Béatrice Lukomski-Joly


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Préambule au "sentier"

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Le sentier est l'histoire d'une initiation par l'épreuve subie. Ces épreuves sont croissantes.

Le début est lent, presque monotone, car le sentier se mérite. Ne peut continuer sur le sentier que celui qui ne se laisse pas envahir par la monotonie du quotidien, ne partant de rien pour aller vers rien. Le sentier est le chemin ardu de ceux qui veulent savoir ce qu'est la vie, et ce qu'elle enseigne dans ses épreuves, d'où l'extrême lenteur du début du récit, avec quelques rares rencontres utiles qui, d'emblée, lui feront se poser quelques questions qui semblent sans importance, mais qui s’avéreront indispensables par le fait de l'observation.

Le narrateur demande régulièrement au lecteur s'il veut suivre le chemin ou s'arrêter là ! Que le lecteur s'arrête en chemin, qu'importe ! car le néophyte va aller croissant sur son sentier et y rencontrer foule d'amis qui sont des pierres, des fleurs, des falaises, des hommes dont la laideur et la méchanceté est sans bornes, des êtres angéliques, et l'Homme qui apparaît à la fin du récit dans la plus belle des élévations. Cependant, le narrateur a, à cœur, de vous emmener avec lui affronter la laideur du monde pour y découvrir ce qu'elle révèle de beauté, car tout mal cache un bien.

Tout le long du sentier apparaît, en même temps qu'un être angélique, un serpent qui veut le détourner du chemin, l'attaque, ou lui fait moult éloges, espérant le déstabiliser, lui faisant miroiter la beauté de la lune noire pour délaisser la puissance du soleil, source de toute vie et de toute initiation.

Le promeneur en quête de vérité est Jean Christophoros de Lebenkreutz...

Nul ne s'attend à la fin du récit. Elle n'est pas ce que le lecteur attend, car le serpent se dresse encore et encore. Et cependant le sentier s'achève dans toute sa splendeur...mais chut !

Un poème clôture chaque chapitre.

 

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"La grande marche" de "Tannhäuser" de R.Wagner

Préface - Pascal Renard -

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Vous allez entrer dans un récit poétique dont le mystère le dispute au mystique. Vous en sortirez transformé ; le plus souvent à votre insu. Les fruits seront nombreux et sans nul doute féconds ; ils parleront clairement à votre inconscient.

Il est devenu banal de parler à notre époque de chemin initiatique. Pourtant, ce texte présente ce qui semble bien être un tel chemin dans l'acception véritable de ce terme galvaudé. Il donne à nouveau de la valeur à ce cheminement déprécié. Laissez-vous guider par la main de l'auteure. Vous serez ravi (dans tous les sens du terme). Les clefs sont disséminées un peu partout. A vous de les utiliser pour comprendre.

Il faut pouvoir pénétrer dans les arcanes de ce texte pour saisir la portée du parcours de ce héros guidé par les êtres qu'il rencontre sur son chemin extraordinaire. Cette fiction peut réellement être vécue intérieurement par celui qui s'attache à ses pas. Vous prendrez alors conscience d'entrer dans un monde spirituel tangible. Le dénouement inattendu vous paraîtra cependant évident tant ce qui le précède y même phrase après phrase. Mais chut ! Ne gâchons pas votre plaisir.

Les étapes de votre lecture vous conduiront au cœur de l'Esprit tout en restant dans le monde physique. Ne vous y trompez pas, des efforts conscients vous seront nécessaires pour déchiffrer les énigmes présentes dans cet ouvrage ; celui-ci est issu de la Source. Pourquoi cette majuscule ? La main de l'artiste qui a produit cette œuvre magistrale, a été parfois inspirée par des êtres qui, même s'ils ont vécus sur terre, l'ont quitté depuis bien des années et sont proches des consciences qui nous inspirent, nous guident et nous protègent. Il ne s'agit pas ici de dire que l'auteure n'est qu'un médium. Elle est bien plus que cela. C'est un écrivain qui peut prétendre à être reconnue universellement. Ce n'est pas faire injure à son égo que de mettre en exergue cet esprit brillant. Vous jugerez par vous-même ; mais j'ai confiance.

Peut-être serez-vous dérouté par le style et la forme du texte tant ils sont originaux par bien des aspects. Vous ne trouverez nulle part cette finesse d'expression et de présentation des vérités poético-spirituelles ; à l'exception  des "Drames Mystère" de Rudolf Steiner duquel notre auteur est une franche admiratrice.

Au cœur de cette fable mystique est le MOI. L'être profond de chacun d'entre nous. Un respect profond est nécessaire pour en comprendre les arcanes. Chercher sa trace parmi les différents chapitres qui se dérouleront devant vos yeux est une tâche à laquelle il est nécessaire que vous vous adonniez pour goûter la vérité qui vous est offerte. Ce Mystère qui fait de nous ce que nous sommes est ici mis en scène habilement dans les aventures multiples du personnage central. Mais ne vous attendez pas à un scénario digne des films hollywoodiens. Si c'est le cas, passez votre chemin car vous perdriez votre temps. A contrario, si vous êtes séduit par les textes profonds présentant des énigmes à plusieurs faces, alors vous tenez entre les mains l'ouvrage qu'il vous faut.

Dés la dernière page lu un livre reste silencieux.

Ce n'est pas le cas de celui-ci : sa lecture engendre un effet comparable à l’expérience de lecture d'un texte sacré ; en effet, la compréhension intime des vers laissent une trace qui permettra à certain de préparer un terrain psychique favorable au développement spirituel. Cela vous paraîtra sans aucun doute osé. Je vous invite donc à le lire et à vous faire votre opinion.

L'auteure est habile à nous conduire. Elle s'est exercée dans son art depuis de nombreuses années même si l’anonymat est son lot quotidien. Je vais laisser sa plume s'exprimer avant de froisser davantage sa modestie.

PR

Cinquième chapitre ( sur douze ) ...

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Je marche pieds nus. J'ai jeté mes couverts en argent dans le bosquet de verts feuillages sous l'arbre dans lequel le gui épouse la branche, là, juste au-dessus de ma tête que les années ont vieillie de joie, d'humour aussi, car il est bien d'avoir de l'humour dans la douleur et que je n'ai plus besoin de fourchettes, de cuillers, de couteaux. Un pétale de rose se pose sur ma langue. Je suis rassasié. Je marche à découvert, le cheveu fin comme un fil de soie, sans manteau, sans mes sandales de cuir. Je marche pieds nus. C'est la fin de l'été. C'est mon cinquième jour de marche.

Les hirondelles volent au-dessus de ma tête. Elles ont construit leurs nids dans les arbres de la forêt que je traverse. Non ! ne croyez pas que j'ignore où les hirondelles construisent leurs nids ! Elles bâtissent toujours leurs nids dans les encoignures des fenêtres ; mais, les miennes, mes hirondelles, m'ont suivi parce que je leur suis fidèle depuis des années. Elles n'ont pas voulu me laisser marcher seul sur le sentier ; ce sentier qu'elles connaissent bien pour le survoler chaque année lors de leurs pèlerinages vers autre terre. Elles sont sept à avoir façonné leurs nids proches de ma maison. Elles sont sept à être parties pour me suivre. Sept, parce qu'il faut sept lois pour arriver au terme du chemin. Sept depuis Saturne jusqu'à Vulcain. Sept, nombre fidèle à l'évolution, que la terre adore de sa valeur. Avec elles, j'ai appris la langue des oiseaux, et chaque année elles me saluent à leur arrivée. Elles m'honorent avant de repartir de sept battements d'ailes sur sept notes chantées.

C'est de ces petits cris aimables qu'elles me racontent leur félicité à voltiger de ces danses que les hommes méconnaissent. Elles ont tant trissé à mes oreilles que j'entends encore leur appel sur mon chemin qui semble n'avoir aucune fin. Veulent-elles me dire que leur présence est un remerciement à mon dévouement sans fêlures que je suis émerveillé de leur compagnie dans la forêt que je traverse. J'ai quitté ma plage. La vue est moins dégagée, certes ! mais je vois. Je les vois. Nous nous aimons. C'est ainsi lorsque l'amour habite nos jours, nos nuits. L'amour circule entre elles et moi parce que l'amour n'a pas de limite, n'a pas d'espace, n'a pas de temps, n'a pas de préférence. Il est. C'est tout ! Mes hirondelles sont ! Si l'amour n'a pas de limites ni d'espace, il a une couleur qui m'éblouit. Il a une forme que je sais enveloppante, un espace qui n'est pas une distance et qui, pourtant, l'est, tel un édredon gonflé de plumes blanches immaculées qui n'a de cesse de nous réchauffer le corps et l'âme, les froides journées d'hiver, et aussi les chaudes journées de tristesse, quelle que soit la saison. Alors, me suivent mes hirondelles parce qu'elles me chérissent et aiment le monde dans l'air chaud qui les porte, le chant, le cri de joie, dans le ciel jaune qui n''est pas bleu dans leur monde. Elles savent que je n'ignore pas cela.

Et, oh ! surprise ! Elles ne sont pas parties seules pour accompagner ma longue route. Elles ont invité les cygnes, blancs comme la pureté de l'amour, blancs comme l'écume de mes vagues, blancs comme mon écume dentellière sur la plage, blanc comme mon ami du sentier, les jours de soleil et aussi les jours de pluie. Et, oh ! surprise, elles ont invité mon saint Bernard que je retrouve dans la forêt sur mon sentier. Je verse des larmes de bonheur que nul ne voit, sinon mon ami et son compagnon au zénith de l'amour qui me couronne. Je le sais. Et, surprise ! Elles ont invité tout le peuple des oiseaux à voler avec moi parce qu'elles savent que je parle leur langue.

