Sire Jean de Joinville
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire
à son saint Roy
Fuyez ombres d'étranglements sans traces
Qu'en vos mains rien ne dérange, à mon âme si lasse,
Qu'aux rênes des harnais tenus sans vergetures,
Mes mains souffrent de plus de talents que de pâture !
Mon cheval est allé par mille terres guerroyer,
Aux armures lourdes chevauchées l'épée a tournoyé.
Dans l'air des salves au feu grégeois, ma tente a flambé.
Nous n'avions rien vu de tel au feu des enjambées.
Des jours de lutte, aux blessures frappées dans le sable,
J'ai combattu l'hydre, l'âme plus armurée que mon râble ;
Pugnace et sans peur, j'ai lutté contre l'oiseau noir,
Quand notre ciel s'obscurcit en ce terrible soir.
Pour Lui, mon Roy, au manteau bleu azur du lys,
J'ai arpenté les déserts, pris la route depuis Senlis ;
Aux sables riches de vipères rampantes,
J'ai levé le mord de mes juments titubantes.
Le désert a assailli le camp, et le camp a sombré.
Blessé, j'ai pansé mon cheval avant mes côtes fêlées,
Bien que mon surcôt finement tissé d'or et de bleu roi,
Sous la cotte de mailles argentée ait été lourd en poids.
Lui et moi au cachot, sous un ciel de tempérance,
J'ai mandé le coffre du saint trésor pour sa délivrance.
Respectés des Sarrasins pour un tel amour sans faille,
Toujours, fûmes reçus en rois, jamais en parias de mailles.
Il était beau ; il était grand, la chaîne fine des flagellations
Accrochée à sa main ivoire, il pensait mériter cette punition.
Quand au cachot, sans titre et la robe de lin reconnue,
Il essuya mes plaies d'un pan de sa chainse tenue.
Quand au retour, la nef Montjoie nous portât religieux,
Portant le souvenir de la sainte ceinture de Dieu,
Chacun, silencieux, sur mer houleuse, priait cette offrande,
Avec Marguerite portant l'enfant que Blanche ne connut pas.
Dans la nef de la cathédrale de Sens, porteurs sacrés et adoubés,
De la vénérée église de Villeneuve l'Archevêque, parée d'abbés,
Je vécus avec lui la lumière des très saints vœux réalisés,
Remontant l'Yonne* vers la belle Lutèce adorée, sous les alizés.
Jehan n'en a jamais rien dit, l'obligé humilité à ses deux rois*.
Aux rênes des harnais, ayant arraché la peau sous nos soies,
Aux chevaux, noble amis, arrachés à nos amours par les lances,
J'attends encore mon cheval, car rien ne ramènera sa vaillance !
Reconstitution de l'armure et des armoiries de Sire Jean de Joinville à l'auditoire de Joinville Haute Marne
* Deux rois : Louis et le Christ
*Pourquoi l'Yonne et non la Seine ? parce que tous ces lieux longent la rivière d'Yonne et que nous savons maintenant grâce aux images satellite que c'est réellement l'Yonne qui coule à Paris. La Seine étant une appelation contrôlée, le doux nom de Seine est resté.
La ville de Joinville, Haute Marne, possède depuis le XIIIème siècle, en l'église de Notre-Dame, un véritable trésor, la Sainte Ceinture Saint Joseph, qui fut ramenée de la Croisade par Saint Louis et donnée au Sire de Joinville, Jean.
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