Béatrice Lukomski-Joly


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La fille au bord de l'Odet et de l'Aulne

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

"la Bretagne sous la pluie" 

Bretagne sous la pluie / © Via Flickr - Polar Lights

 

À genoux, le teint incolore sur des yeux limpides comme la clarté d'un nuage se chargeant de pluie, les yeux fatigués, elle marchait bordée d'innocence enfantine. Pleuvait-il sur le trottoir alourdi d'un bitume gris qu'elle semblait encore ignorer si un nuage était blanc, gris, peut-être bleu, parfois rose, semblables aux tissus enfantins qu'elle chiffonnait chaque jour entre ses doigts, ses jours travaillés. Elle était à l'aube d'une vie qui peinait à se dessiner car elle était à peine sortie de l'enfance, avec dans le regard et son rire toute la lumière du désir d'être soi, rien qu'être.

Elle ? Qui était-elle ? Elle, s'appelait Marie-Catherine d'Auxonne.

Je l'ai rencontrée, un soir de pleine lune naissante à l'heure ou le ciel se teinte d'or dans des rouges flambants de soie dansante, sous un arbre en fleurs presque vermeil, un cerisier japonais au cœur du printemps que le vent, déjà, balayait d'un coin de lèvres abrité d'une branche mettant en relief ses beaux yeux que nul n'imaginait qu'on puisse les délaver dans des larmes crues de la méchanceté des femmes d'un certain âge, un peu flétries par l'âge, enviant une pareille beauté pour la clamer laide à force de jalousie. Elle était assise au bord de la rivière longeant les rives de la ville ; était-ce l'Odet ou l'Aulne ? un peu des deux ;  et la ville brillait de la voir chaque fois qu'elle s'asseyait proche d'une goutte d'eau qu'on aurait dit qu'elle était la perle offerte des rocailles cristallines tissées dans une gouttière en fils dorés noirs étincelants que le courant léger de l'eau offrait à la beauté de la vie. Elle lisait, lisait un de ces livres que le temps n'aime plus voir entre les mains de la jeunesse délicate qui clame l'envie de connaître la beauté des mots. Elle avait sur sa bouche autant de mots que de verbes pour décrire la signification de tout ce qu'elle rencontrait. Je la regardais sous le cerisier japonais en fleurs, devinant un désarroi masqué par une page de son livre griffé d'une larme cassée par la brisure d'un je ne sais quoi, qui la peinait. Je regardais sa blessure mouiller son livre, son visage baissé sur un adjectif niais que je devinais lourd d'abus et d'insolence. Flic et flac, l'encre des mots se ternissait comme si un oiseau venait en plein vol de laisser chuter le peu d'eau qu'il venait de puiser dans la fontaine sise à côté du banc pour s'abreuver de l'aurore soumise à un soir craquelé, un cirrus fissuré, un océan desséché.

Des perles de cristal taillées telles un beau bijou de marque ruisselaient dans l'arbre battu par une soudaine pluie en souffrance, ne sachant plus s'il devait lever ses fleurs vers le ciel se ternissant de traits d'offrandes d'orage, ou les faner d'une volée cinglante d'un zéphyr doux devenant endiablé qui se levait. La rivière s'affolait un peu, épousant de son flux régulier mordoré la pluie qui cherchait à sortir de son lit le ruban bleu sombre filant pour inonder la ville grisée de bêtises odieuses qu'aime la connivence des gens mal intentionnés. Assise sur son banc affublé d'un vert fougère, elle ne semblait pas se rendre compte qu'il pleuvait et que son livre redevenait un parchemin fraîchement sorti de son bassin à papier rempli d'acide blanchissant. La robe fleurie collait à sa peau, son tissu transi de sanglots, qu'on ne savait plus qui l'avait trempée à ce point, la pluie ou les larmes. Elle ne bougeait pas. Elle laissait la pluie dévaler sur ses cheveux courts, sur ses joues à peine rondes, sur sa peau déjà toute cicatrisée de plaies de l'âme qui ont fait si mal, sur sa robe en soie de coton, sur ses chaussures vernies noires, confondant tout ce qui est humide, de la nature endolorie à la nature triste des créatures qui n'ont rien bâti dans le cœur échafaudé d'espoirs.

