Béatrice Lukomski-Joly


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Jana M

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

( Jana M est l'histoire d'une jeune femme amie, ayant vécu la guerre civile du Liban et décédée en cette guerre à l'âge de 27 ans )

Beyrouth !

Mot rimant avec déroute, écoute, route, redoute, burn-out, doute, voûte !

Je me demande quelles rimes utiliser pour mieux te décrire Jana M. et celles qui pourraient te définir en ce Liban qui est et fut ta patrie. C’était il y a longtemps. J’ai vieilli avec ce souvenir, avec toi, sans rien comprendre, tant il y avait de questions que l’époque n’aurait pas su résoudre.

1974, une rencontre ; 1982 un départ ; 1986, la fin.

Presque dix ans pour l’histoire que je connais de toi, Jana M.

2020 ! 2020 te rapporte à mon souvenir, creusant sa faille mémorielle, parce que Beyrouth, à nouveau, souffre.

Soufflée ! Dévastée ! Défigurée ! Démembrée ! Comme toi. En vie ! comme moi.

Tu m’as liée à ta ville par ta seule présence à mes côtés, me parlant d’elle souvent, peignant ses attraits féminins, parlant rarement de ses désastres, comme si tu n’avais jamais voulu rien en dire car n’en disant rien finalement. Il m’a fallu des années, des décennies, pour comprendre, te comprendre, dénouer tes noeuds, surtout comprendre le sens de tes mots, surtout de tes non-dits. C’était toi, Jana M. Jana M.

La guerre !

J’ai souvent voulu écrire ton histoire, ou plutôt la nôtre, pour ne jamais oublier comment je te connus, comment et pourquoi nous étions devenues amies. Je ne l’ai jamais fait, car l’histoire était criblée de balles, trouant un espace de cette mémoire qui ne peut être soignée, la balle sifflant encore au travers de ma porte en ta survie. Oh non ! Pas ma porte physique ! Mais celle de la porte de l’âme ! Partie, je ne sais où, sans que tu n’expliques, mutique, comme souvent, je te vis. Tu disparus de mon horizon sans qu'aucun mal n'ai été commis, sinon le temps qui manque. J’ignorais si le tien était de retour au Liban ou si tu étais ancrée dans la vie parisienne que nous avions imaginée, élaborée, rêvée : rue Émile Zola dans le quinzième arrondissement, dernier étage, sous les toits, chambre de bonne avec kitchenette, douche et WC. C’est notre mémoire. 1974 à 1982. C’est là chez toi, pas loin du Champ de Mars. Avant cela, c’est un internat au Lycée Thibault de Champagne à Provins, un palais vieux de presque huit cents ans, devenu Lycée, lycée d'élèves huppés, de famille aisées. Moi ? J'appartenais à la population locale.  Elites sociales, politiques, artistiques,  telles étaient les élèves de ce lycée ; tu en  faisais partie. Moi ? je n'étais rien.  J'étais de ceux qui habitaient un petit village voisin et qui se rendaient dans ce lycée tous les jours en train Micheline  : Thibault de Champagne, Ah ! Thibault,  ce champenois chansonnier et conteur, toujours revenu de ses croisades pour chanter à Provins;

Je regarde un nuage statique dans l'immensité bleue. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé regarder le ciel, aimé lever les yeux, marcher la tête levée, écouter la parole du ciel qui n’a pas d’autres noms que celui de ciel, sinon ceux de chacun, de tout, de toi, Jana M.

Jana M !

Je connais beaucoup de noms de famille et je ne prononce pas le tien, peut-être parce qu’il est si connu que je ne m’en sers pas, habituée à ne rien dévoiler des gens connus, côtoyés, aimés, parce que c’est une forme d’humilité à laquelle je me suis toujours obligée. M. C’est bien, M. ! Une lettre appelant le verbe aimer, qui est le verbe de la majuscule, le son de son verbe, son écho, sa mesure. Elle restera Jana M. Beyrouthine. Jana comme une plainte.

