tableau "Le Voyageur contemplant une mer de nuages"
(Der Wanderer über dem Nebelmeer)
de Caspar David Friedrich
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_%C5%93uvres_de_Caspar_David_Friedrich
J'ai vu un homme, beau, altruiste et gracieux,
Venu une nuit enneigée de printemps capricieux.
Quand des montagnes et du silence, il naquit royal,
Une nuit revêtue d'une pèlerine tissée d'étoiles.
Il ne dit mot, acceptant le silence du jour diluvien,
Sa pensée confortant le bruit inaudible qui advient.
Il était de ces âmes profondes, nues et vraies
Qui, aux affres des temps dirigés, souriait,
Aimait, ratissant l'amour pour une seule fleur.
L'esprit grave, telle une destinée lourde d'heures,
Se discernant à la forme des mains vieilles d'âges,
Et encore à l'austérité dense de son visage,
Je le vis arriver comme un léger papillon dans l'air,
Paisiblement né de sa chrysalide nourricière.
Le rictus tranquille, la lèvre muette, le front haut,
La pensée sereine et riche de vies que veut l'En-Haut,
Que mémoires subissent, la volonté assidue,
Il mesurait la vie comme on gravit une falaise ardue.
Il neigeait. Il ventait.
La nuit dormait.
Le silence se reposait,
Et sa vie frémissait.
Il ouvrit ses mains comme enviant les aumônes
Que seul l'amour offre au soleil et son trône,
Que seule la vie déploie à la hauteur de l'amour,
Que seul l'esprit réclame, armé devant les vautours,
Portant un rayon vaste de lumière gravé au cœur,
Des joies et des tristesses qu'l il sait par cœur.
Comment arriva-t-il à la croisée de mon chemin,
Griffant la route d'épines d'un beau rouge carmin,
Montrant une rose vermeille, toute de parfum,
Qu'à deux, nous devions répandre de thym ?
Encore j'ignore ces rives qui me l'ont consacré,
Ce bel homme avec l'éclat d'embellies et de puretés
Qui choisit la pauvreté, l'indigence et l'exigence
Tout en concédant large, le cœur des innocences.
Il posa sa main sur mes lèvres crevassées,
Invitant au silence pour tous actes terrassés.
Puis il griffa la terre d'une croix d'un doigt,
Disant : point, nous ne voyons l'épine au bois,
Nous devons guérir nos plaies d'amour et de joie,
Si tu me veux pour toute voie, soyons de même loi.
Le jour se levait,
La nuit s'achevait,
Le murmure se reposait,
Et sa vie aimait.
Il est venu le bel homme que l'on dit être le fils,
Celui que l'on nomme victoire parce qu'il fut sacrifice,
Qui, tant, a pleuré sa destinée d'amères ombres,
M'offrant tout le toit des supplices défunts sombres !
La rose a fleuri, a ourlé ses pétales de parfum
Que le thym a sauvé des pucerons au matin.
Il a posé sa pèlerine de chanvre sur mes épaules blêmes
Créant du silence, le chant des oiseaux que ciel aime.

