Béatrice Lukomski-Joly


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Le sourire et le masque

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Photo libre de droits https://fr.dreamstime.com/visage-sourire-fleur-image102690100

Un masque ne cache pas votre âme.

J’ai voulu savoir si un masque cachait vraiment l’âme de ceux que je croise dans la rue, dans la nature, en courses, en attente dans une file et beaucoup d’autres situations dans lesquelles une rencontre a lieu. Et je me suis demandé si je pouvais plus que jamais établir une communication avec tous ces humains que je croise malgré le masque, malgré la parole atténuée par ce tissu et si le regard avait une valeur supérieure à la parole qui possédait en lui, sa propre parole, sa propre dynamique. Tous ces visages partiels que je croisais étaient atones, sans rictus, sans émotions visibles, alors je me suis dit que mon regard pouvait éveiller tous ces visages dissimulés et que je pouvais communiquer sans un mot mon âme et rencontrer toutes les âmes plutôt que de ne croiser que des corps en mouvement.

Je me suis souvenue de mon attitude majeure de tous les jours lorsque j’étais soignante, saluant au quotidien sur des années de soins chacun d’un « Bonjour messieurs-dames » avec le sourire et lorsque j’entrais dans une chambre et soignais, souriant avant que de faire un geste. La gravité des regards soignants m’ont toujours interpellée. Je n’ai jamais voulu cette gravité qui ferme une part de la rencontre dans la confiance vécue à deux, à plusieurs, alors je souriais. Hospitalisée plusieurs fois dans ma vie pour des pathologies graves, et très tôt dans ma jeune vie, j’avais rencontré souvent ces visages fermés des soignants qui m’approchaient et approchaient mes voisins de lit ou en salle à manger si j’étais en salle à manger. Nous n’avons pas envie de nous confier et à peine dire que nous avons mal, que notre corps souffre. Je me suis souvent tue à cause de ce manque de sourire empathique. La rencontre ne se fait pas. La confiance ne s’établit pas. Aussi, dès mon début de carrière, j’avais désiré sourire plus large que mon cœur le pouvait avant que d’œuvrer techniquement, forte de cette expérience sans vie que j’avais si souvent rencontrée chez ces soignants enfermés dans la technicité et la responsabilité du geste qui n’est pas moindre, parce que la responsabilité est une conscience grave. Pourtant lier la responsabilité au sourire, aux forces du cœur, qui ne craignent pas d’établir une relation partagée, s'avère fondamental. Entre patients, le dialogue était toujours centré sur la capacité de sourire des soignants. Le savoir ! c'est là notre préoccupation principale  après nos soins pour ne plus souffrir : le sourire. Préoccupation principale alors que, souvent, le soignant pense que ce qu'il nous reste d'important et d'essentiel pour vivre ces temps riches d'enseignement est le repas !  Combien de fois, l'ai-je entendu ! Pouvons-nous résumer un homme à son ventre ? Non ! Nous savons que le sourire fait parti de nos espoirs pour guérir, qu'il est la main tendue, la main-médicament sans le médicament chimique qui, donné, deviendra la marque  du médicament empreint du concept Amour, plus que le concept : un sentiment  devenant forme vivante enveloppant tout : l'individu et ses douleurs s'acheminant vers la grandeur de sa beauté sage permettant toutes les guérisons. Le manque de sourire coupe la faim, aussi comment affirmer qu'il ne nous reste plus que ça lorsque le sourire est le seul évènement d'une journée qui nous éclaire et donne envie de lutter ? J'ai souvent dit que j'avais autant appris mon métier à l'ifsi ( école d'infirmière ) que dans  tous ces lits fréquentés de douleurs, de solitude et de froideur extrême.

