Je suis allée me promener.
J’ai rencontré une petite fille.
Elle n’avait de cesse de se balancer,
dans les arbres, dans son lit,
une poupée dans les bras.
Je lui ai dit : « Bonjour !
Comment vas-tu ?
Il y a si longtemps
que je ne t’ai vue !
Tu n’as pas vieilli.
Quel âge as-tu ?
Elle m’a regardée, étrangement.
Puis, elle a répondu :
« Je ne sais pas.
Je n’ai pas d’âge.
Et toi ?
Quel âge as-tu ? »
Je l’ai regardée,
tout aussi étrangement.
Elle avait des petits yeux,
soucieux et songeurs,
des cheveux sans forme
comme un lutin qui se lève
après avoir dormi des siècles.
Je n’ai pas osé lui dire mon âge,
car en fait, je l’ignore,
je ne le sais pas,
pas plus qu’elle.
Je lui ai dit
que comme elle,
j’étais sans âge
parce que jeune et vieille,
depuis toujours.
C'était étrange.
Sa voix porta ces mots :
" Se pourrait-il que tu sois moi
quand je suis vieille dame ?"
Ma voix porta les mêmes mots :
" Se pourrait-il que je sois toi,
toi, Ô ! disparue de mes jours ?"
Elle a pris ma main,
disant : « Viens, je t’emmène vers demain. »
Je lui ai répondu que je ne le souhaitais pas,
que demain était tissé de passé
et qu’il fallait laisser le passer devant.
Car c’était sa place
si nous voulions avoir un autre passé.
Elle m’a encore regardée ;
doucement, elle s’est posée sur ma joue.
J’ai frissonné comme la brise,
au matin, lors d’un lever de neige.
Elle a dit :
« Pourquoi, trembles-tu ?
Fait-il froid ?
Je ne ressens rien.
Ta joue est chaude ;
c’est un coussin d’été.
Je reste là, avec toi.
On ne se quitte pas, n’est-ce pas ? »
J’ai pris sa main,
l’ai portée vers demain ;
elle ne le voulait pas,
moi, guère plus.
Il faisait froid,
Il gelait si fort.
Demain attendait le passé.
Le passé n’a rien dit,
pas même murmuré un son.
Blanche comme neige était sa bouche.
Et la mienne.
Bleu comme l’azur étaient ses doigts.
Et les miens.
Rouges étaient ses pieds nus.
Pareils aux miens.
Cristal était ses prunelles lilas.
Comme les miennes.
Nous nous sommes regardées,
fixement,
puis blotties l’une contre l’autre,
tendrement.
Elle a montré son étoile
dans le ciel,
je lui ai montré la mienne.
« Vois-tu, c’est mon âge ! »
Avons-nous dit ensemble.
Nous nous sommes regardées.
Le passé nous a soulevés de ses bras
et vers le monde nous a portées.
Quel monde ? Ai-je dit ?
Elle a répondu :
« Viens, la mort nous attend.
C’est fini.
C’est bien.
Nous avons fait un long chemin,
toi et moi unies.
Quel âge as-tu ?
Comment ?
Ne le sais-tu pas ?
....................
................................
Les deux derniers vers, ou la chute du poème dans mon prochain livre de poèmes à paraître :
"Le diadème des offrandes"
Veillez !
tableaux de Victor Nizovtsev
Madame, quelle est cette folie qui vous prend, sans égard,
Tant de haine, tant de dégoût dans votre regard,
Que mon âme vacillerait si double actif en vos yeux
Ne laissait sa signature éloquente dans votre adieu.
Quel est, Madame, ce fiel qui vous saisit ces jours,
Quand je prends sur moi vos défauts lourds,
Et qu'en vos carences de vie, vous accusez la vie
D'être une ombre, l'ombre de vos ombres ?
Que la mort vous terrorise, refusant cette échéance,
À tant combattre la vue du soleil, à nier l'évidence,
Vous accusez ma bonté d'être votre malveillance,
Et encore l'amour d'être le reflet de votre véhémence.
Comment vos yeux ont-ils pu tant s'assombrir,
À la veille de votre départ, quand l'heure dit de mourir,
Et que mourir appelle un flot d'épouvantes
Que démons vous visitent chaque nuit de répugnance.
Si cet esclandre n'a d'égale que votre misère,
Vous, piétinant la foi comme jamais, sans rosaire,
Qui êtes-vous d'obscurité pour écraser le Christ,
Parce que vous partez et que vous sabrez ma vie altruiste ?
