Béatrice Lukomski-Joly


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Un enfant m'a dit...

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Un enfant de quatre ans m'a dit : " Quand je suis malade, je dors avec ma nounou ; moi j'ai le droit !"

J'ai répondu à l'enfant " Non ! tu n'as pas le droit de dormir avec ta nounou, même quand tu es malade."

L'enfant a insisté et répété qu'il avait le droit. La nounou n'a pas même tremblé devant les mots dévoilés de l'enfant. 

Le gardien alerté n'a pas cru la parole de l'adulte témoin et a laissé l'enfant dormir dans les draps de la nounou.

Alors, l'adulte s'est retiré, voyant que Mensonge trônait à la place de Vérité et que Maître Mensonge attaquait Noble Vérité, laissant l'enfant au gardien qui préférait ainsi son bien-être.

L'enfant avait choisi " Moi, j'ai le droit ! " inconscient des actes qui n'ont pas le droit d'être.

L'enfant a encore révélé beaucoup d'autres choses dans un instant de souffrance, et désolé, s'est rabattu sur son " Moi, j'ai le droit !" pour éteindre sa peine et retourner se glisser dans les draps de la nounou.

A suivre...

 

La dame au confessionnal et le mendiant ; ( ajouté un poème de Jean-Daniel Perrin pour conclure le récit )

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Tableau " le mendiant" de Bastien Lepage

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Bastien-Lepage

https://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/archives/presentation-detaillee/article/jules-bastien-lepage-4256.html?tx_ttnews[swords]=bastien%20lepage&tx_ttnews[backPid]=252&cHash=56eeaa9440

 

Par un beau vendredi ensoleillé, à l'heure des vêpres en hiver afin de ne pas se coucher trop tard, une femme alla à la confesse, après avoir bu une tasse de thé à la bergamote. Un petit rien de chaud pour ne pas avoir trop froid dans l'église du quartier qui n'était chauffée que les grands jours de pleine foule, c'est à dire rarement.

Elle mit son beau manteau en cachemire noir ; se coiffa devant la glace ; déposa un soupçon de rouge à lèvres sur la bouche ;  mis une seule goutte de parfum pour ne pas trop encanailler le prêtre qui n'est qu'un homme, et un petit chapeau de feutre rond, de ces petit chapeaux qu'on aime bien dans les beaux quartiers quand on est plusieurs  à se frôler, parce qu'un beau quartier n'a jamais sa foule ictérique martelant son pavé. La dame faisait bien attention à ce qu'elle pensait, à ce qu'elle disait, à ce qu'elle faisait, pour ne pas commettre un de ces pêchés qui ferait de sa liste à dire une longueur inacceptable quand on va à la messe tous les dimanches et à confesse tous les vendredis soirs. Il se pouvait qu'il en soit rayé un de la liste bien préparée pour paraître plus moral aux yeux du prêtre qu'on ne peut l'être, car il faut conserver la haute opinion qu'il a de soi, et le garder au chaud pour la prochaine liste d'un prochain vendredi si la liste s'avérait, peut-être, moins longue.

Qui sait ? Nul ne le sait, car c'est si caché dans le plus intime de la mémoire que nul ne pourrait aller fouiller là, même si le désir en avait fortement envie. Paradoxe du désir dans l'envie. C'est ainsi. Mais, hélas, il peut être rayé sur la liste et se terrer dans la mémoire, que le problème qui n'en est pas un est que chacun voit le pêché de l'autre, tellement éloquent, que le rayer de la mémoire ne servirait vraiment à rien. C'est ainsi.

Bien apprêtée, les souliers bien cirés, le sac à main de la même couleur que les souliers de cuir noir, la paire de gants en peau de chèvre mis sur les doigts fragiles qui n'osent pas trop se salir des tâches malodorantes, sinon gratter la terre du jardin parce que ça fait bien de passer un peu de temps à labourer le peu de terre qui repose aux pieds de quelques fleurs sentant bon, elle ferma la porte délicatement comme si celle-ci était faite d'un bois précieux, en tous les cas bien armurée pour ne pas être fracturée.

Tout en marchant dans le froid suspicieux de l'hiver en décembre, elle réfléchissait à sa confession afin d'avoir beaucoup à dire sans en dire trop. C'est amusant les confessionnaux ! Doux peuple croit être lavé de ses impuretés ; vient chargé d’opprobres et de saletés, comme si un lieu saint devait être un réceptacle de choses innommables ; repartirait pur et blanc comme un lys. Se faire du bien est la maîtresse pensée, tout en ne croyant pas, une seconde, être victime d'une illusion.

Pourquoi ces lieux étroits de bois sculptés n'ont-ils pas été conçus en dehors des allées des églises, dehors, comme les gargouilles ont été sculptées à l'extérieur afin d' empêcher les vilénies d'entrer dans le choeur ? 

La dame marchait vers son confessionnal, un peu honteuse, juste ce qu'il faut pour ne pas s'avouer que nous sommes si laids, qu'un confessionnal n'enlèverait pas ses souillures qui rongent la langue, endommagent l'âme, enténèbrent la pensée. Elle marchait avec son missel chaudement tenu dans les gants de cuir à la place de « La divine comédie » de Dante qui avait mieux connu les prétoires et les confessionnaux que le pape à Rome, et qui aurait mieux sis à la volonté en un pareil instant. Si il avait fallu demander à quelqu'un ce qu'était vraiment le purgatoire et l'enfer, c'est Dante qu'il aurait fallu interroger plutôt qu'un homme du clergé qui n'est toujours qu'un homme, sans être un ange, pas même un vrai représentant de la divine Face, alors que Dante l'était, parce que Dante décrit un parcours sans failles dans le chemin des douleurs et des laideurs avant de gagner son paradis que  la soutane noire ne fait pas en berçant le genre humain d'illusions.