illustration : Friedrich von Schiller
Ô poète ! Des muses, laquelle est ton élue ?
De quelle saison, aimes-tu l'abondance des talus ?
Des royaumes, desquels, aimes-tu la plaine ?
Des fleurs, aimes-tu l’œillet ou la marjolaine ?
Qui des montagnes, lèves-tu à l'apogée des cimes ?
Quoi des mers et des océans, habille tes rimes ?
Ô poète ! De quelle semence, as-tu levé la fleur ?
Dis-moi le nombre du temps qui a aimé tes heures ?
De quelle terre, as-tu posé l'encre de tes jours,
Quand fleurissaient d'or les belles-de-jour,
Quand jours, il y eut, quand nuits les a aimés !
Raconte ! Raconte le vent et ses baisers enflammés,
Les frissons des arbres dansants par tous les temps,
Par tous les vents volant vers l'admirable firmament,
Quand des vols d'argent sur les plumages,
Des feuilles des saules et d'ailes d'oiseaux de passage,
Tu écrivais l'espace d'un verdoyant pré, l'espace étoilé !
De quel oiseau, as-tu volé la plume des êtres ailés ?
Ô poète ! Dis-moi l'infini enlacement de ta muse !
Quant à la lumière des bougies, ta pensée tu infuses,
Là, avec rien, une plume, une flamme, presque rien,
Tu écris les louanges que les défilées chantent aériens.
De quel oiseau, as-tu adoré l'envol et le long col ?
De qui, as-tu fredonné le chant des blanches paroles ?
De quelle lumière, as-tu grandi de rayons,
Usant la pointe noire de tes fusains et crayons ?
Dis-moi, ô poète ! Dis-moi ! D'amour ou de pitié,
Ce que fut ton blanc manteau aux lacs des inimitiés,
Que vagues sous l'orage t'a revêtu d'ombres embellies,
Et paré de lumière que l'aura soutient de solennité d'abbaye.
D'hallalis, ô poète, à jamais, tu écriras la lumière
Que poètes enchantent des pensées de ciel, si fiers.
Ô poète ! Des muses, je t'ai levé d'oriflamme;
Et des égéries, je t'ai nourri de prophéties d'âmes.
Dis-moi ! De quel onguent, ai-je oublié le parfum
Qu'encore, je nettoie tes pieds d'encens au défunt !
Ai-je dit toute la musique des sphères au lointain
Qu'encore je chante ton opéra ! Ah ! Moi au palatin !
Là-haut, recueillant des rimes et des architectures,
La beauté des langues célestes que rêve ma tessiture.
Ô poète ! Des muses, laquelle fut ton élue ?
De Léda, assurément, tendue vers le cygne élu !

Poème dédié à Friedrich von Schiller, Johan Goethe et Novalis
PHOTO DE ROBERTO BERTERO
http://www.robertobertero.com/
Seule,
Comme un saule,
Face à la montagne majestueuse,
Enneigée, pure et douloureuse,
Je danse.
Je pense.
Inlassablement,
Irrésistiblement,
Je cherche à crever les voiles,
De l'imposture à l'orgueil, revêtue d'étoiles.

Acrylique oeuvre personnelle
Et les astres mille fois reconquis m'enseignent la nature,
Dure épreuve de la connaissance que je mature.
Infatigable je crève les masques des orgueilleux rois
De l'indifférence, du mal et des désarrois.
Où êtes-vous tous allés pour aujourd'hui
Me laisser marcher seule vers ce qui est la vie ?
Croyez-vous que je possède cette force divine
Au point de m'abandonner à ma seule poitrine ?
Où êtes-vous tous allés pour m'aimer hors de vos présences,
Loin de nos destinées menacées, avec semence ?
Chaque pas me ramène une aventure parfumée
Et encore me rapporte une ombre passée
Que je n'ai pu encore accoucher.
Seule, face à notre nature grandiose,
J'entends une mélancolique prose.
Chaque vers d'un opéra mille fois adoré,
Réclamé, vénéré,
Résonne en mon esprit.
Mais que veut l'Esprit ?

Pastel sec oeuvre personnelle
Nature immaculée sommeillant au dessus de la vie négativée,
De la conscience inversée au théâtre de l'humanité,
Freinez les assauts des forces du mal
Que mon âme endure pour tout le mal vu ! J'ai si mal !
Ô Anges, Archanges, Archaïs
Séraphins, Chérubins, Exusiaïs,
Dominations, Vertus, Trônes
Je suis là à vous implorer alors que le ciel tonne.

Acrylique oeuvre personnelle
Quand le soir m'enveloppe de ses lumières
Je nais à la clarté des sphères célestes, légères sont mes paupières.
Je deviens la scène primitive du geste cosmique.
Des destinées menaçantes, je vois l'animique.
Âmes du monde qui avez, lancinantes,
Mis votre confiance en l'humanité immanente,
Crié la sagesse des dieux immortels
Orphée, Hermès, Aristote, éternels,
A vos souvenirs d'initiation
Je pénètre en vos temples d'adoration.