Est-ce que je vole aussi ? Je marche pieds nus. Je vole ailes légères. Je vais sur terre. Je vole dans les airs, passant d'un pas à un étirement d'ailes. Mes oiseaux disparaissent de ma vue, ainsi que mon chien et mes cygnes. Seul au monde !

Je suis en haut d'un arbre. Je regarde tout à l'entour de moi. Le vide ! Je suis seul. Mon ami et son compagnon au zénith ne sont pas là. Je ne les vois plus. Je ne m'en inquiète pas puisque ce n'est pas la première fois. Cette solitude-là, seul en haut d'un arbre perché, m'est d'une étrange fugue, presque musicale, qui engagerait pour ainsi dire la peur, car je n'ai pas d'ailes, et pourtant je vole vraiment ! Je regarde en bas. Que vois-je ? moi ! Je dors sur la terre, à plat dos sur le sol, enveloppé de mon édredon de plumes blanches. Je me regarde, muet d'étonnement, courroucé aussi de voler consciemment sans l'avoir décidé. C'est lorsque je réalise que je vole sur place, et que mon mouvement ne peut prendre son envol faute d'avoir des ailes que j'aurais dessinées, tissées, cousues d'esprit, semblables à des ailes d'anges, que je me donne l'ordre puissant de rhabiter mon temple ; c'est à dire mon corps ! C'est donc cela dormir profondément ! Voler si haut que la conscience ignore qu'elle vole jusqu'à ce que le sommeil devienne conscient. C'est mon cas. C'est donc cela voir de nuit comme en plein jour ! Oh ! je m'étais bien senti léger comme un filet de vent traversant quelques feuilles dans les arbres, sans me rendre compte que je m'étais assoupi profondément, faute d'avoir pris un réel repos et pour cause !

Les roses de la roseraie bleue striée de rayons d'éclairs jaunes m'accordent une halte, tant j’ai souffert de leurs épines après m'être défait des souillures de ma pensée manquant d'abondance, de clarté et de rigueur. Elles m'alitent sur leur lit de pétales, doux comme la soie, doux comme du velours, parce que je ne peux plus aller sur mon sentier sans que je ne prenne un infime repos conscient. Je dois le décider et non plus le subir. Elles ont vu combien la leçon me secoue et, en conséquence, a enseigné sa quintessence. J'avais relevé la tête. J'avais réussi ce parcours difficile vers la source brillante, comme les étoiles au-dessus d'une aurore boréale venaient d'épouser l'éther de la rose que des poètes ont déposée en mon âme avant que je naisse. Me souvenant de ce don, la pensée lumineuse s'accouche d'elle-même et me dit d'un tire-d'aile en vol combien je suis inatel, et aussi immortel. Je ne nais pas au monde. Je suis. Je ne meurs pas au monde. Je suis. Je suis en haut comme en bas, et en bas comme en haut. Incarné ; désincarné ! Je préférerais dire ex-carné ; c'est plus juste mais moins poétique. Et cependant, je dois renaître sur mon sentier pour ne plus voir de nuit dans le jour. Mon visage est neuf. Mon esprit doit être.

Les hirondelles volent si haut dans le ciel que je vois une colombe arriver et déposer sur leurs habits de gala ce rameau qui a une mémoire dont j'ai peine pourtant à me souvenir. C'est donc cela voir de nuit en plein jour ! Mais ! J'y étais ! oui, j'étais là ! moi, Jean Christophoros de Lebenkreutz !

- Jean Christophoros ! Trois notes s'élèvent.

- Oui ! Qui me parle à cette heure ? Je dors !

- Jean ! Jean ! réveille-toi ! Je suis le cygne qui te couvre de l'envergure de ses ailes. Sept autres notes s'envolent.

Je me frotte les yeux, ramassant avec délicatesse les grains de sel qui se sont figés le long de ma paupière, tout juste sous les cils, là où ma joue s'amuse de ma paupière. Je regarde le grain fin et blanc que je viens de récolter de mon sommeil et pense à mon caillou que j'ai laissé au début de mon chemin. De même nature ? Un minéral qui fond après s'être figé en sortant de mes yeux sans que j'aie pleuré, à moins que je n'aie pleuré lors de mon sommeil et ne m'en souvienne pas ! Oui ! J'ai pleuré en dormant, car j'aime mes oiseaux venus à mon secours pour que je m'aperçoive que ma solitude n'est que l'illusion de mon ego éthéré ! Le sel me le rappelle ; me remémorer que même en dormant j'ai des émotions, une vie. Je vis en dormant. Je suis seulement ailleurs, et cet ailleurs est mon monde inatel, celui de l'Esprit qui me veille, me réconforte et m'aime sans réserve. Il est d'une telle profondeur enlaçante que je me fige sur mon séant lors de mon réveil, le corps appesanti par la superbe de l'Amour. Il me faut un long moment pour remuer une main et accueillir la beauté d'une de mes hirondelles qui me fredonne son inlassable émoi de me reconnaître son ami, tout en me disant merci d'exister. J'existe pour elle, pour moi, pour lui, lui, mon ami aux cheveux blancs mercuriels de lumière, et aussi son compagnon au zénith du firmament éclatant, dans un ciel jaune qui n'a pas son semblable dans le ciel de la terre, que les hirondelles savourent de petits gestes du bec au repos, comme mon cygne déployé en son sein.

Je me lève lentement, très lentement, pour ne pas froisser la soie de mon sentiment nouveau-né, amplifié jusqu'au sommet qui n'est pas encore le mien, et qui est moi en lui et lui en moi parce que c'est ainsi. Je ne sais si je dois bouger davantage ou rester ainsi figé. Je n'ai pas envie de remuer un cheveu, ni de bouger mes yeux qui voient l'aura de l'Amour terrestre et céleste dans mon giron d'homme à venir. Enrobé de cette infinie majesté indicible, je demeure en sa dévotion aussi longtemps que ma conscience me le permet. Comme ma maison première est loin ! Comme elle a changé en quelques pas pieds nus ! Je lève un doigt, pointant le ciel ; et la vie me dit de repartir. Il me faut trois années avant de faire un pas de plus. Un pas me prend trois années de ma vie. Pour vous c'est peut-être moins, c'est probablement plus. Vous seuls le savez. Pour certains, une vie est égale à un seul pas.

Observez-vous ! Le faites-vous ? Où en êtes-vous dans le nombre de pas faits pour devenir meilleur ? Ecoutez-vous votre voix intérieure ? Seule, elle, peut vous le dire. Pardonnez-moi de m'être peu adressé à vous, mais avouez que les expériences vécues ne m'ont pas laissé grand choix ! Cependant, je devrais pouvoir penser à vous quand je souffre. Cela viendra. Retournons voir les cygnes ! Les cygnes et les hirondelles ! Les hirondelles et mon saint Bernard !

- Il ne t'a été donné de vivre que ce que tu veux parce que tu le peux.  me dit le cygne épanoui en cet instant. « Viens ! Je t'offre une aile, et sur une plume assieds-toi pour que je te porte aussi loin que tu le pourras, jusqu'à ce que ta plume tombe pour autre destinée. Le veux-tu ? 

- Je le veux ! parce que je sais que je le peux et que plus rien n'égarera ma volonté. Je t'ai vu aujourd'hui, de nuit. Je t'ai vécu le jour.

Mon saint-bernard dodeline de la tête, léchant ma main de sa fidélité insondable parce qu'il m'aime. Il me veut aimé. Il veut que je le sache. Je secoue mes épaules, réalisant que je vois cet ami mort il y a longtemps. Je le prends tout contre moi. Il me cerne de ses ébauches de bras qu'il veut que je vois et j'en suis bellement étonné.

- Ainsi, toi aussi, tu vas vers le sentier ! lui dis-je.

- Oui ! répond-il, enjoué. Vois comme mon astralité débonnaire est devenue lumineuse ! Je suis avec toi. J'ai veillé sur toi, tant d'heures !

- Qu'est-ce que tout cet amour se mouvant entre tous, invisible, et que je vois comme nous voyons l'écume épouser le sable, le jour, cependant jamais un soir de nuit sans lune ? Mes petits amis en vol m'éclaboussent de pluie distillée en perles de nacre que je recueille dans mon amphore. Chaque perle brille au soleil et me chante la note de la création d'un mi qui retentit dans l'harmonie des sphères.

- C'est ce que tu es ! chante le peuple des oiseaux d'un seul accord, ajoutant leur musique à la symphonie des fleurs que le monde joue chaque jour. Nous t'aimons parce que nous t'avons élevé au faîte de nos destinées.

L'impression immense de l'amour ineffable se meut des oiseaux aux hommes, des hommes aux oiseaux, et tous les animaux de la terre se souviennent à cet instant de ce qu'ils ont laissé derrière eux pour que l'homme soit sur leur sentier, en vol, ou marchant sur terre.

Mon cygne relève le cou et montre fugitivement comment ses ailes deviennent de feu chaque fois qu'un homme aime le monde. Le serpent n'a pas trouvé sa place, aujourd'hui. Il s'agace. Il s'impatiente et murmure à une ombre que son drame vient du fait que j'ai vécu trop de vies pour lui, et que cela l'empêche d'avoir une approche, sans pourtant vouloir lâcher prise , puisque je ne suis pas au bout du chemin.

Le temps me crée une place sur le sentier sur lequel je n'ai pas marché aujourd'hui, car j'ai vu le rayonnement de l'Amour et que ce fut un pas immense sans empreinte marchée.

J'ai jeté mes sandales de cuir, mon manteau et ma montre, car ils sont de la terre et que je les reprendrai dans autre vie pour marcher sur la route.


