Béatrice Lukomski-Joly


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Mémoires d'une défunte.

Quelques extraits d'un nouveau livre en cours d'écriture dont le fil vous paraîtra parfois difficile à suivre puisque je ne donne que des extraits.

Les images données vécues relèvent du contenu des images données par Jeanne, ramenant mes propres souvenirs.

24 février 2021

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Toutes photos du site Pixabay: photos libres de droit

 

24 février 2021

La nuit dans son sommeil splendide a ramené son visage, ses images et sa parole, mon regard clairvoyant ouvert. Son vœu n’est pas, cette nuit, d’apporter quelques clefs qui ouvriraient des portes sur la compréhension de ses faits de vie vécus, mais de continuer à exprimer son remerciement à mon aide. Avec la même force, elle montre ce qui fut beau jusque dans la prise en charge d’aide lourde qui aurait pu déplaire aux personnes non averties de la pathologie quand la vieillesse devient pathologique, dotée de moult maladies nouvelles, parce que tous les organes vieillissent comme le visage, et que le visage témoigne de son âge alors que le corps intérieur ne révèle pas ses carences à ceux qui nous regardent. Peu pensent à ce vieillissement invisible des organes internes, croyant ainsi que l’âge n’atteste que des rides dessinées. Un adage dit que nous avons l’âge de nos artères et en cela, la vérité de la vie a exprimé le vieillissement des organes perceptible aux seuls contrôles radiologiques et d’un bilan sanguin, parfois tardivement. Le corps interne trahit son âge souvent davantage et plus précocement que le visage, les cheveux blancs et les rides, qui peuvent ne pas montrer l’âge réel. L’âge vrai réside dans les pensées que nous avons déversées dans le monde, notre corps de vie, dit éthérique, devenu inapte à ressourcer la vie par les forces vivantes que nous ne devons pas voir, et le karma signant la fin de sa destinée. Ainsi en est-il d’une maladie grave se déclarant quel que soit l’âge. Le corps interne révèle le processus de mort physique bien avant le visage et les gestes.

Aussi avait-elle, dans le lot des atteintes du vieillir, attaquer à son insu son corps avec un diabète de l’âge, une mutation génétique, une hypertension artérielle, un syndrome parkinsonien modéré, une défaillance sphinctérienne double et bien d‘autres pathologies. Pourquoi à son insu ? Parce que nous ignorons, lorsque nous ne sommes pas versés dans la science spirituelle, que toute atteinte physique provient de nos pensées ou du karma. C’est dans cette dernière défaillance que mon aide parmi d'autres lui fut précieuse, car dans toutes nos sorties, j’emportais vêtements et autres effets utiles pour son confort et dans la plus grande discrétion, afin qu’elle ne se sente pas amoindrie. Comme toutes personnes âgées, cette faiblesse lui arrivait souvent. Elle me prévenait pudiquement et où que nous soyons, la soignante en moi reprenait ses gestes avec sûreté et aisance. Cela la rassurait. « Cela ne te gêne pas ? » demandait-elle souvent, jusqu’à ce qu’elle ait acquis la totale confiance, ne voyant en moi aucun ennui comme elle disait. Je lui répondais : « C’est la vie ; la vieillesse est ainsi faite. Il n'y a rien qui ne soit déplaisant. Une soignante œuvre aussi bien à un change qu’à une perfusion, ou autres actes d’urgence. » Elle ajouta : « C’est cela le métier d'infirmière ? Tout faire ? Faire ça aussi ? » Oui, c’était cela le métier. Je caressais alors ses mains pour lui dire que seule, sa vie m'importait, que je l'aimais quelles que soient les circonstances. Elle était étonnée parfois que je l'aime.

Elle avait demandé d'un regard que je devinais presque coquin: " Dis ! Il paraît que les hommes aussi de viennent comme moi, que cela ne touche pas que les femmes. " Je lui répondis : " Tu l'as dit et c'est juste, nul n'y échappe. Cela arrive plus ou moins tardivement."


 

Elle avait souri. J’avais corriger son sourire en lui disant :

" Oh ! Tu ne dois pas être contente de ce qui pourrait arriver aux autres et qui te touche dans ce que tu vis comme une indignité."

Elle me fixa, répondant : " Tu as raison ! Et toi ? " J'avais éclaté de rire. J'avais compris que c'était sa manière à elle de se rassurer dans ce fardeau porté.

Nous avions, parfois, des discussions qui valaient leur pesant d'or et qui s'achevaient en éclats de rire. Pour clore le sujet, elle invitait : " Viens ! On va acheter des tartes à la mirabelle. Ça nous fera oublier que je suis vieille. La boulangère en vend. C'est pas beau de vieillir, tu sais ! " Je le savais. N'avais-je pas soigné tant de personnes âgées ? Mais je n'avais pas la même perception de la vieillesse qu'elle. D'abord, parce que je n'étais pas encore vieille, et aussi parce que j'avais étudié la vieillesse selon la connaissance de l'Anthroposophie et parce que j'avais vu tant de personnes âgées. Les tartes aux mirabelles achetées, elle oubliait sa disgrâce et surtout ses peurs jusqu'à l'heure arrivée de mes départs.

