Béatrice Lukomski-Joly


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Pourquoi

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

" Pourquoi ? " tableau de Jean Daniel Perrin

https://jeandanielperrin.wordpress.com/

 

Sois belle, Oh ! Ma vie ! Lointaine espérance, ma jeunesse !

Sois le silence, Oh ! Ma mémoire des années sans paresse !

Ai-je pensé ne jamais éteindre l'étreinte des inavoués amours

Que les vagues des regrets sont venues, sans porter secours.

 

Laissant mes empreintes aux siennes naître à mes rides,

J'ai porté mon visage en d'intimes pourquoi, dans le vide.

à ma jeunesse vieille, aux lambeaux de ma mantille trahie,

Je n'ai pas eu de réponses, refusant toutes les embellies.

 

De ci, de là, de loin, toujours belle, toujours assurée,

J'ai cueilli le fruit des rencontres en voluptés mesurées.

Aux graines semées, je n'ai pas abreuvé l'été de mes saisons,

Me croyant ancrée à la beauté du rêve, sans rêver ma maison.

 

Me suspendant aux bras de l'amant sans toucher à ses lèvres,

Je n'ai pas osé marcher, ne ceinturant jamais ses épaules d'orfèvre,

L'âme prisonnière des conventions, vieille avant que de l'être.

J'étais centenaire à mes vingt ans, sonnant le glas des ancêtres !

 

Cent printemps que j'attends son fol amour mystérieux !

Pourquoi n'ai-je pas osé enlacer son cœur au bras de ses vœux ?

L'alliance à mon doigt n'a pas brillé des éclats des légèretés.

Je suis née au grand clocher des sermons d'une ère d'âpreté.

 

Terrassée avant que je ne choisisse de la vie, ma folie,

Je veux dire le fond des tristesses qui font la mélancolie,

Je me suis noyée dans de tristes pilules blanches, parfois roses.

J'ai cent ans ! Et je me demande encore pourquoi, si j'ose !

 

Faudrait-il des fleurs ramassées, tressées en bracelets,

Pour que je revienne à la vie ! Rien qu'un baiser pour un oeillet !

Oh ! Morte avant l'heure, des amours désavoués pour une idée

Parce que je n'ai pas vu, ni voulu voir l'amour d'une orchidée !

 

Pourquoi me suis-je faite vieille avant l'heure !

J'ai encore sur sa bouche ses mots enchanteurs,

Et sur ses mains l'empreinte des frissons que je dérobe,

Le frisson de ses doigts volant aux plis de ma robe.

 

Quant au jardin , assise près des jacinthes, de marbre,

Je levai le printemps éternel, buvant la sève des arbres,

Je me suis, au matin de ma jeunesse, approchée de ma vieillesse,

Criant : Non ! Persuadée qu'au cœur de mon église, je me blesse.

 

Je n'avais d'autel que pour la pudeur, et la pudeur devint cri.

J'ai laissé ma robe voler au vent, coiffant chaque pli proscrit.

Le tissu insolent, sans que je ne vois l'air l'épouser, s'est froissé.

Je suis repartie, pétales dans les cheveux, affaissée.

 

Le visage encore jeune dans ma vieillesse sans âge,

Je suis allée, le laissant sur la rive des désirs, le corsage sage !

Oh ! Tais-toi ma vie ! Noie ta peine immense dans la folle rivière

Que les méandres ramènent d'alluvions infertiles sur ma civière.


Mon ventre n'a porté aucun de ses fruits, ni d'allégresse,

N'a pas même frémi, tellement meurtrie par sa jeunesse,

Tellement abîmée dans ma tristesse, que j'attends à ma fenêtre !

Je meurs sous la rigidité fracassante de mon beau prêtre.

 

Pourquoi n'ai-je pas été libre, libre de moi, libre ?

Quand à la fibre de mon âme j'ai connu le déséquilibre !

Et reste l'indolence des rêves brisés ! Si j'avais su !

Suis-je si vieille qu'encore, je ne puisse être à mon insu ?

 

Alors, le visage désenchanté, le vide sans revanche,

Je décide de rajeunir ; je jette mes pilules blanches.

Je fais de mes pourquoi un bouquet sans épines

Qu'au vent je jette, que la rivière emporte, chagrine.

 

Béatrice Lukomski-Joly

avec ma profonde reconnaissance et amitié pour sa confiance en mon art

 

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