- Je n’ai pas ton adresse à Beyrouth. Tu n’as jamais voulu me la donner. Lui avais-je dit. je n'ai que celle de l'internat et celle de la rue Emile Zola au pied de la tour Eiffel, presque.

- Tu comprends...  m’avais-tu répondu.

- Comprendre ? Comprendre quoi ? Non, je n’avais pas compris. Mais cela m’était égal. Je n'irai jamais à Beyrouth...

- Dis ! Tu m'y emmeneras dans ton pays splendide aux cèdres majestueux qui ont hébergé non loin les Noces de Cana ? Je veux boire du vin de ta vigne, là-bas, de ta tendre Phénicie, revoir mes pas là-bas. Avais-je répondu malgré tout. Je veux retourner à Damas... je veux... revoir Jérusalemn,  marcher avec toi en ta terre et celles autour, toutes une et une seule. Ton pays, le pays des origines. Nous ferons des miracles.

- Non ! C'est trop dangereux, comprends-tu ? Je ne peux pas te donner mon adresse. Le vin, on se le boit, ici à Paris. Quant aux miracles, j'ai ton amitié. Tu es la seule qui m'a ouvert les bras lorsque je suis arrivée en France. Tu es un miracle. Comprends ! Nous, les Arabes sommes détestés partout. Les Français ne nous aiment pas, les  Syriens nous détestent . Où est ma place ? 

- Arabe  ? Je ne te comprends pas. Tu es Libanaise. Tu n'es pas née en Arabie. J'aimerais bien connaitre des Arabes.   En mon coeur, tu es. Ta place est là. Toi, tu es chrétienne Maronite, et je suis chrétienne spiritualiste,  nous nous entendrons. 

- C'est quoi ? c'est nouveau ? Tu es bien la première personne que je rencontre en France qui ne confond pas les Arabes entre chaque Nation et connait les maronites ; me dit-elle surprise. "

 

II

1974 ! C’est cela, dis !

1974 ! Le lycée en cours d’année ! Thibault de Champagne ! C’est son nom ! Des vieilles pierres ! Des vieux murs ! Des meurtrières qui se sont tues ! Un long et lourd passé ! Des croisades ! Le royaume de France en terre d’Orient ! Une nouvelle dans la classe ! Une qu’on ne connaît pas, qu’on n’a jamais vue de nulle part, qui vient d’arriver, mais qui n’intéresse personne, car personne ne la voit et pour cause, elle est noyée dans ses cheveux, ces longs cheveux noirs ondulés jusque dessous les épaules, des cheveux posés comme deux rideaux masquant une fenêtre, opacifiant davantage des vitres déjà opaques. La terre d’Orient en France ! C’est Jana M. C’est la rose de Damas revenue dans des longs cheveux noirs ondulés, étouffant le visage, masquant les yeux, bloquant la respiration, la personne qui n’est personne, qui ne veut pas être vue ni être remarquée, rien ! La mort ! La mort sous une écharpe longue et noire comme si les longs cheveux ne suffisaient pas pour exprimer l’inexprimable que Jana M veut qu’on devine. C’est l’image qui me reste de Jana à son arrivée dans la classe au lycée Thibault de Champagne. Provins. Beyrouth. Beyrouth à la porte de la Syrie, sur le chemin de Damas, sur la route de Saint-Paul. Provins de retour de Damas, Thibault la besace pleine de chants pour sa belle ! Blanche ! Blanche de Castille ! Jana est aussi noire derrière ses cheveux étalés que Blanche devait l’être sans qu’on n’en ait jamais rien su. La cloche sonne l’interclasse. Jana se faufile à pas souples de velours dans le couloir du grand bâtiment courbe qui surplombe la ville sans lever la tête afin que personne ne l’approche ou n’en ait l’idée.

La mort a une odeur

et son parfum pourtant est celui du jasmin, de ceux qui signent l’Orient.

J'aime l'Orient.

