Béatrice Lukomski-Joly


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Mémoires d'une défunte.

Quelques extraits d'un nouveau livre en cours d'écriture dont le fil vous paraîtra parfois difficile à suivre puisque je ne donne que des extraits.

Les images données vécues relèvent du contenu des images données par Jeanne, ramenant mes propres souvenirs.

Les ombres et les voix dans " A la recherche de Jeanne"

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

13 février 2021


Trois semaines sont passées depuis que je l’ai vue en mon salon. Je n’avais plus de nouvelles, enfin ! ce que j’appelle des nouvelles, c’est à dire la voir, la sentir présente, communiquer avec elle. J’avais bien posé une question à laquelle j’espérais une réponse, mais il nous faut savoir attendre lorsque nous interpellons un vivant ex-carné que nous appelons défunt parce qu’il est défunt pour le monde terrestre. Comprendre sa peur qui était devenue une terreur.

Bien que nous savons que la dégénérescence cérébrale engendre des voix audibles « physiquement », c’est à dire à l’extérieur de soi, en science spirituelle, nous savons que ces voix sont le fruit d’un début d’ex-carnation, les corps spirituels commençant à se détacher du corps physique, apportant son lot de manifestations ancrées dans les deux mondes qui ne sont pourtant qu’un seul. Etait-ce des manifestations d’âmes de passage, ou était-ce des voix d’âmes qui l’avaient connue et qui ne l’avaient pas aimée afin de la taquiner, l’embêter, ou encore autre chose de plus terrestre ? Juste question, car jamais elle n’entendait ces voix lorsqu’elle venait dormir chez moi ou que nous allions visiter des endroits qu'elle voulait revoir avant de mourir.

Nous partions dans ce cas plusieurs jours, partageant les frais de plusieurs nuits de gîte. La plus grande part était pour moi, sur ma décision, bien que ce fut elle qui voulait s'y rendre. J'étais d'accord pour qu'elle offre une nuit sur plusieurs, un repas, qu'elle décidait pour me remercier de l'emmener. C'était une grande joie, voyant souvent ses yeux s'écarquiller, même sur une simple vache brune qui semblait lui souhaiter la bienvenue. Elle avait parfois des réactions enfantines que je ne lui avais jamais connues chaque fois qu'elle retrouvait ses paysages d'enfance. De cela, je ne me serai pas privée. Voir le bonheur d'une vieille dame est émerveillement.

Elle était devenue avec l’âge déficiente auditive et il m’avait été expliqué par l’audioprothésiste que la surdité mal soignée et non appareillée précocement engendrait les pires acouphènes qui soient, relevant de sons physiques interprétés par le cerveau comme des voix de proximité. Je l'avais alors convaincue de l'urgence d'être enfin appareillée pour entendre la réalité de la vie. Malgré le prix, elle avait accepté. Ceci expliqué par la science officielle matérialiste, je ne me départissais pas de la science spirituelle qui explique le détachement des corps éthérique, astral et du moi, lors de l'achèvement de la destinée avec la réalité de l'expression du cerveau-miroir du cosmos.

Lorsqu’elle venait chez moi, nous ne pouvions pas dire que ce furent ce type d’acouphènes ni des âmes de passage puisqu’elle ne les entendait pas. C’est la raison pour laquelle, je me suis souvent questionnée sur sa terreur, voulant l’aider autant que je le pouvais. Est-ce que ces voix qu'elle entendait pouvaient provenir d'un fait engendré par une tierce personne incarnée ? J’avais demandé à un ami -agent de sécurité- de venir évaluer son environnement et savoir si des squats étaient envisageables, étant environnée de toutes parts d’usines désaffectées. Elle avait vécu cinq décennies dans cet environnement d'une grande laideur que, personnellement, j'avais fui dès ma majorité acquise ; y revenant sur la tard pour l'aider, préférant la recevoir que d'aller chez elle. Il avait décelé un endroit possible, voyant des canettes de bière vides dans l’atelier au mur mitoyen juste à côté de sa cuisine et de son couloir, alors que celui-ci avait été nettoyé, balayé quelques mois auparavant par le propriétaire auquel j'avais signalé la nuisance, si nuisance il y avait, et qui m'apprit qu'ils étaient dorénavant  deux personnes à avoir la clef de ces ateliers. L'agent de sécurité avait aussi visité la cave. Rien dans la cave. Elle était trop encombrée pour pouvoir s'y installer, dit-il. Il avait observé un autre mur mitoyen avec les ateliers, mur fraîchement bâti entre la cave et l’atelier. Seule une fente subsistait ne donnant pas la possibilité d’entrer dans l’enceinte de sa cour. Il avait évalué le Wifi sur sa box internet parce qu’elle entendait des chansons à partir de minuit, jamais avant cette heure : la Marseillaise, comme en réponse à son drapeau Lorrain qu'elle avait mis à sa fenêtre, et que n'importe qui pouvait se connecter à son wifi si il n'avait pas été sécurisé, ou piraté, dit-il encore. Rien sur le Wifi ! Ne restait plus que cet atelier donnant sur sa cuisine, dont une trappe subsistait que nul ne pouvait plus sceller ni murer, car elle était cachée derrière le cumulus électrique. De là, des présences auraient pu effectivement la « hanter » tel elle le vivait. Ne disait-elle pas avec son époux que du temps de l'activité ouvrière, ils entendaient toutes les voix des ouvriers oeuvrant en l'atelier sous leur chambre au point qu'ils avaient l'impression qu'ils étaient chez eux. Lui du temps de son vivant avait quelque fois crié à leur égard leur demandant de se taire. 

Dans le doute de présences réelles ou d'une maison "hantée" à ce qu'elle pensait, elle déposait du gros sel sous son lit, et dans chaque coin de la maison. Elle avait acheté, sans me le dire, des livres traitant d'exorcisme que j'ai trouvé lorsque nettoyant sa demeure après son départ pour la vie après la mort.  Je mesurais l'étendue du désastre qui avait été plus grand que je ne l'avais vécu avec elle, lors les heures nombreuses passées ensemble, et mesurais l'ampleur de sa peur à un point que je n'avais pas soupçonné au-delà de ce que j'en avais perçu d'elle. J'avais découvert qu'elle avait tenté d'exorciser sa demeure sans y être parvenu. Je jettai ces livres comme je jetai tout le reste pour ce que je ne donnai pas à qui avait besoin, de vaisselle, de vêtements, chaussures, couvertures, la misère galopant à nouveau.