Nous étions en région Bretagne, là où les roches cisèlent les écorchures à coup de fracas de mer, les jours de colère, sur la face cachée des rochers plongeant dans l'océan, tantôt serein, tantôt épouvantablement assourdissant. Il y avait des falaises échues d'un hasard voulu où le destin dans les rares forêts qui bordaient les rameaux d'un manteau de feuillage nu n’aimaient pas être chahutés sans vous sermonner d'un doigt pointé d'une roche branlante menaçant de descendre la pente depuis des siècles. Je n'avais pas d'attrait particulier pour cette région blessante mais j'y étais arrivée, l'émotion en recul, parce que j'y avais été invitée à plusieurs reprises. Mes yeux épousaient le lointain horizon comme pour voler haut, et me rendre à la Hague que je préférais de bien des aspects romantiques que les côtes bretonnes ne m'inspiraient pas d'élan affectif. J'étais là, debout à regarder un ciel partagé par l'univers pour la grandeur des âmes en labeur, sans conviction que je devais y rester un jour de plus. J'entendais autour de moi tant de rêves vécus sur ces côtes ébaubies que je tentais souvent d'être les yeux de ceux qui l'admiraient sans en voir la beauté. Elle me semblait être la plus vaste blessure de toutes mes provinces par ces tranchants inlassables qui lacèrent de multiples traits taillés au scalpel les visages la dessinant. Était-ce pour cela que Marie-Catherine d'Auxonne pleurait sans le montrer, assise tour à tour au bord de l'Odet et de l'Aulne ?

Je m'approchais doucement comme pour ne pas effaroucher un piaf picorant quelques insectes dans l'arbre caracolant de sauts légers dans l'imaginaire des rêves. Osant un bonjour franc, cependant timide, ne sachant pas si je devais mélanger ses larmes à mes verbes d'empathie, elle leva un peu la tête, me regardant furtivement, ses paupières ne sachant pas si elles devaient s'effriter d'un mot perçu agressif quand nous sommes dans la peine : bonjour  !  ou bien s'ouvrir d'une corolle au printemps bercé des couleurs de mai dans la joie de parer le monde d'ondes éthérées dans la vie exubérante de débordements éclaboussés. Elle repiqua son nez fragile dans son livre sans formes, sortit un stylo-plume et écrivit sur la page de garde un bonjour en réponse qui s'effaça aussitôt qu'il fut écrit à cause de l'eau ayant détrempé le papier qui laissait quelques fibres de coton sur la pointée émoussée de la plume or fichée dans un tube fin de bakélite sombre usé qui avait dû beaucoup servir pour se raconter.

- Que puis-je pour vous ? Tant d'eau dedans vous et autour de vous me chagrine vraiment, dis-je craintivement, ignorant si l'interpeller ainsi allait la faire fuir ou ouvrir la porte des mots qui disent les maux subis à la forge brûlante de la vie. L'Odet, l'Aulne et la pluie surgie de l'océan vous rend si diaphane que je pensais que l'eau semblait être votre amie depuis toujours. C'est comme si une ronde d'anges blancs vous paraît de leurs robes ceinturées d'un ruban transparent que je devine, en compassion à vos soucis qui ne semblent pas être des fleurs nées d'un vœu.

- Oh ! Ce serait mal-aisant que vous le dire, répondit-elle d'une voix étouffée par des sanglots entrecoupés de soupirs lourds. Chaque fois que j'écris ce mot sur ma page, la pluie l'efface d'une multitude de gouttes flottantes dans ce ciel nervuré de nuages pesants.

- Je vois ! Mal-aisant ? Je n'ai jamais entendu ce mot, mademoiselle, et cependant il y a en son intériorité une force inégalée pour dire ce qu'il contient de douceur dans la réalité de quelque chose qui vous fait souffrir et que ce mot ne veut pas trahir.

- Vous aimez ce mot ? me demanda-t-elle, en pleurant encore plus fort.

