Béatrice Lukomski-Joly


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Le maître et la vieille bâtisse

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Gustave Moreau : le poète et le centaure

Il était une fois une bâtisse. La maison était vieille, d’un âge certain, centenaire et davantage, qu’elle avait nécessité beaucoup de travaux. Chaque pièce avait été reprise, embellie, consolidée. Pour cela il avait fallu sur des décennies une grande quantité de matériaux. Ceux, anciens, avaient été stockés dans les annexes toutes aussi nombreuses que l’avaient été les désirs du beau et du presque bien fait. Elles étaient au nombre de cinq : une cave voûtée faisant toute la superficie de la maison, un garage et trois bâtis dont l’usage était courant au siècle dernier : des commodités de cour et l’équivalent d’un poulailler maçonné sur deux niveaux, richement doté d’un paratonnerre. Avait-elle cent-trente ans, qu’elle avait hébergé en ses faux apparats un grand nombre de directeurs : la demeure l’exigeait. C’était ainsi. C’était, cependant, négliger que les temps avaient changé et que les directions meurent comme les civilisations arrivées à bout de course par essoufflement. La façade était sombre au gris presque noir, les volets au bois terni, sa cave humide, qu’il avait fallu se décider à la repeindre pour lui redonner un semblant de santé. Cente-trente ans dans son jus grisâtre et trois petites années dans son nouvel éclat de propreté couleur sable.

Le maître des lieux, nous l'appellerons Jean, lui aussi directeur, avait accumulé et empli toutes ces dépendances, sans jamais se soucier de leur avenir, de leur pourrissement, de leur délitement. Elles étaient devenues déchetterie sans que rien ne soit jamais décidé à être recyclé. Le maître était pourtant disciple du recyclage pour la bonne marche de la planète afin de ne pas polluer, sauf chez soi. Être disciple de la planète n’engage que peu d’actions - c’est principalement une affaire d’État -, alors que chez soi cela engage une force de travail constante que chacun ne peut pas, préférant être dépourvu d’odorat et de clarté visuelle quand l’intérêt du loisir prévaut sur le labeur. Se salir les mains ? Oui, mais à une condition : que les mains s’emplissent de pièces métalliques sonnantes et trébuchantes. Le déchet ne rapporte rien ! Ainsi, les mains restent-elles propres, sans crevasses, sans égratignures. Il y a des mains d’homme plus douces que celles de femme au travail plus intense ; quoi que !

Vint le jour où la vente fut décidée, chacun des propriétaires passés en cette demeure étant parti rejoindre d’autres Cieux que l’on appelle la demeure des morts. De passés, ils en étaient devenus les trépassés. Le maître contempla la somme de sa déchetterie tout en évaluant sa valeur pour que la bâtisse gonfle de ses deniers le ventre de sa bourse. L’homme n’était pas seul ; il avait plusieurs frères avec lesquels il fallait partager : la maison  et la déchetterie. Qui aurait quoi ? Là, était la question qui n’en était pas une pour lui puisque maître aussi de la manipulation. La maison pour lui, la déchetterie pour les frères, celui qui la voudrait vider pour le bien de la planète.Jean se savait déjà garder les mains propres. Tout est question de stratégie. Le silence était sa tactique. Il y a des mutismes protecteurs d’autrui qui sont sagesse et il y a ceux qui manipulent et qui sont l’endurance du mensonge. De trépassés, il ne voyait pas qu’il était le prochain dans la douleur car la vie cueille chacun du bouquet des larcins et faussetés commises. Nul n’y pense. Il est vrai que le malotru pense sa vie éternelle et forte en récompenses matérielles. Seul, le sage se sait mortel et redevable de ses actes en biens célestes. Le premier agit pour le pire se moquant des autres, la calomnie suspendue aux lèvres ; le second œuvre pour le bien dans la peine, le silence arrimé à sa bouche.