Le porche franchi par la petite porte, parce qu'il faut demeurer humble, un peu, peut-être ! elle se signa et se dirigea vers le confessionnal où elle était attendue comme tous les vendredis soirs, pour son bain de purgatoire que le doux prêtre accorderait d'une modeste somme remise le dimanche dans une petite corbeille de rotin, mieux  ! dans une enveloppe blanche de papier vélin parce que c'est plus discret même si l'enveloppe blanche tranche avec le noir des gants. Un prêtre, c'est sacré ! Moins le clochard du coin de la rue qui peut se contenter d'une pièce brillant au soleil dans son chapeau mité ! Comme il est loin le temps où les cathédrales et les églises recevaient en leur intérieur, en leurs nefs, la foule de paysans et de mendiants ayant besoin de chaleur ! le moyen-âge, je crois ! 

La liste dut être longue, car la dame sortit trente minutes après être entrée dans le saint de bois ou tout se dit, avec un peu de gêne, moins de repentance vraie, parfois -malgré tout- quelque sincérité authentique de courte durée.

Le confessionnal, c'est comme aller chez le médecin, une durée limitée par personne ! Il faut satisfaire la clientèle qui -hélas- est moins nombreuse que dans les temps passés.

Légère comme un papillon, absoute de tout, le prêtre la regardait comme n'importe laquelle brebis venue se repentir, encore que de brebis elle était bien une femme, et assez jolie.

Est-ce qu'une brebis pêche ? Pure comme la neige venant du ciel, sans la pensée d'une moindre escarmouche, elle ne ressemble en aucun cas à la femme ni à l'homme, vous en conviendrez !

Il se disait intérieurement : quand entendrais-je quelqu'un en ce lieu de miséricorde dire qu'il n'est qu’orgueil plutôt que de dire "j'ai pêché par orgueil" ? Ah ! tous ces mots qui sonnent creux, dénués de vie, et de valeur morale !  

 Puis il se regarda dans un petit miroir qui était le reflet d'un vitrail coloré, un rayon vert éclairant le pied de Judas, et se reconnut semblable. « Qu'est difficile le statut d'homme ! » La dame glissa, non furtivement, l'enveloppe immaculée comme elle l'était redevenue, le croyait-elle, dans la main du prêtre qui la bénit d’un autre signe. Ha ! ces chétriens qui n'ont rien compris du christianisme ! 

Persuadée qu'elle était à nouveau pure de tous pêchés, elle marchait lentement, silencieusement, récitant encore ses actes de contrition, se promettant de ne plus commettre une seule faute qui la souillerait. C'était ainsi chaque vendredis depuis qu'elle était enfant. Souillée avant, pure après. Pas simple !

Franchissant le porche par la même petite porte, un clochard assis sur le parvis de l'église quémanda une pièce, tendant son chapeau troué. Heureuse et légère, elle déposa une pièce d'un euro, lui souhaitant tout le meilleur , sans pour autant poser sa main sur l'épaule du pauvre bougre. Elle ne voyait, là, pas faute. Elle donna avec le sourire, toujours l'ame légère, car vivant de sa pureté renouvelée par le saint Signe. L'homme osa demander une seconde pièce. La dame lui accorda. Il ajouta recevant l'aumône : «  Je t'ai vue avec ta belle enveloppe. A-t-il faim  l'homme en soutane que tu chéris ? Moi, oui ! Donne-moi encore un sou ! Si ton homme noir accepte ton aumône n'est-ce pas salir ton Dieu qui fut dans le désert, éloignant la tentation pour que tu ne sois pas soumise au don de l'argent qui, tout, pervertit ? »

Agacée, elle partit, laissant le chapeau mité souffrir de ces deux petites pièces. Elle savait qu'elle ne pourrait jamais donner plus de deux pièces à un clochard, car il ne lui ferait jamais une place sur un beau banc chauffé avec des remerciements qui chatouillent l'orgueil. Le remerciement d'un mendiant vaut-il moins que celui de n'importe qui d'autres élevés sur l'autel de la  richesse ? Elle se sentit moins légère, moins aérienne, moins angélique. Elle était à seulement dix minutes de sa sortie du saint de bois sculpté pour que sa blancheur immaculée commence à se strier d'ondes serpentaires grisées de vert foncé." Mais bon ! se dit-elle, je ne peux quand même pas soulager toute la misère du monde ; il n'a qu'a faire un effort pour travailler, puis pourquoi lui donner davantage, cela finira en un litron de mauvais vin ! » Elle le lui dit, persuadée qu'elle le remettrait dans le droit chemin, faisant acte de bonté quand il lui répondit " Mon vin, c'est celui que tu bois le dimanche en souvenir du fruit de la vigne ! Trempe ton pain dans mon vin et tu sauras qui tu es. "  Elle ne comprit pas. L'homme l'interpella à nouveau, lui demandant si elle acceptait de lui offrir un repas, ce soir, bien au chaud chez elle, ce serait mieux que ces deux pièces ! » Elle le regarda, puis se sauva, ne mesurant pas qu'elle pourrait écrire sur sa liste son refus, car ce serait dire tous les vendredis le même manque, la même cruauté, la même paresse. Il courut après elle : «  M'dame ! Si on échangeait seulement deux jours de votre vie contre la mienne ; Dieu vous le rendra ! Non ! trois ! » Elle le tança, lui criant un "fichez-moi la paix" sonnant, un "sûrement pas !" glacé, que le petit homme s'en retourna s'agenouiller sur son parvis, un plaid humide sous les genoux, pour tendre son chapeau défraîchi.