- Oui ! Il est puissant. Si vous permettez, j'en ferai usage à mon tour car un mot né au monde traduit le verbe souhaitant exprimer une autre valeur que l'âme exprime, et ce monde au langage raréfié a besoin de mots forts pour dire ce qui le blesse. Vous n'aimez pas ce mot dont vous êtes la créatrice et la sculptrice ?

Elle ne répondit pas comme plongée dans un souvenir qui la taraudait au point de lui couturer l'âme.

- Il nous faut des mots neufs, lui dis-je assurée d'un langage que j'aimais aussi renouvelé.

- Je le pense également, répondit-elle, le griffonnant à nouveau sur la cotonnade de papier engourdie. Voyez-vous, je suis artiste, dessinant, composant de la musique, écrivant parfois à mes heures malmenées par les humains ayant perdu le sens de l'amour et de la vie.

- Perdu ? dis-je étonnée. L'a-t-il seulement déjà découvert un jour ? Le sens de la vie, peut-être ! l'homme se bat pour ne jamais la perdre et la remplir de beaucoup de vide, croyant qu'ils sont des pleins, mais le sens de l'amour, je doute. Il faut beaucoup d'empathie pour être l'autre et l'empathie ne tente pas de s'arroger le droit de dire " j'aime ! " car elle aime, c'est tout ! Elle est vous en l'autre.

J'étais maintenant aussi trempée qu'elle, elle de l'Aulne, moi de l'Odet, car vouloir entendre son chagrin m'avait fait oublier que l'eau des deux rivières transformée en pluie dans sa robe nuageuse m'avait convertie en sa semblable, mouillée jusqu'à l'os, croyais-je. J'avais froid, d'un froid partagé que la pensée épouse lorsque nous sommes d'empathie abondante aux misères de l'autre. Un rayon de soleil transperça la masse nuageuse pour me rappeler que prendre sur soi le chagrin de l'autre est un bienfait que le soleil noue à son voile habillant le firmament. Elle frissonnait ; je me baignais de ce seul rayon enluminé de chaleur qui me revigorait l'esprit d'un éclat sans pareil.

- Et, si vous me disiez cette mal-aisance plutôt que de l'enfouir comme une graine qui ne germera pas dans la terre car trop noyée. Tout au plus, glissera-t-elle jusqu'à l'océan, s'accrochant peut-être à une falaise tranchante, ou à une roche polie par les siècles que la forêt de Huelgoat abonde non loin de là dans son énorme chaos construit de mains de géants !

- Oh ! ce n'est rien ! C'est juste moi qui ne comprends pas l'animosité que l'on me fait vivre dans mes différences. Je fais semblant de comprendre pour ne pas m'enliser mais, je ne voudrais pas me renier en acceptant  les  attaques des pierres  cachant les serpents et que la fête de la musique lors des saintes Cécile émouvantes me ferait presque  voir la musique comme étant un outrage, moi qui  joue du piano tous les jours.

- Si je comprends bien, vous parlez de harcèlement au quotidien dans ces homophobies qui traquent l'autre pour le faire mourir, giflé de tant de craquelures insensées que celui qui afflige en est lancinant dans le matelas de haine déversée ! Pourquoi évoquer la sainte Cécile ? demandai-je étonnée.

Levant les yeux terriblement mouillés de larmes répétées au quotidien, elle acquiesça d'un hochement de tête tremblant qui ne faisait pas même trembler ses cils fixant une pierre dans le trou du diable de Huelgoat.. 

- Qui ose tenter d'assassiner vos différences mademoiselle ? demandai-je presque pétrifiée de découvrir encore et encore que la spécificité d'un être put être sujet à un meurtre psychologique. Qui ose ce crime ? 