Il y avait un notaire dans la ville qui adorait le maître car le maître avait un titre ; pas les quatre frères, si ce n’est peut-être l’un d’eux, complice, un peu mieux loti car il arborait un blason. Les autres avaient vécu leur vie dans l’humilité pendant que Jean,  le porteur de titre, se gaussait sans cesse de sa qualité. C’était, semble-t-il, sa façon de se rassurer sur son pouvoir pour mieux écraser n’importe qui il croisait. Son « je suis » emphatique mouillait ses lèvres d’orgueil pendant que les autres exprimaient leur Je avec humanité. La noblesse réelle d’un verbe peut être défigurée selon qui le prononce. Le notaire mit la demeure en vente et exigea que les annexes soient vidées et nettoyées. Vidées, cela est juste ; nettoyées dépend de la dignité que l’on porte en soi. Chacun le sut. Le notaire avait été clair en ses propos, tout en pointant du regard les frères comme exigeant que cela fut fait par eux et non par le maître de la bâtisse. Les gens bien fortunés s'épaulent toujours regardant la misère comme un fardeau abject dont il faut se débarasser aussi. Aucun ne bougea hormis un seul des frères, Paul. Chacun était mort à l’action avant de l’entreprendre. La mort comporte beaucoup de visages. Elle n’est pas que le trépas physique ; elle est aussi le trépas de l’âme nonchalante qui n’a jamais estimé son prochain.

La date finale de la vente approchait à grands enjambées. La déchetterie restait intacte en ses moult annexes. Il fallait  vite vider ; le temps était compté. Attendre le dernier moment restera toujours une volonté de non-faire, une pensée de fer non maléable, condamnant l'action.

Paul, le plus faible des frères qui était porteur d’un handicap physique lourd, à la station debout difficile, regarda la misère du lieu, la misère des âmes, la misère de l’esprit qui n’a pas fécondé d’humanité les porteurs d’âme et décida de se mettre à la tâche. Le temps pressait. Le nombre de jours à tout évacuer allait être nombreux. Chaque jour achevé, il dessinait un trait sur le calendrier et ainsi, pouvait-il voir le labeur fait. Paul arrivait tôt le matin et repartait à la tombée de la nuit qui s’écrivait en fin d’été. Ses doigts enflaient. Son corps pliait sous la charge. Son bras droit pesait le poids d'un sac de cinquante kilogrammes de ciment, si lourd qu'il ne savait plus comment le bouger. Les cervicales n'osaient plus danser dans son cou ; l'Atlas se figeait comme broyée. Le handicap recommençait à révéler ses limites. Il lui fallait souvent s’asseoir pour mieux continuer. Ah ! Cette douleur qui donne envie de pleurer, parfois de hurler ! Ne pas s’écouter ! Faire confiance en la Providence. Aimer le travail et la beauté, le propre. Avoir un ange gardien et lui faire confiance. Avoir son aide. Avoir la gratitude du ciel qui n’est redevable en rien des actions entreprises pour l’amour de ce qui est fait, de ce que nous faisons. Il regardait le ciel bleu, parfois engorgé de pluie naissante, et se disait qu’il valait mieux un ange heureux d’esprit conscient plutôt que les ombres rampantes de ceux qui ignorent la valeur des mains écorchées dont les égratignures saignaient parfois abondamment sans que cela ne le fasse s’arrêter. Un clou rouillé fiché sous un ongle. Un tesson de verre sur le sol de la cave. Une écharde plantée dans la paume de la main. Une pierre qui tombe sur l’épaule. Une planche qui n’a pas été vue sur laquelle on trébuche. Un bac en métal rouillé qui bascule sur un sommier métallique déposé en bascule sur d’autres bacs empilés. Un bout de poutre inutile jeté là par hasard sans se soucier de son aplomb futur. De la sciure humide sur laquelle le pied dérape tel il glisse sur de la neige damée. Un bocal oublié encore plein de légumes comme s’il venait d’être fait et qui avait pourtant quarante ans, caché entre deux planches tombant en poussière. La vermine est passée par là. Un vieux matelas que l’on agrippe sur le bout de tissu paraissant encore sain et qui se déchire, dévoilant son flot de mousse servant de patinoire. La chute. La douleur. Le cri. Le courage d'être soi.