Deux personnes avaient la clef de ces ateliers et je m’étais questionnée sur cette possibilité que l’on puisse la terroriser, parce qu'un homme jeune allié à un cousin de son village, ayant la clef des ateliers désaffectés, la haïssait pour une histoire de garde à vue ancienne à cause d'elle. Il avait prononcé un seul mot qu'elle avait interprété comme une insulte contre elle et le quiproquo avait galopé comme un cheval lancé au galop dans la plaine. Les quiproquos engendrent un karma. Il m’avait dit un soir d’hiver la détester pour cela alors que je repartais. Je le comprenais vraiment ; comment ne pas prendre sur soi cette douleur sur un fait ne relevant pas du pénal pour une fausse interprétation tel elle était habituée à faire et qui avait eu des conséquences lourdes sans cependant aboutir ? Il n’avait jamais su lui pardonner les quelques heures passées en cellule pour ce mot, un seul mot : le mot vieille Je m'étais demandée très longtemps après si la dégénérescence cérébrale n'avait pas débuté là, surprenant tout le monde sans aucune interprétation possible. N'était-elle pas également coutumière de ces accablements depuis l'enfance, soit la période de la guerre dont le souvenir avait martelé son quotidien ? Je la comprenais aussi, elle, dans ses terreurs nocturnes, des outils à proximité de sa main pour attaquer qui pourrait entrer et l’agresser : marteaux lourds, scie, machette, tourne-vis, lesquels outils j'ai trouvé  près de son lit après qu'elle fut morte. Je connaissais la présence d'une machette sous l'escalier pour taper sur la rampe et faire taire les voix, laquelle j'ai laissée sur place, mais je n'avais pas de son vivant connu tant d'outils près de son lit, car cachés en-dessous, mais à portée de sa  main.  Elle me demandait de ne pas faire sa chambre, seule pièce qu'elle voulait nettoyer elle-même, et c'est après elle que j'en compris la raison. Elle ne voulait pas que je les découvre ni ne lui supprime. C'était sa rassurance. Je commencais à m'inquiéter lorsqu'elle voulut me mordre sans raison, me disant qu'elle pouvait retourner la machette contre moi dans une angoisse plus forte que  d'habitude. L'évidence était là. Elle était malade. Je déposais un mot dans la boîte aux lettres de son médecin, lequel mot ne trouva pas d'écho. Peut-être que son médecin n'y avait pas cru, la voyant quinze minutes  à chaque visite qui ne laissaient rien apparaître sinon les pertes de mémoire diagnostiquées tardivement. J'avais demandé qu'elle soit vue tous les mois, son médecin en décidait autrement, soit tous les trois mois. Elle faisait illusion comme beaucoup de ses personnes atteintes de ce type de maladie. Les gériatres savent cela. Mes mots n'avaient pas convaincu son médecin que je ne parvenais pas à joindre au téléphone, Jeanne ne voulant pas que son médecin sache sa réalité, refusant que je le contacte puisque Jeanne ne le voulait pas. Je continuais à déposer de temps à autre un mot dans sa boîte. Seule avec ce fardeau que personne ne crut, sauf le gériatre, mes amis soignants et France Alzheimer que je contactais en urgence et qui me guidèrent en la présence de Jeanne pour la part médicale. Les voisins ou le personnel de la mairie, s'apercevaient parfois d'un trouble du comportement et m'alertaient : " Hier soir, elle s'est endormie à la nuit sur le volant de sa voiture. Nous avons eu du mal à la réveiller. Nous l'avons aidée à rentrer chez elle. Nous avons surveillé pour qu'il ne lui arrive rien." Je les remerciais. Je pouvais compter sur eux. Il me tardait qu'avec le gériatre une solution soit trouvée. Il conseilla qu'elle resta chez elle moyennant des aides à domicile en plus de ma présence.Tous les dossiers étaient constitués. Je ne pouvais plus la voir souffrir de la sorte. Je connaissais les procédures lentes, mais lorsque nous sommes concernés, ces processus d'observation médicale et de décision sur un diagnostic à confirmer, parfois sur des années, me sembla interminable. Avait-elle la maladie d'Alzheimer, une MCL, une dégénérescence apparentée que le diagnostic tarda selon les symptômes évoqués et soigneusement notés pour chaque visite médicale. Elle avait davantage les symptômes d'une MCL que d'un Alzheimer, à cause des hallucinations et des réactions difficiles en relations, opposante aux soins, mais le MMS trancha pour une pathologie d'Alzheimer. 

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Rien n’était exclu, non ! rien ! Je laissais toutes les possibilités ouvertes, car toutes étaient plausibles, même si certaines n'étaient pas vérifiables pour le commun des mortels. Trois pistes ! Une physique dans un fait de vie et deux spirituelles. Les trois réunies probablement.

Tant de questions que j’ai posées sans jamais avoir eu de réponses parce que  je devais la seconder sans être influencée. Tout était possible : la présence de ces hommes qui la méprisaient et sa partance déjà amorcée que je percevais. Le masque de la mort est un fait visible. Les soignants en gériatrie le connaissent bien. Si les soignants pour la majorité le perçoivent trois jours avant l'heure de la mort physique, personnellement, je le percevais toujours trois ans avant. Je l'avais donc vu sur elle un après-midi où nous étions affairés dans sa cour à refaire ses volets, ayant décidé de lui donner un environnement plus décent, ce qui l'avait comblé de joie. Cet après-midi-là, je sus qu'elle ne serait pas centenaire comme nous le pensions tous tant sa force de vie était grande. Je ne pouvais alerter personne à ce propos ; on m'aurait ri au nez. Qui croit en la clairvoyance ? Une minorité ! Davantage en la médiumnité ! J'ai bien essayé avec des poèmes écrits que j'espérais être lus, mais nul ne les a lus, ou si lus, n'avoir pas  bougé.

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Ayant un après-midi aperçu une fenêtre d'atelier donnant sur sa cour s'ouvrir, alors que je desherbais son parterre de fleurs et taillais les rosiers et les arbres, demander : " Qui est là ? ", ne pas obtenir de réponse, voir la fenêtre se refermer, sans un bruit, le signaler en mairie puisqu'il nous fallait signaler tous squats possibles,sans réponse en retour, mais à quoi bon quand la clef est donnée pour flirter avec les ateliers désaffectés au nom de la surveillance ; comme celle des acouphènes possibles, et celle de la séparation lente des corps spirituels du corps physique quand la mort approche. J’avais trois pistes pour l’aider sans jamais avoir découvert laquelle pouvait être la vérité. Je ne savais qu’une seule chose, c’était celle elle était en paix chez moi, sans cependant pouvoir la recevoir en permanence pour une cause privée qui me minait souvent : je n’avais pas de salle de bain ni de WC au rez-de-chaussée pour palier à sa vieillesse, les miens se situant au troisième niveau, sous les toits. Deux escaliers à monter ! Petite surface au sol ! Oui, cela m’avait minée car elle avait crié dans son angoisse : « J’irai dans le jardin ! J’ai fait la guerre. Ce n’est pas le manque de sanitaires qui me nuira. » Je lui avais répondu qu’à notre époque, si elle faisait cela, j’aurais rapidement les services sociaux et ses chers « inconnus » sur mon dos déjà bien souffrant. L'ayant vue par la suite monter les escaliers chez elle comme chez moi à quatre pattes par peur de tomber, je compris que j'avais raison. Je l'installais dans son salon à défaut de pouvoir l'installer chez moi, puisque chez elle, elle avait  la joie de jouir d'une salle de douche au rez-de-chaussée qu'elle n'utilisa plus ensuite. J'évaluais son salon pour savoir comment l'aménager au mieux compte tenu de sa pathologie. Je fis au mieux avec ce qu'elle voulait, c'est à dire installer son nouveau lit près de la porte, une pile électrique puissante à portée de main qu'elle voulait. Elle m'apprenait ce jour-là que la nuit, quelqu'un frappait à sa porte d'entrée sans parler alors qu'elle disait " Qui va là ?". Ce même midi, arrivée avec ma cocotte encore chaude comme je le faisais tous les jours pour qu'elle mange sainement puisqu'elle ne cuisinait plus que des plats tout prêts, des conserves, pour ne plus manger ensuite que des sucreries, je l'avais trouvée habillée, chaussée, recroquevillée dans son lit parce que ses terreurs l'avaient empêchée de dormir la nuit.  "Pourquoi dors-tu habillée à cette heure et avec tes chaussures ? Il y a longtemps que tu dors avec tes chaussures ? " lui avais-je demandé. " Oui ! Parce que je suis prête à me sauver et à me défendre ! en pyjama et pieds nus, je ne le pourrais pas !" J'appelais au-secours médecins et autres personnes ; le drame était grand, plus grand que je l'avais vu. Elle avait toujours refusé d'alerter qui que ce soit, même son "inconnu" qui venait parfois, rarement, la voir. Elle ne voulait pas l'embêter avec ça, disait-elle et refusait d'en parler à son médecin qui avait ignoré mes mots déposés dans sa boîte aux lettres. Débordé, sûrement. Il me fallait secouer l'arbre comme on veut  sauver la vie en donnant de la légèreté à ses branches, en le départissant de ses fruits trop lourds. Elle m'en voulut et je pleurais d'impuissance autant que de chagrin dans ma compassion, appelant souvent mes amis pour être soutenue et continuer ce chemin si lourd. Ils ne furent jamais absents, car ayant vu et surtout reconnu le désastre.

