illustration corbeille de fruit issue du site https://www.wga.hu/frames-e.html?/html/m/master/acquavel/stillife.html
Peintre anonyme du 17 ième siècle
Oh passant ! regarde ce diamant qu'est le monde !
Ne le vois-tu luire de cent traits, sinon de mille,
Toutes ces nuances sculptées par les secondes,
Que peut-être tu ne vois, l’œil muet et tranquille.
Oh ! vois son feu intérieur brûler de joie
Quand t'éclaire l'été, assis dans ton jardin,
Que fleurs dessinent de son cœur d'autrefois,
Pour qu'adorer sa terre soit un fier vœu ondin.
L'été consume son hiver, crée son décembre.
Vois ses mains travailler le fruit incarnat
Et planter sa rose de Noël rosée d'ambre
Aux jours denses oeuvrés de tons délicats !
Oh passant ! regarde les verts devenir feux
Quand il prépare en août brûlant ses courtes nuits
Pour que se repose l'hirondelle en son lieu ;
L'as-tu abreuvée de tes couleurs à minuit ?
Tout s'irradie de l'abondance du soleil proche
Quand bien même il est loin, si éloigné de toi,
Oh passant ! as-tu entendu le chant de ses cloches
Préparant les nuits du nombre de douze pour toi ?
Perçois-tu l'écrit de l'été, et sa toile vive
Quand il dépose son vase plein de vivres
Pour la multitude des jours flânés de convives
T'apportant la corbeille d'or des jours de givre ?
C'est la noce avant l'heure, l'heureux mariage
Des saisons dansant leur ballet toute l'année ;
C'est le rythme des étoiles, astrant* leurs mages,
Lors le bal achevé, s'ouvre la graine glanée.
* mot personnel, licence poétique signifiant « créer à partir des astres »
Photo personnelle - plateau du Retord aux plans d'Hotonnes Valromey- Bugey -
http://m.webcam-hd.com/plateau-de-retord/plans-hotonnes
À l'aurore renouvelée, aux aurores tant aimées,
Me suis réveillée dans le labeur des jours d'apparence
Et dans la lumière, j'ai traversé des nuits de somnolence.
À l'aurore refaite chaque matin des aurores apprivoisées,
Me suis lavée des jours mal conquis, de pouvoirs mal acquis
Qui n'ont de sens que lors la traversée que la lune aiguise.
Ceinturée d'étoiles à mes envies de beauté et de pureté,
Me suis renouvelée à la morale qui tout transmet,
Quand aux astres de lumière, je me suis vue au sommet.
Riche de la sincérité du monde, que nul ne connait de vérité,
Cachées des vilénies, j'ai épousé le chant des volontés,
Que les sphères aiment de soleil, dans l'aurore renouvelée.
Assoiffée du Verbe dans la mobilité que tout invite,
J'ai bu à la fontaine des éclats de lumière que seul Il connait,
Que dans mes nuits radieuses, j'ai vu de pas d'un saut de geai .
Adorée de l'Amour qui me ceint, et en moi gravite,
Chaque jour me grandit, couronne mon geste le matin,
M'emplit de son heure, j'ai vécu la caresse du destin.
Agenouillée sur le marbre, qui de lueur blanche
Rêve l'autel qu'églises bénissent, j'ai vu resplendir la lumière,
Et aux larmes du monde, j'ai cueilli la perle de la souffrance rivière.
Quand allongée à plat ventre sur la terre des dimanches,
Et des jours riches des pluies traversières à mon dos courbé,
J'ai soufflé avec l'air sur les feuilles en suspension dans le jubé.
Aux jours s'évanouissant dans les cieux pareils aux aurores
J'ai vu l'abandon des émois transformés, que la couleur aime,
Que le chant des oiseaux chahute vers ceux qui aiment.
Aux chants d'opéra que mon esprit réclame avec force,
J'ai ourdi les velours que font les rideaux, la nuit tombante,
Brodant l'astre à la céleste chapelle, mon coeur l'adorant.