Elle avait demandé : « Et si je suis invitée et que tu n’es pas là, et que cela m’arrive, qui le fera ? Qui saura le faire ? » Je lui avais répondu : « N’importe qui de non averti et sans savoir-faires ou de savoir-êtres en sera effrayé, mais tout dépend de la capacité à faire face. À toi de voir. Je ne peux rien décider à ta place.» Elle avait été invitée à deux reprises dont l’une n’aurait pas vu ma présence. Elle décida de ne pas y aller à cause de cette gêne, car il fallait en ces occasions douloureuses la laver, la raviver, et elle ne voulait pas indisposer. Elle avait écrit son refus sur un petit bout de papier, me disant qu'elle l'enverrait par la poste. Après elle, je retrouvais ce papier dans un de ses tiroirs. Je compris qu'elle n'avait pas osé le dire.

Grande est la douleur psychologique des personnes âgées devenues incontinentes. Elles se privent de rencontres, de visites, de sorties, apeurées par la gêne. Elle refusa ainsi de retourner une seconde fois dans sa région natale de peur de tacher le lit bien que j'emmenais alèses et draps. Grande aussi parce qu'elles doivent dire, avouer, expliquer cet inconfort et qu'elles ne le souhaitent pas.

C’est cela qu’elle me montre en ses nouvelles images, me remerciant de l’avoir aidée où que nous étions, moi, heureuse de l’aider pour son confort. Elle a vu, ex-carnée, ma sincérité dans ma patience réelle sans jamais faire atteinte à sa dignité de vieille dame, chacun de ces instants passant inaperçu.

La gratitude a une image morale contenue dans un sentiment que l'on pourrait comparer à la floraison d'une rose.

Ce remerciement passé, elle me montre le départ prochain d’un ami âgé pour le monde des défunts. Elle l’attend bien qu'il fut davantage un de mes amis plutôt qu'un des siens. Là, elle a su pour la première fois avant moi et j'ai su qu'elle me montrait vrai. Je regarde ce visage tant aimé qui a beaucoup vieilli et qui trahit un épuisement intense. Ainsi pars-tu ! pensé-je. Le visage s'approche de moi en une forme ovale, semblant vouloir m'embrasser pour me dire au-revoir. Je suis habituée depuis l'enfance, aussi loin que je me souvienne : mes deux ans. J'incline la tête en signe du grand respect que je lui voue.

Et avant de fermer le voile, elle me montre la représentation de la haine vécue par un être qui lui était cher. Là, ce moment est insupportable, car la haine a le visage de celui qui la porte en soi : un visage dans une forme ovoïde agissant telle une forme démoniaque qui pénètre l’âme, attaque l’esprit, et qui est d’une telle laideur que l’esprit allonge "des bras" ( c'est une image ), nous pourrions dire imagination d'un bras, pour la repousser sans le pouvoir. La haine est là, réelle, incarnée en haut en une forme noire ayant pris vie, s'acharnant sans relâche juste par ce qu'elle est. La pensée invisible en bas que l’on croit contenue en soi est devenue une entité vivante. Si gens savaient, aucun n'aurait de haine. L'Amour prévaudrait dans tous les actes de la vie et de la pensée.

Elle dépose un baiser à ma joue et disparaît.

Je sais que j'ai vraiment ouvert la porte, soulevé le voile entre nos deux mondes et que l'amour dans le pardon sculpte la face de la vie glorieuse post mortem. Je ne porte plus le deuil. Nous sommes l'une à l'autre guéries.

 

 

 

La multitude ailée - 20 janvier 2021 -

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Marc Chagall (1887-1985)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Chagall

 

20 janvier 2021

 

Elle est là... la sanctification du Nom dans l'âme.

Trois heures trente du matin. L’aube est encore voilée, et là où elle vit, l’aube est permanente attendant son midi avant de briller. La lune accapare la lumière. Tout est ombré. C’est semblable à un brouillard à peine délié de son trouble terrestre. La lumière perle au travers d’un rideau qu’elle tente de soulever, le faisant porte pour que je la vois, accompagnée d’une autre multitude ailée qui permet cette visite et sans laquelle, rien ne serait possible. La multitude choisit l’heure, le moment entre deux sommeils qui réanime le sommeil conscient en perçant la limite du rêve et de l’éveil.

J’ai soif, je me réveille, je bois, je me rendors. J’ai froid, je me réveille, je ramène mon édredon sur la poitrine et me rendors à nouveau. Je rêve , je trouve le rêve beau, il me réveille, je l’écris, et me rendors. J’ai à nouveau soif, je me réveille, je tends la main, je bois, je me rendors. Mon chat miaule, il me réveille, saute sur ma hanche, je regarde l’heure , il est quatre heures du matin, je me lève sans savoir pourquoi et me recouche, estimant un peu étrange ma nuit saccadée, mais jamais inquiète. Une demie heure pour ce ballet nocturne inattendu ! Je suis sereine. Mon chat se dresse, se redresse, regarde vers l’entrée, les yeux fixes. Je me relève et me recouche, laissant le chat reprendre sa place sur ma hanche. C’est donc cela le geste de la multitude ailée, préparant une rencontre entre deux mondes pour que la rencontre puisse se faire ! Faire en sorte que je ne sois ni éveillée, ni endormie, juste entre deux mondes, entre deux éthers, consciente, sans rêve, ni étourdie ni pleinement réveillée, juste somnolente, mais là, pareil à l’instant où nous sentons que nous allons nous endormir, le corps tressaillant un peu.

