Béatrice Lukomski-Joly


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LA DAME AU MANTEAU EN CACHEMIRE.

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Tableau de Michel Garnier 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Garnier

 

Par un bel après-midi d'automne, une femme fière de sa bonté dit : «  Tous les jours, lorsque je vais faire mes courses, je donne une pièce à un clochard assis au coin de la rue. »

La dame était aisée et n'avait pas eu le besoin de travailler pour sustenter sa progéniture. Aussi s'émerveillait-elle lorsqu'elle donnait l'aumône à quelques uns, quelques unes, terriblement dans le besoin, mais de ces besoins qu'elle n'avait jamais connus, pas même la plus petite parcelle des yeux qui implorent sans le montrer vraiment, parce que le besoin ne se dit pas. Après tout, ne se voit-il pas ? Parfois ne se devine pas.

L'après-midi était superbe, et tout semblait paisible dans le beau quartier, que seuls les gens habillés de cachemire, de soie et de beau cuir, habitent. Cependant, existait un clochard, pas très loin, un peu en retrait du beau quartier, car habiter un trottoir pavé de belles pierres ne se fait pas.

La dame aimait Victor Hugo, Léon Tolstoi, tant d'autres, parce qu'ils décrivaient cette misère qui fait pleurer le soir avant de s'endormir sous de beaux draps, dans une vaste chambre, afin d'avoir bonne conscience et de dire que l'on comprend l'infortune. Ah ! Les grands auteurs ! s'ils n'étaient pas là, que comprendraient les petits bourgeois, les grands aussi,  sur l'adversité et ses combats de tous les jours ? Peu ! Rien !

On allait, là, à l'église, toujours heureux de dire que le clochard du coin était béni de sa pièce quotidienne et qu'il pouvait au moins se sustenter d'un bon quart de vin, à défaut d'avoir un vrai repas, mais elle avait donné sa pièce, histoire de s'endormir avec une belle prière :

«  Vois, Seigneur, tout le bien que je fais ! » Le prêtre, aussi, trouvait la dame forte de bonté. Toujours calme, souvent calme, pouvant perdre son calme.

Tous étaient admiratifs jusqu'au moment où elle lâcha un rire, s'esclaffant d'un «  J'ai au moins -MON- clochard ! Celui-là me suffit ! »

La petite assemblée poussa un oh ! sans qu'on sut si c'était admiration ou écoeurement, quand un adolescent dit :

«  J'aimerais bien faire de l'équitation, mais je n'ai aucun moyen pour en faire ! » L'adolescent étaient de ceux qui n'ont rien, ou si peu, qu'ils donnent une pièce glanée difficilement, à un homme dans le besoin, sans le dire à personne.

La dame répondit à l'adolescent : «  C'est bien d'avoir des rêves, ils font vivre, et même si tu ne peux jamais les réaliser, ils te feront vivre parce que tu espéreras toujours et que sans espérance, tu ne seras rien. 

«  Quoi ? cria l'adolescent. C'est tout ce que vous avez à dire ? »

La dame perdit son calme et hurla vers son époux : « Martin ! Tu entends ce que cet adolescent me dit ? Je serais une infâme mégère ! » chose qui n'avait pas été formulée !

La dame avait juste su crier ce qu'elle savait d'elle, c'est à dire qu'elle était une mégère.

Le lendemain, c'était dimanche, c'était encore une très belle journée ensoleillée, elle alla à la messe avec son époux , heureuse d'avoir entendu un superbe passage des Evangiles. Etait-ce saint Mathieu 19-16/30 ? Elle alla donner sa pièce au clochard, allant chercher son pain, tout en disant à l'adolescent qui n'allait pas à la messe, mais qui donnait -de temps en temps- une pièce à n'importe qui d'assis sur un carton humide, le veston mangé par les mites, sans rien dire : Vois-tu ! plutôt que de me croire mégère, tu devrais aller entendre ces belles paroles ; tu n'en deviendrais que meilleur, et tu comprendrais que l'espoir est un aliment.

Elle avait dit aliment comme on dit : je n'ai plus faim, j'ai assez mangé, pendant que d'autres meurent vraiment de faim.

L'adolescent n'avait pas treize ans.

La dame enleva son manteau en cachemire, et l'adolescent remis son pull-over pour ne plus jamais revenir.

 

 

 

Lumière et ténèbres

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

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763 pages reprenant toutes les catégories citées.