Elle venait de perdre le peu de pureté qu'elle avait retrouvée d'illusions, en franchissant le porche par la petite porte. Elle marcha recroquevillée, un peu, les yeux durcis par la colère d'avoir été ainsi importunée dans sa blancheur d'âme retrouvée. Crispée, tout s'effondrait, mais cela, elle ne  pouvait pas le faire. Elle mit sa main dans sa poche droite, sortit sa petite liste, la froissa et la jeta sans regrets dans la corbeille à papiers qui ornait le trottoir de la grande ville bien propre. Son regard était aussi noir que son manteau de laine. Peut-être aurait-il mieux valu qu'elle portât un manteau blanc pour ne pas refléter l'impureté qui ne l'avait pas quittée.

Le confessionnal se tut, ferma sa lourde porte qui doit conserver le secret, l'église aussi ; il était tard. La nuit était tombée sur elle comme un linceul sur un marbre taillé. Elle se retourna, croyant entendre le son d'une cloche qui ne sonnait pas. Aucuns bruits ! Une petite voix intérieure, étouffée à souhait, lui murmura : « À dans une prochaine vie, chère brebis ! Lorsque tu passeras le seuil de la mort, tu verras tes fautes amoncelées, et aucune blancheur - jamais - retrouvée chaque vendredis ! Attends-moi ! Je suis ta conscience. Vois ce clochard ! Il est toi dans ta prochaine incarnation, jusqu'à ce que tu comprennes et redeviennes aussi pure qu'au jour de tes naissances ! Vas ! Je t'attends ! Il n'y aura pas plus dur juge que toi envers toi-même. »

Elle n'entendit pas la petite voix et revenant chez elle, se défaisant de ses affaires, elle dit à son époux « demain j'emmène mon manteau au pressing, des mains sales l'ont touché. »

Curieux paradoxe que d'illusionner l'humain en lui laissant croire qu'il est pur après une confession tout en enseignant le concept du purgatoire ! il y a bien là deux idées contraires, et personne ne les auraient-elles  jamais relevées !

 

à ce texte j'ajoute un poème en vers libres écrit pas Jean Daniel Perrin sur le même thème

 

Un signe de tête, un sourire esquissé, elles sont bien polies!
Elles les regardent d’un air hautain et dédaigneux
Peut-être est-ce parce qu’elles sont habitées par Dieux.
Ou bien qui sait, est-ce le doute ou la mélancolie.

Elles vont, elles viennent, silencieuses, la tête penchée.
De crainte d’affronter un regard elles ont les yeux baisés.
Elles devront acheter des indulgences papales à bon prix
Si elles veulent aller directement au paradis.

Tout laisse à penser qu’elles ont besoin de considération,
A quel titre, à quel mérite, professionnel ou bien bonté ?
Professionnel sûrement mais pour la bonté, point d’interrogation?
Ah ! Si seulement elles connaissent la courtoisie et la charité.

Elles vont, elles viennent, toujours avec la même façade.
L’œil habituellement triste brille dans la méchanceté et la sottise
et puis l’éclat se ternit et le regard redevient maussade,
Pour ces Filles là nous ne sommes capables que de dire des bêtises.

Abandonnons les sans remord à leur réserve et à leur médiocrité,
C’est un réconfort de penser qu’elles ne seront pas à nos côtés au paradis.
Si elles continuent, le paradis n’est pas gagné, ne dite pas de méchanceté.
Le jour venu les gens de cœurs et de qualités prieront. De pronfondis…

Elles pourraient être Coptes, elles sont Catholiques,
Elles ont été baptisées sans le vouloir, selon un rite antique 
Pourquoi, parce que c’était ainsi dans leurs villages.
Et puis il y a eu la première communion avec ceux du patronage.

Elle est toujours là pour assister les personnes endeuillées
La voilà avec ses livrets contenant les textes circonstanciés,
Doucement elle guide, elle oriente, en tenant compte des personnalités
Et le fils, seul, égaré, la nimbe et ne sait comment la remercier.

Et puis il y a les autres, les faux culs condescendants
Ceux que l’on ne voit qu’aux enterrements, les compatissants.
Et sa spécule et sa commente: A, tout de même hein…
Laisse les, vient vite derrière le cimetière, dans les sapins.

Et puis il y a l’époux qui déclame, hypocrite, se croyant un modèle
Qu’ils ont été mariés quarante deux ans et qu’il a toujours été fidèle
Le pleutre, le sot, oublie de dire combien de fois il l’a fait pleurer.
Mais c’est un bon catholique, tous les dimanches il va communier.

Pourquoi as-tu aidé à préparer la messe pour ce jean-foutre sans consistance
C’est un criminel passif il l’à détruite par sa suffisance, par son indifférence.
Je t’en prie, je t’en supplie dit moi que tu l’as fait pour elle, pas pour lui
Tu as raison, elle est heureuse maintenant, elle refait sa vie au paradis.