Je connais bien ces moments précis où le corps physique dit qu’il va laisser aller ses corps spirituels avec cette impression que la terre tourne autour de soi dans un vertige impressionnant. Un sursaut comme une branche se détache de son arbre. Je suis confiante et ne m’attends à rien de précis, quoique le chat fixe toujours l’entrée et m’alerte d’une présence invisible qu’il voit. Je laisse le chat à sa contemplation. Il est serein. Je remonte l’édredon sur ma poitrine, pour la troisième fois. Mes deux autres chats  fixent aussi la porte. Je leur dis :" oh ! laissez-moi dormir !" Rosalie, grise et striée d'un beau poil lustré, semble plus attentionnée et je réalise que ce chat était le sien et que j'ai vu une seule larme couler de chacun de ses yeux quand je l'ai recueillie, se blotissant dans ma main, ce qui m'avait fort peinée, consciente de son chagrin d'âme animale. Mais, présentement,  je n'en fais cas, habituée à ces mouvements de chats qui s'étonnent et réagissent à l'invisible. 

Quelqu’un frappe à la porte. La porte s’ouvre en apparence, sans mouvement. Quelqu’un appelle.

"Tu es là ? Es-tu là, ma fille ?"

Je reconnais cette voix intérieure que le physique ne manifeste pas, que  seule la conscience exprime. Elle franchit la porte, passant à travers. J’écarquille les yeux. C’est bien elle ! Elle est là devant moi et je l’accueille le cœur ouvert comme on ouvre les bras sur terre. Seul, le signe diffère.

En bas, sur terre, incarnés, nous ouvrons les bras pour accueillir un être aimé ; en haut,  en Esprit, elle, désincarnée, moi  avec elle,  et le Cœur chante dans le regard spirituel qui n’a plus d’yeux physiques et pourtant voient. J'ignore si cela est pareil pour chacun, c'est à dire si beaucoup ont le coeur éveillé. Mon Coeur s'ouvre comme deux bras fraternels. mouvement indescriptible en notre langue terrestre. Je me regarde dans mon lit, endormie, souriante, et comprends que je vois avec mon corps spirituel bien éveillé.

 

 

Elle me montre en un déferlement d’images tous les moments heureux vécus ensemble ses trois dernières années, disant merci, simplement merci, et pensant à chaque image : « Là aussi, c’était beau ! »

C’est si rapide que j’en ai le vertige. Il me faut penser vite le temps, car le temps n’est pas le même en haut et en bas. Pour moi, c’est un vertige, car je ne suis pas morte ; pour elle, c’est une lenteur. C’est sa nouvelle normalité. Chaque scène s’habille des vêtements portés lors de l’instant-souvenir, et vont à rebours, du plus récent au plus ancien, pour moi aussi ; tous s’ornent des environnements et objets qui ont reçu nos présences. Je pourrais toucher chaque image pleinement animée, profonde comme si l'espace terrestre était semblable à celui spirituel parce que c'est un souvenir terrestre, inversée, si je le voulais, tout en sachant que je n'ai qu'à vivre le moment dans cette nouvelle éternité,  et chaque image s’éloigne pour laisser sa place à une autre tout aussi vertigineuse. Je comprends, revenue au matin, que voir inversé n'appartient pas qu'au monde des défunts mais bien aussi au monde de la clairvoyance. Le monde originel ne se manifestera jamais en un langage terrestre, il est le langage des origines.

Le panorama qu’elle voulait que je vois dans sa gratitude manifestée s’efface. Elle s’assoit sur mon canapé rouge, près du piano, et je la vois être telle elle était chez elle, recroquevillée, dans l’attente, triste, le regard éteint dans sa présence semi-consciente. Je n’ai de cesse de lui dire, enjouée, et heureuse, ô combien ma joie est grande de la voir et de la remercier d’être venue, allant jusqu'à lui demander comment elle va, ce à quoi elle ne me répond pas. Elle parle peu. J'ai aussi envie à cet instant de lui demander ce qu'étaient ces voix physiques qui la harcelaient dans ses hallucinations de la dégénérescence cérébrale et me retiens, car ce n'est pas l'heure. Je sens derrière moi la multitude ailée qui ne se montre plus mais qui me laisse comprendre qu’ils sont là. Ils sont les acteurs de l’instant de la rencontre. Sans eux, rien n’aurait été possible. C’est comblée de grâce que je remercie chacun et tous pour cette merveille. Mon sourire est aussi vaste que le ciel ouvert et je lui redis que je l’aime. Elle ne parle pas. Elle ne sait que montrer des images de vie avec leur contenu précis. La multitude ailée pense en moi. Je comprends que la rencontre va s’achever. Le temps rapide de lui manifester encore et encore mon amour, de lui demander de revenir me voir, d’ouvrir la porte, à la multitude ailée de ré-accomplir le processus, et je Les remercie d’avoir permis d’établir le lien, de mes yeux spirituels vu. Je comprends soudainement le processus de la Volonté. le mot devient vie ; il n'est plus concept.

Je regarde mon corps endormi, et sans conscience, regagne mon sommeil. La multitude ailée l’a voulu ainsi.

Elle est là... la sanctification et la Volonté du Nom dans l'âme. Moi aussi.

Au petit matin, je me souviens de tout et  flotte comme si sa présence était encore là, elle est là, mais je ne la vois plus. La multitude ailée a fermé la porte, descendu le voile, en attente d'autres moments. Quand ? Je lis : Rudolf Steiner que je remercie en pensée de m'être laissée éveillée par sa Pensée. 

