Béatrice Lukomski-Joly


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Les ombres et les voix dans " A la recherche de Jeanne"

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

13 février 2021


Trois semaines sont passées depuis que je l’ai vue en mon salon. Je n’avais plus de nouvelles, enfin ! ce que j’appelle des nouvelles, c’est à dire la voir, la sentir présente, communiquer avec elle. J’avais bien posé une question à laquelle j’espérais une réponse, mais il nous faut savoir attendre lorsque nous interpellons un vivant ex-carné que nous appelons défunt parce qu’il est défunt pour le monde terrestre. Comprendre sa peur qui était devenue une terreur.

Bien que nous savons que la dégénérescence cérébrale engendre des voix audibles « physiquement », c’est à dire à l’extérieur de soi, en science spirituelle, nous savons que ces voix sont le fruit d’un début d’ex-carnation, les corps spirituels commençant à se détacher du corps physique, apportant son lot de manifestations ancrées dans les deux mondes qui ne sont pourtant qu’un seul. Etait-ce des manifestations d’âmes de passage, ou était-ce des voix d’âmes qui l’avaient connue et qui ne l’avaient pas aimée afin de la taquiner, l’embêter, ou encore autre chose de plus terrestre ? Juste question, car jamais elle n’entendait ces voix lorsqu’elle venait dormir chez moi ou que nous allions visiter des endroits qu'elle voulait revoir avant de mourir.

Nous partions dans ce cas plusieurs jours, partageant les frais de plusieurs nuits de gîte. La plus grande part était pour moi, sur ma décision, bien que ce fut elle qui voulait s'y rendre. J'étais d'accord pour qu'elle offre une nuit sur plusieurs, un repas, qu'elle décidait pour me remercier de l'emmener. C'était une grande joie, voyant souvent ses yeux s'écarquiller, même sur une simple vache brune qui semblait lui souhaiter la bienvenue. Elle avait parfois des réactions enfantines que je ne lui avais jamais connues chaque fois qu'elle retrouvait ses paysages d'enfance. De cela, je ne me serai pas privée. Voir le bonheur d'une vieille dame est émerveillement.

Elle était devenue avec l’âge déficiente auditive et il m’avait été expliqué par l’audioprothésiste que la surdité mal soignée et non appareillée précocement engendrait les pires acouphènes qui soient, relevant de sons physiques interprétés par le cerveau comme des voix de proximité. Je l'avais alors convaincue de l'urgence d'être enfin appareillée pour entendre la réalité de la vie. Malgré le prix, elle avait accepté. Ceci expliqué par la science officielle matérialiste, je ne me départissais pas de la science spirituelle qui explique le détachement des corps éthérique, astral et du moi, lors de l'achèvement de la destinée avec la réalité de l'expression du cerveau-miroir du cosmos.

Lorsqu’elle venait chez moi, nous ne pouvions pas dire que ce furent ce type d’acouphènes ni des âmes de passage puisqu’elle ne les entendait pas. C’est la raison pour laquelle, je me suis souvent questionnée sur sa terreur, voulant l’aider autant que je le pouvais. Est-ce que ces voix qu'elle entendait pouvaient provenir d'un fait engendré par une tierce personne incarnée ? J’avais demandé à un ami -agent de sécurité- de venir évaluer son environnement et savoir si des squats étaient envisageables, étant environnée de toutes parts d’usines désaffectées. Elle avait vécu cinq décennies dans cet environnement d'une grande laideur que, personnellement, j'avais fui dès ma majorité acquise ; y revenant sur la tard pour l'aider, préférant la recevoir que d'aller chez elle. Il avait décelé un endroit possible, voyant des canettes de bière vides dans l’atelier au mur mitoyen juste à côté de sa cuisine et de son couloir, alors que celui-ci avait été nettoyé, balayé quelques mois auparavant par le propriétaire auquel j'avais signalé la nuisance, si nuisance il y avait, et qui m'apprit qu'ils étaient dorénavant  deux personnes à avoir la clef de ces ateliers. L'agent de sécurité avait aussi visité la cave. Rien dans la cave. Elle était trop encombrée pour pouvoir s'y installer, dit-il. Il avait observé un autre mur mitoyen avec les ateliers, mur fraîchement bâti entre la cave et l’atelier. Seule une fente subsistait ne donnant pas la possibilité d’entrer dans l’enceinte de sa cour. Il avait évalué le Wifi sur sa box internet parce qu’elle entendait des chansons à partir de minuit, jamais avant cette heure : la Marseillaise, comme en réponse à son drapeau Lorrain qu'elle avait mis à sa fenêtre, et que n'importe qui pouvait se connecter à son wifi si il n'avait pas été sécurisé, ou piraté, dit-il encore. Rien sur le Wifi ! Ne restait plus que cet atelier donnant sur sa cuisine, dont une trappe subsistait que nul ne pouvait plus sceller ni murer, car elle était cachée derrière le cumulus électrique. De là, des présences auraient pu effectivement la « hanter » tel elle le vivait. Ne disait-elle pas avec son époux que du temps de l'activité ouvrière, ils entendaient toutes les voix des ouvriers oeuvrant en l'atelier sous leur chambre au point qu'ils avaient l'impression qu'ils étaient chez eux. Lui du temps de son vivant avait quelque fois crié à leur égard leur demandant de se taire. 

