Le rêve antérieur
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaireTous tableaux d'Arthur Rackam
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Rackham
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C'était la nuit,
Une étrange nuit
Où le sommeil n'est pas,
Où l'on tire les draps
Pour les draper autour
D'un corps nu et lourd.
Ce Geste !
Dame du geste !
Quelle vie meut mes mains !
Quel est ce satin ?
Où vont mes pas ?
Pourquoi se tendent mes bras ?
Et pourquoi cette attirance livide
Soudaine dans un vide
Lumineux
Qui semble heureux ?
Quelle étrange brillance !
Pourquoi ce diamant ?
Où sont mes ailes ?
Ma chambre, où est-elle ?
Cet endroit !
Ces parois !
Que fais-je dans ce château
Et ces douves emplies d'eau ?
Mes yeux brûlent.
Une larme !
Je glisse.
Je tombe.
An 1974
Je tombe.
An 1200
Je tombe
Je renais de ma tombe
A l'envers,
Je suis à l'envers .
1200...
Je m'arrête.
Ne bouge plus !
" Ah, Dame Adélaîne!
Vous voilà revenue parmi nous !
Qu'aviez-vous à vouloir si loin
Déjà vous projeter ?
ici, pleure le temps
Vous nous manquiez .
Ce geste !
Oui, ce geste, le vouliez-vous vraiment ?
Pourquoi nous avoir laissés à nos envies,
Et dans la mort nous abandonner ?
Regardez-vous Dame Adélaîne !
Votre robe est noyée de sueur.
L'avez-vous des combats mérité ?
L'avez-vous du Saint Graal deviné ?
Le glaive encore vous affole,
Qu'il ne vous a pas même frôlé !
Déjà vous nous quittez.
Vers quelle vie allez ?
Adélaïne,
Belle héroïne !
Rivée au portes des mémoires,
La vérité dans les grimoires,
Pétrifiée, l'oeil rivé à la lumière
De ma chaumière
Elle me brûle,
Me brûle!
Une prière !
Suis-je altière ?
Tourmentée, je cherche mon chemin
En hâte d'être au matin.
J'ai vu la coupe.
J'ai bu à la coupe.
Elle déploie ses ailes.
Elle danse et se pose sur une airelle.
Naissent d'elle des voiles
Sur une toile,
Un corps gracieux
Silencieux.
La pluie baigne ses hanches.
C'est dimanche.
Un jardin pousse,
L'entoure, puis la repousse,
Finalement l'épouse
Avec pour seul anneau, la pelouse.
Des lys blancs,
Blancs
Des roses rouges,
Rouges
Des blés dorés,
Dorés.
Un oiseau blanc
Blanc.
Des lianes,
Ma soeur Elie-Anne...
Des ronces,
Coup de semonce !
Des épines,
Que je devine.
Un soleil,
Une abeille,
Une lumière,
Une rose trémière,
Une étoile
Un voile
Se déchire,
La terre tremble,
Il me semble,
S'ouvre,
Me couvre,
M'avale.
Pétale
Se morfond,
Au puits se fond,
Se libère,
Me libère.
Mais, elle prie !
À la bergerie.
Les yeux fermés,
Elle adore l'opprimé.
Un raisin, elle voit,
Elle boit,
Un pain, elle mange
De la main de l'ange.
Un lys l'entoure,
Pour son retour,
Revêt sa robe de soie
L'assoie sur une oie.
Elle boit.
S'assoit,
Regarde,
Et prend garde.
Le sentier est de pétales,
Pierres d'opale.
La route est de cailloux,
Pierres à genoux.
Elle marche,
Monte des marches,
La tête levée, folle brindille,
Attendant que le soleil brille.
" Pourquoi Dame Adélaïne, mal-aimée,
Aux épines vous êtes-vous blessée ?"
Ah ! cet écho !
Point de repos !
Je ?
Elle ?
Pourquoi nos voix s'assemblent,
Se ressemblent ?
Qui es-tu ?
Mais qui es-tu ?
Pourquoi se taire
Sans vouloir me plaire ?
" Laisse la tourmente,
Laisse la haine sur la pente,
Laisse l'horreur
Laisse la peur ;
Tu souffriras,
Tu périras,
Tu vivras.
Et reviendras.
Nul ne peut rien contre toi
Nul n'a rien pu contre moi.
Ecoute toujours ce que nature murmure.
N'oublie jamais son armure !
Vois en les pierres ses visages
Et en l'océan, mon herbage.
N'oublie jamais que tu es la Béatrice
Parce que je fus l'Adélaïne.
Partons !
Nous nous reverrons
Mais partons à présent .
Tu comprends ! le temps... "
Adélaïne ! attends !
À la coupe qui m'entend
Serai-je un jour celui qui vient ?
Je l'attends mon doux lien
Et l'entends dans le son du vent.
" Vis avec ton souvenir
Garde tes sourires!
Ne montre jamais tes peurs
Ne montre jamais tes pleurs!
Ceci est mon enseignement,
Tu es mon sang . "
Adélaïne tombe,
Dans les douves, tombe dans la tombe.
Qui suis-je ?
Où suis-je ?
Mon antichambre ?
Ou ma chambre ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?
J'ai peur
À cette heure !
De l'écho d'une voix,
Trépassée, je vois !
Retentit dans la nuit
La vie née de la vie,
Dans la sombre couleur
Métamorphosée des douleurs.
Est morte la couleuvre
Des ténèbres qui oeuvrent !
Ne montre jamais tes peurs
Ne montre jamais tes pleurs !
Adélaïne s'en est allée,
Me laissant éveillée,
Seule dans la nuit
Debout devant la porte de buis.
Je tendais les bras vers demain,
Une coupe dans les mains.
Ecrit à PROVINS -1983-