Depuis, Rosalie dort le jour sur l'emplacement où elle s'est assise, et fixe de ses yeux ronds  l'invisible, pour revenir la nuit se blottir dans l'édredon gonflé de plumes pour être avec moi.

BLJ

 

 

 

′′ Pas de frontières séparées

Là où les liens spirituels se maintiennent,

Lumière brillante,

Amour rayonnant,

Des liens éternels avec l'âme.

Alors je suis dans vos pensées,

Alors toi dans le mien,

J ' étais unis avec toi,

Restez unis en moi,

Nous converserons dans la langue de l'être éternel.

Nous serons actifs

Là où les actes prennent effet,

Nous nous tisserons en Esprit

Là où se tissent les pensées humaines

Dans la parole des pensées éternelles."

Rudolf Steiner


 

 

 

 

Jeanne dans "à la recherche de Jeanne"

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

15 janvier 2021

 

J'ai allumé une neuvaine pour me réchauffer le cœur et ne plus pleurer à ses chevets, puis, je suis partie.

Quelques jours après, une forte impulsion évoque le fait qu’il me faut y retourner ; je ne sais pas pourquoi, et avant d’arriver, la pression se renforçe : « Va sur ma tombe ! ».

J’y suis. Est-ce qu’un coup de vent est passé là ? Y a-t-il eu une tempête ? Tout ce que j’y ai mis est à terre, balayé, couché, cassé. Même la statuette de Jeanne d’Arc à l’abri du vent est couchée dans sa jardinière de rosiers défleuris. Mon regard balaye l’alentour ; savoir si une rafale a heurté le cimetière en toutes ses tombes, a contrarié les pots de fleurs, partout ailleurs. Rien ! Juste celle-ci ! Rien qu’elle. Quel est l’inconnu qui a osé balafré cette dernière demeure d’un geste mécréant ? Peut-être cherchait-il sur le marbre gris les clefs de la vie sans les trouver, dépité et agacé. Je n’ai pas la clef physique de sa demeure fermée, mais je suis la seule à posséder les clefs spirituelles de sa vie après trépas. « Va sur ma tombe ! » comme une urgence vitale. Je nettoie ; je balaye ; je cherche l’arc-en-ciel qui a déserté ; il pleut. Trempée ! Gelée ! L’air est glacial. C’est l’hiver. Elle voulait que je vois et remettre de l'ordre.

Je fais un tour dans les allées ; je vais déposer une pensée spirituelle pour Nicole, et pense à Agnès que Jeanne aimait bien. Jeanne a rejoint Nicole parmi d’autres ; Agnès vit. Les âmes qui s’aiment se retrouvent toujours ; c’est écrit en haut comme en bas. Les autres qui n’ont pas connu l’amour ne rencontrent pas celles qu’ils aimeraient revoir une fois le trépas achevé. Aussi, je sanctifie tous leurs noms pour les retrouver un jour. C’est ainsi.

Tombe la nuit et vient son sommeil pressé de me rejoindre. La pierre est propre. La pierre a des messages pour le monde. Elle veille jusqu’à son éveil. C’est ainsi.

Sommeil m’alite, me berce, me prend ; l’éther m’environne et la lourdeur du physique lassé de sa journée rend à la nuit son vécu. Je vole. Je rêve, consciente de rêver. Elle n’habite pas mon rêve. Je la cherche. Elle dort. Sommeil m’apporte la venue de son feu époux qui répond à sa place : « Oui, elle dort, c’est dur, mais elle va bien. » Un timide merci à cette visite du rêve à laquelle je ne ne m’attendais pas, pas du tout. J’aime les rêves conscients. Ceux-là sont légers comme les nuages d’été. Je le revois, lui ; je lui souris, contente d’avoir de leurs nouvelles à tous deux. Elle dort ; c’est dur, mais elle va bien. Je n’avais pas rêvé de lui depuis sa mort ; c’est étrange, et je suis ravie, ravie de contentement, car pour une surprise, cela en est une. Il l’accompagne ; il l’aide ; mon rêve conscient me raconte tout cela. Je revois sa mort, d’en haut ; je réentends ses paroles : «Dis leur que je reviens chez nous » chantant la chanson des Compagnons : « Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous. S’il fait du soleil à Paris, il en fait partout. » Ai-je bien rêvé cela ? Oui, je l’ai rêvé dans mon sommeil conscient. Il est reparti comme il était venu, accompagné d’une multitude ailée.

L’aurore me rattrape, sure d’elle, essuyant mes yeux de sa nuit passée pour que je me réveille pleinement, sans regrets. L’aurore semble dire à mots discrets : «  à la nuit prochaine ! Je t’attends.» L’aurore est à la nuit la parole du vivant, et sa sphère large comme l’univers donne ses couleurs que la nuit a pensées. Le jour m’étreint d’une caresse douce car j’ai pensé le ciel en elle, en lui, au nom des sanctifications des noms venue de l’avenir comme si le présent était pensé dans l’avenir. J’ouvre un livre ; je lis, et le paragraphe lu dit que le présent est engendré par l’avenir ; j’ai donc là l’ultime preuve de l’avenir s’installant au présent. J’ai pensé dans le sommeil conscient ce que le livre me dit. Je regarde l’aurore au travers de mes vitres et lui dit : "à cette nuit !"

Je bouge ;  le livre de Friedrich Rittelmeyer dans la main pense dans mon âme et plus jamais ne s’effacera. Je pense à voix haute à force de solitude et proclame que dans la journée, je lirai en pensant à eux, eux tous, et serai conduite par Serge-O Prokovieff dans ce geste.