Amitiés Béatrice

 

 

La dame au confessionnal et le mendiant ; ( ajouté un poème de Jean-Daniel Perrin pour conclure le récit )

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Tableau " le mendiant" de Bastien Lepage

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Bastien-Lepage

https://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/archives/presentation-detaillee/article/jules-bastien-lepage-4256.html?tx_ttnews[swords]=bastien%20lepage&tx_ttnews[backPid]=252&cHash=56eeaa9440

 

Par un beau vendredi ensoleillé, à l'heure des vêpres en hiver afin de ne pas se coucher trop tard, une femme alla à la confesse, après avoir bu une tasse de thé à la bergamote. Un petit rien de chaud pour ne pas avoir trop froid dans l'église du quartier qui n'était chauffée que les grands jours de pleine foule, c'est à dire rarement.

Elle mit son beau manteau en cachemire noir ; se coiffa devant la glace ; déposa un soupçon de rouge à lèvres sur la bouche ;  mis une seule goutte de parfum pour ne pas trop encanailler le prêtre qui n'est qu'un homme, et un petit chapeau de feutre rond, de ces petit chapeaux qu'on aime bien dans les beaux quartiers quand on est plusieurs  à se frôler, parce qu'un beau quartier n'a jamais sa foule ictérique martelant son pavé. La dame faisait bien attention à ce qu'elle pensait, à ce qu'elle disait, à ce qu'elle faisait, pour ne pas commettre un de ces pêchés qui ferait de sa liste à dire une longueur inacceptable quand on va à la messe tous les dimanches et à confesse tous les vendredis soirs. Il se pouvait qu'il en soit rayé un de la liste bien préparée pour paraître plus moral aux yeux du prêtre qu'on ne peut l'être, car il faut conserver la haute opinion qu'il a de soi, et le garder au chaud pour la prochaine liste d'un prochain vendredi si la liste s'avérait, peut-être, moins longue.

Qui sait ? Nul ne le sait, car c'est si caché dans le plus intime de la mémoire que nul ne pourrait aller fouiller là, même si le désir en avait fortement envie. Paradoxe du désir dans l'envie. C'est ainsi. Mais, hélas, il peut être rayé sur la liste et se terrer dans la mémoire, que le problème qui n'en est pas un est que chacun voit le pêché de l'autre, tellement éloquent, que le rayer de la mémoire ne servirait vraiment à rien. C'est ainsi.

Bien apprêtée, les souliers bien cirés, le sac à main de la même couleur que les souliers de cuir noir, la paire de gants en peau de chèvre mis sur les doigts fragiles qui n'osent pas trop se salir des tâches malodorantes, sinon gratter la terre du jardin parce que ça fait bien de passer un peu de temps à labourer le peu de terre qui repose aux pieds de quelques fleurs sentant bon, elle ferma la porte délicatement comme si celle-ci était faite d'un bois précieux, en tous les cas bien armurée pour ne pas être fracturée.

Tout en marchant dans le froid suspicieux de l'hiver en décembre, elle réfléchissait à sa confession afin d'avoir beaucoup à dire sans en dire trop. C'est amusant les confessionnaux ! Doux peuple croit être lavé de ses impuretés ; vient chargé d’opprobres et de saletés, comme si un lieu saint devait être un réceptacle de choses innommables ; repartirait pur et blanc comme un lys. Se faire du bien est la maîtresse pensée, tout en ne croyant pas, une seconde, être victime d'une illusion.

Pourquoi ces lieux étroits de bois sculptés n'ont-ils pas été conçus en dehors des allées des églises, dehors, comme les gargouilles ont été sculptées à l'extérieur afin d' empêcher les vilénies d'entrer dans le choeur ? 

La dame marchait vers son confessionnal, un peu honteuse, juste ce qu'il faut pour ne pas s'avouer que nous sommes si laids, qu'un confessionnal n'enlèverait pas ses souillures qui rongent la langue, endommagent l'âme, enténèbrent la pensée. Elle marchait avec son missel chaudement tenu dans les gants de cuir à la place de « La divine comédie » de Dante qui avait mieux connu les prétoires et les confessionnaux que le pape à Rome, et qui aurait mieux sis à la volonté en un pareil instant. Si il avait fallu demander à quelqu'un ce qu'était vraiment le purgatoire et l'enfer, c'est Dante qu'il aurait fallu interroger plutôt qu'un homme du clergé qui n'est toujours qu'un homme, sans être un ange, pas même un vrai représentant de la divine Face, alors que Dante l'était, parce que Dante décrit un parcours sans failles dans le chemin des douleurs et des laideurs avant de gagner son paradis que  la soutane noire ne fait pas en berçant le genre humain d'illusions.