Interclasse, puis cours d’anglais. Jana se place dans la classe, choisit une chaise au dernier cercle du double cercle qui crée une double table ronde. Je la regarde. Elle ne regarde personne. Jana écoute. Jana se tait. Jana continue de se cacher derrière ses longs cheveux qui ne quitteront que rarement la face de son visage. 1974 ! C’est l’époque des années où personne ne pense à se saluer. Nul ne pensait à présenter un nouveau. Aussi, nul ne la voit et pourtant elle est là. Je la vois. Je la regarde. Elle ne me voit pas. Fin de cours. La cloche sonne.

- Que penses-tu de la nouvelle ? me demande Yves U, notre professeur d’anglais. Sais-tu d’où elle vient ?

- Je ne vois qu’une masse sombre cachée dans un trou noir, qu’une lumière éteinte, une bougie sans flamme, ai-je répondu à Yves. Qui est-ce ? Dis-moi !

En ces temps-là encore, si souhaiter la bienvenue n’était pas de mise par simple omission, nous avions par contre signé le début des amitiés avec nos professeurs que nous tutoyions lorsque nous avions des affinités culturelles et humaines. C’était un autre temps, une autre culture, dans lesquels il y avait quelque part une guerre civile, une guerre au Liban et j’appris que Jana M venait de là, de cet enfer, de ce trou noir, de ce vide.

Cœur de la guerre ! me dit Yves, ironiquement. Elle semble inabordable, ajouta-t-il. 

- Est-elle arrivée d’hier soir ? demandai-je à Yves ? Je lui ai dit bonjour. Elle ne m'a pas répondu comme si elle ne m'avait pas entendue. Elle est semblable à une tombe sans cercueil ; un cercueil sans cadavre.

- Oui ! Elle est arrivée hier soir. Elle est interne au lycée, me répondit-il. Nous ne savons pas grand-chose, sauf qu’elle fuit les bombardements. Le proviseur nous a dit peu de choses. Les parents ont sauvé deux de leurs filles en les envoyant  ici, à Thibault. Les autres enfants sont restés à Beyrouth avec les parents. 

En fait, il ne souhaitait pas que j’en sache davantage et moi non plus d’ailleurs. Je n’ai jamais cherché à savoir, ni n’ai questionné si la personne n’évoquait rien en face de moi. Savoir simplement qu’elle fuyait la guerre me remua profondément. C’était me plonger soudainement dans le souvenir de Ti- Lienne H au Chateau Gaillard à Orléans qui avait fui la guerre du Viêtnam en 1965 et que j’avais prise sous mon bras pour lui redonner le sourire, car personne ne voulait aller au-devant de la guerre stigmatisée en les traits de l’autre. Nous avions huit ans. Je le pouvais et je ne sus jamais pourquoi cela m’était possible jusqu'à ce que je vis la lumière que j'avais déjà vu.

La guerre ? Je l’avais donc déjà rencontrée en Ti-Lienne H. Elle ne m’était donc pas inconnue quand bien même, je ne l’avais pas vécue en ma chair. Je la voyais en le corps de l’autre dans son esprit qui la relatait par les gestes autres que ceux qui ne l’ont pas vécue ne peuvent avoir. Je reconnus en Jana ces mêmes gestes, et surtout cet effroi qui ne sait plus se dire : observer furtivement sans relâche derrière des cheveux dénoués ; marcher d'un pas léger pour ne pas se faire entendre ; frôler les murs même s'ls savent que, là, ils ne craignent rien. L'habitude est ancrée dans le corps et le corps inter-agit avec le mur. Sursauter lors d'un bruit. Durcir le regard en signe de méfiance et de question. Enfoncer la tête dans les épaules. Avoir huit ou seize ans, le langage du corps est le même lorsque l'âme a assimilé la guerre. Fin de soi sur terre, peut-être ! Tout autre est un ennemi potentiel, même ailleurs, même dans des pays en non-guerre.