Faut-il beaucoup de pardon, depuis l'enfance jusqu'à ce jour,
Voyant ce double en vos gestes, votre folie toujours,
Que je ne saurai renier les rayons du soleil d'oraison,
Pour votre absence de raison en toutes vos saisons.
Illustration " Maternité IV " de Chantal Parise, peintre lyonnais,
http://www.chantalparise.com/
Il était une fois...
Une onde silencieuse qui changea le cours du temps ;
Une onde légère, abreuvant d'amour, longtemps,
La pensée transie d'une errance folle de roi.
Il était une fois...
Une nuit imaginative, idéelle, magique,
Une nuit pleine d'espoir où la tragique ride
S'enveloppe de transparence moite, parfois.
L'âme, mille fois endeuillée, déchire ses nuages,
Parure d'un ciel crevassé qui, péniblement, déverse son miel,
Dans l'espoir d'une reconnaissance imagée.
Il était une fois...
Le toit bleuté aux mille astres de nos cœurs,
Et de nos ententes enfin réanimées à cette heure,
Étendait son immensité aux confins de nos orées d'un hautbois.
Il était une fois...
Nos vies matérielles, vies spirituelles, pour notre voile
Se levant au printemps de mars enneigé d'étoiles,
Que, renaissant dans la forêt, vibre le bois !
L'âme, mille fois endeuillée, scinde enfin son nuage,
Parure d'un ciel gercé qui, péniblement, déverse son miel,
Dans l'espoir d'une reconnaissance imagée.
Il était une fois...
L'invisible espace, théâtre éthéré de l'inanimé se levant,
Du palpable, des visions fugitives du mouvement,
Des vies d'en-bas, d'en-haut, pour nos ornements courtois.
Il était une fois...
Nos gestes incontrôlés, capables d'incroyables maîtrises,
Servant nos doutes que nos ego à peine enfantés, incisent ;
Que nos désirs, si vite enflammés, entraînent de nos voix.
L'âme, mille fois endeuillée, embellit ses nuages,
Parure d'un ciel levé qui, sagement, déverse son miel,
Dans l'espoir d'une reconnaissance brodée.
Il était une fois...
Le vent était ma caresse au pays de l'extase pure,
Et le rêve en l'esprit, si souvent défait, pour nos retrouvailles futures ,
Déployait ses ailes au pays de l'appartenance qui flamboie.
Il était une fois...
Nos destinées, ces vies qui lentement, sourdement,
S'appellent et se respectent, majestueusement ;
Nos vies se sachant liées s'impatientaient de joie.
L'onde silencieuse laissa bruire la brise,
Et chaque brin d'herbe frémissait d'attente claire.
L'aurore semait l'attente de mes nuits solaires,
Au pire des plaintes défaites, à jamais conquises.
La neige tombe !
Et part, enfin, ma tombe !
Elle arrive !
Enfin sur ma rive !
Faire-part de naissance :
« Ah ! Je me réveille à peine ! »
Un ange m'a dit avant la descente
Combien la vie ressemble aux mouvements de la Nature.
Hommes ! ouvrez vos bras !
Ange ! ne ferme pas ta porte !
Je veux vivre, voir, aimer et servir. »
27 Mars 1984
Ange de Giotto di Bondone
https://fr.wikipedia.org/wiki/Giotto_di_Bondone
Oeuvre personnelle, pastel sec BLJ, ( toutes photos non libres de droit )
L'enfant, doublé d'un ange, d'un archange,
Toujours précédait mes pas ; aidait le destin.
Quand neige tombait drue, quand froidure dérange,
L'avez-vous vu m'assurer le chemin d'instinct ?
Quand elle marchait, hardie, l'âme résolue,
Le froid glacé reculait peureux devant ses pas !
Quand vint l'hiver et le gel de la vie absolu,
Elle fut le soleil réchauffant la nuit du trépas.
Nul n'aurait terni cette volonté dans l’abîme
Qui ramassait de ces ténèbres l'hideuse peur
Qu'ont les mères délaissées ; l'autre de la Dîme *
Parti ! Elle, était là, elle, venue d'ailleurs.
Ange habité, ange du secours, ange sévère,
Nul ne croisait son chemin sans être ébloui
Car des destinées menaçantes, elle, solaire,
Chassait l'hiver gelé blanc d'un geste fleuri.
L'avez-vous croisée, cette petite lumière,
Qui n'eut de ses années que le mot qui secourt,
Que la main en offrande, encor' jeune ouvrière,
Fait le thé à la bergamote avec amour ?
