Le feu de la forge
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentairehttps://www.alamyimages.fr/photos-images/splendor-solis.html
Sur la rive du Léthé, là où brillent les étoiles, je vais sereinement.
Là, où frémit l'air, bordé d'un grand lys blanc, je vis.
Là, où du terrestre plus rien n'a d'importance, fleurit le firmament.
Chacun, jusqu'aux abois des vœux endormis, entend la treille de la vie.
Plus de siècles en mon âme que mille ans n'en peut compter
Ne trouve autant de joie que dans l'éther j'ai cueillie ;.
Aux vents qui ont embrassé mes gestes, aux trêves procréées,
Murmure le bruissement des feuilles des natures accueillies.
Il n'y a pas d'ombre, point de ténèbres, là, où je vais, tranquille.
C'est que la peur du Horla a su enfin quitter la terrestre aventure,
Pour que de printemps en plein hiver, mille vies indélébiles,
Transforment l'airain en or au feu des alchimistes : souffre et sulfure.
Sur l'eau, au pied de la forge, que combat la vouivre,
Crépite une vie au fil des perles enlacées au métier du tisserand.
J'ai coupé, là, les têtes de l'hydre, aux jours liée et aux nuits, ivre.
Du petit feu vers le grand brasier, d'une pépite j'ai éclaté le varan.
Là, sur l'onde paisible des jours qui, enfin, coulent sur les rives,
Sans qu'errent Ondines, ni ne flottent leurs belles chevelures,
Les grands Ents, au bleu des veines, plient genou et s'élèvent d'ogives,
Quand sur la rive du Léthé, au loin, un pêcheur lève la voilure.
Là, où brille la lumière du soleil au bel accueil, l'esprit attend.
Là, où le soupir enfin meurt, le mouvement cueille les actes.
Liberté ! Ô ! sage harmonie du tressaillement qu'engendre le vent,
De mille vies sans terrestres abandons, aux cieux abandonnée !
Le grand lys blanc et doré pare la rose des jours abreuvés,
Quand, au grand fleuve des heures achevées, le bel envol naît.
Aux colliers des perles de nacre se lie le fil d'argent des pépites dorées
Que la catharsis à la grande forge consumme d'heures aux feus oeillets.
Ainsi en est-il quand le Léthé vient surprendre notre chapelet,
Qu'avec joie nous égrenons, parce qu'il est bien d'égrener sa vie.
Ainsi en est-il à mon soir sous le soleil de l'espérance du ruisselet,
Quand au beau partir, la vie fait signe que l'heure est venue en lavis.
Le vieillard qui, d'une main tient une urne offerte au rouge-gorge,
Et de l'autre montre la coupe de l'oubli, soulève le voile enfin,
Et dis : « Qu'as-tu fait de ta vie ? ». Alors germe le feu de la forge
Que les étoiles ramassent pour briller de mille éclats, enfin !