La dignité regardait la vaillance du sang répandu. Parfois, Paul, s’asseyait-il, volontaire et grave, qu’en le voyant faire on pouvait penser qu’il était méritant. Mais non ! Nous n’avons le mérite que de l’honneur qui observe et voit la grâce de la finalité ; et s’asseyant sur une marche de l’escalier descendant à la cave, sous la verrière cassée et pleurant de pluie qui dévalait les marches une à une, pleurant uniquement de fatigue non de lassitude, qu’il était heureux de faire de l’art : redonner de la propreté à un lieu saillant et disgracieux relève de l’art qui embellit la vie, disait-il. Heureux est celui qui sait voir la transformation lumineuse de la tache et de la tâche. Elle a dans l’invisible l’éclat de la lumière exprimant sa gratitude ce que la cupidité ignore. Parfois prenait-il le temps de se reposer pour mieux recharger sa force à la force d’un Valjean qu’il relisait de-ci de-là une page de « Les misérables » de Victor Hugo et d’un long poème de Khalil Gibran qui lui parlait d’« Orages ». Cela le ragaillardissait et « Jean Valjean » portait des charges devenues soudainement légères car le poids d’un objet n’a que le poids physique de sa masse alors que le poids de la calomnie enténèbre celui qui la profère à l’encontre de la bienséance qui s’active. Quant au poids de l’amour des choses bien faites, il possède la beauté de la légèreté. Ainsi pensait-il, sans pour autant ne pas faiblir à certains moments pour ruminer contre ceux qui se reposaient sur son dos, ses épaules, ses mains, vouant leur temps libre à un bateau pour photographier des cygnes qu’Instagram aime, une maison en Normandie ; ceux qui attendaient la fin de la succession pour rembourser de moitié le nouveau joujou de Noël qu’était cette acquisition nouvelle. Paul regardait à nouveau ses marches de cave, ses doigts, et disait à voix haute à nul qui n'entendait car seul, que même au mieux de sa spiritualité, il était encore bien imparfait. Il ne pleurait plus de fatigue. Il pleurait sur ses imperfections. Cela le redressait. Le dos redevenait droit un temps. Il serrait davantage sa ceinture lombaire, se frictionnait les épaules avec un onguent à base de camphre et de menthe, et recommençait à porter la charge qui n’avait plus de poids tant elle en avait.

Il connaissait bien ce Jean, ce frère riche en titre. Il l’entendait penser, de loin, car il était télépathe au point d’entendre ce qu’un homme malveillant pouvait penser de lui. Il l’entendait rire, glousser comme à son accoutumé car il n’était capable que de ces petits rires qui font froid dans le dos, qui avaient glacé chacun de ses frères sauf un. Il l’entendait.

« Laissons le faire ! Attendons que tout soit achevé. Puis, nous lui dirons que nous ne lui avions rien demandé ; que nous aurions de toutes les façons fait ; que sa présence n’était que supercherie. Sa connerie n’a d’égale que sa besogne à notre service ! Je le hais celui-là. Lui et ses idées ! Lui et sa pensée ! » 

Les déchets remontés des annexes et entreposés dans la cour attendaient désormais d'être enlevés car il fallait après les avoir dégagés s’enquérir de bennes qui pourraient les transporter. Quatre camions-bennes furent évalués pour leur transport. Une déchetterie presque complète ! Comment tant de gravats, de bois pourris, de verres cassés, de bouteilles vides de vin, de bière, de meubles dont personne ne voulait, d’objets divers, pouvaient-ils avoir été entassés sur tant d’années sans que ceux qui les y avaient jetés ne s’en étaient soucié davantage ? « On verra demain ! » Demain n’était jamais venu et demain devenait aujourd’hui du sang versé sur un tesson de bouteille caché dans le sol de la cave.

Des gens du village passant par là au sixième jour virent Paul, le dos courbé, le regard épuisé, la maigreur d'un corps sans défense : Encore là à tout faire seul ! dirent-ils. Combien de jours ?  Nous revenons avec deux camions-bennes et nous vous enlevons la moitié de cette déchetterie ! 