La nuit revient d’un pas de géant ; j’emporte la pensée de mes livres dans le rêve et le rêve conscient reprend son fil d’évènements. La nuit ? Il a fallu attendre plusieurs nuits avant de renaître dans le rêve conscient.

Elle est là... la sanctification du Nom dans l'âme.

à suivre

 

Oeuvre de Liane Collot d'Herbois

 

 

Paroles du Kamaloka - extrait - 20 avril 2020

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Photo PIXABAY libre de droits

20 avril 2020


 

Mon rêve conscient apporte sa parole. Je consigne par écrit les paroles auxquelles je ne m'attendais pas. Cela me rappelle les paroles post-mortem d'un autre défunt que j'ai bien connu :

"Je voulais te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi, toutes ces dernières années. Pour ce que tu as fait avant que je meure, dans ma mort et après ma mort. Ici, tout cela n’est que lumière ; tant d’amour déployé m’enveloppe, me rassure, me guide. Quand j’étais incarnée, je trouvais normal ce que tu faisais et je ne voyais pas l’importance de tes gestes. Je pensais que tu étais obligée de le faire. Oui, je t’ai vraiment pensée à mon service comme si j’avais eu cette bonne que j’ai toujours eu en toi, sans aucun respect pour toi. Tout prend son sens, ici, maintenant. Comment as-tu pu m’aimer ainsi ? Moi qui ne t’ai pas aimée, moi qui t’ai détestée trop souvent, sachant que je ne t’aimais pas ? Sur terre, ha ! toi et ta sœur ! Je vous aurais bien enterrées ! Je regrette car ce que j’en vois est d’une telle laideur que je voudrais éviter tout cela, sans le pouvoir. Ça s’agglutine autour de moi. ça me colle à l’âme. De qui ai-je mérité cette part de toi, cet Amour que tu nommais le Christ en toi pour moi et que je ne comprenais pas, que je n’ai pas voulu comprendre ? J’ai souvent parlé sur terre du voile avec lequel tu es né mais j’ignorais à quel point il était beau, car, ici, je le vois réellement pour la première fois et je n’ai jamais imaginé qu’il pouvait te porter autant qu’être ta protection. Son bleu tissé d’étoiles dansant autour de ton visage et ta tête est stupéfiant à voir. Toi-même ignore à quel point il est splendide car il doit t’être caché pour que tu puisses aimer autant que tu m’as aimée plutôt que de le contempler, ce qui te ferait oublier tes tâches.

Tu me disais souvent la laideur de mes actes et de mes pensées en Christ sur terre et je souriais n’y croyant pas. Je sais que tu vois ce que j’endure et que tu en es profondément attristée mais c’est de ma seule responsabilité, je n’ai pas fait attention à tes propos, je ne voulais pas y croire, je te détestais plus qu’autre chose tout en ayant besoin de toi au quotidien. Je sais que j’ai abîmé ton aura en y incrustant ma haine que tu voyais et qui te donnait l’envie de vomir et provoquait ta colère. Oh ! Tes colères face aux ignominies, aux injustices, dans ta conscience de Christ, c’était pareil à la colère sainte sur les marches du temple, je l’ignorais jusqu’à aujourd’hui. Mon ciel pour le moment est terne, la seule lumière qui l’habite pour moi est celle que tu y as mise pour que je ne m’effondre pas face à toutes les laideurs que j’ai commises, fait endurer aux autres. Je t’en demande pardon. Je sais car je vois que tu as encore des fragments de tristesse à mon égard et j’en vois toute la noirceur qui me gifle. Je vois vos pensées qui sont si sombres qu’elles en sont, ici, turbulence et me ballottent d’un mur à un autre qui ne sont, ici, que des images terribles faites de démons actifs et mouvants ; J’ai hurlé : « Ça suffit ! » Tu as entendu et tu as dit « Lumière en Christ, qu’Elle soit pour elle, en elle, autour et dedans elle ! » Je te remercie d’avoir entendu ici-bas ce que j’ai hurlé près de toi, ici-haut. Je vois vos rancœurs à chacun, tous ces sentiments sur ma proximité qui ont été enclenchés par mes actes et paroles, et qui sont si nombreux que je déplore devoir endurer tout ce que je vous ai fait souffrir sans avoir perçu une seconde tout le mal fait. Seul, Bryan n’a jamais souffert par moi, tellement le préférant que je vous en détestais davantage chaque jour. Je n’aurais jamais pensé ici-bas que ce que nous pensons, aimons sans vraiment aimer, détestons, provoque de ténèbres sans lumière quand nous n’y avons pas donné une seconde d’amour vrai. C’est terrible à vivre ici, sans plus d’enveloppe charnelle qui nous protège d’autrui. Ce corps physique qui est notre bouclier pour apprendre sur terre l’amour en nous protégeant de la haine des autres et que nous ignorons nous en servir pour renvoyer nos mauvais sentiments comme un bouclier-boomerang n’existe plus lorsque nous sommes ex-carnés.

 

 

Morte de la covid

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Esquisse première de mon nouvel écrit....

 

12 avril 2020


- Bonjour ! Qui es-tu ? Que viens-tu déranger ma tranquillité d'hêtre ?

- Je ne suis personne. Je venais juste voir si, ici, quelqu’un pouvait me consoler.

