Béatrice Lukomski-Joly


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Ô Temps sans douceur

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Ô Temps sans douceur, temps figé de disgrâce,

sépulcral en tes actes, tous, tombes de nos races,

semblable es-tu aux hommes vêtus de sombre,

quand, ruinant la morale, ils ont chu en nombre.

 

Tous allant le ventre plein et la pensée vide,

tous scrutant leur nombril aride et sordide,

qu’ils ne voient plus l’alentour de beauté

ayant pleuré à leurs pieds pour être de gaîté.

 

Sont-ils tous devenus juges des uns des autres,

calomniant chacun, n’entendant plus les apôtres

qui de leur parole ensemençaient la vie

et dans la vie, l’Amour dans tous logis fleuris.

 

Ont-ils rapiécé leurs toges nébuleuses

que prêtres revenus, ils sont nés de brume ténébreuse,

enseignant toujours la création sans être d’Amour

et le vent laisse leur fausseté envahir leurs labours.

 

Ils aiment ternir toute âme n’étant pas la leur,

accablant chacun de ruse en leurs sédiments

qui n’ont pas été féconds ni fertiles

en leurs champs semés de semences hostiles.

 

Ô Temps sans douceur, temps figé de disgrâce,

funèbre en tes mœurs, tous, stèles de nos rosaces,

semblable es-tu aux hommes vêtus de sombre,

quand lésant la morale, ils choient en nombre.

 

Et tous vont, fiers de ce qu’ils sont, pourtant du mal,

animés du reptile rampant en leurs cabales,

qui n’a pas saisi la connaissance ni la conscience

à leurs bras levés et leurs coiffes de science.

 

Les ai-je tous revus, chaque jour subis, à ma sueur,

ce nombre accablant de malveillances qui demeure,

qu’ils parlent encore et encore de l’attente en l’Éther

que leurs âmes n'ont pas vu se manifester depuis Hier.

 

Ils écrivent en scribes : « Tu n’es pas façonné d’Esprit si haut,

tu mens, riche de tromperies, je suis déçue, tant de chaos ! »

Et certains renaissent de leur origine passée,

avides du plus Haut qu’ils n’ont pas connu du Temps figé. 

 

Photos issues du film "Jésus de Nazareth" de Franco Zéfirrelli. 

 

Les hommes de marbre

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Photo issue du site :

 https://thegoodlife.fr/lextraordinaire-marbre-de-carrare-fait-son-retour/

 

Ils vont les gens de marbre,

l’âme non sculptée, nus de nacre,

la vie triste, heureux, enchantés,

persuadés d’être de grande beauté

que d’un regard habile et rusé,

ils accablent tout autre méprisé.

 

Les êtres de marbre au pied d’un arbre

sont étonnants de dureté, l’âme criarde,

égaux de la froideur du minéral, fiers,

qu’aucun ciseleur n’ose tailler la pierre

d’un marteau, d’un ciseau, d’un burin,

pour la joie de créer une œuvre sur le lutrin.

 

Quand, cachant l’origine de leur gel sans fin,

qu’hivers ont sculpté avec dessein,

jamais nous ne devinons dans leurs regards

s’il y eut quelques printemps cathares,

s’il y eut quelques étés ardents à chérir,

eux ne sachant jamais sourire.

 

Se pensant plus talentueux que l’artiste,

ils regardent la figure de leur cariatide,

figés dans le schiste blême, noir ou gris,

sans commencer le travail ardu de l’esprit

pour voir naître l’éclat de la grâce

qu’ils lapident d’un œil avec audace.

 

Sans douceur ni fraternité, sévères,

ils ignorent la quintessence de leur sève

méprisée sur la berge qui n’est pas sentier,

et sans une ride dessinée sur le métier,

ils vont de leur pauvreté masquée

sans fêter une main tendue à leur vue étriquée.

 

Glacés comme la neige en janvier,

ils vont les gens de glace sur le gravier,

gratifiant leur givre sur leurs fronts,

heureux d’être tel un iceberg sur leur perron,

refusant de montrer leur fausseté

qui les revêt d’indignité feutrée.

 

Ils vont les gens de marbre,

l’âme immobilisée, entartrée,

la vie terreuse, heureux, opaques,

dressés comme des serpents à l’attaque

que d’un regard rusé, ils immobilisent,

accablant tout autre qu’ils enlisent.