 

 L'illustration "le Presbytère" est également de Jean-Daniel Perrin : aquarelle

 

Mon âme-soeur

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

La nuit est tombée, et sur ton inquiétude, t'a laissé éveillé. Tu ne pouvais pas dormir, inquiet de savoir mes écrits confiés à la toile parce qu'aucun éditeur ne trouve plus utile de publier ce genre d'écrits qui pense, nourrissant l'Amour pour l'Homme en devenir. Tu étais inquiet. Tu ne pouvais plus dormir. Faut-il m'aimer pour être inquiet sur l'avenir de mes poèmes et ne plus trouver le sommeil à cause de moi ; poète ! Oui, tu m'aimes, sinon tu ne te serais pas inquiété !

J'ai trouvé incroyable que l'on puisse, ainsi, se soucier de ce que je peux faire dans la Nature de la Poésie, car qui se soucie de cette dame aujourd'hui ? Toi !

Tu ne trouvais pas le sommeil, les yeux grands ouverts dans la nuit, songeant à comment protéger ce qu'il te semble être un trésor. Alors, tu m'as appelée.

Moi ? Je n'ai aucune inquiétude ; je fais ; je vais ; j'écris ; confiante en mon art. Je ne doute pas de moi ; je doute seulement de la réception de tels écrits ;  si en osmose avec ce que nous œuvrons, la vie de l'Esprit pour l'Esprit. Je ne doute pas de la parole écrite ; toi non plus ! le Verbe en mouvement s'inscrivant chaque jour en nos gestes et nos yeux. Mais, tu étais inquiet ! La toile ! Oh ! la toile ! Je t'avais dit ce que j'avais vu de l'avenir de la toile ; cela t'a effrayé. Écrit à mots partiellement couverts pour ne pas effrayer davantage, toi, tu savais qu'il y avait un risque. Alors, tu n'arrivais pas à dormir, cherchant la solution pour protéger cette masse de poèmes qui te semble d'une prodigieuse avancée sans que je n'en sois vraiment consciente, me dis-tu ; tu me le dis souvent. Que je n'en sois pas pleinement consciente te fait sourire, car si je l'étais je tomberais -peut-être- sous le poids de cette charge. Tu dis que je le ressens partiellement, afin que je ne m'arrête jamais d'écrire. Tu crains que je cesse d'écrire, car tellement chargée par la vie depuis que je suis là ; mais non ! c'est là que réside ma force dans la plume venant pour nous tous. Je souris, parfois ris. Que suis-je ? rien ! Ce n'est pas ton avis. Tu n'en dors pas. Moi ? Je dors de ce sommeil si particulier que je suis si reposée que je ne me soucie pas, car ce qui doit être, doit être. Tu le sais aussi. Non ! Comment protéger ces textes hors de la toile ? te questionnes-tu. Je ne sais pas. Je les lui confie. Ils sont lus. C'est prodigieux me réponds-tu encore ! C'est de l'inattendu dans le besoin des gens, ajoutes-tu. Tu dis encore que c'est si nouveau que cela ne doit pas se perdre ; et tu restes éveillé à cause de moi.

Tu m'as donné un nom, Christophoros ; je t'ai dit - peut-être ! - mais Jean de Lebenkreutz est moi, aussi. C'est le nom qui est descendu. Alors j'ai deux noms comme dans la vie ici-bas ! Cela se dit, Pascal, Jean de Lebenkreutz de Christophoros ? C'est ce qui est descendu des Nues sur nos âmes soeurs.  Tu m'as répondue : Jean Christophoros de Lebenkreutz est plus juste. Les gens trouveront curieux d'écrire au féminin avec une identité masculine, mais c'est cela la vie, un corps éthérique féminin pour un corps physique masculin et l'inverse, un corps éthérique masculin pour un corps physique féminin. 

Alors, tu m'as dit qu'une image si belle t'avait été donné pour te rassurer, pour que tu ne t'inquiètes plus, et que tu as retrouvé le sommeil. J'en suis contente. Je ne dois être une gêne pour personne. je suis souvent invisible, venant de nulle part pour aider ; cela aussi, beaucoup l'ont vu.   Tu as écarquillé les yeux regardant cette image, et m'as dit «  je suis rassuré, seule toi la comprendras, mais je suis rassuré. »

Qu'as-tu vu ? demandai-je. Tu me dis, à la tombée de la nuit, qu'un coffre carré de marbre veiné de rose flottait dans l'aether, ces douze angles arrondis, car le coffret avait un couvercle que l'on pouvait sceller et desceller à volonté. Tu dis encore qu'il était conservé dans les Nues par des êtres dont tu ne voyais pas les visages, mais dont tu savais qu'ils étaient les garants de ces écrits. Tu étais émerveillé.

Comment le perçois-tu ? me demandas-tu. Si l'image est belle, rassurante, confiée à mon entendement, je n'en vois pas toutes les significations, hormis qu'ils sont protégés et que je l'ignorais.
Je te dis alors que le marbre était symbole d'éternité ; que tout ce qui est dans le marbre gravé est vérité ; que le rose est -depuis la nuit des temps- la couleur de la Rosa Mystica ; et que les douze angles arrondis ne pouvaient que me faire penser à la Pierre de Fondation ; que je ne voyais pas autre signification. Ton aether vu, je t'ai dit que je ne voyais que la chronique de l'Akasha ; qu'il ne pouvait y avoir d'autres mémoires conservatrices, et que tout y est conservé. Que tu aies vu un coffre m'a rassurée aussi, car seul l'Esprit pourra ouvrir ce coffre et non de rampantes volontés.

