Béatrice Lukomski-Joly


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La citadelle des âmes sombres.

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cathédrale de Rouen de Monet

https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rie_des_Cath%C3%A9drales_de_Rouen

 

À la lumière des ombres,
J'ai vu une ombre.
À la citadelle des âmes sombres,
J'ai vu la pénombre.

À la chute du crépuscule, 
Amèrement habillée de ridicule,
D'eau de Cologne sur mes ruisseaux.
J'ai vu tomber la lumière des eaux.

Au lent tissage des crédulités,
J'ai vu la silhouette évidée,
Des mensonges silencieux
Des temples spacieux.

Alors que volaient les oiseaux,
Sous le large orage des vaisseaux,
J'ai vu les belles tours de la cathédrale
Ruisseler des chants sans morale.

Quand au cri du hibou d'une nuit,
J'ai vu le ballet d'une chauve-souris,
J'ai perçu les beaux clochers de la cathédrale
Scandant le tintement d'un si musical.

D'Aix La Chapelle à Cologne, 
J'ai vu voler le Bourdon en besogne,
Et aux abeilles demander le butin
Des amours couleur miel au matin.

Que de naïveté aux mensonges !
Que de pensées tristes au songe
Que la nuit montrait en rêve,
La lune haut perchée dans sa trêve !

La nuit étoilée s'assoupissant,
J'ai vu la licorne accomplissant
L'image des voeux priés
Au faîte de sa corne calomniée.

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Köln (D), kath. Hohe Domkirche St. Petrus - Einzelläuten -

La dame en noir

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"la cape du destin" d'Odilon Redon

http://www.musba-bordeaux.fr/sites/musba-bordeaux.fr/files/odilon_redon-dossier_pedagogique.pdf

 

La dame en noir est partie

Hier à la tombée de la nuit

Laissant sa robe d'ombre miel

Aux étoiles tombées du ciel.

 

Les étoiles ont un peu crié,

Un peu pleuré, quand a prié

La dame en noir qui est partie

Sans chérir ses tous petits.

 

L'enfant balance sa chevelure

Qui s'enflamme des brûlures

Et sur le rivage dit au sable :

La dame est partie au diable.

 

La dame en noir a fort pleuré

Quand le jour s'est éteint, effaré,

Voyant dans le ciel les minois

Des enfants apeurés d'autrefois.

 

Elle a vu la griffe qui lacère

Et encore la gifle qui ulcère.

Elle a su que des enfants à Noël

Attendent de la beauté, l'arc-en-ciel.

 

La dame est partie inconsolable,

Laissant sur les bancs de sable

La somme des roses qu'aime le ciel

Qu'enfants n'ont pas vues, cicatriciels.

 

La dame en noir est partie

Hier à la tombée des repentis

Sans rien dire à ses tous petits

Qu'elle n'a pas vus vieillis.

 

 

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Paula Cole - Autumn Leaves

Mélusine et l'otage

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"Hamlet et Horacio au cimetière" d'Eugène Delacroix

https://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Delacroix

 

Un homme, fort d'attachement sentimental, se promenait dans sa grande ville au mille palais sculptés qu'ombres et lumières, du haut des toits, aimaient en silence. Il n'avait rien accroché à sa cravate, ni au revers de la poche de son veston pour mieux paraître. Humble vêtu, il allait souvent habillé d'une simple veste ouverte sur sa chemise en coton beige, d'un pantalon trop large et bien qu'élégant d'apparence s'obstinait à porter des chaussures trop grandes. Avait-il mal aux pieds ? Avait-il peu de moyens ? Nul ne le savait vraiment malgré la prestance de sa physionomie. Cependant nul ne doutait qu'une vie emplie de savoir-êtres et de beaux savoirs avait assurément bercé sa grandeur d'âme. Tous le pensaient.

Il marchait le nez baissé sur la grand place aux mille palais que même l'Orient pouvait envier ces ombres de géant. Nous étions à Bruxelles et ... Paris brillait de mille feux ; c'était une belle place. Il marchait vite comme quelqu'un n'ayant pas le temps, comme quelqu'un ayant mille audiences à assurer, comme quelqu'un qui ne veut plus être harponné par le genre humain dévasté, encore moins par les femmes, sérieuses harpies, qui l'aimaient autant qu'on peut aimer un homme ayant renommée bien en vue.