 

De Viktor Vasnetsov Sirin Alkonost

 

 

"Je ne supporte plus" extrait

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Tableau de Siméon SOLOMON

" L'homme éveillé, le somnolent,  l'homme endormi"

https://fr.wikipedia.org/wiki/Simeon_Solomon

https://www.wikiart.org/fr/simeon-solomon/all-works#!#filterName:all-paintings-chronologically,resultType:masonry

 

Je ne supporte plus la souffrance du monde,

Tous ces sanglots qui me burinent l'âme, et me sondent,

Les enfants qui pleurent, amèrement offensés,

Violés au nom de "je ne sais quoi", pour jouer, 

L'impardonnable délit des impies que nul ne condamne,

Et qui tristement, pour une vie, les damne.

 

Je ne supporte plus les mensonges, par trop accablants,

Et moins encore leur maestria, au nom de Dieu, 

Toutes ces contre-vérités qui falsifient la dignité,

Au nom des perversions individuelles, ces calamités,

Qui prennent la cruauté, pour se hisser fallacieuses,

Sans consentir aux philanthropes, une coupe précieuse.

 

Je ne supporte plus les États qui souillent l'Humanité,

Faisant d'Elle une poubelle pleine de pensées d'hostilités, 

Ne servant plus le monde, tel, ils le doivent de conscience,

Manipulant, perfides, les opinions fragiles dans la science,

Autant que dans les perceptions du quotidien solaire, 

Utilisant, savamment, la promiscuité des loges polaires.

 

Je ne supporte plus l'imposture qui détruit l'Esprit,

Au nom des pouvoirs et des puissances que nous prîmes,

Sans décence, agréant sans rien dire, les abus, les affronts,

Malgré nos pas battant le pavé sur le noir-goudron,

Réclamant la dignité humaine aux oreilles sourdes

Qui usent du mensonge avec largesse, leur sottise lourde.

 

Je ne supporte plus le pouvoir de l'argent qui nous défie,

Qui crée le pauvre et le besoin, l'injustice et le profit, 

L'hégémonie d'un homme sur son prochain, pauvres indigents !

L'indigent spirituel et l'indigent social, si différents.

L'homme économique statufié sur la stèle égoïste m'insupporte ; 

Je réclame à grands cris la tripartition sociale qui cogne à nos portes.

 

Je ne supporte plus tous ces gens qui choisissent le mal,

Ou encore le font, le pensent, conscients d'eux-mêmes, en leur mal

Assassinent les initiés au nom de pactes diaboliques,

Assassinent les différences au nom du pouvoir démocratique,

Hissent leurs cruautés au faîte d'un nazisme déguisé, 

Transfèrent leurs tyrannies en une sagesse inventée.

 

Je ne supporte plus de voir les misères que les larmes colportent, 

Ni tous ces indigents que les médias au quotidien me rapportent. 

Je ne supporte plus de côtoyer chaque jour l'indifférence, 

L'orgueil sous toutes ses formes, et la fausse indulgence,

Assis devant des écrans qui nous forcent au détachement, de près,

Immobiles, les lumières éteintes, laissant les drames se perpétrer.

 

Je ne supporte plus l'incroyance et l'absurde athéisme

Au nom d'un néant que tous préfèrent pour tout déisme,

Afin de mieux se voiler la face et s'ignorer soi-même, 

Ce suprême confort de cécité volontaire qui sème

La névrose à tous les vents, à tous les orages cruels,

Diffamant le Dieu habitant l'homme sans duel.

 

 Je pleure sur la destinée du monde, qui crie en chaque humain, 

Chères âmes, venez avec moi parcourir les chemins du lys, demain,

Ce que j'ai compris du monde, et vécu du Logos est à vous,

Bercé par la Rose des initiés, je suis avec vous.

 Tous les soirs, je visite le Dieu intérieur sans appréhension. 

La magnificence de la vérité me crée votre débiteur de compassion.

 

Il répète 

 

Tous les soirs, je visite le Dieu intérieur sans appréhension,

La magnificence de la vérité me crée votre débiteur de compassion.

 

 

http://beatrice-lukomski-joly.copyright01.com/

 

Simeon Solomon (Pre-Raphaelite Brotherhood)

La démence du double

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

 

Madame, quelle est cette folie qui vous prend, sans égard,

Tant de haine, tant de dégoût dans votre regard,

Que mon âme vacillerait si double actif en vos yeux

Ne laissait sa signature éloquente dans votre adieu.