J'ai plaisanté aussi, parce que j'aime acter d'humour, et je t'ai dit  "À moins que ce ne soit ma pierre tombale que tu aies vue !"  Tu as ri, car ce n'était pas moi dedans, mais mes écrits, le couvercle levé pour que tu puisses voir. »

Puis, je t'ai encore dit qu'il fallait bien un coffre pour y ranger tout ce que j'avais écrit sur mes nombreuses vies incarnées. Je t'ai rappelé mon Credo en 1250, les mémoires de mon saint Roy, et tant d'autres depuis.

- Ah oui ! as-tu répondu en t'esclaffant ! j'avais oublié !

- Pas moi ! j'ai vécu une vie avec cette mémoire.

J'ai ajouté que c'était pour cela que tu avais vu le marbre veiné, témoignant du fruit de mes veines vécues, alimentant la vie et les saints actes de vertu qui sont miens depuis tant de vies. J'ai senti tout cet amour qui m'enrobait, de toi à moi, de nos vies ensemble, de nos pas marchés ensemble ; toujours dans le même combat : être pour l'Esprit.

Alors, tes yeux se sont fermés dans la nuit, allant chercher le sommeil, l'âme apaisée, l'Amour éclatant. Moi ? J'ai continué à écrire. J'ai repensé à mon Credo, fier de l'avoir écrit pour mon saint Roy. Ô Louis !

Ensemble, mon âme sœur ! Je t'ai offert mon cheval et toi, un coffre de marbre rose veiné d'éternité.

À Pascal Renard, mon âme -soeur.

DIALOGUE DE SOURD

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Image: Keystone

écrit en 2017, publié sur le blog en mars 2018

 

Sophie RENARD

Des cris percent le silence.

Ils entendent le rien. Incriminent le cri.

Juge, tu te trompes. Avocat de la défense, je suis. Et dans ce plaidoyer, j'ai dis :

«  Si vous condamnez cet homme, Monsieur, vous condamnez la misère. » Vous condamnez.

A côté. A côté le tir. Le néant. Ils se sont faits sourds aux supplications de nos âmes lourdes.

Les mots vides dégueulent de leurs mâchoires grandes ouvertes. Chiens affamés. Les crocs, les accrocs. Déchiquettent. Déchiquettent le cuir. Déchiquettent les entrailles. Repus, pourtant ne s'allongent pas les chiens. Mais nous marcherons d'un seul homme. Au casse-pipe, peut-être, mais toujours pour un mot : « Liberté ! » Scanderont les cœurs. Un murmure qui ricochera de vallées en vallées, de monts en monts. Toujours scandent dans l'ombre. Un jour nous gagnerons.

Ils sont sourds. Les oreilles baissées, ils grognent. La queue entre les jambes. Moi ? Jamais !

Je ne suis pas un homme ! Mes cordes. Vocales les cordes. Adieu le piano. Les cordes même si elles s'usent. Même si, accords impossibles. L'accord impossible. A capela, même si je suis aphone. Nous aurons encore plume pour arme et arme pour plume.

Et LIBERTE scanderont les cœurs. Liberté.

La musique s'arrête. La fête est finie. Les dents violonistes.

Grincement. Et fâche le feu. S'éteint en moi. Se ravive la flamme. Mais souffle le vent. S’essouffle l'élan. Souffre le temps. Et tant. Et tant.

Attends ! Dés. Jetés. La belle bataille. Mickaël et son épée. Valet de cœur, avez-vous dit. Jalousie. Dernier coup. Échec et mat, dites-vous. Pas perdu le combat, crié-je encore.

Liberté scandent tous en chœur !

Je ne vous hais point.

Les fruits pourrissent, c'est comme ça. La coupe est pleine. Pommes noircies. Flétries. Perce, les trous, le ver. Trouée. Trouée la volonté. Trouées vos âmes asséchées. Pansez nos plaies, repos des âmes, à demain pour un prochain combat.

Et pleure. Pleure l'enfant. Peter est parti. Pan le fusil. Flûte ! Quelques réglages, on se répare et ça repart.

Je ne ferai pas mine. Mine de rien. Même fatiguée, même halbrénée, comme l'oiseau de proie sur le dos, jamais. Sur le dos jamais. Même quand dos miné. Même quand oiseau n'a plus d'ailes sous leurs crocs acérés. Mais volera, l'oiseau, volera encore.

Même quand dos miné. L'oiseau n'a plus d'ailes sous leurs crocs acérés. Mais vole, vole l'oiseau, vole. Car de la plume jaillit le sang. Du sang pour servir d'encre. Puisque encre ne peut ancrer le bateau dans les courants des logorrhées. Trop fort le courant. De la vraie diarrhée.