- Te consoler ! Mais, ici, en ce lieu, personne ne console personne ! Nous sommes des arbres. As-tu déjà vu un arbre consoler un humain ? répond le hêtre.

- Oh ! Je me disais juste que c’était possible ! Que vous aviez, comme moi l’humanité en vos écorces ! On dit que vous gommez la peine lorsqu’on vous caresse. Aussi, suis-je venue te sentir et voir si ta sève était semblable à mes larmes.

- Nous l’avons ! Mais pas pour tout de suite ! Que veux tu ?

- Je cherche ma mère ! Je la vois de nuit, mais elle semble si loin que je ne peux la toucher.

- Arrête de pleurer comme ça ! Tu vas fendre le cœur de mon bois et je ne veux pas mourir, pas encore ! Où est-elle ?

- Je ne sais pas. Je la vois mais sans savoir où elle est. Elle me parle, mais sa voix s’efface dans la nuit. Elle m’a dit que tu avais une lettre pour moi de sa part. As-tu une lettre pour moi d’elle ?

- D’abord, dis-moi comment s’appelle-t-elle ?

- Jeanne. Jeanne était son prénom.

- Comme Jeanne d’Arc de Domrémy ?

- Comme Jeanne d’Arc qu’elle aimait. Tu connais Jeanne ? Ma Jeanne !

- Il me faut chercher en ma mémoire et ma mémoire est si vaste, se prolongeant jusqu’aux confins de la création, qu’il va me falloir du temps pour la trouver ta Jeanne et sa lettre, si lettre il y a, et des morts, il y en eut beaucoup ces derniers temps. Tu es bien le premier humain à me demander de chercher un mort t’ayant contactée et écrit une lettre pour que je te la donne ! Vous, humains, m’étonnerez toujours.

- J’ai marché des jours, des nuits, pour trouver une clairière, claire comme la vie, claire comme la joie, qui pourrait estomper mes larmes. Je t’ai trouvé dans cette clairière. Je cherche Jeanne dans mes pas, ma course, et je ne la trouve pas. Je la vois seulement la nuit quand je dors à demi. Elle est d’ailleurs. Elle n’est plus de ma terre, elle est du ciel. Elle habite les nuages. Toi, tu as des branches qui caressent le ciel, pas moi ! Moi, je n’ai qu’un cœur et des pensées qui essaient de la saisir. Quand je me réveille pleinement, elle n’est plus là. Enfin ! Je ne la vois plus. Je ne la ressens plus. Elle est partie. Elle m’a abandonnée. Est-ce qu’une maman abandonne son enfant ? Une fois ! Non ! deux !

- Mais ! Tu es une vieille dame ! dit mon hêtre.

- Cela se dit. Je ne sais pas. J’ai juste l’âge de la création stellaire et ma mère est dedans ; Il me faut la trouver. Je cherche Jeanne. Il faut qu'elle me dise pourquoi elle m'a abandonnée deux fois. Je veux savoir. Je veux lui redire que je l'aime malgré son abandon.

- Si tu me disais de quoi elle est morte ta Jeanne, je pourrais peut-être la chercher dans une étoile bien précise avec d’autres âmes mortes de la même chose qu’elle. Cela m’aiderait, tu sais.

- Elle est morte de la Covid-19. Enfin ! C’est ce qu’il se dit. Elle s’est laissée d’abord glisser, ne voulant plus vivre, désespérée de ne plus me voir, puis elle fut la seule et unique âme à mourir d’un virus meurtrier, là où elle résidait, comme si c’était possible que l’on fut seule, mordue par cette créature sans vie.

Privée de vie, on lui a attribué un virus pour qu’elle meurt accompagnée, et non pas seule, sans moi. Sans moi !

- Je vois ! Pour t’expliquer ce virus, il te faudra aller à l’étang au bout de la clairière à droite qui te l’expliquera, mais en attendant, allons nous reposer sous mes branches, car je te vois si lasse que tu es prête à tomber d’épuisement, car c’est bien de cela qu’il s’agit à ce que je constate. Depuis combien de jours n’as-tu pas mangé ?

- Je ne sais pas. Ça n’a plus d’importance. Un morceau de pain, souvent, me suffit.

- Pleurer un mort, j’ai souvent vu cela, mais pas aussi longtemps que toi tu le pleures, alors que croyant en l’après-vie, en l’éternité, en l’immortalité, en l’inatalité. Il faudra que tu m’expliques cet immense chagrin qui semble n’avoir pas de fond ni de logique vu ton mouvement. Cela je le vois mais je ne comprends pas. C’est quoi un mort ? Pourquoi pleures-tu ce mort ? Et pas d’autres ? Tu n'as pleuré que deux morts dans ta vie ! Tu n'as pas pleuré à l'enterrement !

- Non ! J'étais prêtre ce jour là, car il n'y avait pas de cérémonie ; elles étaient interdites. La dictature pleine d'un virus qui ne parle pas, qui ne crie pas, qui ne bouge pas, qui ne saute pas ! Alors, je devais me faire prêtre pour qu'elle soit là haut et moi en bas, reliées. J'ai pleuré dès que ma mission fut achevée.

- Pourquoi te manque-t-elle ?