L’aider ? Il me fallait tout mesurer chaque jour, aussi venait-elle chez moi souvent, et quand chez elle à nouveau, j’y allais tous les jours, sans faille, me moquant des kilomètres. Mille six cents cinquante kilomètres par mois, pendant trois ans, même après le travail, parfois davantage, car il fallait aller souvent à la ville, juste pour elle. J'ai compté les kilomètres après qu'elle fut  partie ; ils s'additionnaient à plus de deux mille par mois et je m'étais demandée comment ma vieille voiture avait pu accomplir cette prouesse des soixante douze mille kilomètres sur ces trois ans. Elle lâcha une fois que je n'en  eus plus besoin pour la servir, l'aider, l'aimer. Parfois aussi, allant la re-chercher à vingt deux heures, car sa peur était insupportable. Elle prétextait que son coeur lui faisait mal pour que je vienne la chercher. Je prenais  rendez-vous chez son cardiologue pour en évaluer la réalité. Elle allait bien. Seule, l'hypertension pouvait en être la cause lors de crises d'angoisse.  Jamais, je ne la brusquais, je faisais son bagage et elle souriait soulagée d'être accompagnée dans son désarroi. Seule !

 

Je revois et reverrai, tous les jours de ma vie restante, ses au-revoirs derrière sa vitre, soulevant son rideau en dentelle, l’air abattu, le sourire pourtant dessiné sur ses lèvres, sa main levée balayant l’air, disant sans cesse : « J’ai peur. Tu viens demain, hein ? Tu viens ? je t'attends. Je n'ai que toi ! » Elle l'avait également écrit dans un SMS que j'ai conservé pour me rassurer et penser qu'elle m'aimait, bien qu'elle en attendait un autre, bien qu'être aimée d'elle n'était pas ma priorité, tous les jours que sa vieillesse fit. J'ai gardé bon nombre de ses messages qu'ils soient écrits ou audios.

Oh ! Cette douleur sans fond que de la voir ainsi, et ne rien pouvoir faire d’autre que venir tous les jours, hormis la prendre chez moi une semaine par-ci par-là et faire face. Elle profitait de la présence des mes amis et les aimait, elle qui n'avait jamais eu d'amis ou si peu parce qu'elle voyait en chacun un ennemi potentiel à cause de ses souvenirs d'enfance ancrés de la guerre qui dénonce chacun.  Elle en parlait souvent. Aucun raisonnement n'avait pu effacer ses peurs anciennes bien qu'elle disait n'avoir jamais eu peur. C'est sur le tard de sa vie qu'elle m'apprit avoir eu peur et avoir regretté certains actes qui la faisaient sangloter. Je la prenais dans mes bras souvent pour l'apaiser. Ce qui est derrière est derrière et ne se refait pas quand plus rien ne peut modifier un fait de vie. Elle en souffrait terriblement et je me demandais si cette soudaine conscience de ses actes n'étaient pas la cause de ses peurs ce qu'elle me confirma : " On souffre là-haut après ? " m'avait-elle demandé. Je ne pouvais pas lui mentir et lui disais avec beaucoup de douceur la réalité tout en minimisant certains aspects pour ne pas l'accabler tant elle souffrait de ces évènements de vie. La mort venant, l'âme sait toujours se reconnaître et ne peut plus se voiler la face. Elle le vivait de plein fouet. Elle le disait ce qui est bien la preuve que l'âme se sait en partance. La mort et son après la terrorisait tout autant que ses voix. Elle voulait savoir. Elle était en face d'elle, de sa vie qu'elle évaluait déjà, accablée par ce qu'elle en avait pu en faire dans certains aspects.

Elle n’entendait jamais ces voix le jour, toujours à partir de minuit, me disait-elle. L’heure était régulière et récurrente. C'est cette heure, toujours la même, qui me fit me questionner plus que jamais. Pourquoi pas le matin, pas l'après-midi, juste à partit de minuit jusqu'à une à deux heures le matin, disait-elle. Comment faire une main courante ou un dépôt de plainte sur du vide sans preuves ? Je m'en abstenais ; je signalais seulement au propriétaire des ateliers qui avait voulu me dire quelque chose et s'en était ravisé après avoir seulement dit : " C'est... ". Pourquoi ? Je me disais que l’on pouvait vouloir se venger d’une garde à vue imméritée lorsque nous n’avons pas su oublier l’affront ni pardonner, et sans certitude, je mettais en balance sa vieillesse, sa pathologie et les faits anciens de sa vie pour l'aider au mieux que je le pouvais.

Elle criait parfois un nom qui lui revenait de ses cours d'histoire, enfant : La Hire, compagnon de Jeanne d'Arc, me disant : " C'est lui ! je sais que c'est lui ! ", moi, lui affirmant que ce n'était pas possible que la Hire vint en sa maison de nuit. La Hire l'obsédait. 

Je lui demandai comment elle savait que son cher Inconnu était La Hire. Elle répondit ! "Regarde-le ! C'est lui ! Ce sont ses gestes ! sa façon d'être." Je laissai ses paroles de côté, car moi, je ne le savais pas. Je ne faisais que recueillir sa mémoire et pensais, triste, à celui auquel elle pensait. Je me surpris à penser : "La Hire ! oh ! la Hire ! tu ne l'as pas vue ! non ! tu ne l'as pas vue dans sa souffrance que j'ai portée en lui disant sans cesse qu'elle te reverrait." y croyant moi-même, jusqu'à la lettre reçue qui la renia et qu'elle me fit lire, que je compris comme nous étant destinée à toutes deux. Une  lettre qui en valait une autre et dans laquelle elle avait été actrice sans se nommer et sans l'écrire de la hauteur de son courage disparu ou de sa franchise remise à d'autres. " Dis-leur ceci, dis-leur cela."

N'avais-je pas eu l'intention, pour lui faire plaisir, de l'emmener pour qu'elle revoit celui qu'elle appelait La Hire ? Je l'avais eue, lui disant que je resterai cachée, à quelques mètres de son lieu de vie pour qu'il ne m'aperçoive pas. Je connaissais ses colères magistrales, démesurées, qu'il ne fallait pas provoquer. Elle avait raison de le nommer hire. Elle me donna la lettre, disant que je devais la garder pour ne pas avoir la tentation de relire ce qui la tuait. Elle ajouta : "Regarde ! il a même effacé mon nom !" Il l'avait fait, et je m'en moquais, car elle n'était que son nom d'enfance à partager avec quatre enfants. Ce fut le nom que je choisis à graver sur la pierre tombale car, oui, elle avait eu quatre enfants aux noms différents qui tous méritaient de savoir de qui ils étaient nés. Il était hors de propos que deux d'entre eux soient à nouveau gommés de son existence à cause d'un nom. Je lui avais tout pardonner, l'enfance, la vie, la voyant ainsi vieillir de terreur, me regardant moi-même comme étant également lourde de fautes puisque nous sommes tous humains en devenir. Comment aurais-je pu continuer à accabler ses reniements, alors que blessée, je le lui avais reproché, la chargeant d'un fardeau suplémentaire devenu le mien ? Ne pas oublier le bien qu'elle fit aussi, car elle l'avait voulu. Quelques années utiles pour tout pardonner et oeuvrer pour le futur afin d'être ensemble dans la lumière ! Je n'ignorais pas que le temps nous est donné sur terre lors d'une prise de conscience pour  pardonner et reconduire une destinée dans la juste valeur du chemin que fait la vie pour ne pas se charger d'un karma dans le pardon le plus absolu. Quelle lumière avons-nous développée ses trois dernières années !  Ô Grâce !