Déviation des logiques, la pensée est tissée de combats, de luttes, de peur, de terreur, où chaque chose et chaque regard sont des armes létales ou pouvant l'être.

Yves avait dit à Jana de me chercher, ce qui était curieux, puisque nous étions dans la même classe, classe de Philosophie-Lettres et que nous venions de quitter son cours d'anglais. Il lui avait encore dit  que je ne fréquentais  pas toujours le lycée, préférant les vieilles pierres et les champs, les fleurs et les nuages, comme si je pouvais disparaître pour toujours, d'où l'idée en sa pensée de me chercher probablement. Cela m'amusait. J'avais trouvé cette  remarque étrange : me chercher !

Il est vrai que du lycée, je ne connaissais que les cours de Lettres et de langues étrangères. Je ne me rendais aux cours de philosophie que lorsque nous parlions de Platon. Kant ne m'intéressait pas. Je m'ennuyais. Cela fait partie des énigmes de la jeunesse que nous ne comprenons que tardivement dans le cours de la vie. J'avais oublié en ciel avant de m'incarner mon bagage contenant la physique, les mathématiques, la géométrie ; aussi m'étaient-elles aussi obscures qu'une nuit sans lune.

 

Photo personnelle.

Quand nous avons eu des amis nés de la guerre, aucun autre ami ne peut rivaliser avec les forces de ces amis-là, dans leurs craintes exacerbées. J’avais eu Ti-Lienne, J’avais désormais Jana M. Ces amis-là signaient aussi les jours impromptus dans des actes en décalage avec la réalité qu'eux seuls comprennent.

 Tout est urgence. Rien n’est paix. Tout est affolement. Rien n’est silence.

C’est ce que nous découvrons jour après jour et il nous faut faire d’immenses efforts pour se hisser à la hauteur de leur drame afin de comprendre ce qui n’est pas toujours possible tant leur souffrance et leurs souvenirs sont la mémoire unique. Une forme de paranoïa s’incarne et justement les dirige sans que nous puissions les convaincre qu’il n’y a pas mal-intention.


à suivre

 

https://philippe-rochot.piwigo.com/index?/category/8-guerres_au_liban

Pour écrire au cœur des voyelles

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https://www.camelliawaldorf.org/post/a-magical-voyage-through-the-alphabet

https://www.lalyredalize.org/les-livres.html

 

Pour écrire des mots doux, des phrases heureuses,

il faut des lettres magiques et merveilleuses

qui chantent, dansent, rêvent, admirent le monde

comme un enfant féerique qui vagabonde

sur les lignes des blanches colombes fidèles,

comme un ange radieux au cœur des voyelles.

 

Pour dessiner de jolies lettres en couleurs,

bleue, violette, rose, lilas, sans frayeur,

sans tressaillement mais avec douce chaleur,

il faut des petites mains ravies à toute heure

qui se promènent dans la grâce d’un beau livre

comme un oiseau sage réjoui dans l’eau vive.

 

Pour lire une histoire, une légende, un poème,

encore un conte, une épopée, un théorème,

il faut aimer le verbe et ses pensées de miel,

et adorer l’esprit qui vole sur leurs ailes,

car du mot, du verbe, des lettres flamboyantes,

nous chérissons la lumière claire et ardente.

 

https://fractalenlightenment.com/38977/conscious-parenting/the-three-stages-of-development-in-waldorf-education

 

dédié à Rébecca Terniak, créatrice du jardin d'enfants l'oiseau Lyre

et son édition associée " la Lyre d'Alizée"

https://pedagogie-waldorf.fr/auteur/rebecca-terniak/

https://www.lalyredalize.org/accueil.html

 

Sire Jean de Joinville

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à son saint Roy

 

Fuyez ombres d'étranglements sans traces

Qu'en vos mains rien ne dérange, à mon âme si lasse,

Qu'aux rênes des harnais tenus sans vergetures,

Mes mains souffrent de plus de talents que de pâture !

 

Mon cheval est allé par mille terres guerroyer,

Aux armures lourdes chevauchées l'épée a tournoyé.