- Je ne l’ai pas vue mourir. Je ne l’ai pas vue morte.Je n'ai pas eu le droit de la voir pour un dernier baiser, une dernière parole. Les derniers mots qu'elle m'a dit au téléphone sont : "Tu m'abandonnes !" Je porte ses mots comme un fardeau malgré que je n'y pouvais rien. Je me cachais sur le parking près de l'ehpad pour la voir sur le balcon si elle y allait, mais non, elle ne s'y rendait plus. Elle n'avait pas compris les impératifs de la Covid ; les lois qui interdisaient de se voir.

Rien ne disait qu’elle allait mourir. Rien ! Mon deuil est impossible à faire. Je l’avais confiée à des gens biens, je croyais qu'ils étaient bien, et ces gens biens l’ont laissée mourir sans s’occuper d’elle, sans lui dire que j’étais vivante, ailleurs, pas loin d’elle, ne voulant pas que je vienne tous les jours la voir derrière sa vitre, par peur que je la contamine derrière cette vitre, mais je n’avais rien et la vitre, non plus ! Je te raconterai. Elle est morte de chagrin, c’est tout ! De chagrin ! Et ils ont inscrit "Covid-19" pour ne pas écrire le mot chagrin ou glissement, parce que cela ne se faisait pas en maison de retraite. Les lois étatiques ont tué ma mère dans l'isolement strict. C’est terrible un être humain appliquant une loi qui nuit à l’homme sans réfléchir ! Elle est morte de chagrin. Et moi, aujourd’hui, je meurs de chagrin pour mieux comprendre, mieux la comprendre. Ils m'assassinent. Cette chaîne en métal dur dont les toits et les murs ne sont que des billets de banque dépose ses boulets noirs aux pieds de ses personnes âgées et de ses personnels acceptant d'être leurs prisonniers, sans humanité, sans verdure, sans nature, sans pétales. Pas de fées ! Pas de korrigans ! Rien, là ! Je déteste les billets de banque qui tuent l'humain. Je déteste tout ce qui relève de l'inhumain.

Je ne suis pas là pour juger sa vie ni ses actes mais pour comprendre cette mort qui n’a pas de sens, car ils lui ont injecté un médicament qui "calme" les vieilles dames, m'ont-ils dit au téléphone trois jours avant qu'elle meure. Du valium ! Deux ampoules notées dans le dossier. C’était mieux pour eux. Ils n’ont pas pensé à elle, ils n’ont pas pensé à moi. Ils ont juste voulu écrire « Covid-19 » parce que c’était la mode et qu’il ne fallait pas qu’il soit dit que chez eux, on meurt de chagrin d’avoir été inoccupée, d’avoir été laissée seule dans une chambre, sans rien, un regard cinq minutes par jour, un mot, peut-être deux ! je ne sais pas, je sais qu’elle est morte de chagrin avec une injection qui calme les souffrances, m'ont-ils dit encore. L'infirmière me l'a dit. Ils m’ont dit : « Oh ! c’est juste une dose homéopathique, un comprimé fondu sous la langue, a ajouté l’infirmière, une dame ronde à la voix implacable, riant lapidaire à mon oreille collée à mon téléphone. Un comprimé homéopathique ? C'est écrit valium. J'ai dit : " Non ne faite pas ça, ça va la tuer ! Ce n'est pas son heure ! " L'infirmière a encore ri au téléphone ; ça m'a fait mal, si mal ! Aucune empathie.

Méfiez-vous toujours des infirmières qui montrent leur arrogance à tous, qui écrasent chacun qui ne servirait pas leurs intérêts, les familles comprises. Encore une fois ! Toujours les rencontrer ! Dedans ! Dehors ! Elle m'a rit au nez comme si j'ignorais ce qu'était l'homéopathie, ou sachant que je la connaissais si bien qu'il serait presque inconvenant pour une soignante d'y adhérer ! Je suis infirmière. Beaucoup d'infirmière adhèrent à l'homéopathie.

Pensez ! Presque quinze ans de réanimation cette dame ronde ! ça fait une somme d'années à ne plus essayer de comprendre la mort et de se débarrasser vite de cette intruse si utile dans la vie ! Je n'ai pas été comme elles. J'ai pris la mort dans mes bras, je lui ai murmuré des paroles dignes de ciel que seule la lumière entend et elle était contente, et elle était ravie, à moi ravie pour nos éternités, le temps qu'elle a de se faire une beauté pour s'apprêter à ses épousailles avec son heure écrite dans la destinée, sans précipitation. C'est cela que voulait Jeanne : être à l'heure de sa mort sans précipitation. Tu sais, elle m'en avait fait le garant, ma promesse faite à sa mémoire. Mais eux, eux ! ils ont bafoué ma promesse et sa volonté. Ils ont assassiné ma promesse dans sa volonté de mourir avec dignité. Ils sont semblables à des pierres qui dilapident la vie parce qu'elle ne les enseigne pas, qu'ils ne la comprennent pas, et qu'elle leur semble inutile lorsqu'elle a encore un souffle, un rythme, une impulsion du cœur. La mort a toujours une heure parce qu'elle appartient à la destinée. Elle est écrite avant de naître.