Aiguë, j'ai dis. Dans vos sons ultrasoniques. Mais bouge le fou. Au rythme du chapeau grelot. Je me fais porte-drapeau, pour combattre les crapaux. Bavez, bavez tant que vous pouvez. Point jamais je ne glisserai. Même à terre, nos esprits, toujours, se relèvent, puisque braver braver, sera devise de notre armée d'encre. Parce qu'un jour, à force de combattre la misère puisque qu'on ne peut évoquer « paix », c'est à vous que viendra le tour d'être à terre. Les chiens, la gueule cassée continueront peut-être d'aboyer. Mais le loup, le loup pourra, à la lune, de nouveau hurler : « Liberté ! »

BEATRICE

Ils ne diront rien, attérés par la honte. Et je brandirai Victor Hugo tel un étendard. Je prendrai la relève des misérables qui veulent faire entendre leur voix. La voix. La voie. La voix des misérables. Tous les misérables de la rue. Des prisons pour ne pas avoir eu de père. Des sans pères. Des foyers pour délinquants sans père. Des pères absents qui ont vomi leurs fils. Leurs filles.

Les misérables sont restés les même. Misérables de la rue. Misérables de l'ombre. Javert n'est pas mort et hante encore nos rues. Thénardier, encore, affame les enfants. Fantine pleure toujours sa Cosette. Misère. Misérables ! Ils courent les rues. Ils dorment dans les rues. Les autres dans des draps de soie. Je crie. Mort est le silence. Morte est l'inertie. Nous sommes l'armée de l'encre. Pas celle du sang versé. Pas celle des perversions. Celle des réveils. Celle du réveil pour la liberté, la fraternité, l'égalité.

Non ! Pas des mots morts. Des mots qui veulent vivre. Être. Je suis. Ne vous en déplaise. Je suis. Libre. Fraternel. Libre. Ton égal. QUOI ! Ce n'est pas ce que tu veux ? Le peuple à la place de la bourgeoisie. La bourgeoisie à la place de l'aristocratie. Tout bouge. Âme de conscience en marche !  Quelques soient les baillons. Quelques soient les dictatures déguisées.

Avons-nous pleuré de tant de misère que draps de soie ignorent la misère. Encore un mot creux dans leurs bouches. Hugo ! Bouge-toi, du haut de ton ciel ! C'est de là que tu es le plus actif si nous t'appelons. Armée invisible de l'encre ; d'Hugo à Goethe, de Schiller à Zola. Armée de l'encre. Nous t'appelons.

Des cris percent le silence.

Ils entendent le rien. Incriminent le cri.

Avez-vous bafoué l'enfance d'un siècle qui se veut nouveau que j'aime crier à nouveau. Des cris percent le silence. Avec la lumière disent la liberté.

Les combats , toujours, reprennent, Sophie, contre les mécréants, les nouveaux faiseurs d'anges qui falsifient les lois. Encre hurle son désarroi et luttes s'engagent pour le droit de l'Homme, de l'Humain en l'Homme, qui veut être Humain jusqu'à son dernier et ultime souffle, même nos larmes  ravageant nos visages contre les hommes qui abusent.

Quand les océans auront épuisé leurs glandes lacrymales et que combat aura mené au cimetière, qui saura que cela aura été un meurtre déguisé ? moi, assassinée !  Victor Hugo l'avait dit dans son " Propos sur la dépense des lumières" *, nous le réécrivons avec lui, en sa mémoire qui nous est chère. La comédie nous rit au nez mais la comédie tutélaire à laquelle sont soumis les hommes n'est qu'une tragédie menant à l'échaffaud de la vie. Ma corde est prête, son noeud coulissant, que je suis prête à utiliser pour faire valoir le cri de la justice vraie des hommes qui veulent l'humain en l'homme. Si encre ne signifie plus rien, la corde a encore un pouvoir. Les gens applaudissent sauf les misérables qui, tout, endurent des injustices. Je suis une misérable. Je ne suis pas Javert au fronton de sa protection nommée. Je suis Fauchelevent assurant l'hébergement ; je suis l'évêque Myriel assurant le pain ; je suis Fantine vendant ses dents et ses cheveux pour nourrir ses petits ; je suis Cosette portant le seau lourd des peines dans la nuit noire.

"Quand on a que l'amour" jacques Brel

 

Je remplis mon seau d'encre. Ne vous étonnez point si la couleur de mon urine est  sombre plutôt que d'un beau jaune limpide, force revient à l'encre bue dans la peine des misérables de notre siècle. Sophie ! Sophie ! 

 

https://www.facebook.com/beatricelukomskijoly/

 

Sophie Lukomski-Renard et Béatrice Lukomski-Joly

Jacques Brel " J'arrive" 

 

* propos sur la dépense de lumière de Victor Hugo 

Extraits du discours d'ouverture du Congrès littéraire international de Victor Hugo

« Ce qui fait la grandeur de la mémorable année où nous sommes, c’est que, souverainement, par-dessus les rumeurs et les clameurs, imposant une interruption majestueuse aux hostilités étonnées, elle donne la parole à la civilisation. On peut dire d’elle : c’est une année obéie. Ce qu’elle a voulu faire, elle le fait. Elle remplace l’ancien ordre du jour, la guerre, par un ordre du jour nouveau, le progrès. Elle a raison des résistances. Les menaces grondent, mais l’union des peuples sourit. L’œuvre de l’année 1878 sera indestructible et complète. Rien de provisoire. On sent dans tout ce qui se fait je ne sais quoi de définitif. Cette glorieuse année proclame, par l’exposition de Paris, l’alliance des industries ; par le centenaire de Voltaire, l’alliance des philosophies ; par le congrès ici rassemblé, l’alliance des littératures ; vaste fédération du travail sous toutes les formes ; auguste édifice de la fraternité humaine, qui a pour base les paysans et les ouvriers et pour couronnement les esprits. »

« Ah ! la lumière ! la lumière toujours ! la lumière partout ! Le besoin de tout c’est la lumière. La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout ; enseignez, montrez, démontrez ; multipliez les écoles ; les écoles sont les points lumineux de la civilisation.