Ô forêt ! Sombre abbatiale de siècles infinis,

De sa singulière liberté me raconte sa vie aimante !

Douce, savante, humble, calfeutrée à minuit,

Me dit l'épitaphe des temps anciens qui chantent.


Auguste arbre, me révèle-t-il de son règne

Son immortelle demeure, qu'immuables

Saisons jamais ne la pétrifient ; est-il châtaigne

Qu'il est le témoin des vies qui passent semblables.


D'hivers en printemps, respire-t-elle douce, et hiberne

Qu'en l'art de ses bourgeons, elle me transforme.

De la mort rôdant à l'entour n'a ni crainte ni cerne,

Et pour la grâce de l'homme, sanctifie sa forme.


Elle veille sur toutes les métamorphoses titanesques.

Elle dit : si des caduques et des feuillus, vous pénétrez

Vies et leçons éternelles, comme nous, belle fresque,

Vous saurez que je suis de connaissance brodée.


 

Meurs et deviens à moi, comme aux humains !

Meurs et deviens ! Qui l'a compris de sagesse ?

Va de ces trois verbes ! Être, meurs et deviens !

Foulez-la, sobrement, volontaires et sans paresse. 

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Au hasard ... chapitre six sur les douze.

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Je marche pieds nus. Je les regarde. Ils sont tout couturés de blessures cicatrisées. Que ma marche est longue ! Qu'ai-je encore à marcher ? Je marche pieds nus. Ai-je déposé mon orgueil à l'abîme que je découvre, enthousiaste, avoir construit six arches à mon pont. J'ai gravi six marches et j'ai construit six arches. C'est toujours le printemps. Je regarde mes arches. J'admire ce qu'elles sont de force, bien ancrées sur le sol, prenant magnifiquement appui sur les rives où je me suis reposé si souvent dans la vigilance. Elles surplombent l'abîme dont je refusais, avant ce jour, de regarder le fond, et dont j'ai, ensuite, témoigné du reflet des forces obscures. Mes arches scintillent sous le soleil ardent.

Six marches, six arches, deux colonnes et cinq sceaux, sont dans mon bagage, non pas de celui que j'ai jeté et repris sur mon sentier, mais de celui qui est brodé d'Amour. Mes marches sont resplendissantes. Leur marbre blanc reflète la perfection du ciel azuré bleu, strié d'éclats du feu rougeoyant des aurores et des crépuscules, qui m'ont servi de piédestal sur mon sentier. Mes arches réverbèrent tout l'Amour vécu et surtout donné. Elles sont semblables au cristal chantant leurs arpèges. Je touche presque le firmament.

Ma ville, aux dômes chatoyant de la couleur or, semble s'approcher. Je la vois de plus en plus distinctement, quoique je l'aie vue avec tant de précisions que j'en avais été stupéfié. Elle est le but et l'achèvement de mon sentier.

J'ai trente-trois ans. Tout se joue à cet âge. C'est ainsi. Mon âge est d'une telle intensité que mon ami, aux cheveux mordorés de lumière, me rend visite, pour m'offrir la rencontre avec trois de ses amis les plus fidèles.

Je marche parmi les roses pourpres intenses de parfum quand, respirant l'une d'entre elles, Ariel habille mes épaules et ma chevelure, d'un voile de soie qui n'est pas celui de ma naissance. Je le sens. Je ne le vois pas. Je le sens me coiffer. J'en aime sa légèreté. Il est si caressant que le vent pourrait être jaloux de partager son souffle avec cet autre que lui. Mais le vent est le vent, et le voile est le voile, et aucun ne se jalouse. Le souffle, que je ressens sur mes cheveux, appartient à la grâce qui jamais n'éteint la vie quand bien même nous quittons la terre pour le grand ailleurs sans ténèbres. Je suis impressionné car je le sens sur mes cheveux et non dans mes cheveux. Là est la différence avec l'esprit du vent. Mon ami m'entoure de ses ailes filigranées dans l'empreinte de mon corps. Je les perçois. Elles resplendissent dans mon aura. Elles aveuglent. Ma fille avait raison de demander si les hommes avaient besoin d'avoir les yeux ombrés pour nous regarder, afin de ne pas être aveuglés par l'Amour, tant il est puissant et consumerait tout sur le passage des hommes inconscients de sa perfection et de son infinitude en majesté. Je L'ai vu de nuit. Alors qu'affirmant cela, je me demande ce qu'il est, lorsque je le verrai en plein jour. Le voile déposé sur ma tête doit être soulevé. En attendant, mon ami de l'azur blanc de lumière me dit qu'il m'est offert par la volonté de sa mère. Je n'en crois pas mes oreilles. Un si beau cadeau ! «  Il te protégera dans les épreuves. Il ne t'épargnera rien des douleurs, mais il te protégera en ce sceau que tu viens de sceller avec moi, en moi, l'Amour. » me dit-il.

Deux voiles invisibles m'habillent maintenant. Celui de ma naissance me fut offert par la grâce de mon ciel bleu et par la Sophia en souvenir d'actions édifiées pour l'amour témoigné depuis des vies. Le second vient de m'être offert pour que je le soulève sur mon sentier. Les illusions doivent mourir, et aimer doit être au-delà du consentement, lequel n'est plus un tiraillement pour moi. Je suis. J'ai tout dit en disant cela. ô doux nom ineffable ! exprimé chaque fois que nous parlons de soi !

Prenant conscience de mon nom dans l'être qui se nomme, Ariel m'invite à la table du roi céleste et dit d'une voix si douce qu'elle en est presque imperceptible : « Viens et vois ! » Levé-je la tête que mon regard embrasse l'apparition de trois êtres dont la stature se confond dans l'univers. Sont-ils grands ? Ils se confondent dans l'espace comme je viens de le dire, m'obligeant à cambrer la nuque, pareil à un nouveau-né découvrant le monde, ou entendant une note de musique s'élevant dans l'air pour traverser douze éthers.

- Raconte !  dit Ariel. Je fais silence. Je me concentre sur ma rencontre.

- Comment dire ce que je vois sur mon chemin sans que mots ne paraissent fades ? Tu les as invités en ma demeure et ma demeure les reçoit.

- Témoigne pour les hommes, Jean ! dit ce que tu as vu !

- C'était hier. Hier et aujourd'hui se fondent. Ils étaient trois, majestueux. Je me sentais, face à eux, semblable à un nouveau-né. Ma taille était comparable parce que j'étais réellement un nouveau-né pour leur monde. Je les voyais me scruter l'âme comme s'ils se concertaient pour me reconnaître digne de mon entrée en leur ciel. Ils étaient trois, revêtus d'amples robes aux larges manches, recouvrant leurs pieds. Leurs robes étaient de la couleur bleue pour l'un, rouge pour le second et jaune pour celui qui est au centre. Ils m'observaient, me jaugeaient, sans rien dire que je n'entendais. J'étais simplement intimidé face à ces trois rois parce qu'il me semblait qu'ils étaient rois. Un seul portait une couronne aussi large que haute, emplissant la vie dans son espace. Quand ils eurent fini de me jauger, ils disparurent de ma vue sans que je ne puisse leur demander leur présence visible plus longtemps. Ils sont partis comme ils étaient venus, discrètement, sans bruit, silencieux, introvertis, les visages impassibles et austères, baissant leurs têtes vers l'homme que je suis. Tu le sais, Ariel ! Tu les as invités.

Peu de temps après, un autre vint, cuirassé de bleu, le cheveu ondulé blanc comme neige, volant tel un oiseau, balayant le ciel d'un vol rapide, semblant foncer sur moi. Je fus très impressionné. Je le vis estomper sa présence dès qu'il fut à la hauteur de mes yeux. Son regard était d'une autorité sans égale et je me savais jaugé une nouvelle fois. Je compris qu'ils ne jugeaient pas qui j'étais, mais celui que j'allais être sur leur sentier, car le sentier est leur architecture, leurs colonnes, leurs nuits, leurs jours, pour l'homme. Te dirais-je que j'étais troublé ? Je le pense. Etais-je apeuré ? Pas le moins du monde. Étais-je étonné de leur présence ? Oui, je l'étais.

J'ai su qu'ils étaient là pour me regarder monter mes six dernières marches sur le grand escalier de marbre blanc. J'ai compris qu'ils observaient comment je bâtissais ma part du pont au-dessus de l'abîme. J'ai réalisé combien ce pont leur était essentiel. Un petit d'homme est en train d'accomplir l'Amour qui est le nom de leurs robes et ils sont là à regarder comment l'homme devient Homme par le dur labeur de la connaissance dans la douleur. Ont-ils béni mon chemin ? Je le pense. Ils m'accompagnent. Tu le sais. Ils te regardent aussi.

- Qu'est-il arrivé après ces rencontres ?

- Le temps et l'espace ne sont plus qu'un. Je ne saurais te donner exactement la durée des faits vécus, mais il me semble que le temps était comme condensé d'un instant dans l'éternité. Je me souviens d'un acte étrange qui a estampillé son nom en ma maison.

- Comme j'aime t'écouter, Jean ! Continue ! Je ne me lasse pas de t'entendre. J'ai tout vu mais, j'aime que tu mettes en mots ton sentier, car sans mots, que peuvent les hommes saisir de notre réalité ? Sans toi, que serai-je ? Un ange tombant dans l'abîme ? Non ! Un ange mourant d'amour dans l'extinction de ton âme qui ne m'aurait pas vu ni contemplé ! C'est pour cela que je t'adore, Jean ! Tu me connais. Tu me parles. Jamais, tu ne m'ignores. Je suis important pour toi autant que tu l'es pour moi. Aussi, j'aime t'écouter, bien que je t'aie vu.

