La petite fille sombre
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentairephotos issues du site
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Il était une fois…
il était une fois une enfant,
triste comme l’automne finissant,
une petite fille sombre,
affligée comme peut l’être la pénombre
en décembre.
Il était une fois…
une petite fille au sang pourpre
que la Toussaint fête de sa foudre
en Lorraine, en novembre,
car de sa douleur sans jamais d’ambre,
ne sait se défendre.
Brune et triste et sombre,
le regard qui sombre,
ses draps teintés d’amertume
sous la couverture usée en plumes,
elle était en silence le cri du cœur :
« Non, je ne fais pas exprès ! ma soeur ! »
La nuit rendant à la peur l’épine,
épine que la douleur butine,
elle allait la tête baissée, amère,
quand entendant l’offense de la mère :
« Quelle affreuse, tu es ! »
buvant son lait le matin, dans le bol son nez.
Le gel dessinait sur les carreaux
mille fleurs de givre qu’emporte le caveau,
transie dans ce froid redoutable
que chaque enfant craint effroyable,
elle dormait, le lit au centre de la chambrée
sans chaufage, sans cheminée,
cernée de noirs barreaux malheureux
sentant l’air glacial caresser ses cheveux.
Alors, elle se recroquevillait sur elle.
Pourquoi descendre, un peu rebelle,
quand la chaleur fœtale protège,
douée même en été de réconfort sans neige ?
Elle, la petite brunette, aux courts cheveux,
que l’alambic appelait, heureux.
"Béatrice ! J'ai si froid, j'ai peur,
la nuit me glace de cauchemars. L'horreur !"
Si ma voix d’enfant put lui dire :
« Pourquoi te laisses-tu insulter ?
Cette harpie qui ne voit pas l’amour,
laissant la peau épaisse sur le lait fumant
que le poêle en hiver de joie réanime,
ne peut pas t’injurier, maligne! »
J’entends encore les cris de la dame,
le père soumis ne répondant pas à l’infâme,
doux tel un agneau lassé et doux,
parfois haussant le ton en bon époux,
et ma disgrâce dans l’intense misère
était plus belle que celle de cette pauvre hère.
Le matin aux journaux livrés
pour quelques sous gagnés,
avant la classe avec ses sœurs,
encaissait son pain mérité de l’absent cœur.
Point de vacances, se lever chaque jour,
pour nul ne saura quoi, sans vrai amour.
La petite fille au regard sombre et dur,
baissant souvent la tête car endure,
rendit l’âme, la floraison des vœux passée,
retrouvant l’Amour de son étoile fatiguée
qui l’accueillit, la destinée achevée,
ses draps propres et enfin de soie tissés.