Dans l'air des salves au feu grégeois, ma tente a flambé.

Nous n'avions rien vu de tel au feu des enjambées.

 

Des jours de lutte, aux blessures frappées dans le sable,

J'ai combattu l'hydre, l'âme plus armurée que mon râble ;

Pugnace et sans peur, j'ai lutté contre l'oiseau noir,

Quand notre ciel s'obscurcit en ce terrible soir.

 

Pour Lui, mon Roy, au manteau bleu azur du lys,

J'ai arpenté les déserts, pris la route depuis Senlis ;

Aux sables riches de vipères rampantes,

J'ai levé le mord de mes juments titubantes.

 

 

Le désert a assailli le camp, et le camp a sombré.

Blessé, j'ai pansé mon cheval avant mes côtes fêlées,

Bien que mon surcôt finement tissé d'or et de bleu roi,

Sous la cotte de mailles argentée ait été lourd en poids.

Lui et moi au cachot, sous un ciel de tempérance,

J'ai mandé le coffre du saint trésor pour sa délivrance.

Respectés des Sarrasins pour un tel amour sans faille,

Toujours, fûmes reçus en rois, jamais en parias de mailles.

 

Il était beau ; il était grand, la chaîne fine des flagellations

Accrochée à sa main ivoire, il pensait mériter cette punition.

Quand au cachot, sans titre et la robe de lin reconnue,

Il essuya mes plaies d'un pan de sa chainse tenue.

 

Quand au retour, la nef Montjoie nous portât religieux,

Portant le souvenir de la sainte ceinture de Dieu,

Chacun, silencieux, sur mer houleuse, priait  cette offrande,

Avec Marguerite portant l'enfant que Blanche ne connut pas.

 

Dans la nef de la cathédrale de Sens, porteurs sacrés et adoubés,

De la vénérée église de Villeneuve l'Archevêque, parée d'abbés,

Je vécus avec lui la lumière des très saints vœux réalisés,

Remontant l'Yonne* vers la belle Lutèce adorée, sous les alizés.

 

Jehan n'en a jamais rien dit, l'obligé humilité à ses deux rois*.

Aux rênes des harnais, ayant arraché la peau sous nos soies,

Aux chevaux, noble amis, arrachés à nos amours par les lances,

J'attends encore mon cheval, car rien ne ramènera sa vaillance !

 

Reconstitution de l'armure et des armoiries de Sire Jean de Joinville à  l'auditoire de Joinville Haute Marne

* Deux rois : Louis et le Christ

 

*Pourquoi l'Yonne et non la Seine ? parce que tous ces lieux longent la rivière d'Yonne et que nous savons maintenant grâce aux images satellite que c'est réellement l'Yonne qui coule à Paris. La Seine étant une appelation contrôlée, le doux nom de Seine est resté.

 

La ville de Joinville, Haute Marne, possède depuis le XIIIème siècle, en l'église de Notre-Dame, un véritable trésor, la Sainte Ceinture Saint Joseph, qui fut ramenée de la Croisade par Saint Louis et donnée au Sire de Joinville, Jean.

http://www.ecrivains-haute-marne.com/route_70.php

https://books.google.fr/books?id=e5h3kv_lAHYC&pg=PA78&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=4#v=onepage&q&f=false

 

Schiller et Goethe

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Illustration représentant Schiller et Goethe

dans http://www.hberlioz.com/Germany/weimar-goetheschillerf.htm

 

Au soleil de l'inachevé été,

À l'orée des forêts profondes,

Le temps sonde sa générosité,

Et d'un bel idéal rêve le monde.

 

Nous sommes deux, dans la campagne,

Brûlant sous le soleil nos vies,

Quand assurés nous faisons la cocagne,

Nous levant au grain de nos envies.

 

Que l'Ilm nous scrute en plein austral

Prenant du zénith notre passion,

Nous élisons de ferveur amicale

Notre passion créant nos nidations.