Pastel sec aquaréllé Oeuvre personnelle
La grande Isis dans ce demi sommeil soulève son voile
Et je découvre un vermeil qui n'a d'égal que la grande toile.
Hermès invite ma présence en ces hauts lieux de mystère
Tout à la fois purifie mes carences aux Dieux austères.
Sous l'immense azur qui m'appelle
J'entends les anges déplier leurs ailes.
Je vois derrière l'alpage l'étendue d'autres cieux
Plus célestes et encore à moi opaques
Qui m'invitent à ma propre Pâques.
POÈME PARU DANS MON PREMIER LIVRE PUBLIE EN 1984 " ÂMES AMÈRES"

Pastel sec oeuvre personnelle
La mer, c'est toujours le même paysage, le même son, le même horizon ; la montagne, c'est mille paysages, mille climats, mille regards, mille bruits, mille lignes, mille couleurs. Vous ne pouvez pas entrer dans la profondeur de l'océan mais vous pouvez entrer dans la profondeur des fôrets de la montagne, de la montagne elle-même, de ses grottes, et quand elle dévoile son horizon, c'est pour mieux vous donner l'horizon qui suit, et ce, indéfinement...
Je n'ai jamais aimé que la montagne.
La mer, c'est la progression horizontale alors que la montagne oblige à l'élévation du regard, la verticale, et par là à l'élévation spirituelle. La mer, aussi eau légère semble-t-elle être n'est que pesanteur alors que la montagne aussi lourde semble-t-elle être n'est que légèreté.
La mer, jamais, ne prévient lorsqu'elle décide de déclencher sa vague tsunami ; silencieuse avance-t-elle, le son de sa gestation émergeant des profondeurs.
La montagne, toujours, annonce, sa colère avant de chuter, dans un roulis de neige ou dans une cascade de pierres, son bruissement étant annoncé par la musique de l'air.
BL
François-Auguste RAVIER,
http://www.maisonravier.fr/francois-auguste-ravier-1814-1895/

François-Auguste Ravier
Il fut un temps où je demeurais dans l'Ain, dans les montagnes du Bugey, une nature sauvage, pure et abrupte où se ressourcer permettait de toucher les étoiles, où jamais fatigue n'accaparait le corps, ni l'âme, ni l'esprit. Ces montagnes du Bugey si proche des monts du Lyonnais comme une continuité naturelle de ses paysages, monts du Lyonnais et du Jura, arpentant la ligne allant jusqu'aux Alpes Suisse . Je vivais là entre nature, art et faune, entre ciels et terres du silence, entre ses artistes et ses populations à l'accent trempé des montagnards que l'altitude sculpte en maître.

Non loin du Bugey et du Haut Bugey, s'enfante l'Isère. Nous sommes de la région Rhône-Alpes et quand bien-même nous n'y sommes pas nés, cette nature devient notre corps et nous enfante comme si elle n'avait pas assez d'enfants en son sein.
C'est ainsi, parcourant cette région inlassablement durant huit années, jusqu'à la Dombes et ses oiseaux, et plus loin encore, aimant m’enivrer de ses natures indomptées, encore semblables à celles que connurent les peintres Lyonnais que j'ai un jour rencontré Auguste François Ravier des villages de Morestel et de Crémieu dans l'Isère, peintre des natures du Dauphiné qu'il glorifie sans conteste, soumis à l'étrange lumière de cette région que les montagnes se renvoient comme des perles d'étincelles que le soleil raconte.

Rencontrer ? Non ! Ne croyez pas que j'ai fait un saut dans le passé, quoi que peut-être, obligée par les émotions qui me prirent à la rencontre de sa peinture, préfigurant l'impressionnisme bien qu'il se dise qu'il est la fin du mouvement expressionniste, mais n'est-ce pas la même chose, à vrai dire ! Mon regard s'est posé sur une de ses toiles et a fait de moi sa captive en son art et mieux que cela, en son visage intérieur uni.
C'est donc d'Auguste Ravier que je voudrais vous parler et vous présenter la belle stature comme vous montrer son art magistral, partager avec vous, celui que je regarde comme un maître, bien que n'étant pas artiste peintre même si aimant griffonner de la craie pastel.