Chaque soir, Paul repartait, fier du travail fait. Aujourd'hui, heureux de l'empathie spontanée rencontrée qui était venue à son secours. Ce qui est fait n’est plus à faire. Seize jours sur deux semaines dissociées avaient été le temps nécessaire à ce vidage : du torchon au gant de toilette qui ne serviront plus, du livre dont personne ne veut à la vaisselle de cuisine, du manteau à l’anorak bleu marine et au pantalon usé, des cadres de photos de famille que nul ne connaît et ne désire, en passant par la somme de détritus des cinq annexes, il avait tout vidé, seul. Il avait fait partir deux bennes à métaux lourds. Il avait décidé de laisser à Jean et ses autres frères le peu qui restait ainsi que le balayage de la cave. Il avait décidé de leur laisser trois seizième du travail ayant fait treize seizième de celui-ci. Il verrait. Il ne demandait pas à voir leurs mains propres, les connaissant épaisses comme des battoirs qui peuvent sans scrupules battre un homme, ces mains d’homme ingrat qui n’ont rien fait de leur vie, l’un d’eux ayant battu sans vergogne de jeunes enfants et mis un autre sur un trottoir de la ville pour une histoire de gésiers de poulet laissés dans une assiette. Ah ! Ces mains ! Il ne les oubliait pas. Paul avait entendu les enfants gémir. Jean  n’avait pas été ému de les entendre hurler sous le poids de ses coups.. Il ne les avait pas regretté, non plus. Un enfant à la rue était pour lui normalité. "Il doit finir ses gésiers !" Ces mains qui aimaient la noblesse, tenir un verre, trinquer, et qui ne supportaient pas la saleté ! Ces mains qui auraient pu renouveler le coup de scalpel à « L’homme qui rit » . Victor Hugo n’avait pas suffisamment écrit sur la misère des hommes que les Javert et les Thénardier encore existaient. Hugo n’avait pas fait moisson de gens bienveillants ni éduqués qu’il pouvait pleurer sur la tombe de Fantine et de Gavroche plus de cent ans après les avoir décrits pour éveiller le genre humain sur l’humanité et les défauts des pires âmes déambulant dans la vie.

Le maître de la maison arriva, toisa Paul, rit de son handicap, ne dit rien, regarda alentour, évaluant le travail fait en bon directeur en titre qu’il était.

- Monsieur est là ! dit Paul.  Il lui demanda : Quelle est la valeur de l’homme ?

- Celle de son porte-feuille et de son compte en banque. Il n’y en a pas d’autres. Répondit-il.

- Quelle est la valeur de la vie ?

- Même réponse ; il n’y en a pas d’autres. Il glousse.

- Quelle est la valeur de la pensée ?

- Même réponse ! Il s’irrite.

- Quelle est la valeur d’un titre ?

- De surpasser tous les hommes ! Répondit-il, gloussant à nouveau.

- Alors, à ton titre et tes valeurs sans valeur, ta physionomie faussement débonnaire pour séduire, apprends que la lèpre déjà te gagne. Elle te ronge de l’intérieur et bientôt, tu en verras la trace sur tes mains sans que tu ne puisses guérir avant que tu n’aies vu la valeur du monde. Dit Paul. »

