte cette demeure que je n’aime pas, salissant la mienne. Au diable la roseraie ! Alors, il vint sur l’arbre de l'oiseau blanc, visita son jardin. La colombe le poussa dehors, lui affirmant que son arbre était sien et que nul ne la délogerait par la volonté démoniaque d’un corbeau mal- embouché.

Le jardin des oiseaux était si beau que la colombe aimait y vivre. Le jardin du corbeau était devenu un vaste plan bétonné dont la mémoire des pierres du mur abbattu racontait encore qu'elles n'étaient pas de ce lieu. Il croyait que nul n'avait compris mais beaucoup se souvenait  qu'avant d'y avoir une terrasse bétonnée, il y avait eu là un mur fait des même pierres. La vie est juste et la mémoire des uns et des autres est intacte. Nul ne lui disait  que la situation était claire. Le corbeau s'illusionnait et la colombe observait. lI aimait cela. Il trouvait beau la laideur. Deux mondes différents se côtoyaient. Le corbeau fit venir un jardinier qui élaguerait sa haie en plein hiver. La colombe comprit que là était le signe attendu du dépérissement du massif et du départ de ses amis pour une autre maison. La colombe resta chez elle. Elle regarda le jardinier tailler la haie en plein janvier. Le jardinier n’avait pas nettoyé ses outils avant d’œuvrer. Il apporta aux résineux une foule de parasites nichés en ses lames. Les oiseaux virent cela. La colombe sut que le signe attendu était là.. Elle le dit aux oiseaux qui commencèrent à déménager. Elle, occupait toujours son arbre et son jardin fleuri. Le corbeau ne sut pas, pas plus qu’il ne vit, que sa haie avait commencé à dépérir. Les branches commencèrent à roussir, symptôme d’une défaillance engagée. Bientôt le massif n’existerait plus.

La colombe était âgée. Ses pattes la portaient désormais difficilement. Elle tombait  de plus en plus souvent de sa branche, fragilisée par l'âge et les actes des oiseaux noirs. Le corbeau était jeune. Il était dans l'espérance d'avoir un jour gain de cause. La colombe, à force de le subir, commençait à sentir la défaillance de son coeur. Elle volait de moins en moins souvent. Le peuple des oiseaux continuait à chanter pour lui donner courage et la roseraie devenait de plus en plus belle pour émerveiller son regard. Le corbeau continuait de nettoyer ses niches, toujours avide, toujours utilisant ses plumes noires pour qui voulait l'aider sans plumes blanches à offrir. Il attendait que la colombe meurt d'épuisement pour, enfin, qu'elle libère ce jardin et cet arbre qu'il voulait toujours abattre. 

Si un jour vous passez près de cet Eden et que vous entendez dire que sa colombe est  décédée, pensez au corbeau qui n'aura eu de répit dans sa nature propre à détruire. 

Les oiseaux se réunirent une dernière fois voyant leur foyer rougir aux brindilles cramoisies.

« Bien ! Il nous reste encore deux à trois ans avant que cette haie ne soit disparue, et au corbeau de comprendre qu’il peut continuer à faire le mal qu’il ne lui sera pas donné de temps pour réaliser que la malveillance le le condamnera. On ne peut vouloir tout tuer de son environnement sans que la sagesse  n'oublie cet affront." La colombe décida de rester en son jardin et d’attendre le retour des oiseaux quand le corbeau serait défait, quand   sa propre mort pointera la fin de son chant.

C’est ainsi que la sagesse œuvre pour que le mal se transforme. Le corbeau pourra revenir s’apitoyer, disant qu’il a à nouveau compris la leçon, que le peuple des oiseaux n’en croira rien, la nature du corbeau n’étant pas de changer. Ainsi partira-t-il car son départ et sa misère sont écrits dans le livre du monde. Le temps est donné aux colombes paisibles et bienveillantes alors que celui des corbeaux est toujours mesuré. 

 

 

Connaissance et forces du coeur

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Il y a des gens farcis de connaissances et au grand hélas, sans une once de cœur fécondé. Ils nous parlent de la vie de l'Esprit comme ils nous parlent d'une recette de cuisine, incluant chaque détail ou ingrédient, mais jamais nous ne voyons leurs forces du cœur déployées car elles sont simplement inexistantes. Ils en parlent, savent en parler avec brio tel un rhéteur ou un sophiste, mais ignorent ce qu'elles sont.

Ceux-là se voilent la face en permanence laissant libre cours à Az et Ahriman en leur âme n'atteignant pas la hauteur de l'Esprit, laissant la dualité-une en eux sans atteindre la trinité.

BLJ

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