- C'est à mon travail ! répondit-elle, hocquetant, accablée, laissant s'échapper un spasme tremblant d'anxiété. Je ne sais plus si je dois vivre, être, exister, respirer, quel mot utiliser pour  faire la réclame de leurs tissus et de  leurs perles, tant la charge de cette cavalerie homophobe m'accable. Dois-je ajouter une cicatrice à mes bras vieux de mille ans pour ces indignes femmes qui me harcèlent jours après jours ? Pour se débarrasser de moi, on me dit voleuse, méprisante, orgueilleuse, suffisante. Elles tentent de provoquer la faute en m'accablant de dires mensongers. Mais ... je ne suis rien de tout ça ! Elles me font peur. Je ne dors plus. Je fais semblant de plaisanter, de rire et elles disent que c'est de l'effronterie, ne percevant pas ou se situe la frontière entre le désarroi et la mort. Je pense parfois au pire pour que mes différences entrent dans le commun du siècle, luttant cependant pour  ce en quoi je crois  : la bonté en l'humain qu'elles n'ont pas même en filigranne dans la profondeur absente de leurs yeux. C'est terrible la haine dans des yeux ! Et personne ne saura qu'elles en sont la cause, le chemin et la finalité. Peut-être se cotiseront-elles pour une gerbe, disant que j'étais la plus extraordinaire des vendeuses en vêtements d'enfants et en bijoux de valeur. Nul ne les pointera du doigt parce qu'elles achèveront ma vie dans une belle gerbe de fleurs de saison habillée d'un beau ruban disant : «  à notre collègue tant aimée. » ! Les rubans des cimetières sont plein de mensonges. Je ne veux pas de leur banderole quand je ne serai plus. Elles seraient capables d'y inscrire la marque de leurs boutiques pour vendre sur un délit de harcélement qui flotterait sur les rivières qui n'oseraient plus avouer leurs noms.

- Moi, je le sais à présent. Je vous vois au bord de l'Aulne sous la pluie, proche de l'ancien pont ferrovière qui fait un pied de nez à la place du marché, au risque de prendre froid et de partir d'une pneumonie ! Qui a des yeux voit. Qui a vu cela sait que la profondeur de la peine est aussi large et profonde que la blessure de l'âme subie.

- Imaginez ! je dois jusqu'à mesurer le millimètre pour insérer un anti-vol !

- Et vos collègues ?

- Elles ont peur d'elles ; aussi ne bougent-elles pas, ayant peur d'être harcelées à ma place, mais elles voient, entendent, compatissent. 

Je la pris entre mes bras vastes comme le portique d'un temple grec et me tus, laissant les larmes s'infiltrer sur le col de ma veste rouge pareille à ma colère . Le ciel ne cessait pas de rouler ses vagues échues sur terre et l'océan criait sa colère magistrale aux cœurs des mégères sans âmes qui poignardent ce qui n'est pas elles parce qu'elles ne comprennent pas que le monde est tissé d'autant de différences que de feuilles uniques sur un arbre. Je compris pourquoi il pleuvait tant sur cette terre insensible qu'elle portait en son sein si peu de forêts que se chauffer à son bois en hiver était un leurre. Je partis vers la ronde des roches de Ménéham aux formes adoucies que l'Odet et l'Aulne me semblèrent loin des aspirations des anges ayant inondé la robe et le livre aux lignes imprimées désormais devenues illisibles.

- Si vous avez besoin, dis-je, voici mon adresse. Je témoignerai de l'Odet en rébellion et de l'Aulne en infâmie contre l'injuste pour que être soit votre chemin. Comptez sur moi quoi qu'il arrive, quelque soit la tournure des évenements.

Elle glissa dans ma poche un petit dessin représentant un bracelet de pierres en cristal taillées qu'un cygne voguant sur l'onde agitée prit en son bec et d'une robe enfantine sur lequel il n'y avait qu'un mot écrit : malaisant pour ne pas dire assassinée.

C'est écrit  à l'encre noire sur les rives brumeuses de l'Odet et de l'Aulne, de Chateaulin à Quimper. 