Le porche franchi par la petite porte, parce qu'il faut demeurer humble, un peu, peut-être ! elle se signa et se dirigea vers le confessionnal où elle était attendue comme tous les vendredis soirs, pour son bain de purgatoire que le doux prêtre accorderait d'une modeste somme remise le dimanche dans une petite corbeille de rotin, mieux  ! dans une enveloppe blanche de papier vélin parce que c'est plus discret même si l'enveloppe blanche tranche avec le noir des gants. Un prêtre, c'est sacré ! Moins le clochard du coin de la rue qui peut se contenter d'une pièce brillant au soleil dans son chapeau mité ! Comme il est loin le temps où les cathédrales et les églises recevaient en leur intérieur, en leurs nefs, la foule de paysans et de mendiants ayant besoin de chaleur ! le moyen-âge, je crois ! 

La liste dut être longue, car la dame sortit trente minutes après être entrée dans le saint de bois ou tout se dit, avec un peu de gêne, moins de repentance vraie, parfois -malgré tout- quelque sincérité authentique de courte durée.

Le confessionnal, c'est comme aller chez le médecin, une durée limitée par personne ! Il faut satisfaire la clientèle qui -hélas- est moins nombreuse que dans les temps passés.

Légère comme un papillon, absoute de tout, le prêtre la regardait comme n'importe laquelle brebis venue se repentir, encore que de brebis elle était bien une femme, et assez jolie.

Est-ce qu'une brebis pêche ? Pure comme la neige venant du ciel, sans la pensée d'une moindre escarmouche, elle ne ressemble en aucun cas à la femme ni à l'homme, vous en conviendrez !

Il se disait intérieurement : quand entendrais-je quelqu'un en ce lieu de miséricorde dire qu'il n'est qu’orgueil plutôt que de dire "j'ai pêché par orgueil" ? Ah ! tous ces mots qui sonnent creux, dénués de vie, et de valeur morale !  

 Puis il se regarda dans un petit miroir qui était le reflet d'un vitrail coloré, un rayon vert éclairant le pied de Judas, et se reconnut semblable. « Qu'est difficile le statut d'homme ! » La dame glissa, non furtivement, l'enveloppe immaculée comme elle l'était redevenue, le croyait-elle, dans la main du prêtre qui la bénit d’un autre signe. Ha ! ces chétriens qui n'ont rien compris du christianisme ! 

Persuadée qu'elle était à nouveau pure de tous pêchés, elle marchait lentement, silencieusement, récitant encore ses actes de contrition, se promettant de ne plus commettre une seule faute qui la souillerait. C'était ainsi chaque vendredis depuis qu'elle était enfant. Souillée avant, pure après. Pas simple !

Franchissant le porche par la même petite porte, un clochard assis sur le parvis de l'église quémanda une pièce, tendant son chapeau troué. Heureuse et légère, elle déposa une pièce d'un euro, lui souhaitant tout le meilleur , sans pour autant poser sa main sur l'épaule du pauvre bougre. Elle ne voyait, là, pas faute. Elle donna avec le sourire, toujours l'ame légère, car vivant de sa pureté renouvelée par le saint Signe. L'homme osa demander une seconde pièce. La dame lui accorda. Il ajouta recevant l'aumône : «  Je t'ai vue avec ta belle enveloppe. A-t-il faim  l'homme en soutane que tu chéris ? Moi, oui ! Donne-moi encore un sou ! Si ton homme noir accepte ton aumône n'est-ce pas salir ton Dieu qui fut dans le désert, éloignant la tentation pour que tu ne sois pas soumise au don de l'argent qui, tout, pervertit ? »

