La porte fermée
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire
Toutes illustrations de Frederique Lord Leighton 1830-1896
https://fr.wikipedia.org/wiki/Frederic_Leighton
Encore une femme aux allures défaites !
Encore ce cri qui a déchiré la chambre sombre !
Encore ces sanglots entre deux douleurs dantesques !
Encore cette femme dévorée par le crabe !
Encore cette douleur abyssale des os rongés !
Encore des larmes pullulant sur un visage livide !
Encore ce hurlement dans un lit blanc !
Encore un visage qui s'éteint !
Encore un souffle qui meurt !
Encore des yeux qui ne pensent plus qu'à partir,
La main accrochée à la mienne !
Encore cette terreur de la douleur
Qui n'en finit pas de se dire !
Encore la tristesse sur les draps vierges des sans lendemains !
Encore attendre avec elle que sa douleur soit secourue !
Puis, l'infirmière dans sa blouse jaune comme un soleil !
Puis, c'est l'infirmière qui a mal pour la femme aux lourds cris !
Puis, c'est l'ombre qui se dessine sur la blouse jaune !
Elle a tant crié, tant pleuré, tant secoué le silence,
Que les rideaux ont volé dans l'air sans remous,
Que les murs ont mémorisé sa terreur de la douleur !
Elle a fait silence, elle a arraché ma main sur le drap blanc.
Elle m'a regardée comme on regarde une amie de longue date.
Elle a dit « Je meurs, c'est la fin !
Je n'ai pas assez aimé dans la vie ! »
Encore ce cri qui lacère l'espace ;
Ce cri intenable des maux inénarrables,
Que rien n'a soulagé, sinon un peu de morphine !
C'est l'infirmière mettant le comprimé antalgique sous la langue !
Puis, comme un prêtre donnerait une hostie un dimanche,
Elle a touché le front en sueur, donnant le divin nectar
Qui apaise le cri et le sanglot sous le déchirement du corps !
Elle a dormi, enfin dormi, les os moins douloureux !
Les yeux un peu rassurés, la peau toujours moite !
Les doigts cramponnés encore au suaire blanc !
Et l'infirmière quitte la chambre, laissant le lit plein de détresse !
Et l'infirmière est partie rassurée, un peu, à peine !
Juste un peu, de la laisser sans douleur aiguë !
Encore ce cri dans l'angoisse de n'avoir pas assez aimé !
Encore ce regret d'une vie inachevée d'amour
Qui plie sous le poids du crabe envahissant, sans pitié !
Des gestes d'urgence, des pas qui courent plus vite que le vent !
Une équipe se mobilise avec elle pour sécher les larmes,
Pour faire taire le cri ! Enfin ! elle dit le calme.
Oh ! comment rentrer après une journée emplie de bruit ?
Comment trouver le sommeil, ses yeux en mémoire ?
Le quotidien d'une blouse blanche devenue jaune !
Au-revoir Madame ! mes dames et hommes de certains jours !
Je rentre un peu défaite, un peu abasourdie,
Terriblement calcinée par le feu des cri entendus !
Ne dites rien ! n'ajoutez rien ! cette souffrance !
« Vous êtes une chouette femme » a-t-elle murmuré, les yeux tristes !
"Vous ai-je assez aimé, Madame ?"
Encore ce cri sur une porte fermée calfeutrée !
Encore ces sanglots qui me burinent le cœur !
Encore ce regret de n'avoir pas assez donné dans une vie !
Pendant ce temps que d'autres ignorent,
Sinon les blouses jaunes soudées comme les rayons au soleil,
Malgré la pluie, les nuages, et les beaux jours, seules elles savent !
Savent ce qu'une feuille de papier ne peut raconter !
Moins encore un ordinateur et ses logiciels !
Là où l'empathie déserte à cause du pire !
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