 

Quel est, Madame, ce fiel qui vous saisit ces jours,

Quand je prends sur moi vos défauts lourds,

Et qu'en vos carences de vie, vous accusez la vie

D'être une ombre, l'ombre de vos ombres ?

 

Que la mort vous terrorise, refusant cette échéance,

À tant combattre la vue du soleil, à nier l'évidence,

Vous accusez ma bonté d'être votre malveillance,

Et encore l'amour d'être le reflet de votre véhémence.


Comment vos yeux ont-ils pu tant s'assombrir,

À la veille de votre départ, quand l'heure dit de mourir,

Et que mourir appelle un flot d'épouvantes

Que démons vous visitent chaque nuit de répugnance.

 

Si cet esclandre n'a d'égale que votre misère,

Vous, piétinant la foi comme jamais, sans rosaire,

Qui êtes-vous d'obscurité pour écraser le Christ,

Parce que vous partez et que vous sabrez ma vie altruiste ?

 

Faut-il beaucoup de pardon, depuis l'enfance jusqu'à ce jour,

Voyant ce double en vos gestes, votre folie toujours,

Que je ne saurai renier les rayons du soleil d'oraison,

Pour votre absence de raison en toutes vos saisons.

 

La fille au bord de l'Odet et de l'Aulne

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"la Bretagne sous la pluie" 

Bretagne sous la pluie / © Via Flickr - Polar Lights

 

À genoux, le teint incolore sur des yeux limpides comme la clarté d'un nuage se chargeant de pluie, les yeux fatigués, elle marchait bordée d'innocence enfantine. Pleuvait-il sur le trottoir alourdi d'un bitume gris qu'elle semblait encore ignorer si un nuage était blanc, gris, peut-être bleu, parfois rose, semblables aux tissus enfantins qu'elle chiffonnait chaque jour entre ses doigts, ses jours travaillés. Elle était à l'aube d'une vie qui peinait à se dessiner car elle était à peine sortie de l'enfance, avec dans le regard et son rire toute la lumière du désir d'être soi, rien qu'être.

Elle ? Qui était-elle ? Elle, s'appelait Marie-Catherine d'Auxonne.

Je l'ai rencontrée, un soir de pleine lune naissante à l'heure ou le ciel se teinte d'or dans des rouges flambants de soie dansante, sous un arbre en fleurs presque vermeil, un cerisier japonais au cœur du printemps que le vent, déjà, balayait d'un coin de lèvres abrité d'une branche mettant en relief ses beaux yeux que nul n'imaginait qu'on puisse les délaver dans des larmes crues de la méchanceté des femmes d'un certain âge, un peu flétries par l'âge, enviant une pareille beauté pour la clamer laide à force de jalousie. Elle était assise au bord de la rivière longeant les rives de la ville ; était-ce l'Odet ou l'Aulne ? un peu des deux ;  et la ville brillait de la voir chaque fois qu'elle s'asseyait proche d'une goutte d'eau qu'on aurait dit qu'elle était la perle offerte des rocailles cristallines tissées dans une gouttière en fils dorés noirs étincelants que le courant léger de l'eau offrait à la beauté de la vie. Elle lisait, lisait un de ces livres que le temps n'aime plus voir entre les mains de la jeunesse délicate qui clame l'envie de connaître la beauté des mots. Elle avait sur sa bouche autant de mots que de verbes pour décrire la signification de tout ce qu'elle rencontrait. Je la regardais sous le cerisier japonais en fleurs, devinant un désarroi masqué par une page de son livre griffé d'une larme cassée par la brisure d'un je ne sais quoi, qui la peinait. Je regardais sa blessure mouiller son livre, son visage baissé sur un adjectif niais que je devinais lourd d'abus et d'insolence. Flic et flac, l'encre des mots se ternissait comme si un oiseau venait en plein vol de laisser chuter le peu d'eau qu'il venait de puiser dans la fontaine sise à côté du banc pour s'abreuver de l'aurore soumise à un soir craquelé, un cirrus fissuré, un océan desséché.