Agacée, elle partit, laissant le chapeau mité souffrir de ces deux petites pièces. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais donner plus de deux pièces à un clochard, car il ne lui ferait jamais une place sur un beau banc chauffé avec des remerciements qui chatouillent l'orgueil. Le remerciement d'un mendiant vaut-il moins que celui de n'importe qui d'autres élevés sur l'autel de la  richesse ? Elle se sentit moins légère, moins aérienne, moins angélique. Elle était à seulement dix minutes de sa sortie du saint de bois sculpté pour que sa blancheur immaculée commence à se strier d'ondes serpentaires grisées de vert foncé." Mais bon ! se dit-elle, je ne peux quand même pas soulager toute la misère du monde ; il n'a qu'a faire un effort pour travailler, puis pourquoi lui donner davantage, cela finira en un litron de mauvais vin ! » Elle le lui dit, persuadée qu'elle le remettrait dans le droit chemin, faisant acte de bonté quand il lui répondit " Mon vin, c'est celui que tu bois le dimanche en souvenir du fruit de la vigne ! Trempe ton pain dans mon vin et tu sauras qui tu es. "  Elle ne comprit pas. L'homme l'interpella à nouveau, lui demandant si elle acceptait de lui offrir un repas, ce soir, bien au chaud chez elle, ce serait mieux que ces deux pièces ! » Elle le regarda, puis se sauva, ne mesurant pas qu'elle pourrait écrire sur sa liste son refus, car ce serait dire tous les vendredis le même manque, la même cruauté, la même paresse. Il courut après elle : «  M'dame ! Si on échangeait seulement deux jours de votre vie contre la mienne ; Dieu vous le rendra ! Non ! trois ! » Elle le tança, lui criant un "fichez-moi la paix" sonnant, un "sûrement pas !" glacé, que le petit homme s'en retourna s'agenouiller sur son parvis, un plaid humide sous les genoux, pour tendre son chapeau défraîchi.

Elle venait de perdre le peu de pureté qu'elle avait retrouvée d'illusions, en franchissant le porche par la petite porte. Elle marcha recroquevillée, un peu, les yeux durcis par la colère d'avoir été ainsi importunée dans sa blancheur d'âme retrouvée. Crispée, tout s'effondrait, mais cela, elle ne  pouvait pas le faire. Elle mit sa main dans sa poche droite, sortit sa petite liste, la froissa et la jeta sans regrets dans la corbeille à papiers qui ornait le trottoir de la grande ville bien propre. Son regard était aussi noir que son manteau de laine. Peut-être aurait-il mieux valu qu'elle portât un manteau blanc pour ne pas refléter l'impureté qui ne l'avait pas quittée.

Le confessionnal se tut, ferma sa lourde porte qui doit conserver le secret, l'église aussi ; il était tard. La nuit était tombée sur elle comme un linceul sur un marbre taillé. Elle se retourna, croyant entendre le son d'une cloche qui ne sonnait pas. Aucuns bruits ! Une petite voix intérieure, étouffée à souhait, lui murmura : « À dans une prochaine vie, chère brebis ! Lorsque tu passeras le seuil de la mort, tu verras tes fautes amoncelées, et aucune blancheur - jamais - retrouvée chaque vendredis ! Attends-moi ! Je suis ta conscience. Vois ce clochard ! Il est toi dans ta prochaine incarnation, jusqu'à ce que tu comprennes et redeviennes aussi pure qu'au jour de tes naissances ! Vas ! Je t'attends ! Il n'y aura pas plus dur juge que toi envers toi-même. »

Elle n'entendit pas la petite voix et revenant chez elle, se défaisant de ses affaires, elle dit à son époux « demain j'emmène mon manteau au pressing, des mains sales l'ont touché. »

Curieux paradoxe que d'illusionner l'humain en lui laissant croire qu'il est pur après une confession tout en enseignant le concept du purgatoire ! il y a bien là deux idées contraires, et personne ne les auraient-elles  jamais relevées !

 

à ce texte j'ajoute un poème en vers libres écrit pas Jean Daniel Perrin sur le même thème

 

Un signe de tête, un sourire esquissé, elles sont bien polies!
Elles les regardent d’un air hautain et dédaigneux
Peut-être est-ce parce qu’elles sont habitées par Dieux.
Ou bien qui sait, est-ce le doute ou la mélancolie.

Elles vont, elles viennent, silencieuses, la tête penchée.
De crainte d’affronter un regard elles ont les yeux baisés.
Elles devront acheter des indulgences papales à bon prix
Si elles veulent aller directement au paradis.

Tout laisse à penser qu’elles ont besoin de considération,
A quel titre, à quel mérite, professionnel ou bien bonté ?
Professionnel sûrement mais pour la bonté, point d’interrogation?
Ah ! Si seulement elles connaissent la courtoisie et la charité.