 

Vacillons-nous dans le plain-soleil

Que le verbe dodeline son espoir ;

Des poètes sont nés en plein vermeil

Sur la berge de l'éternel ciboire.

 

Alors, priant nos aèdes de venir,

À notre secours aider à la poésie,

Nous oyons le ciel défroisser son avenir

Pour l'ultime baiser à notre fantaisie.

 

Nous sommes là d'estime étincelante

Écrivant ensemble la joie

Que nos âmes en balade brûlante

Accueille de destin à nos sous-bois.

 

Se déchire le voile de nos mémoires,

Haut levé au faîte de nos rimes

Que la poésie accueille de gloire.

Eux, nos fidèles, loin des abîmes !

 

Sondant leurs ardentes foulées,

Qu'ils ont ensemble mariées,

Chaque jour, d'amitié étoilée,

Nous allons parmi leurs déités, déployées.

 

À minuit, après avoir vu le soleil,

Nos fronts s'inclinent, et à nos lèvres,

Déposent-ils un baiser, que saigne

Le doux nectar que nous buvons et poésie se lève.

 

Alors, sur les bords de la rivière

Qui enchante encore le destin,

Nous allons en esprit écouter leur bruyère

Et enfin fendre leur empyrée de nos mains.

Johann-Christoph-Friedrich von Schiller,

à mes poètes amis en notre éternité.

Les amis et les doigts

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Image propriété personnelle non libre de droits

 

Discussion avec mon fils

« Combien d'amis ne t'ont pas tirée dans le dos, maman ?

Combien t'ont utilisée ?

Combien d'amis as-tu aidés ?

Combien de gens croisés ont reçu tes largesses de cœur ? »

J'ai alors regardé mes mains et ai compté le nombre de doigts qu'elles avaient comme si personne ne me l'avait appris et ai répondu :

« Combien ai-je de doigts, mon fils ?

Cinq à une main, cinq à l'autre main.

Est-ce que cela me fait dix doigts ou deux fois cinq ? Nous avons tout à la fois cinq doigts et dix doigts mais cinq sont autonomes et dépendants les uns des autres sans être dépendants des cinq autres.

Si je fais le parallèle avec ta question qu'en est-il ?

Je n'ai que deux doigts pour amis à une main et sur l'autre mains j'en ai cinq qui ne me servent pas en qualité d'amis car tous les autres regardent ces deux la, mais les deux aiment les huit restants, c'est pour cela que j'écris car je n'ai besoin que de trois doigts pour tenir un crayon, l'un d'eux est donc un faux ami et pourtant il tient solidement ma plume.

De quoi ai-je alors besoin d'autre puisque trois et huit sont des nombres parfaits et que les dix se trouvent dans mes écrits pour faire l'unité absolue ?

Vois-tu, mon fils, si tu n'es pas l'architecte de tes doigts, qui le sera à ta place quoi que fassent tes doigts armés de ta seule volonté car il n'y a de mouvement sans que tu n'aies voulu les bouger.

Il en est ainsi des amis. Aucun ami n'est indispensable et tous pourtant le sont. Si tu attends un mouvement des doigts des autres, c'est que tu n'as pas compris que seule leur volonté est à l’œuvre et qu'en cela tu ne peux rien vouloir pour eux et tes doigts ne peuvent vouloir pour l'autre ce que tu espères d'eux.

Ce n'est pas être aimé qui importe, c'est l'amour que tu auras déployé de toute ton âme pour ceux qui t'aiment sans rien attendre en retour et surtout pour ceux qui ne t'aiment pas car c'est de ceux-là que tu es riche. Là est la clef de la volonté dans l'adversité.

C'est en cela que les amis-ennemis te servent et ceux rares qui aiment ne servent que le Christ. »

Photo floue car la vitre était pleine de reflets :

Tableau à l'huile appartenant à ma fille Julie et me représentant en mai 1983 en train de lire Rudolf Steiner au bord de l'étang des Lésines à Hauteville - Ain -

BLJ

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