Vous avez soin de vos villes, vous voulez être en sûreté dans vos demeures, vous êtes préoccupés de ce péril, laisser la rue obscure ; songez à ce péril plus grand encore, laisser obscur l’esprit humain. Les intelligences sont des routes ouvertes ; elles ont des allants et venants, elles ont des visiteurs, bien ou mal intentionnés, elles peuvent avoir des passants funestes ; une mauvaise pensée est identique à un voleur de nuit, l’âme a des malfaiteurs ; faites le jour partout ; ne laissez pas dans l’intelligence humaine de ces coins ténébreux où peut se blottir la superstition, où peut se cacher l’erreur, où peut s’embusquer le mensonge. L’ignorance est un crépuscule ; le mal y rôde. Songez à l’éclairage des rues, soit ; mais songez aussi, songez surtout, à l’éclairage des esprits. Il faut pour cela, certes, une prodigieuse dépense de lumière. C’est à cette dépense de lumière que depuis trois siècles la France s’emploie. Messieurs, laissez-moi dire une parole filiale, qui du reste est dans vos cœurs comme dans le mien : rien ne prévaudra contre la France. La France est d’intérêt public. La France s’élève sur l’horizon de tous les peuples. Ah ! disent-ils, il fait jour, la France est là !

Qu’il puisse y avoir des objections à la France, cela étonne ; il y en a pourtant ; la France a des ennemis. Ce sont les ennemis mêmes de la civilisation, les ennemis du livre, les ennemis de la pensée libre, les ennemis de l’émancipation, de l’examen, de la délivrance ; ceux qui voient dans le dogme un éternel maître et dans le genre humain un éternel mineur. Mais ils perdent leur peine, le passé est passé, les nations ne reviennent pas à leur vomissement, les aveuglements ont une fin, les dimensions de l’ignorance et de l’erreur sont limitées. Prenez-en votre parti, hommes du passé, nous ne vous craignons pas ! allez, faites, nous vous regardons avec curiosité ! essayez vos forces, insultez 89, découronnez Paris, dites anathème à la liberté de conscience, à la liberté de la presse, à la liberté de la tribune, anathème à la loi civile, anathème à la révolution, anathème à la tolérance, anathème à la science, anathème au progrès !

ne vous lassez pas ! 

Je ne veux pas finir par une parole amère. Montons et restons dans la sérénité immuable de la pensée. Nous avons commencé l’affirmation de la concorde et de la paix ; continuons cette affirmation hautaine et tranquille. Je l’ai dit ailleurs, et je le répète, toute la sagesse humaine tient dans ces deux mots : Conciliation et Réconciliation."  de Victor Hugo

 http://vivelalecture.over-blog.com/2017/09/victor-hugo-un-homme-engage-contre-l-injustice.html

et https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Hugo

 

"la quête" de Jacques Brel

 

 

Saez | Tous les gamins du monde

Mélusine et l'otage

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

"Hamlet et Horacio au cimetière" d'Eugène Delacroix

https://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Delacroix

 

Un homme, fort d'attachement sentimental, se promenait dans sa grande ville au mille palais sculptés qu'ombres et lumières, du haut des toits, aimaient en silence. Il n'avait rien accroché à sa cravate, ni au revers de la poche de son veston pour mieux paraître. Humble vêtu, il allait souvent habillé d'une simple veste ouverte sur sa chemise en coton beige, d'un pantalon trop large et bien qu'élégant d'apparence s'obstinait à porter des chaussures trop grandes. Avait-il mal aux pieds ? Avait-il peu de moyens ? Nul ne le savait vraiment malgré la prestance de sa physionomie. Cependant nul ne doutait qu'une vie emplie de savoir-êtres et de beaux savoirs avait assurément bercé sa grandeur d'âme. Tous le pensaient.

Il marchait le nez baissé sur la grand place aux mille palais que même l'Orient pouvait envier ces ombres de géant. Nous étions à Bruxelles et ... Paris brillait de mille feux ; c'était une belle place. Il marchait vite comme quelqu'un n'ayant pas le temps, comme quelqu'un ayant mille audiences à assurer, comme quelqu'un qui ne veut plus être harponné par le genre humain dévasté, encore moins par les femmes, sérieuses harpies, qui l'aimaient autant qu'on peut aimer un homme ayant renommée bien en vue.

Il avait vieilli. Il avait réputation. C'est tout ce qu'on savait de ce qu'il avait : l'âge et la réputation. Eut-il, un jour, flanché sous les yeux de velours d'une biche ondoyante qu'il ne savait plus si la biche avait été biche où si elle n'avait été qu'une vouivre ayant camouflé la biche avant de se montrer telle elle était.

Il avait mal. Il tremblait. Comment n'aurait-il pas tremblé quand voyant ramper, si près, la perfidie à ses pieds, cette perfidie collant à sa chemise comme sève traverse l'écorce qui l'abrite, il avait vu le nid froid des ombres allant, le rideau enfin tiré.