"Elle te pleure encore là-haut, la Hire, je la vois."

Puis, elle dit : " Tu ne doutes pas de moi quand je te dis qu'il était La Hire ?", ce à quoi je lui répondis :

- Tu n'as pas douté de mes perceptions, car tu les as toutes vérifiées.

- Oui ! elles se sont toutes realisées. Tu me faisais peur parfois.

- Pour La Hire, j'attends la réponse, mais je ne vais pas douter de ta parole. Rien n'est pire que le doute que l'on dépose par la pensée comme on balafrerait une âme de notre pensée égoïste. Nul ne ramène un nom de l'histoire sans que la mémoire dévakhanique ne l'ait apporté spontanément lors de la fulgurance d'un éclair venu éclairer le pourquoi d'une relation. Lui dis-je. Il n'y a pas que toi qui as eu peur, je ne sais pourquoi d'ailleurs.

- Ton regard ! Une impression dégagée incompréhensible pour nous. Quand mourrai-je, demande-t-elle. Toi, tu le sais ! Tu as toujours vu ! J'ai peur. J'ai peur de la mort. Demande-t-elle, sautant du coq à l'âne.

- Je ne suis pas le saint curé d'Ars, aussi n'en sais-je rien, mais sois assurée que je suis là maintenant, et demain, et après. La seule chose que je perçois à ce sujet est ce qui sera le dernier Noël. Répondis-je.

- Tu me le diras ?

- Non ! "

Je l'ai su... Elle était chez moi à son dernier Noël.

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Je voulais savoir. Cette idée d’avoir une réponse ne m’a jamais quittée.

Elle est morte. Je lui demande. J’attends sa réponse. Je sais qu’elle me le dira ; il me faut juste être patiente, car le monde spirituel ne se révèle pas sur un claquement de doigt. Il crée les conditions propres à lui-même et selon notre réceptivité, notre volonté aussi.

C’est ainsi que cette nuit, j’ai la première image vivante qu’elle m’offre à ce propos. Sans bien encore comprendre cette vue de son esprit, j’attends qu’elle puisse me donner d’autres détails plus compréhensibles à mon entendement.

Je la vois s’approcher de moi dans le retour du sommeil conscient clairvoyant, c’est à dire ouvert à la vie spirituelle. Je la vois transie de peur, s’inquiétant des ouvertures donnant sur sa maison, dans une maison qui n’est pas la sienne et qui appartient à un autre. Elle me montre un lourd portail de fer, une maison ceinte par un jardin l’entourant, un vieux puits que je ne connais pas, n'ai jamais vu nulle part. Le jardin est un friche comme son quartier. Elle me montre l’emplacement d’une maison détruite sur lequel a été rebâtie une autre demeure qu’elle ne me montre pas. Elle me montre des barreaux sur une petite fenêtre. Je crois comprendre, mais je dois attendre qu’elle me donne d’autres images vivantes de ce lieu. J’ai le sentiment intérieur que cette maison et ce jardin montrés sont les détails de deux maisons fondues en une seule. Ainsi parle le monde spirituel en une seule image qui en évoque plusieurs dans la même perception d’où la difficulté de les saisir pleinement. Je ne peux à cette heure rien interpréter. J’attends. Rien ne presse. Je veux juste savoir. La patience est le maître mot ou la sagesse en action. Ayant toujours eu la réponse à mes questions, j'attends. Elle le sait. 

La force d'une plume est de pouvoir voler au-dessus des nuages.

 

Beethoven - Piano Sonata No. 17 "The Tempest" (Hélène Grimaud)

 

Jeanne et l'ombre - 25 mai 2021 -

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Photos issues du site :

https://www.boutique-namaste.com/products/bougeoir-en-cristal-de-sel-de-lhimalaya

 

25 mai 2021

Enfin le printemps ! Il a tant plu que les fleurs ont incliné leur visage et vers la terre, ont imploré un peu de chaleur.

Je pense à elle, Jeanne,  tous les jours, plusieurs fois par jour. Je pense l’inachevé. Je regarde ces jours d’averses comme autant de larmes non versées et celles répandues. Je la vois, la revois. Un geste. Une pensée intérieure. Un mouvement timide à peine perceptible que je me demande pourquoi ce presque effacement. Plus rien, ni de nuit consciente ni de jour. C’est pareil à un vide existant. Si loin ! Intouchable ! Retirée ! Des jours à attendre. Des jours à espérer. Rien. Je ne la vois plus, ne la sens plus, ne l’entends plus en mon fort intérieur.

Puis, un matin à cinq heures, se vit l’étrange sentiment qu’elle est là, si proche, si proche de moi.

La nuit consciente la ramène.

La tristesse s’installe. Tout est sombre autour d’elle, d’une couleur grise homogène et foncée, au point de ne pas pouvoir deviner sa forme. La perception obscure me fige. Son vaste ciel astral ressemble à un caveau. Dans cette amertume, deux chemins se profilent. Ils semblent me dire : « Lequel dois-je prendre ? » Pas un n’est plus lumineux que l’autre.

La douleur m’envahit ; l’empathie me saisit. Il me faut l’éclairer. Je lui rappelle des mots dits :

«  Souviens-toi toujours quand tout te semblera difficile ici-haut, que je suis là, que tu n’as qu’à me demander, et te souvenir que j’y ai mis la lumière de ma foi pour t’aider, de la Lumière qui est juge de toi-même ; que j’ai pris sur moi, volontairement pour tout ce qui fut enduré, une part de toi pour ton avenir ; n’oublie jamais cela. Je ne pourrais jamais te donner davantage que cette part de moi qui se sacrifie. Ce que j’ai lié, rien ne pourra le délier.»

Est-ce cette part de sacrifice consentie que je vois dans cette ombre magistrale qui serait ce que j’endosserai et ignore, encore incarnée ? «  Je choisirai avec toi, avais-je ajouté. ». Non, c’est trop tôt.

 

Louis Janmot du "Poème de l'Âme" Poême et tableaux

Je ne saurais jamais décrire cette clairvoyance qui nous laisse voir en étant là et pas là à la fois : Je veux dire simultanément éveillée sur terre et éveillée dans les Nues. Chaque fois, je pense à l’image de Nicodème « sous le figuier »,  renouvelé après le grand mystère du Golgotha, qui est l’image la plus juste. Je n’en ai pas d’autres.

Ouvrir. Fermer cette part de soi. Volontairement. Ne pas être médium, être clairvoyant, même si débutant. Ne pas subir, choisir. Elle est là.

Du film " Au-delà de nos rêves" avec Robin William

J’essaie de comprendre, car des images sont un message qu’il ne faut jamais interpréter. Attendre le sens ; patienter pour leur vérité. Parfois tout est clair d’emblée, d’autres fois, le temps nous est donné pour les comprendre. Le langage n’est pas le même que le nôtre. L’en-haut parle avec des images. Le médium reçoit sans rien diriger ; qui prend la place du défunt ? Nul ne le sait. Le clairvoyant voit, ouvre, ferme sa vue, patiente, dirige ; le clairaudient entend, ouvre la parole du Verbe, sait ce qu'il reçoit.