Revenue des anciennes sagesses, dans l'amour acquis,
Au beau livre des libertés choisies pour la fontaine renouvelée,
J'ai dit la plus belle des lumières et reconnu l'amour révélé.
Au matin de l'aurore s'éveillant, j'ai vécu en son sein le buis,
Et à ses feuilles parfumées, j'ai vu la colombe aimer l'étoile du levant,
Moi, l'aimée qu'il a levée au soleil des sextants.
Du nord au sud, de l'est à l'ouest.
photo libre de droit du plateau du Retord
Oeuvre personnelle, pastel sec BLJ, ( toutes photos non libres de droit )
L'enfant, doublé d'un ange, d'un archange,
Toujours précédait mes pas ; aidait le destin.
Quand neige tombait drue, quand froidure dérange,
L'avez-vous vu m'assurer le chemin d'instinct ?
Quand elle marchait, hardie, l'âme résolue,
Le froid glacé reculait peureux devant ses pas !
Quand vint l'hiver et le gel de la vie absolu,
Elle fut le soleil réchauffant la nuit du trépas.
Nul n'aurait terni cette volonté dans l’abîme
Qui ramassait de ces ténèbres l'hideuse peur
Qu'ont les mères délaissées ; l'autre de la Dîme *
Parti ! Elle, était là, elle, venue d'ailleurs.
Ange habité, ange du secours, ange sévère,
Nul ne croisait son chemin sans être ébloui
Car des destinées menaçantes, elle, solaire,
Chassait l'hiver gelé blanc d'un geste fleuri.
L'avez-vous croisée, cette petite lumière,
Qui n'eut de ses années que le mot qui secourt,
Que la main en offrande, encor' jeune ouvrière,
Fait le thé à la bergamote avec amour ?
La neige revêtant la nature feutrée
Avait un goût de malheur dans l'isolement,
Et, elle, elle ! faisait scintiller mes soirées
Quand chaque flocon déposait son manteau blanc.
Y eut-il plus bel ange pur en cette vie,
Quand les jours sombres, les froides obscurités,
Étalaient leur drap transi, sa cape de survie,
Pour que mes os figés osent guérir fruités !
Soleil et lune s'inclinaient sur son passage,
Elle, revêtue de l'habit d'un ange, brillait.
À tant voir cette valeur, et ce fort courage,
Même l'étoile de Noël vers elle se courbait.
L'avez-vous vue se charger de l'amour utile,
Et de l'amour torrentiel sur les douleurs,
Que vous n'avez rien reçu du labour fertile
Si vous ne l'avez vue rayonner de chaleur.
Quand elle prenait un flocon bleu dans sa paume,
Quand elle dessinait une fleur au coucher,
C'était ses yeux neige consacrés comme un baume,
Une rose sauvée de l'auvent fracassé.
- Maman, tu me portes, je te porte, deux, ensemble ;
Chut ! ne dis rien, ne réponds pas ! ne parle pas !
Va balayer la neige et aimer, point ne tremble !
Je veille ; les petits vont bien ; c'est bientôt Pâques.
Quand neige et glace eurent bien meurtri mon église,
Et que vent plia le roseau, que chêne aux regrets
De sa verdure fut malade, fille insoumise,
Lava mes pieds couchés - Ne dis pas ce secret !
Elle, dont la main fleurissait ma coupe d'ambre,
Sertie de tant de joyaux, saphirs et rubis,
Taillait d'une épée de cristal bleu mon décembre,
Qu'avril et printemps purent allaiter la brebis.
Quand bambin arrive, que sagesse est sa marque,
Elle, rien ne lâcha ; pépite d'or brillait.
Sophie engendrée babillait tel un monarque,
Dans ses bras ornés de lys, marmot brun jouait.
La nouvelle noce trahie d'un artifice,
C'est elle, dans le sein des pères sans levant,
Remplaçant l'absence, et embellissant l'office,
Qui serra leurs mains vides, forgeant l'acier brûlant.