La rencontre

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

C’était un dimanche, par une chaude journée de printemps, que nous pouvions voir se promener un homme, les mains croisées dans le dos. Il semblait attendre quelqu’un, sans attendre vraiment, car il regardait le cours de la rivière au niveau de l’écluse ouverte qui laisserait une péniche passer. Le ciel était haut tout en étant en lui, comme indivisible de sa clarté en son regard qui le reflétait aussi large que profond. Sous la lumière puissante de midi, il semblait invisible par moment, comme disparaissant à cause de trop de clarté diffusée à cette heure. Parfois, on le voyait se retourner et s’accroupir près d’une fleur à laquelle il semblait raconter son instant pour l’éphémère d’une floraison venue trop tôt, comme pour ralentir le saut qu’elle devait faire pour se faner. On le voyait se relever lentement et, sans comprendre son mouvement, nous pouvions apercevoir qu’il était déjà à scruter la coulée émergeant du déverrouillage de l’écluse, sans l’avoir vu se retourner. On le voyait encore lever un doigt comme si, sans lui, l’écluse ne pouvait laisser passer le bateau, et que son geste était le processus fondamental pour cette ouverture. Personne ne le regardait vraiment tant il était présent dans son absence physique qu’on ne pouvait que le deviner. Puis, un oiseau venait à se poser sur son épaule, un autre en sa main, et encore un à ses pieds. Il les saluait après avoir écouté leur chant pour les laisser repartir comme ils étaient venus. Des promeneurs allaient, le frôlant d’un pan de leur veste, inconscients de sa compagnie. Il semblait être âgé, les cheveux blancs, tout en arborant une jeunesse et une force puissantes.

Alors que badauds passaient à côté de lui sans le voir, trop absorbés par leurs pensées se souciant de leur quotidien davantage que de sa présence, elle le vit, lui chuchotant un bonjour d’une voix timide, puis retourna à sa contemplation sur les images que la dentelle de l’écume donnait à voir. Ils voyaient chacun les mêmes tableaux dans cette eau dansant dans leur espace réfléchi par le soleil. Longtemps, ils ne se parlèrent pas, unis tous deux au mouvement de l’eau. Un rayon de soleil vint à coiffer la chevelure et les yeux de l’homme, puis se posa de la même manière sur le regard et la chevelure de la dame. Elle le regarda, sembla le reconnaître sans se souvenir pour autant de l’endroit et du moment ou elle avait pu déjà le rencontrer. Lui, il savait ; il se souvenait mais n’en disait rien. Elle vit ses yeux semblables à l’étincelance d’un diamant. Ses yeux à elle étaient d’une profonde tranquillité qu’elle avait rarement connue, encore opaques d’une vie aussi lourde que pénétrante et, pourtant, déjà transformés par le rayonnement solaire. Ce fut le baiser du rayon à leurs âmes qui éveilla le moment de leur rencontre. Il se tourna, la regardant fixement d’un regard doux, en baissant les paupières, parfois, pour ne pas l’effrayer et dit :

- Nous nous connaissons, vous et moi.

- Je connais votre visage, répondit-elle, mais je ne me souviens pas où j’ai pu vous rencontrer.

- C’était il y a longtemps, Madame. Il doit y avoir quatorze ans écoulés depuis cette  rencontre. Je suis venu vers vous et je vous ai proposé mon aide sans que vous n’y ayez répondu. Vous souvenez-vous ?

Elle ne se souvenait pas. Quelqu’un était venu lui offrir de l’aide sans qu’elle n’ait relevé ni accepté, et pour quelle raison ?

- Non ! Vraiment ! Je ne me souviens pas, dit-elle. Je me souviens seulement de vos traits.

- Puis-je vous aider à vous souvenir ? demanda-t-il. Voyez le mouvement de l’eau, il n’est jamais semblable au précédent et pourtant il porte la mémoire de tous ses mouvements. C’est ainsi que je suis venu vers vous, comme le geste de l’eau qui a baigné mes pieds et vient d’épouser les vôtres. C’est pourquoi, je vous ai trouvée, attendant cette nouvelle heure qu’il y a longtemps, vous n’avez pas vue, tellement ancrée dans votre quotidien, ajouta-t-il, et pourtant, à cette époque, je voulais entrer en relation avec vous.

- Je crains que ce ne soit une énigme, Monsieur, car vraiment ma mémoire n’a pas enregistré votre signe.

- Puis-je vous donner quelques détails qui vous aideront ? Car je suis certain que votre souvenir est aussi présent que l’eau jaillissante en face de nous, affirma notre visiteur sur le saut de ces quatorze années réalisées.