Des perles de cristal taillées telles un beau bijou de marque ruisselaient dans l'arbre battu par une soudaine pluie en souffrance, ne sachant plus s'il devait lever ses fleurs vers le ciel se ternissant de traits d'offrandes d'orage, ou les faner d'une volée cinglante d'un zéphyr doux devenant endiablé qui se levait. La rivière s'affolait un peu, épousant de son flux régulier mordoré la pluie qui cherchait à sortir de son lit le ruban bleu sombre filant pour inonder la ville grisée de bêtises odieuses qu'aime la connivence des gens mal intentionnés. Assise sur son banc affublé d'un vert fougère, elle ne semblait pas se rendre compte qu'il pleuvait et que son livre redevenait un parchemin fraîchement sorti de son bassin à papier rempli d'acide blanchissant. La robe fleurie collait à sa peau, son tissu transi de sanglots, qu'on ne savait plus qui l'avait trempée à ce point, la pluie ou les larmes. Elle ne bougeait pas. Elle laissait la pluie dévaler sur ses cheveux courts, sur ses joues à peine rondes, sur sa peau déjà toute cicatrisée de plaies de l'âme qui ont fait si mal, sur sa robe en soie de coton, sur ses chaussures vernies noires, confondant tout ce qui est humide, de la nature endolorie à la nature triste des créatures qui n'ont rien bâti dans le cœur échafaudé d'espoirs.

Nous étions en région Bretagne, là où les roches cisèlent les écorchures à coup de fracas de mer, les jours de colère, sur la face cachée des rochers plongeant dans l'océan, tantôt serein, tantôt épouvantablement assourdissant. Il y avait des falaises échues d'un hasard voulu où le destin dans les rares forêts qui bordaient les rameaux d'un manteau de feuillage nu n’aimaient pas être chahutés sans vous sermonner d'un doigt pointé d'une roche branlante menaçant de descendre la pente depuis des siècles. Je n'avais pas d'attrait particulier pour cette région blessante mais j'y étais arrivée, l'émotion en recul, parce que j'y avais été invitée à plusieurs reprises. Mes yeux épousaient le lointain horizon comme pour voler haut, et me rendre à la Hague que je préférais de bien des aspects romantiques que les côtes bretonnes ne m'inspiraient pas d'élan affectif. J'étais là, debout à regarder un ciel partagé par l'univers pour la grandeur des âmes en labeur, sans conviction que je devais y rester un jour de plus. J'entendais autour de moi tant de rêves vécus sur ces côtes ébaubies que je tentais souvent d'être les yeux de ceux qui l'admiraient sans en voir la beauté. Elle me semblait être la plus vaste blessure de toutes mes provinces par ces tranchants inlassables qui lacèrent de multiples traits taillés au scalpel les visages la dessinant. Était-ce pour cela que Marie-Catherine d'Auxonne pleurait sans le montrer, assise tour à tour au bord de l'Odet et de l'Aulne ?

Je m'approchais doucement comme pour ne pas effaroucher un piaf picorant quelques insectes dans l'arbre caracolant de sauts légers dans l'imaginaire des rêves. Osant un bonjour franc, cependant timide, ne sachant pas si je devais mélanger ses larmes à mes verbes d'empathie, elle leva un peu la tête, me regardant furtivement, ses paupières ne sachant pas si elles devaient s'effriter d'un mot perçu agressif quand nous sommes dans la peine : bonjour  !  ou bien s'ouvrir d'une corolle au printemps bercé des couleurs de mai dans la joie de parer le monde d'ondes éthérées dans la vie exubérante de débordements éclaboussés. Elle repiqua son nez fragile dans son livre sans formes, sortit un stylo-plume et écrivit sur la page de garde un bonjour en réponse qui s'effaça aussitôt qu'il fut écrit à cause de l'eau ayant détrempé le papier qui laissait quelques fibres de coton sur la pointée émoussée de la plume or fichée dans un tube fin de bakélite sombre usé qui avait dû beaucoup servir pour se raconter.

- Que puis-je pour vous ? Tant d'eau dedans vous et autour de vous me chagrine vraiment, dis-je craintivement, ignorant si l'interpeller ainsi allait la faire fuir ou ouvrir la porte des mots qui disent les maux subis à la forge brûlante de la vie. L'Odet, l'Aulne et la pluie surgie de l'océan vous rend si diaphane que je pensais que l'eau semblait être votre amie depuis toujours. C'est comme si une ronde d'anges blancs vous paraît de leurs robes ceinturées d'un ruban transparent que je devine, en compassion à vos soucis qui ne semblent pas être des fleurs nées d'un vœu.