Un jour, dans un élan du cœur, une voisine de chambre me dit : « Ah ! Celle-là, il faudra attendre une autre vie pour qu’elle apprenne à sourire ! Elle fait froid dans le dos ! » J’avais 25 ans. Je lui ai souri car je partageais cette conviction des vies successives pour s’améliorer et être à l’image de la perfection un jour, ce chemin qui prend tant de temps pour être et qui explique toutes les différences des uns aux autres, ce chemin qui raconte pourquoi l'un est plus sociable, plus aimant, plus chaleureux qu'un autre qui ne le peut pas encore, qui raconte pourquoi l'un est mauvais avant que de s'améliorer parce que par la  vérité des incarnations offertes par la sagesse conductrice, nous nous améliorons, choississant  nous-mêmes nos  destinées salvatrices pour soi et le monde, l'humanité : les expériences, celles que nous faisions dans nos lits blancs. Ce chemin  d'une grande humilité parce que nous savons qu'en une seule vie, nous ne pouvons pas être parfait contrairement à ce chemin orgueilleux qui enseigne que tout est pardonné quoi que nous ayons fait, pourtant nous réclamant parfaits. Comment le devenir sans cette chance acquise ? Cette grâce qui nous est donnée pour faire le mieux que nous pouvons chaque fois que nous revenons en une nouvelle incarnation. Nous nous étions mis au diapason et avions décidé de lui sourire large lorsque son regard croiserait le nôtre. Le résultat fut à la hauteur de notre espérance ; elle sourit ; elle était devenue belle, très belle alors que tous les rictus  de l'absence de sourire l'avait rendu vilaine. Un visage crispé ne comporte pas de beauté. Elle n’est plus jamais ensuite entrée en notre chambre sans nous adresser un sourire qui nous réchauffait le cœur, dans nos lits, immobiles.

Le vrai sourire venant du tréfonds de l'âme n'est pas carnassier comme tous ces sourires provoqués pour un selfi qui est faux, mais bien un sourire détendu. Il n'est pas non plus le gage que le patient préfère telle infirmière qui se gausse parfois de l'être pour  rabaisser des collègues comme je l'ai souvent vu ; ce sourire là n'a aucune valeur dans le soin. Quelle importance que d'être préféré parce que le sourire n'aura été offert que dans cet unique but et que le patient le sait. Dans ces sourires carnassiers, nous ne voyons que les dents, alors que dans le sourire du coeur, les yeux se racontent et la bouche s'efface pour laisser les yeux parler. Ne froncez plus vos sourcils ! Pourquoi établir une distance relationnelle quand nous savons que la distance éloigne du vivant ? Patients, nous ne demandons pas une relation fusionnelle, mais une relation empathique qui n'entâcherait pas la liberté d'être. Nous espérons guérir et cela passe par le sourire, la main qui touche l'épaule et le soin technique. L'empathie ne materne pas ; elle accompagne. Elle est entièreté, pas globalité. 

Aussi me souvenant de tout cela, moi qui avais toujours marché les yeux levés vers le ciel plutôt que de regarder le trottoir ou le sol, au risque de chuter sans jamais chuter, je me suis mise à ne plus regarder le ciel bleu ou ses nuages si beaux en marchant et à regarder toutes ces personnes vêtues d’un masque imposé pour cause de covid. Le covid ? Je m’en fiche pour moi-même. Non pas dans la réalité de son existence et de l’absolue nécessité des gestes barrières indispensables pour protéger l’autre, car aimer l’autre, c’est le protéger, loin de nos convictions personnelles sur le sujet. L’autre d’abord, moi ensuite. Je me suis dit que je saurais toujours sourire malgré les douleurs, malgré la souffrance, que je serai toujours l’infirmière qui donne un sourire et que mon humanité ne s’absenterait pas malgré les nouvelles illusions et animosités vues à cause de la situation.