Elle est morte, et je meurs. Elle est morte peu de temps après, dans la nuit, au petit matin, je ne sais pas, car personne ne passait dans la chambre "Covid-19" de peur d'être contaminé. À quelle heure est-elle décédée, Jeanne ? Ils ont dit neuf heures du matin parce qu'ils ne savaient pas, et que c'était l'heure de leur unique passage de la matinée pour les soins. J'ai su qu'elle était partie pour l'autre monde à deux heures trente du matin, car elle est venue me le dire. Ils ont joué le jeu jusqu'au bout, mais moi, je sais que ce n'était pas le covid. Ils l'ont inventé "son" covid car elle a été seule dans cet ehpad à avoir la méchante bête. La preuve est que les soignants ont refusé pour la plupart le prélèvement nasal obligatoire. La directrice a dit : " Je n'impose rien, je vous laisse choisir." La directrice avait proposé pour savoir qui avait pu contaminer Jeanne, mais elle n'a pas obligé le prélèvement. Ils savaient qu'il n'y avait pas eu covid. M'auraient-ils invitée à venir la voir en état végétatif sur sa chaise le jour même du second prélèvement si ils étaient persuadés que c'était le virus ? Non ! Bien sûr ! Ils m'ont invitée en plein confinement strict, aux visites interdites, suspectant un covid, disaient-ils, mais m'invitant malgré tout à venir voir Jeanne dans sa chambre car elle ne parlait plus, car elle avait le regard absent. Ils avaient refusé que je la vois derrière une vitre, mais ils m’ont invitée une fois qu’elle fut éteinte, assise sur sa chaise. Jeanne sait la vérité. C'est pour cela qu'elle m'écrit. Elle veut que je sache ; Il me faut trouver sa lettre !

Je sais qu'elle est morte de chagrin. Je l'ai entendue au téléphone abandonner la vie. J'ai encore ses messages que j'écoute quand je ne pleure pas. Je l'appelais tous les jours, les matins, les après-midis, les soirs, plusieurs fois par jour. J'ai sa voix sur mon téléphone. J'ai aussi la voix de l'infirmière ronde qui dit : " Mais il va falloir qu'elle vous téléphone de temps en temps, votre fille !" ne réalisant pas que son portable avait décroché en automatique, l'entendant parler, et que Jeanne était encore capable d'écouter son téléphone. Jeanne a été malmenée. Je l'ai entendue sur mon répondeur. J'ai mis mon téléphone à l'abri pour ne pas le perdre, pour qu'on ne me le vole pas. Il faudra aller trouver l'arbre avec lequel je suis pour y chercher mon téléphone. C'est aussi pour cela que je marche tant, changeant souvent de trajet, pour aller écouter sa voix.

Elle est morte de rien, juste de chagrin.

- J’ai trouvé un bout de la lettre que tu cherches ! me dit l'arbre. L’écriture est partiellement lisible car les morts n’écrivent pas comme nous avec des lettres mais avec des images. Avant de te la donner, prends ceci sur ma branche ! Je te donne quelques feuilles pour que tu te mouches et essuies tes yeux. Vois à quoi tu ressembles ! Personne ne reconnaîtrait ces yeux là !

- Des images ? répondis-je.

- Oui, des images.

- Que dessine-t-elle alors ?

- Elle veut te montrer deux écrits qu’elle a rédigés lorsqu’elle était sur terre incarnée. Je vois, mais je ne saurais te les lire. Toi seule sauras puisque c’est sa lettre pour toi que tu as vue de nuit en ton sommeil éveillé, conscient comme tu aimes dire, souvent. Je t’ai entendue, sais-tu ? L’un est un écrit consigné en présence d'un de ses chers inconnus dont les noms sont restés voilés et de toi-même ; l’autre en présence d'un seul d'entre eux, un jour où tu ignorais qu’il allait venir. Vois-tu de quoi il s’agit ?

- L’une, seule avec cet anonyme, non ! Comment le pourrais-je ? Seul, le temps me dira de quoi il relève. Quant à l’autre, je ne vois que ses directives anticipées en cas de maladie grave. Elle ne voulait pas d’acharnement thérapeutique. Elle voulait qu’on la laisse mourir à son heure échue sans acharnement à la vie, et sans euthanasie. Je me répète !

- Ne m’as-tu pas dit qu’elle avait eu une injection avant de mourir ?

- Oui ! L’infirmière, celle qui est ronde à la voix caverneuse comme la mort qu’elle a décidée, m’a dit que c’était pour la calmer, je me répète encore tellement choquée, mais elle n’était pas agitée ni angoissée car elle était depuis trois semaines en léthargie, sans réaction, ayant abandonné la vie. D’ailleurs son dossier médical en atteste : Pas agressive. Apathique. Ils n’ont pas voulu me donner l’intégralité de son dossier. J’ai compris qu’ils avaient des éléments à cacher pour me refuser les transmissions écrites des soignants et des intervenants extérieurs. Je connais ces dossiers. Je suis infirmière !

- Reviens me voir bientôt, dès que tu le peux. Je vais chercher de mon côté. Mais, bon sang ! Essuie ces larmes ou tu vas contrarier la pluie ! La pluie n’a pas de rivale. N’as-tu pas envie d’un peu de soleil, d’un peu de chaleur ?

- Moi aussi, je continue de chercher. À bientôt ! Quant à mes yeux, tu comprendras un jour. Je l’aimais. Je l’aime, ma mère.

- À bientôt fillette ! Aie confiance, tu la reverras ta Jeanne. C’est elle qui séchera tes larmes pour réserver la pluie à ses roses que tu as rapporté de son jardin pour fleurir le tien. Tu verras, tu la verras. Ta joie sera grande. Un arbre sait cela. Toute la nature le sait. Demande aux gnomes, aux elfes, aux sylphes et aux salamandres ! Ils te le diront.

 

à suivre... 

 

 

 

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