Avez-vous vu passer l'enfant doublé d'un complice ?
Fille a grandi ; L'ange la ramène mes soirs ;
Neige a fondu ; l'hiver fleurit l'été ses narcisses,
L'ange est parti, l'archange aussi. - Va au pressoir !
Les beaux fruits ont offert leur jus ; la neige est pâle.
L'étincelle guidant mes pas dans le torrent
Est partie briller pour autres anges opales.
L'avez-vous vu briller, Julie, dans mon firmament ?
*la Dîme, nom d'une maison dans le Bugey
Beethoven - Moonlight Sonata
Jorge Donn, Bolero-1982, musique Ravel
𝙉𝙊𝙏𝙍𝙀 𝘿𝘼𝙈𝙀 𝘿𝙀 𝙋𝘼𝙍𝙄𝙎 𝙈𝙐𝙎𝙄𝘾𝘼𝙇
d'après l'oeuvre de Victor Hugo
tableau "Le Voyageur contemplant une mer de nuages"
(Der Wanderer über dem Nebelmeer)
de Caspar David Friedrich
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_%C5%93uvres_de_Caspar_David_Friedrich
J'ai vu un homme, beau, altruiste et gracieux,
Venu une nuit enneigée de printemps capricieux.
Quand des montagnes et du silence, il naquit royal,
Une nuit revêtue d'une pèlerine tissée d'étoiles.
Il ne dit mot, acceptant le silence du jour diluvien,
Sa pensée confortant le bruit inaudible qui advient.
Il était de ces âmes profondes, nues et vraies
Qui, aux affres des temps dirigés, souriait,
Aimait, ratissant l'amour pour une seule fleur.
L'esprit grave, telle une destinée lourde d'heures,
Se discernant à la forme des mains vieilles d'âges,
Et encore à l'austérité dense de son visage,
Je le vis arriver comme un léger papillon dans l'air,
Paisiblement né de sa chrysalide nourricière.
Le rictus tranquille, la lèvre muette, le front haut,
La pensée sereine et riche de vies que veut l'En-Haut,
Que mémoires subissent, la volonté assidue,
Il mesurait la vie comme on gravit une falaise ardue.
Il neigeait. Il ventait.
La nuit dormait.
Le silence se reposait,
Et sa vie frémissait.
Il ouvrit ses mains comme enviant les aumônes
Que seul l'amour offre au soleil et son trône,
Que seule la vie déploie à la hauteur de l'amour,
Que seul l'esprit réclame, armé devant les vautours,
Portant un rayon vaste de lumière gravé au cœur,
Des joies et des tristesses qu'l il sait par cœur.
Comment arriva-t-il à la croisée de mon chemin,
Griffant la route d'épines d'un beau rouge carmin,
Montrant une rose vermeille, toute de parfum,
Qu'à deux, nous devions répandre de thym ?
Encore j'ignore ces rives qui me l'ont consacré,
Ce bel homme avec l'éclat d'embellies et de puretés
Qui choisit la pauvreté, l'indigence et l'exigence
Tout en concédant large, le cœur des innocences.
Il posa sa main sur mes lèvres crevassées,
Invitant au silence pour tous actes terrassés.
Puis il griffa la terre d'une croix d'un doigt,
Disant : point, nous ne voyons l'épine au bois,
Nous devons guérir nos plaies d'amour et de joie,
Si tu me veux pour toute voie, soyons de même loi.
Le jour se levait,
La nuit s'achevait,
Le murmure se reposait,
Et sa vie aimait.
Il est venu le bel homme que l'on dit être le fils,
Celui que l'on nomme victoire parce qu'il fut sacrifice,
Qui, tant, a pleuré sa destinée d'amères ombres,
M'offrant tout le toit des supplices défunts sombres !
La rose a fleuri, a ourlé ses pétales de parfum
Que le thym a sauvé des pucerons au matin.
Il a posé sa pèlerine de chanvre sur mes épaules blêmes
Créant du silence, le chant des oiseaux que ciel aime.