- Alors, entends ! J'étais accompagné par trois jeunes enfants. Ils étaient venus me rendre visite. Je leur avais préparé un goûter. J'avais cuisiné quelques confitures et confectionné quelques biscuits de décembre, bien que nous soyons au printemps.

- Oui …

- C'est fort étrange, Ariel ! car mon souvenir a lieu en décembre, alors que nous sommes encore au printemps !

- N'as-tu pas dit que l'instant était devenu éternité ? N'as-tu pas dit que le temps et l'espace ne sont plus qu'un dans cette rencontre ?

- Oui !

- Qu'est-il arrivé ?

- L'hiver était rude et le gel abondant. Je me souviens. La neige recouvrait les villages et la nature. Les montagnes suintaient la froidure. Il avait neigé trente jours ininterrompus. Tout paraissait dormir, à la vie, rompu. Le ciel était bas, blanc, sourd et si lourd. La terre libérée des fortes contractions hivernales, la chaleur estivale accumulée dans les strates virginales, je vis la neige se liquéfier, invisible sous le soleil du Poisson. Entre les tuiles et le tapis blanc, elle dégela sa toison. Je m’apprêtai à entrer en ma chaumière. Les trois enfants me précédaient avec ardeur, heureux que je les aie invités à venir savourer quelques biscuits. Moi, si solitaire d'ordinaire !

C'est à cet instant que le fait étrange survint. Une voix impérative se fit entendre. Je reçus l'ordre de m'arrêter et d'attendre. « Arrête-toi ! Ne bouge plus! » entendis-je. Oh ! ces mots ! Oh ! cet ordre ! nous unîmes intimes. Je m'exécutai ; à mon tour ordonnant, immobilisant les trois enfants.

Ariel ! Je le vis, venant sur ma gauche, soudain derrière moi, dessinant une ébauche d'avenir. Un être immense se tenait dans mon dos, qui du ciel s'était hâté, de ma vie étant le garant. Il prit la tombe annoncée. Il me lesta au sol. Je ne pus avancer. Je le sentis, debout, derrière nous, comme nous cernant de toute part,  nous protégeant avec tant d'amour que nous ne pouvions plus bouger un doigt. Tout fut extrêmement vertigineux. Un drap neigeux s'évapora crapuleux. Une chape de neige gelée glissa du toit, nous espérant sous son drap glacé, et s'effondra. Les étais se brisèrent. Les tuiles se fracassèrent au sol. Les gouttières de zinc plièrent. Les stalactites cassèrent. À nos pieds, nous narguait le bloc de glace. Nous regardions, médusés, l'effroyable fracas. Le rosier jaune qui coiffait un étai n'avait pas plié une seule de ses branches. Les piliers étaient restés intacts alors que tout le reste était détruit. C'était comme un signe donné. Mon rosier et mes colonnes était indemnes. Je faisais attention à tous ces détails.

L'être, qui se tenait derrière nous et qui nous avait immobilisés, lâcha ses mains pour nous laisser enfin aller. Le sentir partir me fut simultanément joie et tristesse. Nous franchîmes le porche, intérieurement secoués. Nous ressentîmes du bonheur, étrangement délivrés. Le soleil, haut dans le ciel, scintillait, diamantant chaque flocon qui miroitaient. Je pus percevoir les étoiles qui racontaient l'interstellaire vie que les flocons révélaient. Curieuse émotion qui plus jamais ne me lâcha ! Le sceau final d'un acte gravait sa vie en mon âme et me recréa. L'a-t-il gravé en leur âme d'enfants ? Je le pense. Seuls, eux le savent. Ils l'ont vu. Ils l'ont vécu. Ils dirent que tout était étrange. Ils dirent encore qu'ils avaient été comme paralysés. Spontanément, je remerciai l’être de volonté secourable. Une conscience sourde m'indiqua son dessein aimable, sans que premièrement, je comprisse sa volition. Je me sentis d'appartenance à la création. Je me souviens avoir dit aux trois enfants qu'une grâce divine était intervenue, nous obligeant, chacun au remerciement. Nous devions nous incliner. Les enfants étaient intempérés d'allégresse et se mirent à chanter. Quel solo à trois voix ! Comme ils étaient beaux ! Comme j'aimais les entendre chanter ! Leurs rires furent des sons les plus cristallins que j'ai pu entendre, Ariel ! oui, je pense que l'acte a aussi gravé en eux sa mémoire.

- Et...

- Non loin de mon logis s'élevait un belvédère. En haut de la colline, une allégorie de la Vierge que les pèlerins avaient adorée au passé, se tenait droite dans l'azur. Une statue lui avait été élevée, là, belle de bronze doré. Aux siècles consommés, avait été édifié une forteresse cuivrée qui abritait les pénitents en chemin pour Compostelle. Elle était forte érigée et longue de sentes autour de ses stèles. Je la vis, elle, l'invisible citadelle détruite par le temps dominant la gracieuse vallée de l'Albarine depuis sept cents ans. Un des enfants la vit et me la montra. Les deux se plurent d'une image que l'un, vite, renia. Il me dit « Tu as vu, Jean, le château ? » ce à quoi je lui répondis que j'en connaissais son existence passée et que j'en voyais les traces forgées dans le sol, mais que je ne le voyais pas comme lui le voyait. Il était seul à le voir. Je demeurais dans la grâce de cette aide. Je lui demandai qu'il me le dessine quand adulte, il serait, et qu'il devait en garder le souvenir. Il était heureux de voir ce qui ne se voit pas, humblement content d'être estimé de ce grand pas et surtout que je ne doute pas de sa parole. Voulais-je que l'on doute de la mienne ? Je ne doutais pas de la sienne. C'est celui, qui vieux devenu, sculpta ma canne pour soutenir ma marche, m'affirmant qu'il la taillait car j'en aurais besoin. Ô doux enfant à la destinée si lourde ! ! Victoire reste son nom. Le passé laisse ses empreintes que nous voyons si nous prenons le temps d'observer.

La petite fille précédait nos pas dans la neige ; elle, disant qu'elle était maintenant l'éclaireur de ma route. Elle l'était. Ai-je vu plus tenace volonté dans la protection que je n'ai rien vu d'actes terrestres. Je lui faisais confiance. Je savais que je pouvais compter sur elle. L'âme n'a pas d'âge sinon l'âge de sa création lors la nuit des Temps.  Aussi, ne doutai-je jamais qu'elle était une aide.  Regardez un enfant, écoutez le parler et vous saurez d'où il vient, quelle est sa force, s'il est en avance sur son temps, habillé de conscience, ou simplement dans l'air du temps.

Nous rendre en haut de la colline s'avéra fondamental. Nous voulions vivre du geste le principal. Nous nous enfonçâmes jusqu'aux genoux dans la neige intouchée du pas des hommes. Les enfants s'enneigèrent, harassés, car leur petite taille leur faisait lever haut les jambes. C'était amusant à voir. Nous rîmes alors comme jamais nous ne le fîmes auparavant. Nous vécûmes à ce moment une communion intense en nos âmes. Celui qui avait vu le château ne lâcha pas ma main une seule seconde. Eux et moi, pour toujours liés, fut une faveur que personne ne sut en cette singulière heure. Nous parvînmes à la statue de la Vierge. Elle semblait nous sourire. De là, nous pouvions contempler la vallée vêtue de blanc. L'immensité du monde souriait à nos pieds, et devant nos âmes s'étalaient nos futurs reliés. Une mer de nuages nous cacha la longue combe. Nous étions dans les hauteurs, au-dessus de la vallée, et la vallée était cachée par les nuages. J'aime être au-dessus des nuages, là où la lumière n'est jamais cachée. Cela me fait mesurer combien l'invisible pour certains est visible pour d'autres. Personne ne peut le nier. J'ai toujours pensé, Ariel, que le monde donnait autant de preuves que nous en voulions.

- Et...

- Seuls, au-dessus de l'onde moutonnée, et dans l'ombre encore de nos jeunes années, nous savions ce qu'elle contenait de secrets. Nul ne connaissait nos vies récemment recréées. Il me prit de les aimer, vaste comme un océan, profond, profond, profond, d'un cœur rose sang, en la fleur parée d'innombrables pétales de soie que le mot amour ne suffit pas à décrire. L'Amour emplit mon espace de jour en jour, grandit volontaire, tout autour. Il se créait dans ma poitrine pour rayonner. Je sentis sa force contenir tous les hommes. À la nuit naissante, je voulus remercier la providence. Je sortis, scrutant l'immensité du ciel en résidence, du sombre bleu noir, je le vis à nouveau évoluer vers l'émeraude, tel je l'avais déjà vu. Le vert émeraude s'irrigua de la couleur orangée en tâches chaudes. L'étoile en jaillit, douée d'étincelance majestueuse. Ne la connaissais-je pas déjà ? Elle se mit en mouvement, entreprenant une croissance respectueuse, dans la vallée, et entre les montagnes avançait, resplendissante de mille rayons.

Le corps fatigué suite à l'effondrement de la toiture de l'auvent qui aurait pu nous tuer, sans fatigue de l'âme, et la conscience vive, je me couchai. Inconsolable sur mes faiblesses, je pleurai, car une telle aide nous fait mesurer nos faiblesses et notre valeur aussi.

Apparut un être immense, tout de jaune lumineux. Point de pieds ni de mains caché par son habit soyeux brodé de fils d'or. La robe ample de lumière m'aveugla alentour. Je fermai les yeux. Mes paupières closes n'enlevèrent pas l'apparition. C'est un constat étrange de voir les yeux ouverts et de continuer à voir les paupières baissées. Je vis deux couronnes posées sur la noble vision. L'une semblait appartenir à un roi terrestre, et d'elle, s'élançait un diadème éternel céleste. La tiare semblait n'avoir point de limite dans l'univers. Je suis, me murmura-t-il. Je ne le nommai pas. Il sécha mes larmes, me rassurant de sa présence. Toutes mes illusions périrent en ce jour. Enfin, presque ! 