Impressionnée, dans le sens d’avoir fait impression en mon âme, je décide d’aller petit-déjeuner.

Comme chaque matin, je renoue avec ma maison, je la regarde, je me la réapproprie.

Alors que mes yeux épurent mon espace, mon regard s’attarde sur le bougeoir en cristal de sel dans lequel brûle une bougie en permanence pour elle depuis qu’elle est partie. Il est sombre. La bougie s’est éteinte. Depuis combien de temps ? Comment ai-je pu oublier cette lumière vivante pour mes lectures spirituelles ? Je ne le sais. Mais c’est d’évidence, la flamme-guide depuis le jour de Pâques de l’année dernière s’est éteinte. J’ai omis de la renouveler. Je la rallume, la flamme brille, elle danse et tout s’éclaire… Elle dit « merci ». Je lui parle intérieurement, elle me répond un « je sais. », un « Oui ». Je lui pose une question très personnelle. La question reste sans réponse, et je mesure avec une profondeur sans pareille à cet instant que ce qui n'a pas été acquis sur terre ne peut donc pas se révéler dans la mort. A mon expérience propre, c'est une vérification permanente de la parole de Rudolf Steiner. Je réalise avec intensité que ce manque, cette douleur vécue, n'a pas d'emprise sur moi, dialoguant avec elle, alors que dans le souvenir terrestre, je le prends toujours en moi dans une douleur qui ne parvient pas à  s'amenuiser.

Ainsi ai-je découvert qu’une flamme allumée pour un défunt n’est pas une vaine écriture, n’est pas lettre morte, mais bien un lien de l’autre à soi, de soi à l’autre, et dans ce kamaloka, cette flamme est aussi essentielle que le pain sur terre. Elle était venue me le dire. 

« N’éteins pas la lumière que tu m’as donné, sous quelque forme qu’elle soit. L'ombre des actes passés m'environne et ta lumière éclaire avec l'Ange le sens de mes ombres.

- Incarnée, excarnée, je suis là. Lui dis-je.»

Une impression de l'au-delà, qui semblait sinistre et tragique  et qui ne signifiait que la perte de direction sans cette lumière en mes lectures qui s'étaient depuis une septaine de jours évaporées pour des soucis très terrestres, venait de me révéler que mon action était vraie et importante. 

Le lien défunt-vivant est une absolue nécessité en la lumière consciente.

 

 

02 février 2021

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

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2 février 2021

Le temps est au froid. Il s’habille de gel et de neige que les années précédentes n’avaient plus connu depuis longtemps. Il surprend chacun tout en les émerveillant.

La neige, c’est la manifestation d’un autre silence que la nature épouse comme si elle avait besoin d’exprimer sa réprobation au charivari terrestre qui lui nuit, exigeant des hommes qu’ils ralentissent leurs mouvements pour presque les figer dans la contemplation de sa beauté pure. Pas un bruit sur un flocon venu du ciel ! Les gens ne s’étonnent pas de ce silence et pourtant, l’aime. Il est là pour rappeler que lui seul permet l’intériorisation des vécus. Elle soumet l’homme à sa grandeur le temps d’une giboulée, et de son habit nappant tout, comme si tout devait être voilé pour mieux distinguer ensuite ce que le regard n’avait pas supposé être, elle révèle les formes. La neige est le silence dévoilé, devenu perceptible dans son intériorisation obligée. Elle ne laisse à l’homme aucun autre choix que de l’entendre. L’homme ignore qu’il est à son écoute dans l’admiration qu’il lui voue. C’est le message de la neige : je suis un silence audible. Elle est lumière dans sa blancheur immaculée lorsqu’elle a cessé de napper la terre de son vol vertigineux et pourtant d’une grande lenteur. Son seul bruit, presque un cri, est celui du pas qui la foule, la blessant dans son volume et son œuvre d’architecture, sculptant chaque élément en une autre forme que nous n’avions pas vue avant qu’elle soit. Je l'ai toujours vue comme le témoignage de la forme que les Esprits du même nom révèlent au monde.

Y a-t-il plus grande joie dans la nature enlaçant l’homme dans la presque conscience de sa beauté lorsqu'il la voit  ? Je ne sais. Car, elle seule voit se rouler en son âme l'enfant, alors que l’herbe ne connaît plus cette euphorie perdue par le genre humain à moins d’avoir préservé son âme d’enfance. L’individu, tellement guindé de modernité, ne sait plus s’étendre en ces deux lits de nature. L’enfant, encore, connaît l’harmonie de la neige en sa grâce. Jusque à quand, pensé-je ?

Je m’enchante de son pouvoir à demeurer intacte et intègre lorsqu’elle épouse notre main tendue vers elle, ne fondant pas à la chaleur de celle-ci avant que nous ayons pu la regarder pour l’admirer. L'avez-vous observé ? Le flocon devrait fondre au contact de la chaleur de la main ; il ne le fait pas dans l'immediateté.

Je suis éblouie lorsqu’elle pare nos chevelures d’une mantille étincelante, nous offrant sa beauté naturelle. Encore éblouie lorsque je découvre les sourires qu'elle dessine sur les lèvres de chacun. Je me dis qu'elle a un don et un pouvoir extraordinaire : celui de déclencher le sourire spontané, prouvant l'homme rayonnant. J’écoute son humilité réclamant de nous sa pareille grandeur humble. Je regarde l’expression délicate du ciel en nos jours presque éteints, voulant se rappeler à nos mémoires célestes.

Je la regarde tomber avec cet éternel émerveillement qui me ceint l’âme en son sein l’habitant. Une pluie est un même émerveillement quand bien même nous préférons le soleil étincelant, quand bien même elle manifeste le bruit, un bruit naturel qui n’est pas de l’homme mais de l’Être. J'ai toujours comparé les bruits de la nature aux prières données par le monde de l'esprit pour chaque heure du jour et de la nuit : Laudes, Nones, Vêpres, Complies et les autres.

Le crépuscule vient sobrement. Je me rappelle qu’il me faut rentrer en ma demeure avant le couvre-feu imposé par l’indécence matérialiste qui oppose la nature à la réalité humaine pour un virus qui n’a de cesse de s’entretenir en mutant, car refoulé par l’homme qui ne le comprend pas, ne veut pas le comprendre." Empêchez-moi d’être et je ferai davantage de ravages !" exprime-t-il silencieux. "Tentez de vous défaire de moi sans que je n’ai enseigné mon message et je grandirai," semble-t-il ajouter dans le même silence. La neige tue d’ordinaire les virus, et là, s’en fait la complice pour que l’intelligence humaine s’en saisisse. Empêchez la nature d’exprimer sa volonté et mieux se défend-elle. L’homme n’a pas son mot à dire, elle le sait et agit en conséquence. Un virus est l’expression du karma du monde qui veut installer un avenir meilleur en soignant son âme. Il n’est pas un ennemi, il est un ami porteur d’un bien après avoir buriné la douleur, tel le sculpteur éclate morceau de marbre après morceau de marbre pour donner forme et polir son œuvre. Nous lui avons opposé la valeur de l’argent en amendes indélicates, et mécontent, il s’agite croissant en s’opposant également à cet état infernal qui n’est pas lui malgré qu’il confie ses âmes au ciel les attendant. "Qu’as-tu appris de moi en cette humanité que je réclame ?" est sa parole.