Illustration Beatrice Lukomski Joly oeuvre personnelle " Longecombe "
Ma falaise bleue, drapée de verdure, tu sommeilles, et pendant que je demeure loin de tes entrailles, je rêve encore de toi dans ton drap de velours bleu émeraude que tu révèles de blancs, de bleus, à mon souvenir.
Ma falaise, mon épouse, qui de tes formes, auréole mes fenêtres, tu attends que je te revienne, me connaissant fidèle à tes traits maquillés de nuages que légèreté aime de tes pentes dévalées jusqu'à l'épuisement du rêve qui n'a jamais cessé d'envoûter ma mémoire.
Pas un jour, pas une nuit, sans toi ! Songes harmonieux à ma vie qui te voient comme un tombeau. Je mourrai entre tes bras. Je te reviendrai, siècles passants d'automnes éclairés à tes étés chauds comme le soleil caressant ton visage ; attends-moi !
Ma falaise bleue, tu t'es endormie, triste, lorsque de mon mouchoir agité d'un pli mouillé, je t'ai crié : Ne m'oublie pas !
Chaque printemps, de tes narcisses corollés* d'étoiles blanches, tu écris ton amour à ma parure or que tes sapins, géants de nos amours, cachent en leurs écrins pour quelques sanguins d'automne feus.
« Dis à tes sombres rires veloutés, les mornes chagrins qui m'ont faite veuve de tes collines et de tes ravins, quand j'épousais, l'âme tranquille, tes nobles atours, assurée de ta loyauté à ma vénération ; lorsque mes pieds soumis t'aimaient de ces caresses ombragées que le ciel éclairait d'enluminures pourpres lors de nos couchers, je chantais un psaume que toi seule entendais.
Comme j'aime ton manteau blanc couvrant mes cheveux que tu embellis de flocons crapuleux, tourbillonnant tel le vent voulant se faire remarquer, car las d'être seul, et que s'amuser avec les branches pour la joie de mes yeux t'est le zèle de ma constance émerveillée, toujours éblouie par les joyaux que tu caches secrètement tel un hiérophante qui ne veut rien enseigner. »
Ma falaise bleue comme la mer roulant ses flots, tu cueilles des pierres pour toutes vagues ondoyantes sur tes talus, et je pense à toi, mourante entre tes valons, pourtant si loin de tes yeux. Je sais que tu penses à moi parce que je pense à toi. Je t'entends hurler pour me voir revenir :
« Viens !, cries-tu ; reviens ! moi aussi, je meurs, me dis-tu, car toi seule m'aimais de connaissances, batifolant avec mes elfes et mes salamandres adoucies dans les épines de mes branches. C'était si doux de te voir assise sur une pierre au bord de mon étang transparent comme la galaxie se mirant à ma surface, me lisant la vie de l'esprit que tu en égayais ma pensée revenue à la vie.
Ah ! cette lésine si douce quand elle aimait le silence pour toute symphonie bleue ! Je rêve de tes pas creusant mes rides lors de mes pluies printanières. Je fleuris mes grottes et mes cascades pour ton retour afin de te voir enfin revenue en mon giron, meurtrie par ton absence.
Que le temps m'est d'une langueur sibylline chaque fois que tes yeux emplissent mon rire de ton regard admirant la dévotion de mes eaux déboulant sur mes roches éclatées par les millénaires, qui n'osent plus espérer mes levers de sommets. Pourquoi n'ai je pas figé l'instant pour l'arrêter ?
Que restera-t-il de moi lorsque siècles m'auront érodée pour ton retour ? Pleureras-tu mon silence ? ajoutes-tu. »
Et triste, et mélancolique, je lui réponds que, là-haut, trépassée, je veillerai sur elle, elle, ma falaise bleue dans le firmament or, qu'on entendra un chant plaintif du haut de ses cimes, et tout à fois enjouée, je caresserai les nuages baignant ses vallées. Ce chant, ce sera moi, mais chut ! ne le dites à personne !
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