- Tu es aujourd'hui le créateur de tous tes actes, proclame mon ami.

- L'homme nouveau naîtrait-il en moi ?

- En ces jours, sur ta trente-troisième année, tu es né. Plus rien ne sera comme avant, dorénavant ! 

Mars dans son hiver annonce son printemps. Je le sus ce jour à l'aube de ma vie, car la neige avait dégelé sa nappe cristallisée à l'aurore d'avril. Je venais de prendre conscience que lorsque nous croyons être seuls, sans aide, nous ne le sommes jamais.

Maintenant je suis vieux. Mes trente-trois ans sont passés et sont restés le témoignage de mes jours. Ils sont restés si vifs en mon souvenir que je n'ai pas vieilli. J'ai seulement le corps plus lourd, plus souffrant et davantage ancré dans le corps de la terre. C'est tout. C'est ainsi. J'aime mes rides. J'aime mes cheveux blancs. J'aime ma voix devenue plus grave. J'aime mon âge qui me dit vieux pour ma vie terrestre. J'ai soixante ans. J'ignore combien de temps il me reste à vivre sur terre, mais j'aime cette durée qui m'attend. Je regarde le temps et le temps me dit que de nombreuses années arrivent pour me gratifier de leurs semailles pour ma moisson, et mieux que cela, semer pour d'autres moissons qui ne sont pas les miennes. Aucun pont ne peut se construire sans la volonté d'un ou plusieurs hommes qui s'attellent à cet accouchement. « Tu es l'un d'eux ! » entends-je.

J'ai soixante ans. Je quitte mes saisons. Je vais. Je vais vers le printemps, la saison de tous les renouveaux, la saison où les roses fleurissent sur leurs bois noirs. J'ai, encore, quelques illusions à écimer, comme nous étêtons les branches mortes avant la floraison des fruits et des fleurs. Mes arbres ne sauraient avoir de beaux fruits, forts et vigoureux, si je ne regarde pas la forme de leurs branches dans l'arbre qui les porte. Je dois tailler la plus forte de mes illusions, et que dit-elle devant ma serpe ?

Je regarde un cerisier enveloppé de fines fleurs blanches que mon ami, aux cheveux blancs comme la neige de l'hiver écoulé, me montre. Ses fleurs s'étalent dans l'air, semblable à une multitude de petits papillons blancs en vol, après être sortis de leur chrysalide. J'aime la blancheur auréolée de la lumière en cette saison. Elle est la seule lumière qui vibre et tinte de toutes les saisons, pareille à une multitude de grelots suspendus dans l'air. L'avez-vous remarqué ? Je regarde mon cerisier.

- Bonjour Jean ! dit l'arbre, courbant ses branches fleuries jusqu'à mes pieds pour m'accueillir.

- Bonjour cerisier aux mille fleurs ! Mes cheveux ont beaucoup blanchi cet hiver ! Ils sont aussi blancs que ta parure. Je te ressemble.

- Je vois cela ! Ça te va bien. Qu'es-tu venu chercher auprès de moi ? Puis-je t'aider, si je le peux ?

- Disons que j'ai encore quelques illusions et que je cherche le moyen de n'être plus soumis à leur triste réalité. Je me disais que tu pourrais me guider.

- Tu as choisi la bonne personne si je puis m'exprimer ainsi !

- Je crois qu'il n'y a pas de hasard. Sais-tu que bien souvent ce sont les éléments de la nature qui m'ont apporté quantité de réponses ?

- Oui ! je le sais car cela doit être ainsi ! Tu cherches comment tuer tes illusions si j'ai bien compris !

- Oui !

- Alors, écoute ! c'est, en fait, très simple...

- Simple ? Je t'écoute !

- Tu es en face de moi, n'est-ce pas ? Que vois-tu ?

- Toi, avec tes branches ouatées de petites fleurs blanches.

- C'est tout ?

- Cela ne suffit-il pas pour tuer mes illusions ?

- Que nenni ! regarde bien !

- Je te vois tel que tu es.

- En es-tu certain ? Je ne crois pas ! pas du tout !

- Tu es bien un cerisier, chargé de fleurs blanches, dont toutes les branches sont fleuries et alourdies de fruits futurs ?

- Je le suis, oui ! Fais un pas ! Arrête-toi ! Regarde-moi ! Fais encore un autre pas, arrête-toi ; regarde-moi à nouveau. Continue ainsi à chaque pas ! Que vois-tu ?

- Ciel ! Qu'est-ce que cette branche pleine de mousse qui enlaidit ton visage ? dis-je, ahuri.

- Elle est celle que les hommes ont créée lorsqu'ils me trouvent laid ou passent à côté de moi, sans me voir. C'est une branche d'hommes. Ce sont les hommes qui ont enlaidi ma ramure dans leurs illusions. Comme toi ! Ne crois pas un instant que tu es parfait ! Tu m'as blessé de moisissures sous la mousse. Cette branche est en train de mourir. Tourne encore autour de moi ! Que vois-tu ?

- Je vois un nid d'abeilles à la croisée de tes branches, au faîte de ta cime. Je ne le percevais pas de l'autre côté !

- Non, vraiment ? Tu le découvres maintenant ! Heureusement que ces abeilles ont élu domicile sur mon corps, sinon, je serai mort à moi-même avec toute cette mousse humide qui pourrit mes fleurs ! Il n'y aurait plus de cerises pour ton plaisir. Peux-tu tailler cette branche et donner de la lumière aux abeilles ? 

Je grimpe dans l'arbre qui assure mon escalade, branche par branche, comme je le fais sur le grand escalier en marbre blanc dans l'azur de mes amis qui m'attendent. Je prends ma serpe qui est dans ma sacoche et que j'ai toujours avec moi pour couper herbes et plantes qui me soignent lorsque je suis blessé. Avant de tailler la branche, je demande aux abeilles si je peux me nourrir d'une coulée de leur miel, et si je peux en récolter pour ma coupe sertie d'émeraudes et de rubis dont je n'ai jamais voulu me séparer puisqu'elle me sert à anoblir mes expériences. Je bois le miel. J'emplis ma coupe. Je taille la branche. Je crie de douleur. Je tombe au sol, fracassé, venant de chuter après un grand coup de serpe donné. J'ai basculé sans prendre garde à mes gestes et sans penser vraiment à ce que je faisais. Je le faisais machinalement. J'ai l'épaule droite fracturée. Je ne peux plus bouger mon bras, mais la branche est taillée et me recouvre. J'ai appris à ne plus pleurer à chaque douleur. Je ramène mon bras vers la poitrine et décide d'utiliser le miel dans ma coupe pour badigeonner la nouvelle vilaine plaie à ma gorge qu'un fétu a touché avec puissance, tel le fil d'un rasoir. Le cerisier me regarde, tout en ayant une forte émotion à la vue de mon sang qui épanche sa terre pour sa sève circulante de bas en haut, de haut vers le bas. J'ai si mal ! Je vois le serpent, endormi sous une pierre que je n'avais pas vue, tellement obsédé par mon arbre et mes illusions, glisser jusqu'à moi. La douleur est si vive ! J'ai envie de pleurer. « Non ! ne pleure pas ! » me dis-je intérieurement. « Le serpent sera content si tu pleures et tu ne pourras pas te servir de ses anneaux pour construire ta onzième marche afin de la gravir. » me dis-je encore.

Je ravale mes pleurs. Je regarde mon cerisier. Je comprends enfin ce qu'il a voulu m'enseigner. Tant que je ne le regarde pas de tous côtés, je ne connais pas son essence ni sa nature, moins encore ses blessures et ses forces. Je suis l'illusion de ma perception qui croyait qu'il était d'une seule beauté, sans savoir qu'il pouvait être malade. Je comprends que je dois voir tous les aspects d'une chose pour en avoir leurs vérités et leur connaissance exacte. Je comprends qu'il n'y a pas qu'une vérité mais une foule de vérités qui construisent la vérité. Je comprends que je demeure dans l'illusion la plus complète, tant que je n'ai pas voulu voir tous les aspects d'une réalité. Je reste alors dans ma nuit, et en conséquence je ne peux pas soulever le voile des événements. Ma fracture, c'est cela ! Je fracture mes illusions. Je fracasse mes illusions. Oh ! ce n'est pas sans vivre d'une douleur effroyable ! Croyez-moi ! Une illusion brisée est aussi forte qu'une fracture d'épaule. Il nous faut tout repenser comme nous devons consolider notre articulation. Ce n'est pas sans remise en question profonde. Mon épaule est fracturée mais mes jambes ne le sont pas. Encore une fois, je me dis que dans mon malheur, j'ai été préservé du pire. L'arbre n'a pas voulu que mes jambes soient fracturées. Je peux donc toujours continuer à marcher, rayonnant, car c'est ainsi. Le serpent regarde l'herbe trempée par ma blessure et s'en va, m'offrant quelques-uns de ses anneaux pour que je finisse la construction de ma sixième marche, me disant en ricanant :" je t'attends ailleurs, bougre !

Je le vois luisant sous le soleil de mon matin que mon midi du printemps aime. Le cerisier me remercie pour sa nouvelle beauté, car sans lui, je n'aurais pas perçu sa blessure. Je vais sur le sentier. Je vais le corps et l'âme reprisés de blessures, heureux et confiant.