Je pense la neige. Je pense le couvre-feu. Je pense le virus. Je pense l’humanité. Je conduis. Je rentre chez moi sous la neige déversant son esprit en nos cœurs admiratifs. Enfin ! un peu de beauté et de calme pour tous ceux qui n’ont pas l’habitude de penser le monde, vivant ceinturés de vacarme ambiant ! Je conduis. Je conduis une nouvelle voiture acquise d’occasion pour une somme très modique, puisque l’autre a cessé de vouloir me servir dans et après les aides offertes à Jeanne.

Au matin de ce jour, je m’étais réveillée dans la pensée de Jeanne, si haut au ciel, si proche de moi, qui me confia sereine, d'une voix si douce que jamais je ne lui connus, au point que cette douceur tranquille me fait l'écouter attentivement dans la profondeur de nos deux âmes liées. : « Cette nouvelle voiture n’est pas fiable ; elle est dangereuse. Sois prudente. » Sa parole est encore accessible car cela ne fait pas un an qu’elle est retournée en la demeure primordiale. Elle s'exprime dans la pensée par la parole et par l'image. Bientôt, elle sera éteinte à la parole et ne restera plus que  l'expression de l'image. C'est, préparée à cette connaissance donnée par Rudolf Steiner, que je m'y prépare.

Cette pensée reçue en moi a un écho tout mon jour. Je comprends qu’un évènement soudain va me mettre en danger, encore un, et là ce ne sera pas mon compagnon spirituel dans un souffle puissant qui m’avertira, mais elle dans l’anticipation de l’avenir. La nuit prépare le jour suivant, c’est vérifié. Le rêve prémonitoire révèle une fois de plus que le présent a bien sa source dans l’avenir, sinon y aurait-il rêve prémonitoire ? Cela aussi est vérifié. la destinée est établie, elle est de l'avenir s'installant chaque jour au présent pour des faits passés. Cela m’impressionne toujours. Je conduis, pensant au message de ma mère, écoutant une chanson enjouée en ma voiture que je danserais chez moi si je n’étais pas au volant. J'aime danser, souvent seule sans témoins. 

Je roule prudemment, sur la route enneigée, glissante, car chargée d’eau. La neige est mouillée. Elle ne crisse pas sous les pneus ni sous les pas. Elle ne s’est pas voulue poudreuse. Arrivée, roulant à peine à vingt à l’heure sur le pont en travaux domicilié à côté de ma maison, cerné de plots de béton armé pour protéger du vide environnant qui surplombe le fleuve, mes freins lâchent. Plus rien ! Bien que je sois habituée à ne pas freiner sur la neige, car jamais il ne le faut, ayant vécu longtemps en montagne, je suis obligée d’appliquer un léger freinage à cause de la voiture circulant devant moi. La rupture des freins m’oblige sur ce pont dangereux à utiliser le frein à main chaque fois que la voiture me précédant ralentit à cause de la neige. La mienne entre en collision avec les plots en béton sur ma gauche, et se remet dans sa trajectoire grâce à ma pratique connue de la conduite sur neige et verglas. « Cette nouvelle voiture n’est pas fiable ; elle est dangereuse. Sois prudente. » s’impose en ma récente mémoire du matin. Elle, ma mère, est là. Elle habite l’habitacle, prête à me recevoir si je tombais dans la rivière. Je la sens. La neige dans sa beauté aurait pu m’inviter en son ciel, et la présence de Jeanne a évité le pire. Je me questionne une fois nouvelle et constate que lorsque nous sommes à l'écoute de nos défunts aimés, nous n'avons pas besoin de l'intervention urgente du grand Maître.

Chaque fois que cela est, et ce n’est pas rare, personne ne faisant attention à ces messages de l’au-delà ni à toutes ces possibilités nombreuses de la vie voulant nous emporter loin d’elle, je remercie l’aide précieuse, toujours rendant grâces à mes guides dans la conscience que j’ai d’eux.

Prêtez-y attention de temps à autre car le hasard n’existe pas, et surgira alors pour vous l’ultime preuve de la vie post-mortem, débutant à ce moment précis le long parcours sublime de l’initiation.

Image issue de : 

https://news.obozrevatel.com/ukr/lady/holidays/vodohrescha-privitannya.htm

Artiste peintre : Rimma VUGOVA  peintre Russe

02 mars 2021

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

tableau : Jerôme Bosch "Visions de l'au-delà"

https://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%A9r%C3%B4me_Bosch

 

Cet après-midi, pendant que lisant, Jeanne me montre en une autre image-vision, un homme décédé depuis plusieurs années. Jeanne l’avait bien connu. Moi aussi.

Elle ne s’est pas montrée. Elle était en lui et lui en elle. Cela me suffisait de le savoir. C’est ainsi dans les sphères spirituelles. Nos âmes se dilatent, s’expansent jusqu’aux confins de l’univers, du cosmos. Nous sommes les uns dans les autres et cependant sans voir ceux avec lesquels nous n’avons pas eu de liens ni ceux avec lesquels nous avons eu de lourds quiproquos, vécu de la haine, de l’inimitié. Nous les savons autour et en nous sans les voir. Ils étaient donc l’un dans l’autre. Bien au-delà, je me savais en eux tous, car les défunts-vivants contiennent les âmes restées sur terre. Une image suffirait à décrire cet état en la superposant à l’image de l’enfant engendré dans le sein maternel. Il vit en elle durant neuf mois et nous vivons les uns dans les autres pour l’éternité.

Il l’avait accueillie lors de son trépas pour la terre et lors de sa naissance céleste. Il l’avait accueillie en présence des défunts-vivants qui l’avaient aimée, connue, dans sa destinée. À l’heure de sa mort, elle était venue me le dire. Il était deux heures trente du matin. Elle était joyeuse, heureuse de me revoir après toute cette période de confinement qui nous avait privé l’une de l’autre dans le désespoir. Elle avait vécu ce dont elle avait douté malgré sa connaissance de la réincarnation. Le doute était arrivé tardivement en sa vie, d’où sa joie immense à venir me dire qu’elle était vivante.

Lui, ne vit pas que j’étais là, moi, l’observant, car il ne m'avait pas aimée de son vivant. Un autre vint au-devant de lui. C’était un de ses fils encore incarné sur terre. Le défunt lui parlait. Le fils ne l’entendait pas. Il savait seulement qu’il était en face de son paternel en son sommeil, sans pourtant en avoir conscience. Faisait-il la sieste le fils pour qu'il apparaisse dans son engourdissement presque somnanbulique à mon regard ?

Assurément. C'est ainsi que je les vois, que Jeanne me les montre en ce jour.

Je vois le père tendre un verre sur lequel est gravé le dessin d’un monument historique. Le verre est vide et il souhaite que son fils le lui remplisse, non pas d’un breuvage mais d’un sentiment qui lui dirait qu’il pense à lui et qui signifierait qu’il le sait vivant dans la mort. Mais le fils ne sait pas comment remplir le verre. Je le vois dubitatif, presque éteint, ne comprenant pas ce que son père attend de lui. Curieuse chose à voir. Le verre reste vide. Le fils n’allonge pas le bras pour le remplir. L’emplir de quel breuvage quand on ignore que l’attente n’est pas celle d’un liquide mais d’une pensée d’Amour reliée aux sphères célestes dans la connaissance de celles-ci ?

Les deux ignorent que je les regarde, car je les perçois en esprit, montrés par Jeanne, dans ce monde que beaucoup disent ne pas exister et qui pourtant est bien réel et plein,. C’est sûrement pour cette raison que le père veut combler son vide. Il avait tant espéré pouvoir communiquer avec lui après sa mort sans jamais le pouvoir. Vingt deux ans passés de silence intérieur depuis son trépas, c’est une charge insurmontable pour le trépassé. Jeanne craignait aussi cet abandon. Il avait été terrestre. Il était maintenant spirituel. Ce qui s’est achevé d’une sorte reste identique après notre mort.