Elles vont, elles viennent, toujours avec la même façade.
L’œil habituellement triste brille dans la méchanceté et la sottise
et puis l’éclat se ternit et le regard redevient maussade,
Pour ces Filles là nous ne sommes capables que de dire des bêtises.

Abandonnons les sans remord à leur réserve et à leur médiocrité,
C’est un réconfort de penser qu’elles ne seront pas à nos côtés au paradis.
Si elles continuent, le paradis n’est pas gagné, ne dite pas de méchanceté.
Le jour venu les gens de cœurs et de qualités prieront. De pronfondis…

Elles pourraient être Coptes, elles sont Catholiques,
Elles ont été baptisées sans le vouloir, selon un rite antique 
Pourquoi, parce que c’était ainsi dans leurs villages.
Et puis il y a eu la première communion avec ceux du patronage.

Elle est toujours là pour assister les personnes endeuillées
La voilà avec ses livrets contenant les textes circonstanciés,
Doucement elle guide, elle oriente, en tenant compte des personnalités
Et le fils, seul, égaré, la nimbe et ne sait comment la remercier.

Et puis il y a les autres, les faux culs condescendants
Ceux que l’on ne voit qu’aux enterrements, les compatissants.
Et sa spécule et sa commente: A, tout de même hein…
Laisse les, vient vite derrière le cimetière, dans les sapins.

Et puis il y a l’époux qui déclame, hypocrite, se croyant un modèle
Qu’ils ont été mariés quarante deux ans et qu’il a toujours été fidèle
Le pleutre, le sot, oublie de dire combien de fois il l’a fait pleurer.
Mais c’est un bon catholique, tous les dimanches il va communier.

Pourquoi as-tu aidé à préparer la messe pour ce jean-foutre sans consistance
C’est un criminel passif il l’à détruite par sa suffisance, par son indifférence.
Je t’en prie, je t’en supplie dit moi que tu l’as fait pour elle, pas pour lui
Tu as raison, elle est heureuse maintenant, elle refait sa vie au paradis.

 

 L'illustration "le Presbytère" est également de Jean-Daniel Perrin : aquarelle

 

Te souviens-tu ? ( À tout ce que j'ai vu et entendu ! )

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

"l'enfant mendiant aveugle" de http://fr.wahooart.com/@@/8BWTUT-Jules-Bastien-Lepage-The-Blind-Beggar

http://tableau  https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Wordsworth

 

Te souviens-tu du chant des rossignols, haut perchés sur la branche du peuplier, en hiver, au printemps, je ne sais ! en été.

Froid tel un soleil sous les nuages, tu vivais. Glacé parfois de confidences, parfois séquestré sous ton manteau de velours cousu de nœuds de ficelle, le froid semblait endosser la chaleur de ton âme, et la chaleur portait tes gerçures pour t'aimer. La dame au manteau cachemire te regardait sans bouger. Elle avait peur de toi.

Te souviens-tu des enjambées de l'enfance hochant la tête face à l'avenir, la porte close, en été, c'était le printemps je crois, je ne sais. Fallait-il ne point être beaux pour cette démesure ! Orphelins, le nez coulant sur les vitres gelées, te souviens-tu des rires grimpant aux murs ? Orphelins de quoi ? De cet oiseau jaune blessé ? C'était bête de pleurer sur un poussin mort pendant que la basse-cour jasait dans le salon. Les manteaux de cachemire  étaient accrcohés à de belles patères dans les maisons aux beaux poëles de faïence reflétant le hurlement d'une bûche qui crépite de souffrances sous la flamme.

Dis-moi ! te souviens-tu des cris que la chouette dans son arbre poussait quand l'hiver était hiver ? Et de sa voix à nos oreilles sur un coquillage pour entendre la mer rouler ses vagues géantes que la glace tremblait de nous brûler un peu ! L'hiver n'avait pas dit un mot. L'été, non plus, je crois .

Qui va devant la misère quand la misère s'installe, pourtant de ces gens aimant décrier les tonalités des dérives qui les agacent ? J'en suis encore irritée.

Je ne sais encore ce qu'il faut de cailloux jetés contre les carreaux pour que vienne un peu d'amour en hiver recouvert de son manteau blanc, et toi, ta pelisse noire décousue, tes socquettes filées sur tes chevilles frêles ! Te souviens-tu, il se disait que tu étais gueux, pauvre homme, quand toi aussi de tes allumettes tu faisais briller la nuit pour réchauffer tes engelures terribles.