Il avait vieilli. Il avait réputation. C'est tout ce qu'on savait de ce qu'il avait : l'âge et la réputation. Eut-il, un jour, flanché sous les yeux de velours d'une biche ondoyante qu'il ne savait plus si la biche avait été biche où si elle n'avait été qu'une vouivre ayant camouflé la biche avant de se montrer telle elle était.

Il avait mal. Il tremblait. Comment n'aurait-il pas tremblé quand voyant ramper, si près, la perfidie à ses pieds, cette perfidie collant à sa chemise comme sève traverse l'écorce qui l'abrite, il avait vu le nid froid des ombres allant, le rideau enfin tiré.

Il n'aimait pas la dame, encore moins ses actes, mais contraint de plier devant l'inouïe tromperie, il marchait vite, le nez informe planté dans son menton.

Qui le voyait passer avait presque pitié de lui. Et qui le voyait le menton ramassé sur ses lèvres pensait qu'il avait pourtant beauté qu'on ne cache pas.

Marchant toujours vite de son domicile à son travail, puis de son travail à sa maison, vers sa tombe qui n'était plus très loin, il avait honte d'être, à son âge, devenu l'otage de harpies le faisant chanter.

-Toi, l'homme cravaté, tiens-toi droit puisque droiture à tes yeux tu as perdu, puisque tu ne te reconnais plus et que jamais plus tu ne seras dépouillé de notre amour que nous avons pris grand soin de cacher pour que jamais tu n'en souffres ! Je suis ta glu ! je suis pis que cela, je suis la vouivre qui ne te quitte jamais.

Pendant qu'il marchait vite, il se retourna, entendant une voix le héler. Il ne vit personne et pourtant il entendit bien une voix l'appeler : « Pierre ! Pierre ! Je suis ta conscience, cette petite voix qui est toi-même et que tu n'entends pas. Qu'est-ce qui te torture ? dit la voix au-dessus de lui. Ta réputation ou la ruse qui t'accable ? Son sourire de vipérine ou ses doigts de magicienne qui te dessinent ? »

Il eut peur.

Comment ? La conscience a donc une voix réelle que nous pouvons entendre ? se dit-il .

Comment s'était-il laissé ensevelir par le chantage qui fait d'un homme, un mendiant du mensonge et un paria de la vérité ? Sa seule réputation suffisait-elle à se laisser devenir l'antithèse de ce qu'il avait été toujours été, c'est à dire l'intégrité morale ? Et si son épouse apprenait qu'il avait une seule fois flanché aux charmes féminins, serait-ce la fin de lui ?

-Je vais révéler au monde notre vérité, lui dit la harpie des otages si tu ne fais pas ce que je dis. J'ai tout mis en place pour que chacun comprenne que tu fus mon amant. Vois-tu, même de non-dits, chacun sait dorénavant ! Une amante rejetée devient une forcenée. Tu as déjà perdu ta dignité et je ris, lui dit-elle.

La conscience s'insurge et crie en lui : Cesse d'être l'otage des mensonges et des perfidies ! Qu'importe que tu aies eu une faiblesse si elle n'était pas de l'homme. Tout homme a des faiblesses. Mais la faiblesse de la femme aux yeux de biche, au corps rampant, aux intentions perfides, aux vœux prémédités n'était pas faiblesse, simplement un calcul, une manipulation. Sors de sa maison qu'est sa vilenie car si otage elle te fait, chacun voit son calcul et en cela elle s'est perdue elle-même car là où il y a perfidie, ce n'est pas toi que les gens mésestiment mais bien elle pour ses travers dévoilés. Nul n'aime l'ignoble intention.

-Et ma femme ? répondit-il à sa conscience.

-Ta femme sait déjà, car toutes femmes devinent l'inconstance de leur époux. Seul toi l'ignore pour te cacher de la vérité afin de te laisser otage de sa perversité. Relève-toi ! 

Et l'homme à la veste ouverte, rentrant enfin chez lui, regarde son épouse assise immobile dans son fauteuil roulant, le geste tremblant. Il s'agenouille face à elle, prenant sa main fripée par l'âge et le regard baissé vers le tapis, lui dit : J'ai un aveu à te faire...