Dans le doute de présences réelles ou d'une maison "hantée" à ce qu'elle pensait, elle déposait du gros sel sous son lit, et dans chaque coin de la maison. Elle avait acheté, sans me le dire, des livres traitant d'exorcisme que j'ai trouvé lorsque nettoyant sa demeure après son départ pour la vie après la mort.  Je mesurais l'étendue du désastre qui avait été plus grand que je ne l'avais vécu avec elle, lors les heures nombreuses passées ensemble, et mesurais l'ampleur de sa peur à un point que je n'avais pas soupçonné au-delà de ce que j'en avais perçu d'elle. J'avais découvert qu'elle avait tenté d'exorciser sa demeure sans y être parvenu. Je jettai ces livres comme je jetai tout le reste pour ce que je ne donnai pas à qui avait besoin, de vaisselle, de vêtements, chaussures, couvertures, la misère galopant à nouveau.

Deux personnes avaient la clef de ces ateliers et je m’étais questionnée sur cette possibilité que l’on puisse la terroriser, parce qu'un homme jeune allié à un cousin de son village, ayant la clef des ateliers désaffectés, la haïssait pour une histoire de garde à vue ancienne à cause d'elle. Il avait prononcé un seul mot qu'elle avait interprété comme une insulte contre elle et le quiproquo avait galopé comme un cheval lancé au galop dans la plaine. Les quiproquos engendrent un karma. Il m’avait dit un soir d’hiver la détester pour cela alors que je repartais. Je le comprenais vraiment ; comment ne pas prendre sur soi cette douleur sur un fait ne relevant pas du pénal pour une fausse interprétation tel elle était habituée à faire et qui avait eu des conséquences lourdes sans cependant aboutir ? Il n’avait jamais su lui pardonner les quelques heures passées en cellule pour ce mot, un seul mot : le mot vieille Je m'étais demandée très longtemps après si la dégénérescence cérébrale n'avait pas débuté là, surprenant tout le monde sans aucune interprétation possible. N'était-elle pas également coutumière de ces accablements depuis l'enfance, soit la période de la guerre dont le souvenir avait martelé son quotidien ? Je la comprenais aussi, elle, dans ses terreurs nocturnes, des outils à proximité de sa main pour attaquer qui pourrait entrer et l’agresser : marteaux lourds, scie, machette, tourne-vis, lesquels outils j'ai trouvé  près de son lit après qu'elle fut morte. Je connaissais la présence d'une machette sous l'escalier pour taper sur la rampe et faire taire les voix, laquelle j'ai laissée sur place, mais je n'avais pas de son vivant connu tant d'outils près de son lit, car cachés en-dessous, mais à portée de sa  main.  Elle me demandait de ne pas faire sa chambre, seule pièce qu'elle voulait nettoyer elle-même, et c'est après elle que j'en compris la raison. Elle ne voulait pas que je les découvre ni ne lui supprime. C'était sa rassurance. Je commencais à m'inquiéter lorsqu'elle voulut me mordre sans raison, me disant qu'elle pouvait retourner la machette contre moi dans une angoisse plus forte que  d'habitude. L'évidence était là. Elle était malade. Je déposais un mot dans la boîte aux lettres de son médecin, lequel mot ne trouva pas d'écho. Peut-être que son médecin n'y avait pas cru, la voyant quinze minutes  à chaque visite qui ne laissaient rien apparaître sinon les pertes de mémoire diagnostiquées