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Au hasard : chapitre 9

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Je marche pieds nus. J'ai jeté mes sandales. Je n'en ai plus besoin. Je les ai regardées avant de les déposer dans un fossé, disant merci à l'homme, que je ne connais pas, qui les avait fabriquées, sans savoir quels pieds, elles chausseraient. Il faut toujours remercier l'ouvrier. J'ignore qui a fait l'objet qui me sert, mais l'objet qui me sert est le bienfait de son travail. Si nous avions conscience de la valeur d'un homme ayant œuvré pour nous dans son silence, nous serions riches de la valeur du monde. Je regarde mes sandales déposées. Je me demande ce qu'était l'état d'âme de l'ouvrier qui les a conçues ; était-il triste ? Était-il joyeux ? Avait-il femme et enfants au foyer ? Avait-il faim ? Avait-il froid ? Avait-il chaud ? Pleurait-il ? Aimait-il ? Était-il malade ? Avait-il de l'humour ? Qui est-il ? Un homme est derrière chaque chose, même d'une fleur dont il a ramassé le bulbe de narcisse que je plante en ma terre. J'admire le labeur des hommes à cet instant, là, où je dépose mes sandales de cuir dans le fossé. C'est mon âme de conscience qui vous l'écrit, moi, Jean Christophoros de Lebenkreutz ! J'ouvre vos âmes de conscience. Je le dois au monde, car c'est l'heure de sa plénitude. C'est le commencement de la philanthroposophie qu'initié advient pour nous la donner. Pas moi ! mais, lui ! Je suis le passeur sur mon sentier. Mon neuvième jour naît à Moi.

Je peux me heurter à un caillou ; et le caillou partage avec moi une double responsabilité, car il est du futur. Je le vois. J'ai mal pour ma pierre qui est dure comme le silence qui n'a encore rien dit à haute voix. Je vois son être. Son être me fixe du regard qui appartient à la plus haute des sphères. C'est la fin de l'hiver. J'ai trente-trois ans. C'est mon neuvième jour de marche. C'est ma neuvième marche sur mon escalier de marbre blanc comme le blanc de la neige qui crisse sous mes pas, blanc comme la robe lumineuse de mon ami qui m'attend avec son ami. C'est ainsi. J'ai marché de désir. Je marche aujourd'hui dans l'amour de ce que j'engendre, de ce que je suis. Je marche, dans la plaine bordée de falaises, parmi les arbres et les fleurs qui dodelinent leur cœur dans le souffle souverain.

L'arbre est un don de la nature, la fleur aussi ; et la nature est mon zénith solaire. C'est ainsi. Ils se donnent à l'homme ; et l'homme ignore encore que se donner est de l'amour absolu. L'arbre et la fleur sont là pour en témoigner comme l'homme en témoigne lors de son aurore ultime. Mes pierres, aussi ! Elles portent, toutes, leurs visages visibles en leurs corps figés, qu'elles m'offrent d'amour dans leur discrétion. Je les vois. Je les montre à un passant sur mon sentier. Il les voit, puis se ravisant, me dit fou, comme d'une vision insoutenable. C'est difficile de rencontrer ces êtres intérieurs, car ils disent leur solitude interminable, tant que les hommes n'ont pas abouti leur chemin. Non ! je ne suis pas fou ! je vis le sentier ; et le sentier est pureté dans nos luttes.

Je vis cela ; je pense cela. Alors que vivant cela, alors que pensant cela, je vois le serpent m'observer. Il est là, abrité par la pierre qui attend son soleil, là, où le gouffre n'éteint pas ses passions dévastatrices. Je marche au-dessus du précipice. Il étend son dos ; et de son dos arrondi, développe ses volutes ondulatoires ; se raidit ; se tend et s'étend ; me laisse poser mes autres pierres pour assurer ma traversée de l'abîme. Il regarde en bas ce qu'il a posé en haut et trouve belle la laideur quand les hommes aiment la laideur. Il trouve le soleil plus beau que lui-même, mais ne veut pas le dire aux hommes, bien qu'il ait besoin de sa chaleur et de son amour. Il faut donner aux hommes la beauté du sentier quand bien même il a ses dangers comme tout ce qui est entre la beauté et la laideur. Les rochers, qui lui servent d'abri en été, ne sont pas ceux des pierres qui sont de la pierre de fondation donnée en hiver pour renaître, et qui ne sont pas encore les siennes. Regarder l'en bas, regarder l'en haut et aller avec certitude. La nuit est mon piédestal pour mon pont vers le jour. C'est ma neuvième nuit. C'est mon neuvième jour. J'ai trente-trois ans.

Je pense à mes enfants que la lumière attend, qui sont si loin de moi, qui ont vu la cité aux dômes revêtus d'or, sans oser encore un pas volontaire. Pensant à leurs regards d'enfants, je me souviens que j'ai sacrifié une part de moi pour ce chemin offert, car il est bien de sacrifier une part de soi pour le chemin d'autres. Je me rappelle avoir écrit en lettres de feu, dans leurs firmaments, leur rédemption aux chemins leurrés qu'ils ont pris un jour, en autre vie, il y a longtemps. Je les vois. Je les regarde. Je les aime. J'aime le beau en eux. J'aime aussi le pire en eux. On m'a dit fou d'aimer le pire en eux. On m'a laissé seul pour cela. Les hommes n'ont pas compris, pas même ceux qui se disent sages. Ils m'ont condamné à la solitude ; et la solitude m'a souhaité sa bienvenue. J'ai dit que j'étais fier d'eux. Les gens m'ont condamné, car ils n'ont pas compris que dans tout mal, le bien arrive ; et que c'est ce bien futur que j'aime au travers d'eux. Le mal engendre toujours un bien, et quand le mal engendre un plus grand mal, c'est pour un plus grand bien qui prend son temps pour arriver. Les hommes m'ont demandé de les abandonnés. J'ai refusé. Qui étaient-ils pour me demander cela ? Qu'avaient-ils compris de l'amour pour me laisser aller, seul, dans l'expression de l'Amour ? Seul, l'Amour a été, est, mon maître. Seul, l'Amour est mon guide. Je me vois aimer les enfants perdus autant que peut l'amour, en laissant ceux qui n'ont pas besoin de ma force pour aller de leurs propres forces, car ils le peuvent. Ne jamais supprimer les forces puissantes des âmes en chemin ! Juste être là et les aimer. Ils sont. Le serpent a aimé nous attaquer au quotidien en ces jours blêmes ; et j'ai laissé le serpent œuvrer, faute de pouvoir tout combattre, car une destinée appartient à l'être qui la porte. Je les aime. Je les aime tous comme ils sont, même lorsqu'ils ont apporté le serpent en ma maison dans mon lointain village. C'est curieux comme ce sont ceux d'entre eux qui commettent le pire des malveillances qui ont vu la cité d'or aux dômes flamboyants dans l'azur bleu devenu jaune lumière ! C'est ainsi. Il y a des mystères qui ne lèvent leurs voiles qu'au jour achevé des destinées. C'est autre combat contre le serpent qui me prit le plus d'heures, car combattant dans le gouffre des passions, des vilenies, des affronts, des perversions, des assuétudes, des volontés contraires. Le sage n'est pas forcément celui qui arrive en premier à la cité céleste. Moi, Jean Christophoros de Lebenkreutz l'affirme. Tout cela fut, après que je vis l'étoile dans le ciel émeraude devenu orangé, puis jaune étincelant. J'ai, là, élimé plusieurs épées. C'est ainsi. Ils deviennent beaux. Ils sont beaux. Il n'y a aucune laideur qui ne devienne, un jour, belle parce que c'est ainsi. Tout se transforme. Je les aime. Je ne les ai pas abandonnés sur leur sentier. Je suis leur force ; ils sont la mienne.

Les hommes aiment leurs insuffisances et adorent leur serpent plus que l'aurore des matins. Ils ne savent pas que leurs insuffisances sont des trous noirs dans leurs âmes, que mon regard a peine à tenir. Ils se nourrissent des ombres, trouvant que les ombres sont de meilleurs aliments que la lumière absorbée par le blé et le cep. J'ai sangloté de la vilenie des hommes. J'ai sangloté des heures de ne pas voir l'amour flamboyant dans le tout alentour que porte ma terre. Une âme qui sanglote, c'est pareil à un tremblement de terre, et encore à un tsunami qui, tout, dévastent avant de reconstruire ce qu'ils ont détruit. Il n'y a rien qui ne puisse se reconstruire quand le malheur passe et frappe à nos portes sauf si nous aimons, dans la nuit, le jour qu'il apporte. J'ai mis de la lumière partout où l'ombre a surgi. Je mets la lumière, là, où l'ombre ne semble pas pouvoir être transformée en son contraire. Il faut beaucoup aimer gratuitement pour servir la lumière, car je ne récolte rien des actes d'amour. Je donne. C'est mon sentier.

Mon ami du matin resplendissant dans l'azur flamboyant me dit :

- Que m'as-tu donné pour que je sois ? Dis-moi !

Je regarde en ma besace de lin blanc.

- Sagesse !

- Et encore ?

- Conscience !

- Puis ?

- Amour !

- Je l'ai vu.

- Tu l'as vu.

- Je l'ai reçu.

- Je te l'ai donné.

- Je l'ai pris en moi.

- Et encore ?

- Mes imperfections !

- Elles t'appartiennent.

- L'amour ?

- Il appartient à tous.