Mon masque mis sur le nez, malgré le port de lunettes, ne pouvait pas m’empêcher de sourire à l’autre, à tous ces inconnus croisés, lesquels n’auraient probablement jamais eu mon sourire en conditions de ville, de courses. Je pris la décision de sourire à chacun sans rien dire. Juste sourire. Voir si mon sourire était perceptible, palpable, audible, dans ces conditions masquées. Oh ! Oui, il l’était et je voyais les yeux se plisser, les regards s’illuminer, les masques bouger sur les lèvres qui témoignaient que leur bouche souriait. C’était magnifique. Chacun répondait à mon sourire. J'étais émerveillée par tous ces sourires cueillis en un après-midi. Je rentrais chez moi avec une corbeille morale emplie de sourires recueillies en réponses et d’amour car, malgré les masques, jamais je n’avais vu de sourires plus chaleureux que ceux-là. L'autre avait aussi empli sa corbeille d'amour qu'il avait pris en soi par le sourire donné, et si nous pouvons penser que c'est grâce à soi, ne jamais négliger que cet autre a été volontaire dans cette réponse. Un sourire, seulement un sourire et la vie s'illumine. Et la vie prend sens. Nous sourions et nous déclenchons le sourire chez chacun. La rencontre est là. Elle est belle. Elle est authentique. Le sourire ne comporte pas de douleur quand bien même nous en vivons. Il les exclut un instant et pour cet instant dans cette autre gravité morale dans le sourire donné, même à l’inconnu des villes, je ne cesserai plus jamais de sourire, là où je ne souriais pas, en course, en ville, sur un trottoir, sur un parking et ailleurs. J’avais conscientisé le sourire dans le soin lorsque j’avais été gravement malade pour le redonner aux patients soignés comme infirmière, je venais grâce au masque-barrière de le conscientiser partout dans la vie. Il n'était donc pas une barrière à la relation.

Un masque ne cache pas une âme et n’empêche pas d’entrer en relation. C’est de tous ces sourires que nous pouvons inverser les tendances à la colère et l’animosité voulus en ces temps, car rares sont ceux qui ne répondent pas aux sourires et si j’en ai rencontrés, parfois, c’est que l’astralité était en eux immobile, hors d’atteinte, figée, jusqu'à la vie prochaine qui les confiera à la condition du sourire.

Souriez et emplissez votre corbeille d'or de cadeaux à la vie ; permettez à l'autre d'emplir sa propre corbeille de ce partage unique, et  lorsque rentrant chez vous,  vous sentirez votre joie telle un éclat de lumière se manifestant dans votre joie d'emporter dans le sommeil le fruit de ce geste, vous vous sentirez léger comme la respiration que vous aurez libérée, malgré le masque.

Namasté

http://vip53.canalblog.com/archives/2011/12/16/22956849.html

 

La porte fermée

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

 

Toutes illustrations de Frederique Lord Leighton 1830-1896

 https://fr.wikipedia.org/wiki/Frederic_Leighton

 

Encore une femme aux allures défaites !

Encore ce cri qui a déchiré la chambre sombre !

Encore ces sanglots entre deux douleurs dantesques !

 

Encore cette femme dévorée par le crabe !

Encore cette douleur abyssale des os rongés !

Encore des larmes pullulant sur un visage livide !

 

Encore ce hurlement dans un lit blanc !

Encore un visage qui s'éteint !

Encore un souffle qui meurt !

Encore des yeux qui ne pensent plus qu'à partir,

La main accrochée à la mienne !

 

 

Encore cette terreur de la douleur

Qui n'en finit pas de se dire !

Encore la tristesse sur les draps vierges des sans lendemains !

Encore attendre avec elle que sa douleur soit secourue !

 

Puis, l'infirmière dans sa blouse jaune comme un soleil !

Puis, c'est l'infirmière qui a mal pour la femme aux lourds cris !

Puis, c'est l'ombre qui se dessine sur la blouse jaune !

 

Elle a tant crié, tant pleuré, tant secoué le silence,

Que les rideaux ont volé dans l'air sans remous,

Que les murs ont mémorisé sa terreur de la douleur !

 

Elle a fait silence, elle a arraché ma main sur le drap blanc.

Elle m'a regardée comme on regarde une amie de longue date.

Elle a dit «  Je meurs, c'est la fin !

Je n'ai pas assez aimé dans la vie ! »

 

Encore ce cri qui lacère l'espace ;

Ce cri intenable des maux inénarrables, 

Que rien n'a soulagé, sinon un peu de morphine !

C'est l'infirmière mettant le comprimé antalgique sous la langue !

 

Puis, comme un prêtre donnerait une hostie un dimanche,

Elle a touché le front en sueur, donnant le divin nectar

Qui apaise le cri et le sanglot sous le déchirement du corps !

 

Elle a dormi, enfin dormi, les os moins douloureux !

Les yeux un peu rassurés, la peau toujours moite !

Les doigts cramponnés encore au suaire blanc !

 

Et l'infirmière quitte la chambre, laissant le lit plein de détresse !

