Le rêve
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire
Tableau d'Arild Rosenkrantz
http://www.arildrosenkrantz.dk/uk/bio.html
Puisqu'il nous faut mourir une nuit, je m'incline ;
Et que dans la mort, tout se fige dans la bruine ;
Puisqu'il nous faut nous laisser seules, cette nuit,
Et que dans l'abandon, tout se brise d'ennuis,
De l'inachevée ardeur des amours imparfaits,
Je sais le cœur contrit à la forge des forfaits.
Des vœux pieux non aboutis, qui m'inquiètent,
Puisque la mort survient, terriblement muette,
Sans dire un seul mot pour nous prendre sur la grève,
Que la main divine prenne vaillamment le glaive
Pour que nos forts vécus endeuillés dans le rêve,
Ceinturent hardiment nos heures de trêve !
Laissant affligés et stériles nos cœurs lourds,
Qui ont commencé leur lent compte à rebours.
Nous regardons le passé figé qui nous attend,
L'ayant écrit au livre des vies d'espoir latent.
Faut-il pleurer l'abyssal déni en Akasha
Que nous ne prendrons plus jamais entre nos bras ?
En cette vie !
En cette vie !
Déceler les oublis que nous ne voulons voir
Malgré la connaissance sue un de nos soirs !
Faut-il languir trois vies pour éteindre le volcan
Qui a pris feu un printemps, sous un ouragan ?
Tu t'en vas, je m'en vais, il est déjà parti.
Nous mourons de notre enfance d'un pas aigri.
Puisqu'il reste encore de très longs mois à vivre,
Puisque nous pouvons faire refondre le givre,
Comme, si souvent, nous le tentons d'actes bons
Malgré le malheur que nous aimons vagabond,
Emplissons la pensée du temps de ses pardons
Pour que larmes soient celles du beau papillon.
Puisqu'il a fallu que tu viennes de ton ciel,
Le regard âpre face aux carences vénielles,
Puisqu'il fallait voir ce que je ne voulais pas voir,
L'esprit s'alitant pour sa paix qui ne peut déchoir,
Ne prenant pas nos mains tâchées d'opprobre noires,
Tu as fondé ma mère entre mes bras à ta Loire.
En cette vie.
En cette vie.
GIBRAN, Khalil - Le prophète - 16 La Souffrance, 17 La Connaissance de Soi et 18 L'Enseignement.