- Oh ! Ce serait mal-aisant que vous le dire, répondit-elle d'une voix étouffée par des sanglots entrecoupés de soupirs lourds. Chaque fois que j'écris ce mot sur ma page, la pluie l'efface d'une multitude de gouttes flottantes dans ce ciel nervuré de nuages pesants.

- Je vois ! Mal-aisant ? Je n'ai jamais entendu ce mot, mademoiselle, et cependant il y a en son intériorité une force inégalée pour dire ce qu'il contient de douceur dans la réalité de quelque chose qui vous fait souffrir et que ce mot ne veut pas trahir.

- Vous aimez ce mot ? me demanda-t-elle, en pleurant encore plus fort.

- Oui ! Il est puissant. Si vous permettez, j'en ferai usage à mon tour car un mot né au monde traduit le verbe souhaitant exprimer une autre valeur que l'âme exprime, et ce monde au langage raréfié a besoin de mots forts pour dire ce qui le blesse. Vous n'aimez pas ce mot dont vous êtes la créatrice et la sculptrice ?

Elle ne répondit pas comme plongée dans un souvenir qui la taraudait au point de lui couturer l'âme.

- Il nous faut des mots neufs, lui dis-je assurée d'un langage que j'aimais aussi renouvelé.

- Je le pense également, répondit-elle, le griffonnant à nouveau sur la cotonnade de papier engourdie. Voyez-vous, je suis artiste, dessinant, composant de la musique, écrivant parfois à mes heures malmenées par les humains ayant perdu le sens de l'amour et de la vie.

- Perdu ? dis-je étonnée. L'a-t-il seulement déjà découvert un jour ? Le sens de la vie, peut-être ! l'homme se bat pour ne jamais la perdre et la remplir de beaucoup de vide, croyant qu'ils sont des pleins, mais le sens de l'amour, je doute. Il faut beaucoup d'empathie pour être l'autre et l'empathie ne tente pas de s'arroger le droit de dire " j'aime ! " car elle aime, c'est tout ! Elle est vous en l'autre.

J'étais maintenant aussi trempée qu'elle, elle de l'Aulne, moi de l'Odet, car vouloir entendre son chagrin m'avait fait oublier que l'eau des deux rivières transformée en pluie dans sa robe nuageuse m'avait convertie en sa semblable, mouillée jusqu'à l'os, croyais-je. J'avais froid, d'un froid partagé que la pensée épouse lorsque nous sommes d'empathie abondante aux misères de l'autre. Un rayon de soleil transperça la masse nuageuse pour me rappeler que prendre sur soi le chagrin de l'autre est un bienfait que le soleil noue à son voile habillant le firmament. Elle frissonnait ; je me baignais de ce seul rayon enluminé de chaleur qui me revigorait l'esprit d'un éclat sans pareil.

- Et, si vous me disiez cette mal-aisance plutôt que de l'enfouir comme une graine qui ne germera pas dans la terre car trop noyée. Tout au plus, glissera-t-elle jusqu'à l'océan, s'accrochant peut-être à une falaise tranchante, ou à une roche polie par les siècles que la forêt de Huelgoat abonde non loin de là dans son énorme chaos construit de mains de géants !

- Oh ! ce n'est rien ! C'est juste moi qui ne comprends pas l'animosité que l'on me fait vivre dans mes différences. Je fais semblant de comprendre pour ne pas m'enliser mais, je ne voudrais pas me renier en acceptant  les  attaques des pierres  cachant les serpents et que la fête de la musique lors des saintes Cécile émouvantes me ferait presque  voir la musique comme étant un outrage, moi qui  joue du piano tous les jours.

- Si je comprends bien, vous parlez de harcèlement au quotidien dans ces homophobies qui traquent l'autre pour le faire mourir, giflé de tant de craquelures insensées que celui qui afflige en est lancinant dans le matelas de haine déversée ! Pourquoi évoquer la sainte Cécile ? demandai-je étonnée.

Levant les yeux terriblement mouillés de larmes répétées au quotidien, elle acquiesça d'un hochement de tête tremblant qui ne faisait pas même trembler ses cils fixant une pierre dans le trou du diable de Huelgoat.. 

