Jean-Daniel Perrin. Pourquoi ? Parce que certains de ses tableaux m'émeuvent et que je les utilise comme illustrations pour certains de mes poèmes.
Aussi, parce qu'il est un ami et que parfois, il me demande d'écrire un poème sur une de ses oeuvres : libre cours à mon imagination.
illustration : Friedrich von Schiller
Ô poète ! Des muses, laquelle est ton élue ?
De quelle saison, aimes-tu l'abondance des talus ?
Des royaumes, desquels, aimes-tu la plaine ?
Des fleurs, aimes-tu l’œillet ou la marjolaine ?
Qui des montagnes, lèves-tu à l'apogée des cimes ?
Quoi des mers et des océans, habille tes rimes ?
Ô poète ! De quelle semence, as-tu levé la fleur ?
Dis-moi le nombre du temps qui a aimé tes heures ?
De quelle terre, as-tu posé l'encre de tes jours,
Quand fleurissaient d'or les belles-de-jour,
Quand jours, il y eut, quand nuits les a aimés !
Raconte ! Raconte le vent et ses baisers enflammés,
Les frissons des arbres dansants par tous les temps,
Par tous les vents volant vers l'admirable firmament,
Quand des vols d'argent sur les plumages,
Des feuilles des saules et d'ailes d'oiseaux de passage,
Tu écrivais l'espace d'un verdoyant pré, l'espace étoilé !
De quel oiseau, as-tu volé la plume des êtres ailés ?
Ô poète ! Dis-moi l'infini enlacement de ta muse !
Quant à la lumière des bougies, ta pensée tu infuses,
Là, avec rien, une plume, une flamme, presque rien,
Tu écris les louanges que les défilées chantent aériens.
De quel oiseau, as-tu adoré l'envol et le long col ?
De qui, as-tu fredonné le chant des blanches paroles ?
De quelle lumière, as-tu grandi de rayons,
Usant la pointe noire de tes fusains et crayons ?
Dis-moi, ô poète ! Dis-moi ! D'amour ou de pitié,
Ce que fut ton blanc manteau aux lacs des inimitiés,
Que vagues sous l'orage t'a revêtu d'ombres embellies,
Et paré de lumière que l'aura soutient de solennité d'abbaye.
D'hallalis, ô poète, à jamais, tu écriras la lumière
Que poètes enchantent des pensées de ciel, si fiers.
Ô poète ! Des muses, je t'ai levé d'oriflamme;
Et des égéries, je t'ai nourri de prophéties d'âmes.
Dis-moi ! De quel onguent, ai-je oublié le parfum
Qu'encore, je nettoie tes pieds d'encens au défunt !
Ai-je dit toute la musique des sphères au lointain
Qu'encore je chante ton opéra ! Ah ! Moi au palatin !
Là-haut, recueillant des rimes et des architectures,
La beauté des langues célestes que rêve ma tessiture.
Ô poète ! Des muses, laquelle fut ton élue ?
De Léda, assurément, tendue vers le cygne élu !
Poème dédié à Friedrich von Schiller, Johan Goethe et Novalis
Aquarelle- pastel de Jean-Daniel PERRIN
"Rüdesheim am Rhein"
Ce soir, invitée à l'embrasement ardent
Des crépitants éclats de la vie qui se couche,
Je regarde le peuplier, dans l'air, dansant,
Attendant l'instant, assise sur une souche.
Nuages dans le ciel glissent d'un voile frais
Et coulent de bruine pendant que je veille.
La ville brille de teintes feux, et forêt
Regarde, de loin, ces très étranges lumières.
Vêtue d'un mantelet de nature, je vais,
Les bras croisés dans le dos meurtri, sur la Loire,
Des beaux rendez-vous, je me souviens d'Olivet,
Qui, de son canal, versifie ma mémoire.
Puis, soudainement, sourdement, printemps la quitte,
Laissant son moulin prendre l'eau, roue se baigner,
Au temps qui aime la folle allure des truites,
Nageant sur les flots grisés, sous les châtaigniers.
La ville flamboie ; Nature l'observe inquiète.
Je m'en vais ! là ou ailleurs, ici dans mon pré.
Villes peuvent être colorées de paillettes
Que Nature manque à mon être diapré.
S'il faut manquer au cœur de la ville, amoureuse
Des vallées et des arbres, proche des étangs,
Des lacs et des forêts, et prairies langoureuses,
Je pars ce soir vers mon embrasement ardent.
Qu'Olivet n'attende plus, sa Loire parfaite
Qu'en ma ferveur coulent ses ardents éclats.
Peuplier danse, nuage glisse, ô fillette !
Laisse la souche, c'est l'heure de l'au-delà !
Ce poème est écrit en mémoire de mes allers-retours entre l'Allemagne et La Loire où je vivais, lorsque j'étais enfant. En mémoire de mon défunt père.
Sanguine et aquarelle de Jean-Daniel Perrin
https://jeandanielperrin.wordpress.com/
Que Jean- daniel me pardonne d'avoir un peu... foncé son tableau pour les besoins de mon poème !
J'avais besoin d'un crépuscule !
Sur la Meuse dormante repose un chaland pourpre,
Qu'ancre au soir jetée, donne à voir sa beauté ;
Et au fond de son lit pâle éteint le jour passé,
Que volutes chahutées aiment peigner de boucles.
C'est le soir ; le crépuscule lustré s'éveille.
Meuse resplendit quand de Lorraine dit l'amant.