Sans le laisser achever sa phrase, elle lui passe sa main, qui ne sait plus se dérider, dans ses cheveux blancs et lui répond : Je sais... je sais ; j'ai toujours su. Depuis longtemps, vois-tu, je suis l'otage du silence pendant que tu es l'otage de l'obscurité. Allons ensemble unis vers la tombe car si quelque chose libère le mensonge, le silence, l'obscurité, c'est l'otage des non-dits qui se sont regardés et ont abandonné la créance des séquestrés de la vie. Moi aussi j'ai regardé ailleurs. Là est l'homme abattu dans son intégrité, pas la réputation qui cesse dès lors que nous n'y pensons plus, car elle a un visage qui est celui de l'orgueil. Ne soyons plus les otages des mensonges.

Il repart marcher sur la grand place qui le regarde et enfin voit briller l'éclat de la vérité. Plus jamais il ne sera l'otage de la fourberie au regard féminin qui, tant, l'a fait trembler. Il se rend à la fontaine Mélusine et baigne ses mains pour laver la souillure, essuie ses yeux vieillis qui n'ont rien perdu de leur jeunesse et là, dans l'eau, jette le dernier reliquat d'un amour qui n'en a jamais été un: un pan de soie parfumé, cerné d'un bijou or.

L'otage est mort un matin de décembre, emportant avec lui la vouivre de ses pensées car ce qui fut, demeure. Depuis, on voit sur sa tombe foule d'agrégats sombres errer car il n'avait pas pu éliminer la traîne de la vouivre enlaçant sa plaque de marbre, force de constater que l'orgueil est maître en son pouvoir. La vouivre est morte peu de temps après lui, ne sachant plus quelle tombe elle devait habiter, la sienne où la sienne... errant à tout jamais dans les méandres de l'irrespect qui ne trouve pas grâce à ses yeux, ni aux siens.

Terrible est la vision des cimetières riches des orgueils humains !

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Bruges ressuscitée

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Tableau "BRUGES" DE JEAN-DANIEL PERRIN

https://jeandanielperrin.wordpress.com/

 

 

Au minuit de la nuit, assise sur un banc,

J'ai vu un grand arbre vêtu tout de blanc;

Au vent du froid printanier que balaye le temps,

J'ai senti la caresse de l'air qu'enchantent les pénitents.

 

Au moment où la pluie chante dans les branches,

J'ai entendu la voix des femmes sans dimanche,

Qui, aux mémoires des faits d'homme, meurent.

Aux stigmates du temps se nouent les pleurs.

 

Au minuit de ma mémoire, j'ai vu une ombre,

Frôlant les murs de Bruges à ses canaux si sombres ;

Au creux de ses porches, j'ai vu des terreurs se pendre,

À la mémoire d'un homme noué à la mort, se pendre !

 

Elles étaient là, toutes ourlées de cheveux d'or, ondoyants,

Comme d'une vie terrifiée, à la mienne usée, malvoyantes,

Leurs mains labourant le visage ; Elle, sous les ponts,

Vit son double danser aux lunes des serments servis au faucon.

 

Sous le manteau noir des nuits agitées de nos cris,

Elle écrivit sous les étoiles le prénom de la vie,

Et aux rayons du soleil pria le retour de Vérité.

"Non ! elle ne peut être morte!" murmura l’Équité.

 

C'est aux heures des silences, fortes de leur murmure,

Qu'elles osèrent rayer la blessure de la morte voussure;

Aux arc-boutants des églises et à leurs vitraux citadelles,

Aux porches des cathédrales et aux tombeaux de dentelle !

 

J'ai souffert leur nom, comme d'un oubli de honte

Qui transforma nos mémoires en d'ignobles refontes,

Que les greniers n'habillent ni d'araignées borderlines !

Ni de flammes à la mémoire de Pline aux tristes salines?

 

A l'envie de les connaître, elles, femmes des blessures,

A nos âmes endolories sous les mains qui raturent,

A nos égos comme à nos vies, tissées de volonté à ensevelir,

Nous entendons encore son chant plaintif d'un livre à lire.