Il se dit que la grisaille des jours est une laideur façonnant la lumière, et encore que le froid éteint l'été sans que l'été n'ait rien demandé à l'hiver quand tes yeux bleus devenaient noirs comme l'ébène.

C'était comme te voir dans le noir de la nuit silencieuse et les gens se moquent ! Y a pas idée de se moquer de ce qu'on ignore ! Si une éphémère vient à se cogner à ta fenêtre, désespérant de te voir trouer ta vitre, c'est pour ton sacrifice qu'elle se fracasse à la nuit tombée.

Te souviens-tu de ton enfance que tu aimerais ne pas en avoir eue. Il y a trop de gens -n'est-ce pas ?-  qui se moquent de tes beaux yeux bleus-noirs dans l'orage de ton désespoir, et tu ne leur dis pas combien ils te blessent, leur fumée si épaisse qu'ils sont devenus aveugles à la misère, tout en criant haut et fort qu'il faut la soulager pour qu'ils aient un jour bonne conscience d'avoir aidé le misérable du coin de leur rue où dont ils ont entendu parler.

Est-ce que je sais, moi, ce qu'est un cas « soce » ? Je n'en connais pas ! je ne connais que des comme toi qui pleurent la vie pour avoir reçu un caillou dans l’œil quand jeté sur ton visage, tu as été blessé et n'a pas même pleuré, habitué à l'indigence, le ventre vide. Et on dit de toi « cas soce », j'en pleure !

Oui, il en faut des gens heureux, aveugles nés, pour ne pas te regarder, parfois déposant une pièce dans ta casquette parce que tu as un chien assis à tes côtés. Sans chien, pas de pièce ! t'en souviens-tu ? Les gens ont pitié du chien, pas de l'homme couché sur l'asphalte. Moi ? J'ai essuyé tes larmes, lavé tes vomissures, essuyé ton nez morveux, rincé ton pantalon humide et malodorant, rien que pour tu te sentes un peu aimé et l'autre te regardant, ricanait de ta misère. Eux ont eu peur ; ont dit  :" vite ! partons ! nous ne voulons pas voir ça ! "

Te souviens-tu des pigeons venus te voler les quelques miettes laissées sur ton trottoir, n'ayant pas même pitié de toi, car eux aussi avaient faim en été, quand les jours sont au plus haut, et que le bitume devient enfin chaud qu'il te brûlerait presque. Et, elle, lui, elle, rit ; ils rient tellement imbus d'eux-même. Elle glane sur les réseaux sociaux les images sur la misère et les commente pour avoir une conscience belle et avoir des amis qui la diront belle âme, pendant que toi, tu meurs de ton enfance sans que quiconque ne sache que ta misère est venue de l'enfance. Ils pleurent sur un enfant battu, mais pleure-t-on sur un enfant devenu l'habitant d'un trottoir, quand adulte devenu ?

Vois-tu, j'ai de la colère quand je te vois dans le froid, privé du chant du rossignol que tu aimais écouter chanter quand tes heures vagabondaient du haut de tes deux ans qui n'ont pas entamé le chant des parjures qui t'ont meurtri, et privé du cri de la chouette que tu aimais écouter le soir dans ton lit quand tu avais un lit. J'ai de la colère devant tous ces bourgeois qui te maltraitent parce qu'ils passent à coté de toi sans te voir, sans penser à toi, te donnant un coup de pied parfois parce que tu gênes leur marche pressée.

Puis, pour rire, ils t'ont jeté sur le trottoir qui est le tien, fracturant ta cheville comme on tire dans un ballon, juste parce que c'était drôle de te jeter dans la nuit noire. M'as-tu appelée au-secours qu'encore j'ai endossé mes ailes pour mieux te couvrir d'un peu d'humanité parce que j'y crois. Mais que t'ai-je donné ? Un manteau ! Une assiette, sûrement ! pendant qu'ils mangeaient leur gigot d'agneau, croyant, tellement croyants, et nous étions les seuls croyants au monde.

Te souviens-tu ?