Le vide dans le monde spirituel est un plein qui pleure d’avoir été ignoré. Il devient alors la somme d’une dette réclamant son dû. C’est ainsi que se transforme le vide en un plein pour l’avenir qui se nomme karma dans une destinée composée d’épreuves et de libre-arbitre. Cela en harmonie avec le monde en évolution, il nous faut aussi savoir que certaines épreuves vécues ici-bas, lorsque nous avons commencé à nous élever spirituellement, appartiennent à la sphère des décisions librement choisies avant de naître et non redevables d’un karma pour une faute, dans le but de participer au sacrifice qui engendre la volonté de contribuer à la progression du monde. La différence est perceptible pour l’âme évoluée.

Ils avaient tant trinqué ensemble sur terre que le père avait aussi envie dans son purgatoire de partager à nouveau avec ce fils tant aimé et admiré un verre de bon vin. N’avait-il pas voulu, juste avant de mourir, boire son dernier verre sans autre forme de pensée. Jeanne me montre ce dernier verre que j’avais ignoré. Je ne doute pas de ce qu’elle me montre. Mourir n’avait pas eu pour lui d’autre contenu que de trinquer avant de rendre l’âme, me fait-elle voir.

Il n’avait pas cru un instant lors de son vécu terrestre que la mort pouvait être une naissance. Il l’avait toujours pensée comme la fin de soi, un vide, encore un vide, un néant que rien ne pouvait remplir en sa pensée. Le fils était vide et chacun était vide autour de lui. Il en pleurait.

Ces images-visions me ramènent une signification triple, tel que c’est souvent le cas dans une apparition dans laquelle le temps n’existe pas, pas tel que nous le pensons, et où tout se mêle. Je l’avais compris, il y a longtemps, lorsque percevant en une image vivante ce que j’avais cru être un instant de vie et qui s’était avéré s’être déroulé sur vingt cinq ans : cinq minutes pour une image de vie dévoilée par mes guides spirituels et vingt cinq ans pour qu’elle se réalise ! J’avais compris que le monde spirituel en ses images est pour beaucoup une interprétation, un leurre, une illusion, car son expression n’est pas celle terrestre, assujettie à tant d’êtres spirituels. J’avais appris à force de travail à comprendre. Chaque détail appartenait à une année précise et chaque détail avait en fait révélé ce qui allait arriver dans le temps : une parole en année une, un mot, un geste l’année quatre, la couleur d’un mur, une coiffure l’année dix, un vêtement en année douze, une rencontre, une pièce, une chambre la vingtième année, un pardon l’année vingt-trois, jusqu’à l’accomplissement total du karma.

Un rêve n’est prémonitoire que si nous tenons compte de la durée de l’image. C’est grâce à cette durée sans durée, et pourtant définie dans le temps, que j’avais compris comment Nostradamus qui m’était cher avait écrit ce qu’il voyait. Un quatrain était la résolution de quatre années, souvent des décennies, parfois moins. J’eus la clef de son écriture, réellement ininterprétable dans le temps et davantage encore car je vis que le verbe de son époque ne portait pas la même signification que le verbe des siècles qui suivirent. Le français poétique médiéval ne s‘écrivait pas comme nous l’écrivons aujourd’hui. Un mot est amputé de syllabes pour accomplir un alexandrin et devenait un tout autre mot.

Ceci pensé en ma vision claire pendant que je suis en leur présence, je les regarde, eux, père et fils, de la même façon, tous deux appartenant à une scène composée de deux évènements dans le vécu terrestre et spirituel.

Puis, le père repart triste, emportant avec lui le verre non rempli que le fils n’a pas compris qu’il lui fallait le remplir d’une eau vive qu’on appelle pensée en la certitude que le mort est vivant, et surtout d’une relation perdue que le voile de la mort avait déposé entre eux. Ainsi découvrit-il la valeur morale de son fils ne pouvant plus établir aucun lien avec lui. Les deux n’avaient jamais fait cas du monde de l’esprit et le décédé avait découvert, attristé, cette autre forme de la mort.

Je les vois se retourner, se tourner le dos, parce qu’ils n’ont plus rien à échanger. Les deux sont disparus l’un pour l’autre jusqu’à leur prochaine vie.

Ainsi pleurent les défunts essayant d'établir un lien d’amour sans y parvenir. C'est alourdir le Kamaloka d'une force épuisante que de l’ignorer. Le voile tombe, impossible à soulever.

C’’est si triste à voir, et je ne peux pas intervenir, car je leur suis invisible, juste témoin de la scène entre les deux que j’ai connus. Aussi parce que je n’en ais pas le droit et que tout ce qui est achevé sur terre ne se métamorphose plus au ciel, sauf sous la forme de la dette à rembourser. L’image vivante s’évanouit.

Au soir venu, je me retrouve avec Jeanne et son ami qui ne m’avait pas aimée et qui vit désormais de mes pensées, puisées à la source de l’eau vive en l’esprit. Je le vois boire en la nuit l’eau vive de mes lectures. Uniquement à ces heures. J’avais ignoré jusqu’à ce jour que je lui étais devenue essentielle, la sanctification du Nom en nos pensées.

Là encore, je réalise à nouveau l’accomplissement de la parole Steinerienne en ma vie. Je lui rends grâce, la sanctification du Nom en nos esprits.

 

Richard Wagner - Chœur des pèlerins – extrait de Tannhäuser Playing for Philharmonie

29 septembre 2020 Jour de la saint Michel

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Saint Michel "Michaël" de Liane Collot d'Herbois

https://fr.wikipedia.org/wiki/Liane_Collot_d%27Herbois

 

Il fait beau. C’est la fin de l’été. C’est la Saint Michel. Ma pensée à ce propos est furtive, car encore, mon cœur est triste. Je devrais demeurer plus concentrée mais cette mort m’a tant atterrée dans le contexte de la pandémie que je ne suis pas certaine d’être pleinement là, diaphane, comme je le suis souvent, ancrée en mes pensées se méditant en moi. Je devrais méditer la saint Michel, mais c’est assujettie à ma pensée pour elle que je suis partiellement incarnée à cette heure. Tout me fait souci : Hormis Jeanne décédée dans l’anonymat le plus strict et la douleur, il y a l’amie qui ne comprend pas que je veuille demeurer dans le silence de mon deuil qui m’est aussi nécessaire que l’air que nous aspirons ; une autre qui me dit que je devrais être heureuse de cette mort à cause de la vie vécue sans penser à la métamorphose du chemin réalisé dans le pardon, et encore une autre qui n’a de cesse de vouloir me sortir de mon silence lequel silence semble la terroriser alors que sa vertu est un bienfait, puis plus matériellement, ma voiture semblant vouloir me dire adieu pour tous les services rendus à autrui, usée d’avoir couru les routes et les chemins. Trois cents cinquante mille kilomètres au compteur. Trois en une seule personne. J'ai perdu l'amie qui n'a pas compris mon silence pourtant expliqué ni mon amour pour ma défunte. Une feuille glisse sur l'eau emportée par le courant, ainsi est la vie qui sculpte les évènements qu'elle veut hors de soi pour soi parce que c'est l'heure des achèvements et qu'il nous faut savoir les voir et les accepter. La destinée pose ses jalons que les anges conduisent. J'ai ressenti cet achèvement, car une image s'est imposée, celle où je fus sur le passage, telle une aire autoroutière de repos pour poursuivre une longue route. Ce n'était pas moi, mais le gîte et le couvert offerts pour mille trois cents kilomètres à réaliser avec une autre halte gratuite chez une autre. Ce n'était pas moi mais une semaine de vacances demandée avec un départ sans prévenir à cinq jours. Elle n'est jamais revenue en ma demeure, car je n'étais pas une essentielle. Les images spirituelles défilent devant mes yeux. Je comprends soudainement ma méprise. Les images sont là pour cette raison et cet achèvement. Est-ce Jeanne qui me les a montrées ? Peut-être, car je conduisais depuis plusieurs mois, éthérée, sans être vraiment incarnée. Ce qui fut curieux est que j'en ressenti comme un soulagement sur ce qui avait été une méprise, habillée de moult vêtements semblants bienveillants que mes images ramenaient tel un déguisement porté. Ce fut le fruit aussi de ma méditation ancrée dans le silence.