Et l'infirmière est partie rassurée, un peu, à peine !

Juste un peu, de la laisser sans douleur aiguë !

 

Encore ce cri dans l'angoisse de n'avoir pas assez aimé !

Encore ce regret d'une vie inachevée d'amour

Qui plie sous le poids du crabe envahissant, sans pitié !

 

Des gestes d'urgence, des pas qui courent plus vite que le vent !

Une équipe se mobilise avec elle pour sécher les larmes,

Pour faire taire le cri ! Enfin ! elle dit le calme.

 

Oh ! comment rentrer après une journée emplie de bruit ?

Comment trouver le sommeil, ses yeux en mémoire ?

Le quotidien d'une blouse blanche devenue jaune !

 

Au-revoir Madame ! mes dames et hommes de certains jours !

Je rentre un peu défaite, un peu abasourdie,

Terriblement calcinée par le feu des cri entendus !

 

Ne dites rien ! n'ajoutez rien ! cette souffrance !

« Vous êtes une chouette femme » a-t-elle murmuré, les yeux tristes !

"Vous ai-je assez aimé, Madame ?"

 

Encore ce cri sur une porte fermée calfeutrée !

Encore ces sanglots qui me burinent le cœur !

Encore ce regret de n'avoir pas assez donné dans une vie !

 

Pendant ce  temps que d'autres ignorent,

Sinon les blouses jaunes soudées  comme les rayons au soleil,

Malgré la pluie, les nuages, et les beaux jours, seules elles savent !

 

Savent ce qu'une feuille de papier ne peut raconter !

Moins encore un ordinateur et ses logiciels !

Là où l'empathie déserte à cause du pire !

 

 

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Encore un cri !

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Peinture de Michail Vasilevitch -peintre Russe - "Femme malade"

https://www.the-athenaeum.org/art/detail.php?ID=242519

 

Encore un cri déchirant l'espace !

Encore un cri de désespoir,

Presque inaudible à nos oreilles,

À nos vies chatoyantes dans le luxe,

Un cri se meurt dans le bruit !

 

Encore ce geste des lèvres qui terrifie,

Qui, tout, voudrait de regard,

De pitié et de compassion,

Quand nous passons, sourds, à coté,

Muets et irascibles !

 

Encore un cri qui m'arrache l'âme !

Encore un cri imperceptible,

Emplissant mon quotidien,

Quand de ce cri, j'entends

La misère du monde et des hommes !

 

Encore cette vie si pleine de vide

Que l'amour n'a pas comblé !

Encore ce déchirement

Qui appelle l'indulgence

Et à mon entendement, la clémence !

 

Toujours ce silence rompu

Par le corps du cri lacéré,

Qu'il sombre sans chaloupe

Aux tempêtes des terres arides,

Que terre n'a pas vues, ni entendues !

 

Toujours ces hommes dans le besoin,

Dépourvus de tout, sans humaine chaleur,

Arpentant les trottoirs dans la ville,

Peuplant les prisons en campagne,

Creusant leur tombe !

 

Toujours les mains jointes,

Cachant le ruissellement des pleurs,

Que les larmes creusent de rides,

Sans jamais qu'un mouchoir blanc

Ne vienne essuyer la courbe des paupières !

 

Toujours cette pauvreté

Au creux de l'âme qui n'a rien reçu,

Ni main tendue, ni pain pour le ventre

Moins encore de paillasse de plume

Sous nos toits bien propres !

 

Toujours ce cri qui me désespère,

Qui me transforme torrent

Quand ma main épouse les leurs,

Quand ma bouche boit leur sueur

Et que mon regard va à leur rencontre !

 

Encore, toujours, toujours !

Ces pourquoi interminables

Aux raisons endolories,

Aux vies en détresse !

Encore ce cri qui m'arrache le cœur !

 

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Petite marine

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Tableau pastel sec "Le destin" BLJ oeuvre personnelle

 

Comme une barque, voguant seule sur la mer,

La voile érigée sur le mât, la coque lourde,

C'est une marine assurée, ramant amère,

Jusqu'au venant de la houle, l'âme sans secours.