Il n'aimait pas la dame, encore moins ses actes, mais contraint de plier devant l'inouïe tromperie, il marchait vite, le nez informe planté dans son menton.

Qui le voyait passer avait presque pitié de lui. Et qui le voyait le menton ramassé sur ses lèvres pensait qu'il avait pourtant beauté qu'on ne cache pas.

Marchant toujours vite de son domicile à son travail, puis de son travail à sa maison, vers sa tombe qui n'était plus très loin, il avait honte d'être, à son âge, devenu l'otage de harpies le faisant chanter.

-Toi, l'homme cravaté, tiens-toi droit puisque droiture à tes yeux tu as perdu, puisque tu ne te reconnais plus et que jamais plus tu ne seras dépouillé de notre amour que nous avons pris grand soin de cacher pour que jamais tu n'en souffres ! Je suis ta glu ! je suis pis que cela, je suis la vouivre qui ne te quitte jamais.

Pendant qu'il marchait vite, il se retourna, entendant une voix le héler. Il ne vit personne et pourtant il entendit bien une voix l'appeler : « Pierre ! Pierre ! Je suis ta conscience, cette petite voix qui est toi-même et que tu n'entends pas. Qu'est-ce qui te torture ? dit la voix au-dessus de lui. Ta réputation ou la ruse qui t'accable ? Son sourire de vipérine ou ses doigts de magicienne qui te dessinent ? »

Il eut peur.

Comment ? La conscience a donc une voix réelle que nous pouvons entendre ? se dit-il .

Comment s'était-il laissé ensevelir par le chantage qui fait d'un homme, un mendiant du mensonge et un paria de la vérité ? Sa seule réputation suffisait-elle à se laisser devenir l'antithèse de ce qu'il avait été toujours été, c'est à dire l'intégrité morale ? Et si son épouse apprenait qu'il avait une seule fois flanché aux charmes féminins, serait-ce la fin de lui ?

-Je vais révéler au monde notre vérité, lui dit la harpie des otages si tu ne fais pas ce que je dis. J'ai tout mis en place pour que chacun comprenne que tu fus mon amant. Vois-tu, même de non-dits, chacun sait dorénavant ! Une amante rejetée devient une forcenée. Tu as déjà perdu ta dignité et je ris, lui dit-elle.

La conscience s'insurge et crie en lui : Cesse d'être l'otage des mensonges et des perfidies ! Qu'importe que tu aies eu une faiblesse si elle n'était pas de l'homme. Tout homme a des faiblesses. Mais la faiblesse de la femme aux yeux de biche, au corps rampant, aux intentions perfides, aux vœux prémédités n'était pas faiblesse, simplement un calcul, une manipulation. Sors de sa maison qu'est sa vilenie car si otage elle te fait, chacun voit son calcul et en cela elle s'est perdue elle-même car là où il y a perfidie, ce n'est pas toi que les gens mésestiment mais bien elle pour ses travers dévoilés. Nul n'aime l'ignoble intention.

-Et ma femme ? répondit-il à sa conscience.

-Ta femme sait déjà, car toutes femmes devinent l'inconstance de leur époux. Seul toi l'ignore pour te cacher de la vérité afin de te laisser otage de sa perversité. Relève-toi ! 

Et l'homme à la veste ouverte, rentrant enfin chez lui, regarde son épouse assise immobile dans son fauteuil roulant, le geste tremblant. Il s'agenouille face à elle, prenant sa main fripée par l'âge et le regard baissé vers le tapis, lui dit : J'ai un aveu à te faire...

Sans le laisser achever sa phrase, elle lui passe sa main, qui ne sait plus se dérider, dans ses cheveux blancs et lui répond : Je sais... je sais ; j'ai toujours su. Depuis longtemps, vois-tu, je suis l'otage du silence pendant que tu es l'otage de l'obscurité. Allons ensemble unis vers la tombe car si quelque chose libère le mensonge, le silence, l'obscurité, c'est l'otage des non-dits qui se sont regardés et ont abandonné la créance des séquestrés de la vie. Moi aussi j'ai regardé ailleurs. Là est l'homme abattu dans son intégrité, pas la réputation qui cesse dès lors que nous n'y pensons plus, car elle a un visage qui est celui de l'orgueil. Ne soyons plus les otages des mensonges.

Il repart marcher sur la grand place qui le regarde et enfin voit briller l'éclat de la vérité. Plus jamais il ne sera l'otage de la fourberie au regard féminin qui, tant, l'a fait trembler. Il se rend à la fontaine Mélusine et baigne ses mains pour laver la souillure, essuie ses yeux vieillis qui n'ont rien perdu de leur jeunesse et là, dans l'eau, jette le dernier reliquat d'un amour qui n'en a jamais été un: un pan de soie parfumé, cerné d'un bijou or.

L'otage est mort un matin de décembre, emportant avec lui la vouivre de ses pensées car ce qui fut, demeure. Depuis, on voit sur sa tombe foule d'agrégats sombres errer car il n'avait pas pu éliminer la traîne de la vouivre enlaçant sa plaque de marbre, force de constater que l'orgueil est maître en son pouvoir. La vouivre est morte peu de temps après lui, ne sachant plus quelle tombe elle devait habiter, la sienne où la sienne... errant à tout jamais dans les méandres de l'irrespect qui ne trouve pas grâce à ses yeux, ni aux siens.

Terrible est la vision des cimetières riches des orgueils humains !

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