- Qui ose tenter d'assassiner vos différences mademoiselle ? demandai-je presque pétrifiée de découvrir encore et encore que la spécificité d'un être put être sujet à un meurtre psychologique. Qui ose ce crime ? 

- C'est à mon travail ! répondit-elle, hoquetant, accablée, laissant s'échapper un spasme tremblant d'anxiété. Je ne sais plus si je dois vivre, être, exister, respirer, quel mot utiliser pour  faire la réclame de leurs tissus et de  leurs perles, tant la charge de cette cavalerie homophobe m'accable. Dois-je ajouter une cicatrice à mes bras vieux de mille ans pour ces indignes femmes qui me harcèlent jours après jours ? Pour se débarrasser de moi, on me dit voleuse, méprisante, orgueilleuse, suffisante. Elles tentent de provoquer la faute en m'accablant de dires mensongers. Mais ... je ne suis rien de tout ça ! Elles me font peur. Je ne dors plus. Je fais semblant de plaisanter, de rire et elles disent que c'est de l'effronterie, ne percevant pas ou se situe la frontière entre le désarroi et la mort. Je pense parfois au pire pour que mes différences entrent dans le commun du siècle, luttant cependant pour  ce en quoi je crois  : la bonté en l'humain qu'elles n'ont pas même en filigrane dans la profondeur absente de leurs yeux. C'est terrible la haine dans des yeux ! Et personne ne saura qu'elles en sont la cause, le chemin et la finalité. Peut-être se cotiseront-elles pour une gerbe, disant que j'étais la plus extraordinaire des vendeuses en vêtements d'enfants et en bijoux de valeur. Nul ne les pointera du doigt parce qu'elles achèveront ma vie dans une belle gerbe de fleurs de saison habillée d'un beau ruban disant : «  à notre collègue tant aimée. » ! Les rubans des cimetières sont plein de mensonges. Je ne veux pas de leur banderole quand je ne serai plus. Elles seraient capables d'y inscrire la marque de leurs boutiques pour vendre sur un délit de harcèlement qui flotterait sur les rivières qui n'oseraient plus avouer leurs noms.

- Moi, je le sais à présent. Je vous vois au bord de l'Aulne sous la pluie, proche de l'ancien pont ferroviaire qui fait un pied de nez à la place du marché, au risque de prendre froid et de partir d'une pneumonie ! Qui a des yeux voit. Qui a vu cela sait que la profondeur de la peine est aussi large et profonde que la blessure de l'âme subie.

- Imaginez ! je dois jusqu'à mesurer le millimètre pour insérer un anti-vol !

- Et vos collègues ?

- Elles ont peur d'elles ; aussi ne bougent-elles pas, ayant peur d'être harcelées à ma place, mais elles voient, entendent, compatissent. 

Je la pris entre mes bras vastes comme le portique d'un temple grec et me tus, laissant les larmes s'infiltrer sur le col de ma veste rouge pareille à ma colère . Le ciel ne cessait pas de rouler ses vagues échues sur terre et l'océan criait sa colère magistrale aux cœurs des mégères sans âmes qui poignardent ce qui n'est pas elles parce qu'elles ne comprennent pas que le monde est tissé d'autant de différences que de feuilles uniques sur un arbre. Je compris pourquoi il pleuvait tant sur cette terre insensible qu'elle portait en son sein si peu de forêts que se chauffer à son bois en hiver était un leurre. Je partis vers la ronde des roches de Ménéham aux formes adoucies que l'Odet et l'Aulne me semblèrent loin des aspirations des anges ayant inondé la robe et le livre aux lignes imprimées désormais devenues illisibles.

- Si vous avez besoin, dis-je, voici mon adresse. Je témoignerai de l'Odet en rébellion et de l'Aulne en infamie contre l'injuste pour que être soit votre chemin. Comptez sur moi quoi qu'il arrive, quelque soit la tournure des événements.

Elle glissa dans ma poche un petit dessin représentant un bracelet de pierres en cristal taillées qu'un cygne voguant sur l'onde agitée prit en son bec et d'une robe enfantine sur lequel il n'y avait qu'un mot écrit : malaisant pour ne pas dire assassinée.

C'est écrit  à l'encre noire sur les rives brumeuses de l'Odet et de l'Aulne, de Chateaulin à Quimper. 

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