Pendant que ta blessure suppurait sous ta manche arrachée, pendant que ta plaie au ventre disait le coup de pied reçu, ils te regardaient sans rien dire, repartant comme ils étaient venus, le regard vide, le cœur sec, hâtés de rentrer chez eux, allumant leur bel écran, vantant les beaux mérites de la technologie qui n'a cure de ta misère, préférant les belles images immobiles d'un pauvre en y versant une petite larme, et je t'ai dit d'entrer chez moi pour laver tes blessures.

Te souviens-tu ?

Ô passant, toi qui t'arrêtes enfin ! Ne pense pas une seconde que j'ai écris cela pour me faire plaisir et me gausser d'humanité ! Non ! Je l'ai écrit pour que plus jamais tu ne dises « cas soce » faisant honte à ton humanité.

De qui faut-il donc avoir pitié ? Toi ? où ces gens habillés de cachemire ?

 

Dédié à tous les jeunes dans la détresse que j'ai aidés, dont "Pich"  décédé en 2008 à l'âge de 37 ans.

À ceux  visités en prison ...dix ans durant, en partage avec ma feue amie Françoise Jessie, partie à 65 ans.

À ceux "ramassés " dehors ...


"Pich"

 

Il courait dans les rues, effaré, la bise le giflant, véhémente.

Assoiffé d'humanité qu'il ne connut pas dans sa tourmente,

Il était l'ombre sans lumière qu'apporte le désespoir.

 

Sans famille, délaissé, jusqu'à être sans espoir,

Il marchait le dos courbé, la pensée et les rêves éteints

Qu'il ne sut jamais d'où il était, ni où il allait, piètre samaritain !

 

Quand des aurores, il ne vit que crépuscules nietzschéen,

Qu'attitudes belliqueuses le vouèrent aux enfers des menus-fretins,

Il arqua le buste, et du monde cueillit l'herbe brûlée.

 

Des averses le giflant, il se cogna aux ruines des sans-foyers.

Eut-il, un jour, le sourire accroché aux lèvres, qu'il pleura.

Eut-il entendu, un jour, le mot amour, qu'il s'écroula.

 

C'est un matin gelé d'hiver qu'il crut à tous les possibles.

Des raisons humaines qu'il craignait, il se crut la cible.

Il emporta avec lui l'espoir et l'amour inespéré dans sa tête,

Sans penser à demander aux tempêtes leur requête.

 

De l'amour, qu'il pensait impossible, il se mit à rire, triste,

D'un rire que seule l'amertume déclenche, en égoïste.

Il leva les mains, désespéré, la longue mémoire en prison,

Que les cellules de son corps, sans façon, 

Se souviennent, de triste réminiscence d'oubli !

 

Fut-il parfois heureux, ses visages de joies embellies,

Qu'il demanda, le regard sauvage, parfois tendre,

Le pourquoi d'une si belle lumière à ses nuits de cendres !

 

Quand il vit la main se tendre, enfin il cueillit une rose,

Cette rose que l'esprit adore pour la salvation des libertés.

Fut-il, une nuit, la volonté accrochée, qu'il sombra !

Fut-il compris, une aurore d'hiver, que terrifié, il s'écroula ! 

 

Il était Pich, le taulard des arrêts, à la rime hugolienne

Que surveillants n'aimaient pas, ni les barreaux de leurs persiennes !

 

Quand un matin, il s'esquiva, la tête affolée, l'estomac plein,

Le cri de la liberté remis entre nos mains, il cracha son venin.

 

Ô ciel étoilé des aurores qui l'accueillirent, sans offrande,

Le visage enfoui dans la souillure des truandes, nous demande !

 

A-t-il reçu le secours des pardons qui épousent la légèreté ?

Lui, le prisonnier des ténèbres sans rémission, sans sûreté,

Parti sans adieu, un matin sans lumière, ni orage, ni arcs-en-ciel,

Moins encore de haine, terrifié par la solitude, accompagnée de fiel,

Qu'il s'esquiva en un instant pleurant sa destinée pour mieux mourir,

Et se nourrir de l'amour, enfin vu, aux mains tendues du triste partir !

 

Viens ! dit ma fille aînée à sa porte !

Il a assez pleuré ; cueillons ce feu qui l'emporte !

C'est fini ! la police l'emporte pour la tombe.

C'est la dernière fois qu'elle le verra à l'ombre.

Chacun fait son devoir, c'est ainsi et c'est juste !

Souvenons-nous toujours d'aimer l'âme auguste !

 

"Fernand" de Jacques Brel

 

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