tardivement. J'avais demandé qu'elle soit vue tous les mois, son médecin en décidait autrement, soit tous les trois mois. Elle faisait illusion comme beaucoup de ses personnes atteintes de ce type de maladie. Les gériatres savent cela. Mes mots n'avaient pas convaincu son médecin que je ne parvenais pas à joindre au téléphone, Jeanne ne voulant pas que son médecin sache sa réalité, refusant que je le contacte puisque Jeanne ne le voulait pas. Je continuais à déposer de temps à autre un mot dans sa boîte. Seule avec ce fardeau que personne ne crut, sauf le gériatre, mes amis soignants et France Alzheimer que je contactais en urgence et qui me guidèrent en la présence de Jeanne pour la part médicale. Les voisins ou le personnel de la mairie, s'apercevaient parfois d'un trouble du comportement et m'alertaient : " Hier soir, elle s'est endormie à la nuit sur le volant de sa voiture. Nous avons eu du mal à la réveiller. Nous l'avons aidée à rentrer chez elle. Nous avons surveillé pour qu'il ne lui arrive rien." Je les remerciais. Je pouvais compter sur eux. Il me tardait qu'avec le gériatre une solution soit trouvée. Il conseilla qu'elle resta chez elle moyennant des aides à domicile en plus de ma présence.Tous les dossiers étaient constitués. Je ne pouvais plus la voir souffrir de la sorte. Je connaissais les procédures lentes, mais lorsque nous sommes concernés, ces processus d'observation médicale et de décision sur un diagnostic à confirmer, parfois sur des années, me sembla interminable. Avait-elle la maladie d'Alzheimer, une MCL, une dégénérescence apparentée que le diagnostic tarda selon les symptômes évoqués et soigneusement notés pour chaque visite médicale. Elle avait davantage les symptômes d'une MCL que d'un Alzheimer, à cause des hallucinations et des réactions difficiles en relations, opposante aux soins, mais le MMS trancha pour une pathologie d'Alzheimer. 

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Rien n’était exclu, non ! rien ! Je laissais toutes les possibilités ouvertes, car toutes étaient plausibles, même si certaines n'étaient pas vérifiables pour le commun des mortels. Trois pistes ! Une physique dans un fait de vie et deux spirituelles. Les trois réunies probablement.

Tant de questions que j’ai posées sans jamais avoir eu de réponses parce que  je devais la seconder sans être influencée. Tout était possible : la présence de ces hommes qui la méprisaient et sa partance déjà amorcée que je percevais. Le masque de la mort est un fait visible. Les soignants en gériatrie le connaissent bien. Si les soignants pour la majorité le perçoivent trois jours avant l'heure de la mort physique, personnellement, je le percevais toujours trois ans avant. Je l'avais donc vu sur elle un après-midi où nous étions affairés dans sa cour à refaire ses volets, ayant décidé de lui donner un environnement plus décent, ce qui l'avait comblé de joie. Cet après-midi-là, je sus qu'elle ne serait pas centenaire comme nous le pensions tous tant sa force de vie était grande. Je ne pouvais alerter personne à ce propos ; on m'aurait ri au nez. Qui croit en la clairvoyance ? Une minorité ! Davantage en la médiumnité ! J'ai bien essayé avec des poèmes écrits que j'espérais être lus, mais nul ne les a lus, ou si lus, n'avoir pas  bougé.

