Le seuil : Gaspard et l'Ange
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentairepastel sec aquarellé : oeuvre personnelle
ARIEL
Gaspard, le seuil est là !
Es-tu prêt ?
GASPARD
Non !
Je me suis chargé de tant de fardeaux pour cette vie
que déjà ma colonne s'effondre bien avant son heure ! Et tu souris !
ARIEL
Quand à l'heure de ta mort, l'homme que tu aurais pu être
devra rendre compte à l'homme que tu auras été et au grand Être,
je t'enseignerai le grand soleil qui, tout, brûle
aux défaites en toi des astres reniés qui te reculent.
Je note ton acte de foi dans ton livre
car déjà, à l'avenir, il te livre.
Tant de fardeaux !
Ne sont-ils pas tes choix que déjà tu les renies ?
Tu viens, connaissant ton avenir et tes missions
et déjà tu désertes parce que le fardeau sera lourd !
Je ne te comprends plus !
Quelle était donc ta profession de foi ?
Que dois-je dire au Roi ?
GASPARD
Tu n'as rien à dire au Roi
car déjà je rends compte de ce que je peux être
et qui me terrifie !
Voir ! Ah ! Voir !
Beaucoup aspire à voir,
je vois,
et moi qui suis au seuil, le crains avant même qu'il ne soit né à mes yeux
et pourtant déjà je vois !
ARIEL
Te souviens-tu de ce que je t'ai dit à tes 21 ans ?
GASPARD
Oui !
Cela résonne encore en ma mémoire
quand du haut du grand escalier de marbre blanc posé dans le vaste ciel,
tu montas à ma gauche,
et parvenus à la dernière marche, je vis l'abîme et la céleste ville.
Je tendis les bras vers le dôme d'or
quant tu me dis :
« Là, tu iras quand tu auras franchi la vallée de la peur ! »
Nous y sommes, n'est-ce pas !
Nous y sommes ! Pas à pas !
Tu vas me laisser, n'est ce pas ?
Je refuse de ne plus te voir !
Tu étais absent lors de l'envol , hier soir !
ARIEL
Non ! J'étais là !
Mais tu ne me voyais pas ;
Tu ne devais pas me voir ! J'étais dissimulé près de la roche.
A tes branches seules, tu dois t'accrocher !
Quand bien-même, as-tu peur,
si je t'accorde trois décennies pour la vaincre,
cela te sera-t'il suffisant ?
Quand tu auras vaincu la peur,
tu iras sur le dôme céleste enluminé d'or.
Allons flirter avec l'abîme …
Là où siègent les Alymes !
Seul son pouvoir saura te raffermir à sa dîme,
si des douves, tu purges l'enfer, et l'esclave tu rédimes !
Mais pour cela, il te faudra à chaque douleur,
engendrant beauté et valeur,
t'accrocher aux bois noirs
de l'espoir.