- J’accepte quelques confidences sur ce passé oublié, dit-elle. Oh ! Ce rayon qui n’en finit pas de rendre votre vêtement transparent !

- Comme sur les pétales de cette sauge rouge de Graham devenus aussi translucides qu’un plomb anobli à l’heure ou le soleil les traverse ! poursuivit-il, le sourire complice de leur transparence. Puis, avec prudence, il ajouta : C’était en hiver, un froid et sombre jour de novembre.

- Cela ne me dit rien. Combien de jours froids et sombres en novembre, y a t-il ? Tant !

- Celui-là était particulier et n’avait pas son jumeau en automne. Souvenez-vous, enchérit-il. Vous aviez froid et pourtant vous étiez à l’abri du vent, mais pas du vent intérieur qui crée la tristesse des jours qui se voudraient ensevelis pour toujours.

Elle ne répondit pas. Elle se souvenait bien qu’il y avait eu des nuits et des jours d’une grande tristesse qui ressemblaient au froid intérieur qui ne peut se raconter à personne sans que la personne qui ne les reçoive ne s’effondre à son tour de tant de chagrin.

- Souvenez-vous ! insista-t-il. Je veux que vous vous souveniez, sinon à quoi bon que je sois là, à votre côté ? Je vous donne un autre détail ? Vous buviez une tasse de chocolat chaud pour réchauffer votre corps et aussi votre cœur en déshérence. Tant de tristesse et personne pour vous secourir. Vous souvenez-vous ? j’étais là, à vous tendre la main. Vous l’avez vue et vous n’avez pas osé la saisir, votre âme en secret qui espérait que sa mort vienne pour que tout s’achève naturellement sans que vous n’ayez décidé de la hâter. J’étais là. Je vous regardais, assis en face de vous. Nous étions à trois pas l’un de l’autre. L’eau a coulé sur vos pieds, depuis. La glace de l’hiver engendrait la pluie de l’été qui abonde en la rivière. Souvenez-vous de la neige tombant du toit, voulant vous ensevelir... presque trente ans avant ces jours. Je vous avais sauvé la vie, physiquement sauvée; et cet autre jour,  c'est la vie de la pensée que je venais sauvée.

- Quatorze ans ! Je me souviens. En effet, les jours étaient froids et sombres comme l’enfer qui veut happer la vie. Vous étiez là, et je ne vous ai pas répondu. J’ai vu en vos yeux un rayon tel un baiser à ma vie que c’est ce rayon que j’ai reconnu sans vous reconnaître. Le corps n’a pas cette transparence que nous espérons telle vous l’aviez, tel vous êtes. 

- Je ne vous ai pas dit mon prénom ; je vous ai juste tendu la main et je vous ai donné ma carte pour que vous m’appelliez, espérant que vous le feriez parce que j’étais venu pour vous. Vous deviez dire mon nom et vous n’y avez pas pensé, trop accaparée par vos jours pour lesquels j’étais venu afin que vous les traversiez avec moi, ensemble, en ce rayon qui vous aime et que j’avais reconnu à des lieux lumière de votre présence. Vous ne m'avez pas reconnu. Vous le pouviez cependant. La première fois, j'étais descendu de si haut que vous n"avez pas douté de mon nom, mais la seconde fois en mon habit physique, vous ne m'avez pas reconnu dans mon habit de ciel.

- Vos seuls mots furent : « Madame, vos yeux ! Tant de souffrance en eux ! » Oui, c’était vous. Je vous avais oublié. Pardonnez-moi ! tant d'indignité en moi à votre égard ! Oh Jean ! Ô Jean ! 

- Vous vous souvenez. C’est bien, dit-il, le regard habillé de chaleur et d’Amour que, seuls, la nature, l’animal, et l’homme, témoignent des bois entrelacés. J’étais déjà venu, il y a trente trois ans, vous secourir, et vous m’aviez reconnu ce jour, pourtant aveuglée par le soleil qui dardait sa lumière de janvier à l’invisibilité du froid de l’hiver. Ne dite ce secret à personne. Sage est ma troisième visite en votre vie. Venez !