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Ayant un après-midi aperçu une fenêtre d'atelier donnant sur sa cour s'ouvrir, alors que je desherbais son parterre de fleurs et taillais les rosiers et les arbres, demander : " Qui est là ? ", ne pas obtenir de réponse, voir la fenêtre se refermer, sans un bruit, le signaler en mairie puisqu'il nous fallait signaler tous squats possibles,sans réponse en retour, mais à quoi bon quand la clef est donnée pour flirter avec les ateliers désaffectés au nom de la surveillance ; comme celle des acouphènes possibles, et celle de la séparation lente des corps spirituels du corps physique quand la mort approche. J’avais trois pistes pour l’aider sans jamais avoir découvert laquelle pouvait être la vérité. Je ne savais qu’une seule chose, c’était celle elle était en paix chez moi, sans cependant pouvoir la recevoir en permanence pour une cause privée qui me minait souvent : je n’avais pas de salle de bain ni de WC au rez-de-chaussée pour palier à sa vieillesse, les miens se situant au troisième niveau, sous les toits. Deux escaliers à monter ! Petite surface au sol ! Oui, cela m’avait minée car elle avait crié dans son angoisse : « J’irai dans le jardin ! J’ai fait la guerre. Ce n’est pas le manque de sanitaires qui me nuira. » Je lui avais répondu qu’à notre époque, si elle faisait cela, j’aurais rapidement les services sociaux et ses chers « inconnus » sur mon dos déjà bien souffrant. L'ayant vue par la suite monter les escaliers chez elle comme chez moi à quatre pattes par peur de tomber, je compris que j'avais raison. Je l'installais dans son salon à défaut de pouvoir l'installer chez moi, puisque chez elle, elle avait  la joie de jouir d'une salle de douche au rez-de-chaussée qu'elle n'utilisa plus ensuite. J'évaluais son salon pour savoir comment l'aménager au mieux compte tenu de sa pathologie. Je fis au mieux avec ce qu'elle voulait, c'est à dire installer son nouveau lit près de la porte, une pile électrique puissante à portée de main qu'elle voulait. Elle m'apprenait ce jour-là que la nuit, quelqu'un frappait à sa porte d'entrée sans parler alors qu'elle disait " Qui va là ?". Ce même midi, arrivée avec ma cocotte encore chaude comme je le faisais tous les jours pour qu'elle mange sainement puisqu'elle ne cuisinait plus que des plats tout prêts, des conserves, pour ne plus manger ensuite que des sucreries, je l'avais trouvée habillée, chaussée, recroquevillée dans son lit parce que ses terreurs l'avaient empêchée de dormir la nuit.  "Pourquoi dors-tu habillée à cette heure et avec tes chaussures ? Il y a longtemps que tu dors avec tes chaussures ? " lui avais-je demandé. " Oui ! Parce que je suis prête à me sauver et à me défendre ! en pyjama et pieds nus, je ne le pourrais pas !" J'appelais au-secours médecins et autres personnes ; le drame était grand, plus grand que je l'avais vu. Elle avait toujours refusé d'alerter qui que ce soit, même son "inconnu" qui venait parfois, rarement, la voir. Elle ne voulait pas l'embêter avec ça, disait-elle et refusait d'en parler à son médecin qui avait ignoré mes mots déposés dans sa boîte aux lettres. Débordé, sûrement. Il me fallait secouer l'arbre comme on veut  sauver la vie en donnant de la légèreté à ses branches, en le départissant de ses fruits trop lourds. Elle m'en voulut et je pleurais d'impuissance autant que de chagrin dans ma compassion, appelant souvent mes amis pour être soutenue et continuer ce chemin si lourd. Ils ne furent jamais absents, car ayant vu et surtout reconnu le désastre.