La neige revêtant la nature feutrée
Avait un goût de malheur dans l'isolement,
Et, elle, elle ! faisait scintiller mes soirées
Quand chaque flocon déposait son manteau blanc.
Y eut-il plus bel ange pur en cette vie,
Quand les jours sombres, les froides obscurités,
Étalaient leur drap transi, sa cape de survie,
Pour que mes os figés osent guérir fruités !
Soleil et lune s'inclinaient sur son passage,
Elle, revêtue de l'habit d'un ange, brillait.
À tant voir cette valeur, et ce fort courage,
Même l'étoile de Noël vers elle se courbait.
L'avez-vous vue se charger de l'amour utile,
Et de l'amour torrentiel sur les douleurs,
Que vous n'avez rien reçu du labour fertile
Si vous ne l'avez vue rayonner de chaleur.
Quand elle prenait un flocon bleu dans sa paume,
Quand elle dessinait une fleur au coucher,
C'était ses yeux neige consacrés comme un baume,
Une rose sauvée de l'auvent fracassé.
- Maman, tu me portes, je te porte, deux, ensemble ;
Chut ! ne dis rien, ne réponds pas ! ne parle pas !
Va balayer la neige et aimer, point ne tremble !
Je veille ; les petits vont bien ; c'est bientôt Pâques.
Quand neige et glace eurent bien meurtri mon église,
Et que vent plia le roseau, que chêne aux regrets
De sa verdure fut malade, fille insoumise,
Lava mes pieds couchés - Ne dis pas ce secret !
Elle, dont la main fleurissait ma coupe d'ambre,
Sertie de tant de joyaux, saphirs et rubis,
Taillait d'une épée de cristal bleu mon décembre,
Qu'avril et printemps purent allaiter la brebis.
Quand bambin arrive, que sagesse est sa marque,
Elle, rien ne lâcha ; pépite d'or brillait.
Sophie engendrée babillait tel un monarque,
Dans ses bras ornés de lys, marmot brun jouait.
La nouvelle noce trahie d'un artifice,
C'est elle, dans le sein des pères sans levant,
Remplaçant l'absence, et embellissant l'office,
Qui serra leurs mains vides, forgeant l'acier brûlant.
Avez-vous vu passer l'enfant doublé d'un complice ?
Fille a grandi ; L'ange la ramène mes soirs ;
Neige a fondu ; l'hiver fleurit l'été ses narcisses,
L'ange est parti, l'archange aussi. - Va au pressoir !
Les beaux fruits ont offert leur jus ; la neige est pâle.
L'étincelle guidant mes pas dans le torrent
Est partie briller pour autres anges opales.
L'avez-vous vu briller, Julie, dans mon firmament ?
*la Dîme, nom d'une maison dans le Bugey
Beethoven - Moonlight Sonata
Jorge Donn, Bolero-1982, musique Ravel
𝙉𝙊𝙏𝙍𝙀 𝘿𝘼𝙈𝙀 𝘿𝙀 𝙋𝘼𝙍𝙄𝙎 𝙈𝙐𝙎𝙄𝘾𝘼𝙇
d'après l'oeuvre de Victor Hugo
Peinture de David Zolan
https://fr.slideshare.net/minescarod/zolan-peintre-d-enfants
Un enfant dans le sable embrumé
Vient tel un ange descendu du firmament,
Et pendant qu'il sourit, bien aimé,
Déploie sa lumière, pensant à sa maman.
Dans la bruine qu'il aime à dire,
Il habite la maison fleurie de son innocence,
Et de l'opulence de son rire,
Tend les bras à l'amour qu'il croit incandescence.
Je l'ai vu porter son beau sourire
Comme nous portons un bouquet de roses belles,
Parce que l'éclat sombre du pire,
Quand maman l'élève dans les bras, est pour elle.
C'est l'enfant orphelin au matin
Qui, de sa vie, montre l'espoir que papa vienne,
Que maman l'aime, pleines ses mains,
Assuré que la tendresse enfin le surprenne.
L'enfant blond dans l'immense tristesse
N'a que ses yeux pour dire son amour doré ;
« Et si papa était pour moi, Hermès* !
Rirai-je des rires que nul n'entend ; Bien, mal aimé ! »
Un enfant joue dans un pré brûlant,
Car son sourire dit l'oubli de l'attente bleue.
Il pose un drap sur l'espoir ardent
Car, enfin, comprend que ciel n'est pas toujours bleu.
* Hermès : https://fr.wikipedia.org/wiki/Herm%C3%A8s
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