François-Auguste Ravier naît à Lyon le 4 mai 1814. Il meurt à Morestel le 26 juin 1895. Il fait des études de droit pour devenir notaire, études qu'il abandonne, ne ressentant pas l'impulsion sociale du droit sinon en épousant la peinture qu'il a à donner au monde, le mouvement préfiguré que rencontrera l'impressionnisme, le mouvement de la vie dans le coup de pinceau qui va vite et qui d'un pas de géant grandit l'espace terre pour toucher le ciel, la couleur impliquée à petites touches dans de grands lavis remaniés pour faire briller le monde dans ce qu'il abrite de la création.
Peintre paysagiste, chef de file de l'école Lyonnaise, il ne s'intéresse pas à peindre des portraits ni des scènes de la vie montagnarde. Il est le peintre du regard envahi par les émotions pensées dans la couleur et puisées dans la nature qu'il maîtrise pour les redonner sans concession. Il est le peintre de l'infini.
Élève de Théodore Caruelle d’Aligny ( 1798-1871), Auguste Ravier se prend d’amitié avec Jean-Baptiste Corot (1796-1875) qu'il rencontre en Auvergne et Charles-François Daubigny (1817-1878). Il rencontre Dominique Ingres (1780-1867) et Hippolyte Flandrin (1809-1864). Un grand nombre de peintres bénéficieront de son enseignement sur la couleur dont il privilégie l'essence au détriment de la construction de la ligne qu'il voit comme secondaire. C'est la couleur qui donne la forme et non l'inverse.

Il est un fervent admirateur de Turner (1775-1851) qu'il ne rencontrera pas. il n'a de cesse de plonger le regard dans la lumière de celui qu'il admire pour autant en apprendre sur le plan pictural que dans ce que lui donne ses visions des levers et des couchers de soleil et ce, à tous moments de la journée.
Une journée, c'est un lever permanent jusqu'au coucher pérenne, indéfiniment reconduit sans pause, dans le mouvement céleste de l'astre.

Il pose son chevalet et en amitié, peint avec Corot, Daubigny, Noirot (1853-1924), et Ranvier (1835-1922) dans l'Isère. Tous sont issus de l'école lyonnaise de la peinture ,sauf Corot, Ingres et Daubigny
Influencé par l’école de Barbizon, il se voit refuser ses œuvres au salon de Paris en 1839.
Une cécité progressive assombrit ses dernières années. Sombre ironie du destin pour un peintre qui s'est noyé de ciel ! Est-ce pour cela qu'il en perdit la vue à la fin de sa vie comme d'un regard qui a trop essayé de s'approprier ce qu'il n'était pas encore l'heure de donner et que Van Gogh donnera dans un éblouissement total, ce mouvement en perpétuel accélération dans la lumière sans pour autant en être lui aussi indemne car peindre la lumière en la vivant intérieurement est toujours source de brûlure à qui n'est pas prêt de la contempler, l'oeil averti et formé à sa puissance !

« Tout est dans le ciel. Les nuages et l’atmosphère me grisent. Toujours nouveau. C’est l’inépuisable, c’est l’infini. Il est des jours, je crois, où personne n’a vu ce que je vois et senti ce que je sens.» A Ravier

« Je continue à suivre ma folie. Tout est dans le ciel. Les nuages et l’atmosphère me grisent, toujours nouveaux. C’est l’inépuisable, l’infini. » A Ravier

Auguste François Ravier que je salue, inclinée, reconnaissant que sa pensée est mienne chaque jour où j'ose écrire sur la lumière. Est-ce pour cela que je me suis mise à l'aimer comme tant d'autres peintres qui ont voulu insuffler la nature puissante de la lumière dans le mouvement ?
Oui, ce fut une rencontre et quelle rencontre ! De celles qui éclairent un chemin !
Béatrice Lukomski Joly
"Je suis un soleil rayonnant, une amphore,
Chaque fois que peintres et musiciens m'honorent.
De leurs palettes jaunes, oranges, vagabondes.
Je rayonne de la lumière du monde
Chaque fois que je deviens une toile,
Je rayonne de mille flamboiements des étoiles,
Sans brûlures, ni éclatements de l'âme en éveil."
BLJ
Article non critique, sur la seule émotion du poète.
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