L’aider ? Il me fallait tout mesurer chaque jour, aussi venait-elle chez moi souvent, et quand chez elle à nouveau, j’y allais tous les jours, sans faille, me moquant des kilomètres. Mille six cents cinquante kilomètres par mois, pendant trois ans, même après le travail, parfois davantage, car il fallait aller souvent à la ville, juste pour elle. J'ai compté les kilomètres après qu'elle fut  partie ; ils s'additionnaient à plus de deux mille par mois et je m'étais demandée comment ma vieille voiture avait pu accomplir cette prouesse des soixante douze mille kilomètres sur ces trois ans. Elle lâcha une fois que je n'en  eus plus besoin pour la servir, l'aider, l'aimer. Parfois aussi, allant la re-chercher à vingt deux heures, car sa peur était insupportable. Elle prétextait que son coeur lui faisait mal pour que je vienne la chercher. Je prenais  rendez-vous chez son cardiologue pour en évaluer la réalité. Elle allait bien. Seule, l'hypertension pouvait en être la cause lors de crises d'angoisse.  Jamais, je ne la brusquais, je faisais son bagage et elle souriait soulagée d'être accompagnée dans son désarroi. Seule !

 

Je revois et reverrai, tous les jours de ma vie restante, ses au-revoirs derrière sa vitre, soulevant son rideau en dentelle, l’air abattu, le sourire pourtant dessiné sur ses lèvres, sa main levée balayant l’air, disant sans cesse : « J’ai peur. Tu viens demain, hein ? Tu viens ? je t'attends. Je n'ai que toi ! » Elle l'avait également écrit dans un SMS que j'ai conservé pour me rassurer et penser qu'elle m'aimait, bien qu'elle en attendait un autre, bien qu'être aimée d'elle n'était pas ma priorité, tous les jours que sa vieillesse fit. J'ai gardé bon nombre de ses messages qu'ils soient écrits ou audios.

Oh ! Cette douleur sans fond que de la voir ainsi, et ne rien pouvoir faire d’autre que venir tous les jours, hormis la prendre chez moi une semaine par-ci par-là et faire face. Elle profitait de la présence des mes amis et les aimait, elle qui n'avait jamais eu d'amis ou si peu parce qu'elle voyait en chacun un ennemi potentiel à cause de ses souvenirs d'enfance ancrés de la guerre qui dénonce chacun.  Elle en parlait souvent. Aucun raisonnement n'avait pu effacer ses peurs anciennes bien qu'elle disait n'avoir jamais eu peur. C'est sur le tard de sa vie qu'elle m'apprit avoir eu peur et avoir regretté certains actes qui la faisaient sangloter. Je la prenais dans mes bras souvent pour l'apaiser. Ce qui est derrière est derrière et ne se refait pas quand plus rien ne peut modifier un fait de vie. Elle en souffrait terriblement et je me demandais si cette soudaine conscience de ses actes n'étaient pas la cause de ses peurs ce qu'elle me confirma : " On souffre là-haut après ? " m'avait-elle demandé. Je ne pouvais pas lui mentir et lui disais avec beaucoup de douceur la réalité tout en minimisant certains aspects pour ne pas l'accabler tant elle souffrait de ces évènements de vie. La mort venant, l'âme sait toujours se reconnaître et ne peut plus se voiler la face. Elle le vivait de plein fouet. Elle le disait ce qui est bien la preuve que l'âme se sait en partance. La mort et son après la terrorisait tout autant que ses voix. Elle voulait savoir. Elle était en face d'elle, de sa vie qu'elle évaluait déjà, accablée par ce qu'elle en avait pu en faire dans certains aspects.

Elle n’entendait jamais ces voix le jour, toujours à partir de minuit, me disait-elle. L’heure était régulière et récurrente. C'est cette heure, toujours la même, qui me fit me questionner plus que jamais. Pourquoi pas le matin, pas l'après-midi, juste à partit de minuit jusqu'à une à deux heures le matin, disait-elle. Comment faire une main courante ou un dépôt de plainte sur du vide sans preuves ? Je m'en abstenais ; je signalais seulement au propriétaire des ateliers qui avait voulu me dire quelque chose et s'en était ravisé après avoir seulement dit : " C'est... ". Pourquoi ? Je me disais que l’on pouvait vouloir se venger d’une garde à vue imméritée lorsque nous n’avons pas su oublier l’affront ni pardonner, et sans certitude, je mettais en balance sa vieillesse, sa pathologie et les faits anciens de sa vie pour l'aider au mieux que je le pouvais.