 

Le cœur ne jure rien quand contenant ses rames,

Pourtant s'affole quand vague grandit sur l'eau,

Et dans la nuit des désespoirs, pleure la lame

Qui palpite, emportant son tout sur son pale îlot.

 

Le visage lassé, le cheveu noir, l’œil sombre,

Elle trace d'un doigt l'aisance du zéphyr,

Que son vaisseau n'est certain de tenir le nombre,

Bravant ses foulées pendant que barque chavire.

 

Ai-je marché avec elle, gardant son bras,

Sorties avec Marion, l'ombelle tenue,

Le nectar léger, les fossettes opéras,

Qu'elle riait, alliées d'un temps ténu.

 

Il pleuvait sur l'océan, l'océan riait,

La pluie racontait ses phrases et sa grandeur,

Lustrant ses perles de cristal, son imparfait,

Sur les flots des prouesses qui sauvent l'ardeur.

 

Comme un bateau se dirigeant de main de maître,

Le mât toujours droit et tendu, malgré la houle,

La petite marine voguait sans mal-être,

Ne craignant jamais la colère de la foule.

 

Nous étions avec elle, voguant dans la barque,

Delphine, Cécile, épousant cette galère,

Tel un temps heureux qui ne dit plus ses énarques,

Qu'aux soins chéris nous sommes de peu de thalers.

 

Le mot étant le mot, le verbe un mouvement,

Bâtissant toujours l'ampleur de la qualité,

Malgré crachins, malgré solides ouragans,

Le goût du soin s'en va avec nous, alitées.

 

A-t-elle bravé forces ombreuses sur l'eau,

Qu'elle n'a pas deviné le fond qui siphonne,

Prenant le bac et ses hôtes sous les rouleaux

Que rien ne remettra sur les berges aphones.

 

Oh ! belles blouses de marin sur le navire,

Blanches ou jaunes, tel le soleil rayonnant,

Pour marine triste quand rayons veulent luire,

Je commande la paix sur les flots ondulants.

 

Parce qu'il n'y a pas de confiance impure,

Ni de désolation d'avoir bien œuvré,

Que petite marine brune estime, épure,

La surface des océans désaltérés.

 

http://beatrice-lukomski-joly.copyright01.com/

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Erik Satie - Once Upon A Time In Paris

Infirmière

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Tableau de Ramon Casas "Fatiguée"

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ramon_Casas

 

Je n'écrirai pas ce soir ;

Je suis si fatiguée à déchoir,

Je n'écrirai pas ce soir ;

Je vois tant de déboires.


Travailler jusqu'à l'usure,

Heure forgées de démesures,

Je n'écrirai pas ces griffures

Que les patients endurent.

 

Je n'écrirai pas ce soir,

Dire quoi, à quoi surseoir ?

À qui, dire la mémoire

Des blouses d'au-revoir ?

 

Rentrer et se dire, stupides,

Que les gens insipides

Ignorent tout des lits vides.

Il, elle, est partie, livides.

 

Je n'écrirai rien de beau,

Rien des tombeaux,

Rien de trop, rien, rien,

Le pathos court galérien.

 

Je n'écrirai rien des douleurs,

Ni des cris que la morphine pleure,

Je n'écrirai rien des départs

Qu'un rein sans eau part.

 

Mon seul cri, s'il en est,

Sera celui du cri du lest

Que malade rend au souffle

À ses dernières pantoufles.

 

Je n'écrirai rien ce soir

Car de quoi se nourrit le noir

Quand le soleil s'éteint,

La vie ensevelie au matin ?

 

Et... soudainement se lève,

Un chant à midi s'élève,

Dans l'éther de la chambre

Qu'emplit l'antichambre.

 

Je ne dirai rien, non !

Je n'écrirai rien, non !

La blancheur de ma blouse

Qu'au soudain rouge-sang épouse !

 

On appelle cela une infirmière

Qu'aux infirmes des lumières

Ils sont d'elles, toutes ces heures !

Priez pour leurs noms sans gloire !

 

Je n'écrirai rien ce soir,

Je suis si lasse de tout voir

Sans que quiconque ne pense

La plaie que l'on panse.

 

Non ! ne dites rien,

Vous passant pour rien,

Ne sachant d'elles rien de rien,

Non ! ne dites rien !

 

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