Ainsi, l’eau baignant la nature et l’écluse près de la sauge fleurie venaient de révéler à la fontaine des destinées les âmes qui ont leurs pieds baignés. Avant de quitter la rivière et ses chaloupes, ses arbres et ses fleurs, il s’inclina devant elle, puis ensemble, ils s’inclinèrent devant l’oiseau venu sur un épi de blé, s’inclinèrent ensuite devant la Nature endimanchée, resplendissante de vie, et s’inclinèrent devant la terre et ses minéraux qui brillaient pareillement au cristal enfin advenu en leurs chemin liés pour leur éternité. Il lui tendit une rose rouge qu’elle effeuilla pour que sept pétales ornent ses cheveux, tel il l’avait souhaité quatorze ans en arrière et fait trente ans avant.

BL

écrit sur la musique de Neil H from his Album Mermaid

 

Le rêve prémonitoire de Bénédicte

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Le matin était clair. Le soleil brillait haut, transformant chaque parcelle de vie en une ardeur fécondante. Le ciel indiquait clairement le chemin vers son printemps et graines levaient de la terre comme autant d'éclats d'argent se transformant en or lors son amour sanctifiant chaque champ, chaque pré, chaque goutte de rosée.

Bénédicte s'éveilla, étirant sa nuque vers l'irisation du levant qui miroitait ses rayons de cristal dans ses yeux que soleil épouse, tant les yeux aiment la lumière des matins revenus des étoiles noctambules. Elle s'étira, regarda les rayons, clignant ses yeux mouillés que l'excès de lumière baigne.

- J'ai fait un rêve étrange cette nuit, dit-elle. Un rêve qui déclare n'être pas un rêve, pourtant l'étant profondément car il est sans âge et ne dit pas sa durée. Quand je regarde l'aube se lever, miroitant son cérémonial recréé chaque jour, je me demande si mon rêve est en harmonie avec cette célébration solennelle que mes bras levés adorent de son azur triomphant.

- Qu'as-tu rêvé ? demanda sa maman.

- Le soleil se couchait sur la nuit blême hissant ses ombres froides. Les ombres rampaient entre les hommes en colère. Ils allumaient des brasiers au cœur des villes. Tout flambait. L'ombre semait sa terreur, cernant chaque être d'un halo de peur. Les hommes étaient en colère. Leur courroux était si magistral qu'ils incendiaient les villes. La nuit ne connaissait aucun répit, profilant son épouvante dans la violence. La fumée dense comme un drap de laine noire cachait la lumière du soleil et masquait la beauté des étoiles, la nuit. C'était terrible à voir. L'aube, ce matin, ne le dit pas. Elle rayonne, faisant fî des humeurs d'hommes.

- Et...que faut-il en comprendre, demanda la mère, inquiète du rêve de sa fille.

- Que les hommes connaîtront la colère au point qu'ils deviendront comme des loups apeurés, excavant chaque bonne volonté de leurs têtes devenues semblables à des gorgones affairées à cette violence. Alors... et je ne sais d'où est venue une voix forte qui transforma mon rêve en un espoir dont j'étais la prévenance et le témoin. Elle me dit «  Quand cela sera, il ne faudra pas montrer sa peur, il faudra juste avoir des couvertures ! » Elle ne dit pas, il ne faudra pas avoir peur, mais il ne faudra pas montrer sa peur. Quant aux couvertures, je me questionne, dit Bénédicte, Seront-elles pour éteindre les brasiers, pour apporter la chaleur aux corps transis, une protection de la pensée ? Je n'ai pas compris le sens. Les rêves prémonitoires comportent bien des énigmes.

Trente ans passèrent sur le rêve et Bénédicte encore y pensait, observant toujours les levers de ciel merveilleux que les matins donnent à voir, à aimer, à prendre en soi, voyant lentement, matin après matin, la haine d'hommes se lever comme d'autres continuent d'aimer.