 

N'a t-il eu de ses amours devenus que l'amère déconvenue

Des mensonges à professer, des femmes jetées nues,

À la pâture de ses fantasmes, nous voulant d'égos morts,

Qu'arbres et fleurs au sang si précieux s'avèrent nos efforts.

 

À la rose si sainte, à la mémoire de la vieille Bruges,

Opposa-t-il les feuilles de lierre aux crampons qui purgent,

Les passés sous les accroches enténébrant de ses vœux

Qu'il n'a pas vu les épines de la rose qui protègent leurs yeux.

 

Que de femmes défaites à son alitement sans fin,

Ne quittant pas la couche, ni la mansarde au matin,

Passant le temps, immobile, pour l'immobilité,

Répétant inlassablement de Bruges le geste de la mortalité !

 

Ressuscitées, au clair des volontés pleines comme une agnelle

Elles sont toutes là, dansant dans l'empyrée éternel et fraternel.

Au cœur palpitant des roses qui jamais ne fanent,

À leurs cœurs blessés, j'ai ressuscité l'Esprit qui point ne les damne.

 

Qu'elles furent Anne, Françoise, aux ailes de douleur

Et encore la jeune femme au vert sentier des forêts de fleurs,

Aucun homme n'a le droit de tuer l'esprit,

L'outil de l'Esprit à la main qui, pour leurs âmes, prie.

 

Bruges ! est achevé ton deuil au lit de tes berges sauvées !

Les perles sans collier à nos cordes aujourd'hui dénouées

Ne portent plus l'auréole des défaites renouvelées.

L'homme va mourir aux rives de Bruges échevelée.

 

Samuel Barber - Adagio for Strings

Humble poème profane

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Où vas-tu mon bien-aimé,

Si loin de la douceur de mes mains

Que mon cœur questionne de matins

 

De printemps et d'hivers,

De noix et de miel

À nos palais de douceurs enrobés ?

 

Où vas-tu mon très tendre

À préférer l'isolement

Observant les lierres des mères

Sans me couronner d'étoiles,

Me laissant deviner tes âmes

Sans les porter nues de demandes ?

 

Où vis-tu mon bien aimé

Que je ne n'entende plus rien

De tes lèvres qui ont tu ton sentiment,

Niché au faîte de ton grenier,

La mansarde sombre de mes nuits,

De mes nuits aux soins des indigents ?

 

Où penses-tu mon adoré

Que je n'entende plus tes secrets

Ni tes désirs, face aux frontières

Qui nous séparent d'invisible,

Des souvenirs du beau village ?

Tout ce silence !

Dis-moi !

Fait-il chaud en ton cœur ?

Est ce que tes veines palpitent un peu

Sous les images de mes venues

Et aux tiennes à jamais éteintes.

Est-ce que je te manque un peu ?

 

Déjà trois mois que mes rues

Tu n'épouses plus ,

Silencieuses de leurs émois,

Aux rives de l'Yonne

Qui arpentent les plaies de ma terre

Et aux palais des rires, notre joie.

 

Dis-moi !

Ai-je une vie en nos étoiles

Qui semblent faire l'aumône

À mes appels muets,

Si loin de tes bleuets,

Pour des bleus à mon âme

De tant de silence ?

 

Raconte-moi !

Tu as bien l'esprit ancré

Aux jardinets des jacinthes partagées,

Amoureux de ta seule gloire

Qui ne rêve pas de partages

Que je ne peux cultiver bellement !

Dis-moi !

Tu n'as pas froid, ni faim ?

Seulement me dire cela !

Rien que cela !

As-tu chaud ? Faim ? Soif ?

Que je t'apporte les trois sur un plateau .

 

Où vis-tu d'espérance

Si encore je t'habille de reflets,

Un tout petit peu,

D'ondoiements

Et d'ondulations

Et de parfums ?

 

Je voudrais vivre

La même histoire, sans triste chanson,

Sans désespérance

De tant de solitude

De tant de silence

Sans l'oraison des chastes vestales.

 

Je croyais tellement,

Non, je ne croyais rien !

Qui des faiblesses

Et des éloignements

Nourriraient l'attente,

Ma candeur à toujours croire !

 

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Joseph Haydn  Symphony No. 45 in F-sharp minor "Farewell" 

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