Elle criait parfois un nom qui lui revenait de ses cours d'histoire, enfant : La Hire, compagnon de Jeanne d'Arc, me disant : " C'est lui ! je sais que c'est lui ! ", moi, lui affirmant que ce n'était pas possible que la Hire vint en sa maison de nuit. La Hire l'obsédait. 

Je lui demandai comment elle savait que son cher Inconnu était La Hire. Elle répondit ! "Regarde-le ! C'est lui ! Ce sont ses gestes ! sa façon d'être." Je laissai ses paroles de côté, car moi, je ne le savais pas. Je ne faisais que recueillir sa mémoire et pensais, triste, à celui auquel elle pensait. Je me surpris à penser : "La Hire ! oh ! la Hire ! tu ne l'as pas vue ! non ! tu ne l'as pas vue dans sa souffrance que j'ai portée en lui disant sans cesse qu'elle te reverrait." y croyant moi-même, jusqu'à la lettre reçue qui la renia et qu'elle me fit lire, que je compris comme nous étant destinée à toutes deux. Une  lettre qui en valait une autre et dans laquelle elle avait été actrice sans se nommer et sans l'écrire de la hauteur de son courage disparu ou de sa franchise remise à d'autres. " Dis-leur ceci, dis-leur cela."

N'avais-je pas eu l'intention, pour lui faire plaisir, de l'emmener pour qu'elle revoit celui qu'elle appelait La Hire ? Je l'avais eue, lui disant que je resterai cachée, à quelques mètres de son lieu de vie pour qu'il ne m'aperçoive pas. Je connaissais ses colères magistrales, démesurées, qu'il ne fallait pas provoquer. Elle avait raison de le nommer hire. Elle me donna la lettre, disant que je devais la garder pour ne pas avoir la tentation de relire ce qui la tuait. Elle ajouta : "Regarde ! il a même effacé mon nom !" Il l'avait fait, et je m'en moquais, car elle n'était que son nom d'enfance à partager avec quatre enfants. Ce fut le nom que je choisis à graver sur la pierre tombale car, oui, elle avait eu quatre enfants aux noms différents qui tous méritaient de savoir de qui ils étaient nés. Il était hors de propos que deux d'entre eux soient à nouveau gommés de son existence à cause d'un nom. Je lui avais tout pardonner, l'enfance, la vie, la voyant ainsi vieillir de terreur, me regardant moi-même comme étant également lourde de fautes puisque nous sommes tous humains en devenir. Comment aurais-je pu continuer à accabler ses reniements, alors que blessée, je le lui avais reproché, la chargeant d'un fardeau suplémentaire devenu le mien ? Ne pas oublier le bien qu'elle fit aussi, car elle l'avait voulu. Quelques années utiles pour tout pardonner et oeuvrer pour le futur afin d'être ensemble dans la lumière ! Je n'ignorais pas que le temps nous est donné sur terre lors d'une prise de conscience pour  pardonner et reconduire une destinée dans la juste valeur du chemin que fait la vie pour ne pas se charger d'un karma dans le pardon le plus absolu. Quelle lumière avons-nous développée ses trois dernières années !  Ô Grâce !

"Elle te pleure encore là-haut, la Hire, je la vois."

Puis, elle dit : " Tu ne doutes pas de moi quand je te dis qu'il était La Hire ?", ce à quoi je lui répondis :

- Tu n'as pas douté de mes perceptions, car tu les as toutes vérifiées.

- Oui ! elles se sont toutes realisées. Tu me faisais peur parfois.

- Pour La Hire, j'attends la réponse, mais je ne vais pas douter de ta parole. Rien n'est pire que le doute que l'on dépose par la pensée comme on balafrerait une âme de notre pensée égoïste. Nul ne ramène un nom de l'histoire sans que la mémoire dévakhanique ne l'ait apporté spontanément lors de la fulgurance d'un éclair venu éclairer le pourquoi d'une relation. Lui dis-je. Il n'y a pas que toi qui as eu peur, je ne sais pourquoi d'ailleurs.