Elle ajouta : " Beaucoup d'entre eux tomberont et face à la colère oublieront qu'ils aimaient avant que cela n'arrive. Leur colère face à tant d'inhumanité les transformera à leur tour en loups ; ils oublieront pour beaucoup d'entr'eux qu'il étaient agneaux d'entre tous quand cela sera, car l'homme se croit infaillible en ses croyances en ignorant ce que sera demain et s'ils sauront vraiment faire face à ce déferlement. Le doute les ébranlera ainsi que la peur qu'ils auront montrée dans le froid de l'âme qui n'aura rien vu venir, qu'il aura été très orgueilleux de se croire infallible.

Annihilez l'orgueil en soi et vous passerez entre les flammes !

Entendez ! "

 

Ecrit en 1991 - Longecombe - Ain -

 

Photo issue du site https://jeretiens.net/difference-entre-aube-aurore-et-crepuscule/

 

 

Une destinée est un temple

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Lorsqu'un homme (inconnu ou Guide ou Initié ) tait son identité et ne fait que laisser des suggestions sans rien confirmer ni infirmer, qu'allez-vous chercher qui il est, qui il fut ? Si il n'a pas voulu le dire, la raison en est que cela en aurait profané son être car au lieu de regarder ce qu'il fait, ce sont ses vies passées qui seraient scrutées, et un homme d'aujourd'hui n'est pas ni plus celui d'hier. Cela n'a aucune importance sauf si il le confirme lui-même pour que nul doute ne s'infiltre. S'il a voulu le silence, nous devons le respecter. Mais nous voyons à la place un acharnement à vouloir savoir sans respecter la volonté d'un tel homme qui est le seul, spirituellement, à pouvoir nous autoriser à chercher dans ses vies passées.

Exemple : pourquoi chercher physiquement en ses vies C.R.C puisque lui-même fait tout pour que nous ignorions où il est, vit, décide ? Quelles traces suivez-vous ? Là tous les cent ans, ici bas et ici haut simultanément, le seul don réel d'ubiquité de l'homme esprit incarné... 

C'est extraordinaire de chercher à  savoir qui fut qui ou quoi sans avoir trouvé ce que le chercheur lui-même est et fut dans ses vies antérieures. Un peu d'humilité serait convenable. Non ? 

N'est-ce pas là du voyeurisme plutôt qu'un réel acte de connaissance ? Un outrage à l'Entité ?

Si rien ne nous est donné, alors passons avec humilité.

A défaut, nous introduirions dans le monde spirituel des mensonges sur lesquels  le sens du commun tombera et prendra pour acquis, validant ainsi une erreur que beaucoup prendront pour vraie.  Le devoir de Connaissance a ses limites que la raison et la sagesse connaissent dans la décence et l'humilite, la morale et sa soeur l'Amour. 

Une destinée est un temple que nous n'avons pas le droit de profaner par la curiosité ou le seul désir de savoir. Le faire est une atteinte à sa liberté, à son libre-arbitre.

Nous devons  absolument ne pas subir la tentation de vouloir fouiller en une vie qui ne nous appartient pas.

J'ai entendu tant d'aberrations sur des  vies et des noms supposés, validés, au point que plus rien ne peut les défaire :

1/ " Il ne l'a pas dit mais nous savons." Ah ! Il ne leur a pas dit mais ils savent ! Oh ! cher Ahri ..  Quelle perfidie ! 

2/ " Tu n'aurais pas été, par hasard (! ) untel ?" et à l'autre, heureux d'entendre de tels propos, de valider ce qui n'a pas été vérifié. L'autre a seulement vu un crâne rasé qui lui a fait penser que l'autre a forcément été untel. Vives les crânes rasés ! C'est juste M. Orgueil qui a fonctionné  à merveille. Luci et Ahri d'un commun accord. 

3/ " Mais pourquoi ne pas le dire si tu le sais ? Se taire est un manquement à la vie de l'esprit ! " Lucifer vs Ahri à l'oeuvre ! le beau combat !

Stupéfiant d'irréalisme. Un sentiment de vérité n'est pas de la clairvoyance. Coucou Luci ! Encore Toi ! 

Apprenons d'abord à nous connaître ! Et, je jure que c'est un acte très diificile. 

BLJ

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Antonio_del_Pollaiolo_-_Ercole_e_l%27Idra_e_Ercole_e_Anteo_-_Google_Art_Project.jpg?uselang=fr

 

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