Vint le jour de la signature. Dans la vieille bâtisse, il restait ces trois seizième que Paul n'avait pas évacué, accablé par la douleur physique de la colonne qui s’affaisse, espérant voir ce que ferait ces deux frères aux mains larges comme des battoirs prêtes à frapper et si propres, aux ongles rongés. Ces mains typiques du côté de la génétique de la mère qui toute sa vie avait été fière d’avoir eu des mains d’homme, sauf que ces mains-là n’étaient pas des mains d’hommes car ce serait oublié la finesse de beaucoup d’entre eux pourtant laborieuses, mais des mains hargneuses, vénéneuses, témoins de leur pensée constante en la laideur de leurs âmes qui n’avaient jamais voulu progresser mais avaient régresser dans le chemin que doit être une vie. De fines, elles s’étaient élargies jusqu’à l’incroyable confirmation de l’étendue vaste d’une déforestation incendiaire. Le frère porteur d’un blason était aussi trapu que ses mains, alors que Jean, long et étiré comme une ficelle grossièrement tordue, maniéré à souhait, envoûté par son arme favorite : l’arc, contrastait avec la largeur de ses mains. Il y avait un franc désaccord visible qu’un pianiste n’aurait pu jouer, pas même Franz Liszt qui avait tailladé les palmes d’entre chaque doigt espérant mieux jouer l’étendue des gammes. Pendant que Jean esquivait le regard de chaque partie présente, l’autre blasé à souhait se mit à hurler d’une voix tonitruante qu’un tsunami terrestre aurait pu engager un raz de marée cataclysmique, en l’étude notariale. Tous furent figés devant cette violence verbale qui aurait pu, au-delà de frapper, envoyer n’importe qui en garde à vue pour motif de leurs seuls regards étonnés comme cela aurait pu être pour l'évocation d'un seul mot qui aurait écorché l'oreille. Nul ne comprit bien ce que ses hurlements avaient signifié sinon que tous avaient compris que ces deux là ressemblaient davantage à deux sangliers chargeant plutôt que deux agneaux doués de sérénité. Paul les avait regardés sans sourciller, les autres frères également. Le notaire souhaitait dès lors mettre la maison sous séquestre pour les critères de compromis de vente non remplis dans leur totalité : les trois seizième restants dans la propriété qui s’avéraient être des charges lourdes même si moins lourdes que n’avait été tout le reste. Certains meubles étaient écrits dans le contrat moral, certifiés par e-mails. La cave devait être balayée, ses derniers débris enlevés. Ils n’avaient pas estimé utile de le faire et avaient emporté les ditsmeubles en région autre, leur propriété nouvelle acquise, ce joujou qu'instagram adore. Les acquéreurs refusèrent la mise sous séquestre, lassés de ce mauvais vaudeville. L’affaire était close. Chacun avait révélé en à peine dix minutes la véritable facette de son visage. Comme Victor Hugo aurait aimé voir ce dénouement ! Le visage de l’agneau était devenu celui d’un loup vorace et ceux présumés loups s’avéraient être brebis. Il est des moments dans la vie ou la justice se rend seule sans aide, sans forces de l’ordre, sans avocat, sans juge ; seulement un notaire qui, peut-être, ne considérerait plus jamais un titre et un blason comme étant la valeur d’une morale. Oui ! les directions meurent comme les civilisations arrivées à bout de souffle.

Paul quitta l’étude notariale, arpenta quelques rues silencieux et introspectif, croisa les fantômes de deux amies d’enfance : Cécile et Claudine, les salua humblement, et vit les fantômes s’évanouir dans l’éther de la vie.

La mort avait décidé d'appeler  les deux hommes titrés car quand la somme de malveillances a été plus grande que la somme de bienveillances, il faut bien prendre la décision de ne plus encrasser la terre, noble corps de toutes décisions pour sa gloire. Ils ignoraient qu'il était porteur d'un crabe que Paul vit, de ces crabes qui assaillent quand l'athéisme et la haine associés sont plus actifs qu'un volcan en action. 

La vieille bâtisse pouvait désormais vaquer à une toute nouvelle destinée sans ne plus jamais voir aucun directeur terroriser la vie. Elle devenait le symbole de la lutte hautement gagnée, un havre de culture où Hugo, Zola, Gibran, Tolstoï, les soeurs Brontë, Goethe, Thomas Mann, Hermann Hesse, Rumi, et tous les amis de Paul et de la nuit, pouvaient enfin voir le jour au travers des persiennes enfin ouvertes. Paul avait serré la main des nouveaux maîtres aux visages bienveillants, aux regards étonnés, pour parachever dans cet acte ultime le transfert de la culture multilingue, des idées ensoleillées, de la pensée régnant sur la vie des idéaux philosophiques, pour faire taire à jamais l'image des contraires qui, tant, avait sali la vie. La vieille bâtisse allait enfin pouvoir renaître. Il le voulut ainsi. 

Paul rentra chez lui, pris ses autres frères en ses bras, les serrant tout contre son coeur, les aimant, disant "c'est fini !", s’assit dans le jardin, vit un papillon blanc voler de rose en rose, sentit l’air chahuter les pétunias et la lavande en fin de floraison, huma le parfum des fleurs que le crépuscule exhalait. Le ciel était si sombre qu’il semblait raconter le tourment des jours passés à travailler, et s’ouvrit dans un nuage, élargissant un cercle superbe que le soleil transperça avec puissance, baignant l’ouvrier de sa lumière, le nappant de son rayon tel un baiser à une fleur épanouie, aveuglant au point de baisser le regard forcé d’être humble, rendant aveugle quelques minutes pour ne pas laisser de doute sur sa puissance et allongea ce frère sur le lit d’herbe pour qu’il se repose. Ses doigts s’allégèrent, dégonflèrent. Les plaies cicatrisèrent instantanément. La peau était redevenue aussi douce que de la soie finement tissée comme pour démontrer que le labeur a sa jumelle dans la rugosité de la peau qui n’a pas écouté la valeur de l’âme volontaire.