- Ton regard ! Une impression dégagée incompréhensible pour nous. Quand mourrai-je, demande-t-elle. Toi, tu le sais ! Tu as toujours vu ! J'ai peur. J'ai peur de la mort. Demande-t-elle, sautant du coq à l'âne.

- Je ne suis pas le saint curé d'Ars, aussi n'en sais-je rien, mais sois assurée que je suis là maintenant, et demain, et après. La seule chose que je perçois à ce sujet est ce qui sera le dernier Noël. Répondis-je.

- Tu me le diras ?

- Non ! "

Je l'ai su... Elle était chez moi à son dernier Noël.

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Je voulais savoir. Cette idée d’avoir une réponse ne m’a jamais quittée.

Elle est morte. Je lui demande. J’attends sa réponse. Je sais qu’elle me le dira ; il me faut juste être patiente, car le monde spirituel ne se révèle pas sur un claquement de doigt. Il crée les conditions propres à lui-même et selon notre réceptivité, notre volonté aussi.

C’est ainsi que cette nuit, j’ai la première image vivante qu’elle m’offre à ce propos. Sans bien encore comprendre cette vue de son esprit, j’attends qu’elle puisse me donner d’autres détails plus compréhensibles à mon entendement.

Je la vois s’approcher de moi dans le retour du sommeil conscient clairvoyant, c’est à dire ouvert à la vie spirituelle. Je la vois transie de peur, s’inquiétant des ouvertures donnant sur sa maison, dans une maison qui n’est pas la sienne et qui appartient à un autre. Elle me montre un lourd portail de fer, une maison ceinte par un jardin l’entourant, un vieux puits que je ne connais pas, n'ai jamais vu nulle part. Le jardin est un friche comme son quartier. Elle me montre l’emplacement d’une maison détruite sur lequel a été rebâtie une autre demeure qu’elle ne me montre pas. Elle me montre des barreaux sur une petite fenêtre. Je crois comprendre, mais je dois attendre qu’elle me donne d’autres images vivantes de ce lieu. J’ai le sentiment intérieur que cette maison et ce jardin montrés sont les détails de deux maisons fondues en une seule. Ainsi parle le monde spirituel en une seule image qui en évoque plusieurs dans la même perception d’où la difficulté de les saisir pleinement. Je ne peux à cette heure rien interpréter. J’attends. Rien ne presse. Je veux juste savoir. La patience est le maître mot ou la sagesse en action. Ayant toujours eu la réponse à mes questions, j'attends. Elle le sait. 

La force d'une plume est de pouvoir voler au-dessus des nuages.

 

Beethoven - Piano Sonata No. 17 "The Tempest" (Hélène Grimaud)

 

Aucun poème ne peut être interprété sans avoir demandé au préalable au poète ce qu'il a voulu dire.

Si des poètes et écrivains trépassés, nous interprétions, sans connaître la biographie du poète, sans connaître sa pensée défendue, nous aurions assurément tout faux.

Les commentaires sont fermés , après un grand nombre d'attaques écrites, anonymes ou non, j'ai dû fermer cette section.

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite

Aucun de mes écrits n'est modifiable (plagia) sur la volonté d'un tiers pour des besoins personnels. 

Béatrice Lukomski

 

Livres publiés :

1 / Âmes amères - chez GABRIEL LARDANT Hauteville-Lompnes Ain 1984  - épuisé - 

https://booknode.com/ames_ameres_0991345

2 / Le Génie - Théâtre-  chez GABRIEL LARDANT Hauteville-Lompnes Ain  1990 - épuisé -  Aujourd'hui Livre d'art, de collection.

https://booknode.com/le_genie_02246894

3 / Poèmes solaires, poèmes lunaires - Aux éditions du Bord du Lot 2017

http://www.bordulot.fr/detail-poemes-lunaires-poemes-solaires-256.html 

4 / Le sentier - Roman - 2019

5 / Lumière et ténèbres - Poèmes, Conte,  Nouvelles -2020

6 / La table dressée et le Roi - Conte - 2021

7 / En l'an trente-trois de mon âge - poèmes et prose - 2022

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