Pour moi tout est pensée méditative et le silence m’est aussi indispensable que l’est la nuit au jour, la lune au soleil, les étoiles à la nuit, la fleur au baiser du soleil, la germination au printemps, les processus de toute vie montant vers l’astre de lumière. Nul ne peut rompre ce silence sans que mon âme ne l’ait décidé. C’est ainsi. Je médite mes soucis en une volonté de les transformer en pure lumière. Il n’y a que moi qui peux le faire. Personne pour moi ne le peut. La conscience est individuelle et nul ne peut l’enseigner. C’est soi avec soi. Soi avec soi pourvu que nous voulons bien nous regarder, non pas pour s'admirer ce qui est défaut mais pour voir et admettre que tel et tel défaut nuisent à notre soi.  Trop de gens s'aiment et n'aiment pas l'autre ; se regarder permet de mieux voir l'autre et l'aimer. Tout passe par soi métamorphosé.

On me dit méchante, imbue de ma personne, têtue dans la vie, parce que je demande, sans pourtant laisser de quiproquo, le silence intérieur. Je ne crée jamais de quiproquos. Les quiproquos sont source de malentendus, disait " le Petit prince" et Rudolf Steiner, et ils avaient raison ; il n'y en avait pas, ayant été claire, et le quiproquo est née d'une interprétation sur ma volonté de silence, car l'amie ne comprend pas la volonté de silence, incapable de s'octroyer le silence pour elle-même. Beaucoup craignent le silence, tout comme la solitude. Ils créent leur effroi, une peur terrible, incontournable, ingérable. Pour moi, c'est un bienfait, un joyau comme un diamant taillé. Tout est interprétation, méprise, jugement. Cela glisse sur moi comme l’huile sur l’eau, car je sais que le silence n’est pas une volonté de méchanceté ni d’égoïsme ni d’orgueil. La vie m'a également appris à séparer l'eau de l'huile sans plus vouloir essayer de les mélanger. Le silence est l’absence de bruit, extérieur, intérieur, pour que la méditation soit réflexion en soi. J’ai besoin de ce silence. C’est ainsi depuis l’enfance, depuis le silence physique obligé de la vie en ma chambrée, depuis que je l’ai transformé en absolu besoin de la pensée pour être et devenir. C'est le silence en soi qui permet l'activité dans le monde car nous l'avons réfléchi pour agir. Le bruit qu'il soit issu de la pensée, de la parole agressive ou d'un évènement terrestre m'est toujours une blessure, aussi dois-je faire le silence pour m'en soustraire ce que j'arrive aisément à faire pour le transformer. Sortie du repos, je redeviens un puits de paroles, un temps. Souvent ai-je rompu avec ma volonté de silence pour faire plaisir, mais en ce deuil, je décide de me respecter et de ne pas le rompre. J'ai envie de prendre soin de moi, un peu, exceptionnellement, d'un bon égoïsme pour mieux repartir, pour mieux servir. Le bon égoïsme sert à se grandir dans la prière et la méditation pour aider et se parfaire dans les besoins de l'Humanité. Le mauvais égoïsme n'est rien d'autre que la perte du Moi dans la tentation strictement personnelle qui ne fait pas cas de l'autre et du monde.

C’est ainsi que je prends la route pour aller au cimetière fleurir sa tombe, évanescente, éthérée. J’ai acheté une belle plante fleurie que je pose sur le sol du siège avant passager. Je roule. Je roule à une vitesse constante. Je roule dans le silence. Je sais que je suis partiellement absente, tellement, profondément, à penser à elle. Mais j’ai confiance en la vie, en ma route, en ma voiture. Je conduis sans rien voir devant ni sur les côtés. Souvent.

Une larme perle sous ma paupière. Je regarde la fleur.

J’aime les fleurs car elles témoignent du silence intérieur qu’elles manifestent le jour dans l’immense accolade des rayons solaires à leurs corolles, la nuit dans leur sommeil invité par les rayons lunaires. Tout est silence dans les règnes végétal et minéral. Même le vent ne parvient pas en son expresion  mouvementé et bruyante à  extraire de ces règnes un seul bruit. Voyez également le nuage se mouvant dans le ciel, balayé par l'air, il est tout aussi silencieux que la fleur et la pierre. Je me veux fleur dans le sentiment d’abandon et de réception à la caresse du soleil à mon visage.

C’est alors que je suis émerveillée par la couleur rose du rosier, qu’un souffle puissant issu de nulle part, venu de haut, car mes vitres sont fermées, vient la bousculer, la faire tomber, telle une main balayant l’air venue l’animer pour que je me réveille. L’impression est si forte qu’elle me réintègre en ma pensée et me montre la voiture devant, dans laquelle j’allais entrer en collision avec virulence avant que je ne bifurque sur le bas côté et freine violemment. Je réalise que je viens à nouveau de passer à côté de la mort par une intervention divine. C’est la quatrième fois en trente ans. La forme du prodige a un écho connu en moi. Il porte un nom que je connais aussi. Il se manifeste toujours de la même façon, venu de haut dans un souffle puissant, se manifestant  en une forme éclair, audible en soi. Ils ont encore besoin de moi, me dis-je, remerciant et ma mère et mes guides. Bienheureuse ! Bienheureuse est le mot et l’état de grâce qui caractérisent ses instants de conscience et de sauvegarde de la vie.

Tranquille, réalisant que j’ai été préservée d’un accident qui aurait pu m’être fatal, je roule vers le cimetière, son cimetière qui aurait pu devenir le mien, déposant ensuite la fleur consacrée sur le marbre gris, reconnaissante.

Le soleil se voile derrière des nuages arrivés impromptus. Je suis assise sur l’herbe devant la tombe, je ne sais plus depuis combien de temps, retombée en ma diaphanéité, pourtant fortement présentielle. Le temps n’a pas de prise sur moi et les nuages noirs annoncent la pluie. Le soir étendant son voile de nuit en une première obscurité me réveille à nouveau, car devant moi s’étale sur le champ en face une lumière si belle qu’elle nappe la terre sous l’ombre accomplie par les nuages ébènes. Une légère averse vient à baigner mes yeux et mouille mes cheveux pendant que s’installe un nouvel arc-en-ciel, m’enveloppant de sa clarté. Je le regarde en sa forme et je constate qu'il naît de sa maison au loin à gauche pour ne pas toucher le sol sur sa droite, forme in-finie pour l'infini. Il est temps de repartir, méditant la saint Michel que la vie et son possible accident m’avait fait oublier, le ramenant en moi.


 

 

Ange de Giotto di Bondone

https://fr.wikipedia.org/wiki/Giotto_di_Bondone

 

Be (Introduction Of Jonathan the livingston)

 SKYBIRD/LONELY LOOKING SKY/THE ODYSSEY

Voyez les images, elles sont si belles, si parlantes.

Ecoutez les paroles, toutes aussi superbes sont-elles.

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