Et l'amour brille dans le monde chaque fois qu'un de ses actes conduit le don qui ne reçoit rien en retour. Il faut beaucoup de conscience pour se donner sans rien attendre. C'est pourquoi les hommes sont si peu empressés d'aimer. Ils espèrent toujours une parole, un regard, un merci, qui diraient combien ils sont bons, mais non ! Les hommes appellent cela de la reconnaissance. Seul l'amour reçoit l'amour et de son enveloppement reconnaît ce qu'il est. L'amour ne se remercie pas lui-même. Il ne se reconnaît pas lui-même, car il est. C'est l'âme de conscience qui le dit ce jour. Je l'ai vue à l'aurore après ma nuit. Je l'ai vue dans l'unique aurore et sa chaleur primordiale. Une étincelle ! Le cosmos ! Le logos ! Un verbe dit ce qu'il est, et tout se répand. Il proclame : Je suis, et son « Je suis » retentit comme le son d'un cor, accompagné d'un gong dans l'air, qui se met en mouvement lors du son qui résonne d'écho, toujours. C'est un Aum musical. Un Aum est un don que le cor prend sur lui. Je suis la réverbération du son. J'aime savoir cela. Je suis la lumière du son. Tout est sa réverbération ! ma pierre, ma rose, mon cygne. La nuit me l'a dit.

Mon ami aux cheveux mordorés sous le soleil levant, de l'Orient vers l'Orient, s'assied au cœur de la lemniscate en mouvement et me dit « dessine-moi l'amour qui est le tien ! Montre ce que tu as fait pour lui !

- Pourquoi dire ce que nous faisons en son cœur puisque tu le vois ?

- Car la parole est résonance ; et qu'elle est, à l'acte, le prolongement de son action. Nous avons besoin des humains pour son rayonnement.

- Alors, laisse-moi m'asseoir dans l'herbe pour que j'intériorise ce qui fut d'actions et que je dois te donner par mon verbe intime.

- Assieds-toi, Jean ! épouse l'herbe ! Je me recueille à tes pieds. Leur nudité est splendeur. Je t'accueille. »

Je fais silence. Je me concentre, puis raconte enfin ce vécu différent que je donne au monde.

- C'était un après-midi de septembre quand l'équinoxe d'automne fait du jour l'égal de sa nuit. Je vis sur mon sentier une femme gravement malade. Elle n'avait plus ni voix ni gestes, comme d'une âme sortie d'elle qui n'espère pas revenir pour habiter son corps. Elle était alitée sur un lit de mousse humide et l'humidité envahissait sa vie au point qu'elle avait voulu assécher ses os et ses artères. Les artères s'étaient figées et n'irriguaient plus son crâne gelé. Ses articulations s'étaient solidifiées. C'est ainsi que je la vis sur mon sentier, inerte, laissée pour morte, dans une vie végétative qui ressemblait à la mousse sur laquelle elle dormait. Elle n'était plus qu'un corps de vie, sans âme sentante, ni pensante. Ce fut pour moi un choc intense de voir cette vie inconsciente que j'en vécus une profonde pitié dont la compassion fut mon désir puissant de l'aider. Te décrirais-je cette pitié et cette compassion que j'en revis chaque moment gravé dans sa vie. J'étais secoué intérieurement, pareil à l'éclair frappant un arbre que l'arbre brûle d'émotions et de tristesse. Je me dis qu'il me fallait réparer cet arbre et lui ôter la nature de l'éclair qui l'avait foudroyé. Pari difficile mais je le fis, décidé et volontaire. Elle était belle comme une rose encore fleurie de son été. Elle était jeune de cet âge qui fait le milieu d'une vie. Elle était une fleur ne craignant plus les prédateurs. Elle était son propre prédateur. Je n'avais jamais vu d'humain malade à ce point, bien que j'en eus rencontrés beaucoup sur mon chemin. Si elle était sur mon sentier, c'est que j'avais au-delà de la compassion, une raison de l'aider : elle en moi et moi en elle, par et pour l'amour qui rayonnait en moi pour elle, qui allait le recevoir. Nous disons toujours l'un dans l'autre quand les cœurs vibrent d'unisson. Je savais soigner d'onguents et de plantes, et encore de gestes finement appris, mais jamais je n'avais encore tenté d'être pleinement l'autre. Ce fut d'une immense spontanéité que je décidais d’œuvrer pour la revoir revivre en son corps de conscience. Il me fallait aussi donner au monde ce qu'est la quintessence de l'amour vécu, qui agit et guérit. Je savais que je pouvais le faire bien qu'un grand nombre d'heures soit utile pour ce geste. Oh ! un grand nombre d'heures ! Et aussi un grand nombre de témoins muets car il fallait que cela soit inscrit.

Ces témoins se nommaient Christine, Irène, Albert, Alain, Daniel, Stéphanie, Brigitte, Séverine, et bien d'autres. Séverine fut celle que j'appelais souvent lorsque j'avais besoin d'aide, car je la savais silencieuse et respectueuse dans la droiture de l'âme, bien qu'elle fut tonitruante face aux ignominies des hommes. Droite comme un chêne, sonore comme l'orage qui passe à ses heures, d'amour offert, Séverine le Ru comme d'un ru abreuvant la terre qui a besoin d'eau mesurée pour vivre. Elle était grande comme une âme qui veut s'élever, forte comme un soleil qui resplendit les jours de pluie. Elle fut combattue par ceux qui avaient vu, pour que je puisse agir sans être attaqué.

- Il existe une loi dans le monde qui exige une protection sur ce qui descend d'en haut pour que vive l'en bas, me dit mon ami ensoleillé. Elle est d'autant plus active lorsque le passeur vérifie un fait nouveau avant qu'il ne donne à la lumière terrestre ce qui est nouveau, car c'est un sacrifice que d'accepter d'être un passeur de pensées en actions. Je te protège. Il est donc normal que ton amie terrestre ait eu à subir le contrecoup de ton action. C'est un sacrifice consenti de sa part avant de naître. Nous l'honorons et nous l'honorerons de bien des manières, bien qu'un sacrifice soit un don, car elle a permis que cela soit. Il y a foule d'âmes qui nous servent le cœur joyeux, sans savoir qu'elles nous servent. Elles aiment. Elles aiment tant qu'elles sont semblables à nos rayons. Elles arriveront avant beaucoup d'autres sur le sentier. Continue... ! Jean !

- Cette dame allongée sur la mousse humide de septembre portait un mot ciselé sur son front : Temple. Il était mot et image. Cela m'a beaucoup impressionné. Ce mot était aussi son nom. Il fallait bien que je m'y arrête pour découvrir ce qu'elle renfermait entre ses murs, cette vie devenue inoccupée ! Je la déposai sur un lit en draps de lin blancs. Elle n'avait ni chaud ni froid. Moins encore faim ni soif. Rien ! Seul, son cœur battait sous sa peau. Seule, sa respiration racontait une vie en soi ; tout ! Le rythme ! Je la déposai sur son lit blanc. Je vivais, en esprit, l'action de l'aliter sur un autel de marbre blanc, brillant au soleil de midi, quand l'aurore a fini d'achever d'établir son règne. Chaque matin, je vivais intérieurement et intensément cette image. Il n'y eut pas une aurore où j'oubliais de penser son autel dans son temple. C'était un recueillement. Ne jamais aller vers un malade sans oublier de saluer le temple qu'il est, avant tous soins. Je m'inclinai donc en pensée. C'est un rythme qui ensemence la vie. N'est-ce pas ce que je voulais pour elle ? Réensemencer sa vie !

Jour après jour, mes mains massaient son visage, ses bras, ses doigts, ses jambes, ses pieds, lui disant chaque matin : « Madame Temple ! Je suis Jean, Jean Christophoros de Lebenkreutz ! J'ai trente-trois ans et je suis votre ami aussi longtemps que votre vie restera éteinte et au-delà si vous m'acceptez comme ami. Ce que je vais vous offrir n'appartient qu'à vous et rien ne vous rendra redevable à mon égard.

Chaque matin, je me présentai ainsi car la vie désertée doit entendre qui s'occupe de soi. Je savais qu'elle m'entendait dans son éloignement vers un ailleurs d'où elle était aussi l'assoupie. Ma compassion grandissait au fur et à mesure que je comprenais son inconscience, en haut, en bas. Cela me faisait mal de la savoir l'endormie des deux mondes. Chaque fois, il me fallait transformer ma compassion en amour vivant qui rayonnait de moi vers elle, bien que pitié et compassion – ces deux sœurs jumelles – soient tout amour.

- Jean ! Je t'arrête un instant ! dis-moi ! Pitié et compassion sont amour, dis-tu, mais pour aimer, faut-il toujours passer par ces deux sentiments ?

- Elles en sont le chemin. Elles en sont le moyen. Qui aime de son cœur conscient n'a plus besoin de ces deux sœurs pour aimer, car il aime. Aimer est sa nature profonde. Pour l'instant, ma vie a besoin de ces deux sentiments, mais ne les vis-je pas spontanément sans avoir à leur demander leur présence ! Ils me sont acquis comme le soleil se lève chaque matin. C'est une vérité et une vérité n'est plus contestable. Qui nie que le soleil se lève chaque matin ? personne ! Qui nie que l'amour existe ? personne ! Car il y a toujours un enfant conçu que les parents aiment et cet amour est le témoin de ce noble sentiment.

- Mon ami ! Jean ! Jean Christophoros de Lebenkreutz ! je t'écoute d'adoration car j'adore tes matins et le matin unique qui nous offrit tous les matins du monde. Continue !

- C'est en ce matin unique que j'ai agi, Ariel ! Bien qu'il y ait eu deux matins, ne sont-ils pas le même matin, car nés du même soleil rayonnant ?

- Oui ! je l'affirme avec toi. Je t'écoute.