Du nombre d'ancres larguant sa vie au présent,
Le crépuscule s'éveille et la nuit se réveille.
Les saules ornent l'intime silence sur l'onde
Pendant que la vague déclame ses soupirs,
Et c'est le repos qui laisse entendre l'inspir
Quand au matin achevé il s'esquive du monde.
Timon s'endort, chemin de halage se relâche,
Archimède se détend dans son éternité,
Et marinier rêve, las, de son immensité
Sa péniche indolente que sa Meuse gouache.
Car, dame, noble Meuse, née de dame France,
Rien n'envie aux tristes dédales arc-boutés,
Que plaident les Flandres et que, de loin, Lorelei
Regarde, le cœur inassouvi d'ardeur garance.
"Lorelei et la Meuse" relève d'un rêve personnel.
Que nul n'aille, ici, tenter d'y trouver la légende de Lorelei, là n'était pas mon but.
La Lorelei aurait pu s'appeler Jeanne, et la Meuse être la Moselle l
Mais ce chaland peint sur la Meuse à Lutig, de Jean Daniel, m'a emmenée ailleurs, et c'est assurément en Allemagne que je me suis arrêtée !
Comprenne qui peut ! c'est là tout le secret de certains poèmes .
Voici le tableau sans correction
Aquarelles de Jean Daniel PERRIN
https://jeandanielperrin.wordpress.com/
Et si j'étais le temps,
Moi, le fou des harmattans,
M'auriez-vous aimé,
Moi, le doux affamé ?
Si j'étais le vent déclaré
M'auriez-vous entouré ?
M'auriez-vous étreint
De légers embruns ?
Si j'avais été le Rhin
Et été votre pèlerin !
Je n'ai rien dit.
Elle s'est tue aussi.
Pourtant ! Pourtant !
Debout, contre le temps,
De ses yeux, m'a raconté,
Le torrent de perles nacrées
Et encore la rivière fine
Des sources alpines
Qu'au loin elle regardait.
Elle n'a pas bougé, se taisait.
Elle a simplement vieilli,
Et moi, sans elle, suis parti.
Elle n'a rien dit.
Je me suis tu aussi.
Pourtant ! Aquarellés,
Nos regards se sont ailés
Et encore croisés, adorés,
Aimés, entrelacés.
Mais elle n'a rien dit,
N'a rien promis ! Rien dit !
N'a rien chuchoté,
Guère moi non plus.
Là, serré contre moi !
Je me suis tu, perdu,
Le cœur mis à nu.
Je n'ai rien dit.
Elle n'a rien dit.
Le Rhin coulait.
Basel s'endormait.
Le Rhin n'a pas frémi
Ni Basel n'a compris.
Le Rhin a coulé
Lascif et troublé.
Le pont a faibli,
A blêmi, tressailli.
Basel n'a rien dit.
Et le Rhin a gémi.
Je n'ai rien dit,
Elle s'est tue aussi.
J'ai rêvé, rêvé d'elle,
Qu'elle a souri, si belle !
Lorelei dans sa chapelle
Du haut de sa citadelle,
Enviait le Rhin et Basel
Que ne connaît pas l'hiver.
Elle est partie, vers Anvers,
Sans se retourner, fière,
Sans me voir, ni me pleurer.
Être lui, les jours implorés !
Je n'ai rien dit,
Elle s'est tue aussi.
Et.. le vent est parti avec elle,
Et... le Rhin avec moi, irréel,
Laissant Basel jouer sa romance,
Son requiem en dormance.
Lacrymosa sans notes classique !
Partition sans musique !
Juste le vent sur l'eau
Sur le pont des sanglots.
Parce que je n'ai rien dit,
Parce que je me suis tu aussi.
http://beatrice-lukomski-joly.copyright01.com/
tableau de Jean-Daniel Perrin
https://jeandanielperrin.wordpress.com/
Morne est le temps ; poudré, délavé est le ciel.
Nuages se traînent, mus par le vent d'hiver,
Et l'escarcelle des feuilles mortes se perd
Dans la mousse bleuie des jours torrentiels.
Je me promène, loin du bruit, loin des colères,
Abandonnée du bras qui me porte. Ô ! inerte !
Je chemine d'un lourd plaid de brume offerte ,
La plainte des soupirs, enfin, m'indiffère.
Qu'ont-dit ses lèvres quand, rondes et pleines,
Elles me parlaient d'avenir à mon ventre rond,
Quand mon enfant ondulait en mon girond ?
Je ne sais plus. Le temps rend son haleine.
A-t-il ému mes jours que vole mon souvenir.
Des élans et des longs frissons, j'oublie les complies.
Je ne rêve plus ; je ne dors plus, affaiblie.
L'âge prend ma beauté. Ma ride dit de bénir.
Que peut la communion quand s'éteint sa voix
Et que je marche, seule, à ses côtés sans pleurer ?
Ainsi s'use l'habitude en son silence alluré
Que la fugacité du temps éteint à demi-voix.
L'habitude allaite la nuit quand l'ennui la nourrit
Et rien d'une fleur n'attire plus son regard.
Il va, certain, de ma vieillesse sans plus d'égard
Et sa pensée, parfois, ranime son amour évanoui.
Sanglotez quand le monde change sa couleur !
Implorez quand la passion déserte l'allégresse !
Riez quand je sanglote éteinte à sa paresse !
Taisez-vous quand le temps rit de ma douleur !
In the Mood for Love - Shigeru Umebayashi
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