Il s’endormit, heureux. Tout était achevé.

 

"Le papillon" Pastel sec : oeuvre personnelle.

 

"Virgile et Dante visitant les enfers" de  Gustave Doré pour l'illustration de " La divine comédie"

au Monastere Royal de Brou - Bourg en Bresse - Ain -

Les douze de la colère

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 La blessure du Pélican nourissant ses petits

 

Lorsque se lève l’orage

venant d’affres dures et folles,

l’âme consternée s’affole

se prosternant avec courage.

 

L’heure ne dit pas son tourment,

muette que veut l’azur,

cachant son destin et sa mesure,

afin qu’hommes voient l’égarement.

 

Est-il écrit la ligne des douleurs

que douze s’apprêtent à la colère,

leur soleil ardent, l’ardeur templière,

pour que s’élève la force du cœur.

 

Traîne-t-il un voleur et un menteur

que ravins se plaisent à la sagesse,

ourlant leurs failles de liesse

pour voir agir l’octroi d’heurts.

 

Rien n’est si ce n’est de volonté

que cieux sculptent de patience

quand l’aveuglement se fait science

et que la surdité s’engrange d’effrontés.

 

Jamais ne pleurez sur le juste

car le Digne lave de ses épreuves

la honte qui est un long fleuve,

épurant de sa pensée le fruste.

 

Si l’ouragan, qui n’est plus tempête,

balaie la terre d’un vœu noble,

comme jadis l’Atlantide qu’il rappelle,

soyez vigilants à la venue de la bête.

 

Car de vos vœux passés enténébrés,

elle se délecte, voyant son ivraie

ayant fleuri d’abondance l’intérêt

qu’elle soumet à ses scribes ombrés.

 

Et si vous croyez voir l’allégeance

à ce noir dessein être votre vérité,

passez les cailloux de cette déité

qui enténèbrent votre obligeance !

 

"Dante et Virgile sur les rivages du purgatoire" de Plauzeau Alfred 1901

 ( Dante et  Virgile en miroir )

https://www.alienor.org/collections-des-musees/fiche-objet-37736-tableau-dante-et-virgile-sur-les-rivages-du-purgatoire

 

 

Les nantis

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Pendant que la misère galope sans que riches ne la voient, pleurent les nouveaux indigents. Et que voyons-nous ? De la superficialité.  Qu'entendons-nous ? Les nantis se gausser de leurs nouveaux acquis tout en arguant haut et fort qu'ils compatissent sur la misère du monde. Il y a comme une giffle magistrale dans l'irrespect le plus accablant envers ses  hommes et femmes qui ont tout perdu, qui perdent tout, qui avaient tout et peut-être se moquaient des autres. 

Un peu de décence, à défaut d'un peu de compassion non acquise, serait la bienvenue, car ils témoignent de leur maltraitance profondément ancrée en leurs âmes.

La misère est insupportable, la richesse l'est davantage.

BL

épitaphe

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Ci-gisent Cécile et Claudine, deux sœurs,

Qui n'eurent que leurs yeux pour sangloter.

Enfants maltraités, enfance murée,

Elles n'eurent que le silence pour cœur.

 

Si vous les avez vues passer, rasant un mur,

Leurs ombres cherchant un rayon de soleil,

Leurs âmes ensevelies de brume d'éveil,

Ce ne fut que leurs silhouettes pures !

 

Priez pour elles dont la vie fut martyre,

Car des lourds et impénétrables sanglots

Que nul ne vit dans le silence des complots,

Elles vécurent la nuit donnée par leurs satyres.

 

Si ici gisent Cécile et Claudine, deux sœurs,

C'est que le monde ignora leurs souffrances,

Révélant d'elles, la peine et l'indifférence

Que les ombres aimaient sans chaleur.

 

12 mars 2018

 

 

 

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