- Quand je massais son corps inerte, je pensais à la sève qui circule dans l'arbre, la fleur, la rose, et je me pensais semblable à une racine qui grandit pour mieux vivifier ma terre et sa nature. C'était ainsi. Le sang circulant en elle était la sève en mouvement que le soleil donne de sa lumière et de sa chaleur. Je massais ensuite chaque articulation, pour leur redonner leur mobilité. Je voyais chaque cartilage s'irriguer à chacun de mes touchers. C'est ainsi qu'endormie, elle reconquit la souplesse. Oh ! non pas qu'elle bougeait consciemment, mais la posture dans laquelle je la situais n'avait plus cette dureté immuable et figée ! Elle pouvait la conserver et ce fut ainsi que je pus l'aliter sur sa droite, sur sa gauche, à plat dos, tour à tour. C'était un grand pas en avant. Bien que ne réagissant pas à mes paroles, je lui disais, avant chaque geste, ce que j'allais faire pour qu'elle entende et ne vive pas son corps comme d'une volonté soumise bien qu'elle le soit. Je l'appelais. « Madame Temple ! Je suis Jean ! Je vais maintenant vous masser les doigts, chaque doigt. Vous avez le droit de manifester votre volonté, car la volonté habite vos membres et que je ne veux pas faire ce que vous ne voulez pas. Montrez-moi votre volonté ! Vous le pouvez ! » Elle ne me répondait pas, mais je savais qu'elle m'entendait. À tous mes soins, je lui racontais le monde, ce qui se passait dehors, les événements beaux comme ceux qui sont terribles. Je la réintégrais dans le monde et son action. Je lui parlais aussi de sa vie que sa famille m'avait donnée de récits vivants, qu'elle avait vécus. Bien au-delà, je la reliais à son incarnation passée et sa destinée. Qu'avait-elle décidé pour elle ? Qu'avait-elle voulu fuir si elle avait voulu fuir !? Je lui posais des questions. Elle entendait, l'âme restée au-dessus de son corps. Elle m'entendait. Elle ne réagissait pas, mais je savais qu'elle m'entendait. Je lui disais aussi que sa liberté était pleine et que je n'agissais que dans l'accord des êtres garants de sa destinée, car chaque matin, je demandais leur accord. Je lui disais qu'elle pouvait revenir habiter son corps comme continuer à le refuser, et que je n'étais plus que celui qui maintenait la sève circulant jusqu'à ce qu'elle quitte la vie terrestre. Je ne l'obligeais à rien. J'étais son passeur, de quelque manière qu'elle choisirait de passer d'en bas vers l'en haut, si cela avait été son choix. Je ne faisais rien qui puisse manquer de respect à ce temple alité dans ces draps blancs. Elle était son temple et son temple était adoration dans le silence recueilli. Puis, je lui parlais des êtres garants de sa vie. Je lui décrivais ce qu'ils étaient. Je lui parlais de mon ami dans l'azur éclatant où le regard peine à aller, tant il est éclatant de lumière. Je lui décrivais sa puissance resplendissante qui ne décide rien, celle qui attend notre consentement. Chaque jour, je lui parlais de mon ami de l'azur bleu dans son ciel jaune, riche de sa chaleur d'aimer. C'était comme l'apothéose du soin qui reçoit le geste qui agit et sauve. Il n'y eut pas un jour où je ne lui parlais pas de mon ami. Il était là. Il était là parce que j'avais la conscience du temple et que le temple est son temple. L'amour était agissant. Il emplissait le geste, la parole et la sève circulante. Il s'adressait à elle. Il était pour elle.

- J'ai vu tout ce que tu as fait. Tout à l'alentour brillait d'un éclat sans pareil car la terre est plus riche d'abîme que des actes d'amour. Tu as offert la quintessence du don sans rien demander en retour.

- Trois mois m'a-t-il fallu pour le réveil de son matin, un matin de printemps de soleil chaud dans la floraison renouvelée des fleurs. Voit-on vie végétative renaître de ses cendres que vie inscrit sa demeure éternelle dans le temple qu'est le corps. Un matin de printemps, alors que j'entrais dans sa nature pour aider à la mobilité renouvelée de son corps, j’écarquillais les yeux de surprise. Elle était là, toujours alitée dans ses draps blancs comme la neige de l'hiver qui a achevé sa mission pour son printemps éloquent. Elle ouvrit les yeux et bougea sa tête, me recevant d'un « oh ! » qui me reconnaissait. Je la vis sourire. Une larme coula le long de sa joue gauche. Elle ne dit mot davantage. Elle était présente. Elle avait réintégré son temple :« Bonjour, Madame, dis-je. Je suis Jean, Jean Christophoros de Lebenkreutz. Je suis celui qui a œuvré à votre retour et béni votre vie. » Elle sourit large comme le fait le levant à l'aurore. Fatiguée de ce retour, elle s'endormit de ce sommeil qui n'est plus inconscient, mais de ce sommeil réparateur qui prépare l'instant à venir.

Un mois plein, je pus m'entretenir avec elle. Je n'agissais plus dans l'oubli. Elle répondait à ma parole. Puis, un midi, je la vis écarquiller les yeux, manifestant une transcendance qu'elle vivait dans le silence qui n'arrive pas à exprimer la force de ce qu'elle voyait. Son regard tournait tout autour de ma tête, dans ce regard admiratif qui aurait voulu dire son verbe. Je lui dis : « je sais qui vous voyez madame Temple ! Je vous présente mon ami de l'azur étincelant des matins enflammés qui prend en lui tout l'amour qui va de vous à moi, de moi à vous. ». Il était là. Je Le sentais. Je Le vivais.

Elle vécut un mois ainsi dans la joie de vivre, même alitée dans ses draps blancs. Puis, un autre matin, elle décida en ma présence de quitter la terre pour rejoindre son firmament. Elle tendit la main vers moi, le visage tendu à l'extrême et s'éteignit. Juste avant de mourir, nous avions chanté ensemble, une chanson qu'elle aimait. Depuis, elle ne me quitte plus, active du haut de son ciel, pour protéger mes jours.

- Diras-tu que ce fut un miracle, Jean ?

- Non ! ce ne le fut pas.

- Dis-moi pourquoi !

- Ce que j'ai fait, chacun peut le faire.

- Dis-moi encore pourquoi !

- Ce fut un travail de longue haleine, doublé d'une foi sans bornes. Je croyais en ce que je pouvais réaliser. Je croyais en elle, en moi et en mon ami du pays du ciel bleu, devenu jaune par sa seule grâce. Je croyais dans les forces de l'amour. Je crois en les forces de l'amour. Je n'ai jamais douté une seule seconde, jamais ! Puisque j'avais ton accord, celui de son ami et de ton ami dont l'amour est puissance et vie, je pouvais le faire. Puisque j'avais vu cet amour infini m'enveloppant et le monde, chacun et tout, je ne pouvais que vivre son intériorité pour être à son image. Il n'y a aucun miracle, car confiance et amour ne sont pas des miracles. Tu sais que mes témoins ne furent pas témoins de mes paroles, seulement de mes actes. Si ils avaient témoins de mes parole, de la parole, je n'aurais pas pu agir. Ils regardaient et disaient que j'étais un doux rêveur, ce que j'acceptais sans leur dire que je n'étais pas un rêveur mais une conscience en action. Lorsque madame Temple se réveilla de son long coma, ils entrèrent dans la chambre comme cabris sautent dans la nature, heureux et naïfs, et dirent «  Vous aviez cru Jean ; vous y avez toujours cru ! » Foule se déplaça vers le lit blanc pour constater ce doux retour, se mit à m'adorer. Aussi, partis-je loin pour ne pas être adoré car ce n'était pas moi mais Lui en moi pour Lui.

- As-tu fait cela souvent, Jean ?

- Chaque fois qu'un être souffrait d'une intensité incommensurable ! Tu le sais, tu l'as vu ! Chaque fois qu'un être était condamné et que je me savais avoir le droit d'agir ! Chaque fois qu'un homme était dans la moquerie des hommes, je l'ai fait ! Je le fais car il m'insupporte de voir et d'entendre les sarcasmes. Aussi car, je participe au monde dans l'amour pour son harmonie. Je ne supporte pas que destinées soient raillées dans leurs malheurs. De nombreux hommes pourront témoigner. Ils n'ont pas compris ce que je faisais, mais ils ont vu et constaté. Pour cela, sur mon sentier, j'ai agi en de nombreuses villes et villages pour que les témoins ne soient jamais les mêmes. Un témoin est un futur passeur. Un sentier est toujours doublé, dans sa méditation, d'actions. La méditation seule est un chemin mort si elle n'est pas l'amie de l'action.

- Comment as-tu appris cela ?

- J'ai, un jour, rencontré un maître qui dans mon intime rencontre, m'a demandé de ne pas rester sur son enseignement sans le vérifier par moi-même, alors ce fut la seule de ses paroles que je n'ai pas vérifiée car j'ai vérifié toutes ses autres paroles. J'ai su qu'il m'avait dit la vérité parce que je l'ai aimé tout de suite dans notre rencontre et que l'amour ne doute pas de lui-même. Il était beau comme le soleil qu'il témoignait. Son regard habitait tout l'espace. Son verbe était aussi souple qu'un morceau de soie dans l'âpreté de la roche qui me bâtit de volonté. Il m'avait prévenu des difficultés que je rencontrerai. Il m'avait assuré que je passerai le sentier, malgré les attaques nombreuses du serpent. Je l'ai vu de nuit. Il est venu me voir. Son nom était une pierre de fondation sur laquelle nous bâtissons l'avenir. Qui prend le sentier rencontre toujours un maître témoignant de l'amour parce qu'il est amour et agit conformément à sa parole donnée. Avec lui, j'ai vu l'amour personnifié. Je ne pouvais qu'en témoigner à mon tour. C'est mon seul miracle : cette rencontre écrite depuis la nuit des temps, pour l'éclat du jour !


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