De vie en vie
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentairePhoto personnelle
Dans une vie antérieure, en 1222, apprenez que je fus,
Entre une vie de chevalier sous saint Louis, je fus,
Et une autre vie vouée à l'écriture en sérénité,
Sire de Joinville, je demeure pour l'éternité.
Mon bateau me portât jusqu'en terre sainte.
Dans l'enceinte des complaintes du temps, j'ouïs les plaintes.
Jamais je ne vis plus charmants êtres que ceux qui me reçurent,
Ni d'autres, refusant certains combats qui leur déplurent.
Je débutais, là, l'étude précieuse de la science spirituelle
Que j'acquis en pays loin, chevalier renégat aux querelles.
Je combattis, non pas l'homme, mais l'école de Gundishapur,
Refusant la venue de cette science de basse-cour.
Ahriman édifiait la cécité sur la future âme de conscience,
Pour anoblir sa volonté matérialiste bien avant l'heure ;
Les brillants minarets devinrent des cimeterres de jugement
Que Lucifer dut contrecarrer pour son propre mouvement.
Le concile de 869 m'était une plaie que je devais panser ;
La négation de l'Esprit me fut un outrage que je dus penser.
Mes frères rachetant le Saint Tombeau implorèrent le ciel.
Les croisades contre l'établissement de l'an 666 carentiel.
Ils ne surent pas que le Graal n'était pas que vase matériel,
Qui en leurs âmes, espère la juste question spirituelle.
Ils se battirent pour un royaume céleste méconnu,
Volontaires pour bien faire dans leurs esprits encore nus.
Revenu en ma terre natale, la grande Champagne d'alors,
Parcourant le provinois du grand Thibault, mon seignor,
Frère du roy me fit traiter en perfide infidèle,
Pour avoir mander le saint trésor pour libérer mon roy fidèle.
Terré dans les marais, dissimulé dans les longs souterrains,
Je passais ma vie à me soustraire aux autorités d'airain,*
Préférant ce calvaire à la prison qui aurait attesté, fragile,
L'étrange loi affirmant l'homme comme suie de méfiance vile.
Le bel ami, prince de Syrie, devint en autre vie, mon père.
Je l’honorais dans le don qui offre la joie de lire des vers.
Sous mes yeux tendit la reliure du Faust qu'en moi il reconnut ;
Celui qui cherche et trouve du sang le message convenu.
Devenus amis, de vie en vie, nous nous retrouvâmes pour accomplir,
La certitude acquise de l'immanquable béatitude pour anoblir.
Nous fûmes tour à tour, juifs, athées, musulmans puis chrétiens,
Homme ou femme selon nos besoins depuis le règne païen.
De vie en vie, riche, pauvre, heureux, malheureux, confondus,
Nous vécûmes les combats, l'un dans l'autre fondus.
Les âges de paix d’initiation que donna le monde
Sentirent l'élan que nos vies, toujours, sondent.
Fut-ce présents sur le chemin de Damas, loin après le Krach,
Que nous décidâmes ne plus jamais considérer aucune attaque
contre l'homme, notre égal, ne plus se méprendre à le haïr,
S'avouer aussi imparfaits qu'eux, pour enfin bénir.
Nous devînmes citoyens du monde qui s'ornait de couleurs
Pour nos consciences naissantes, fragiles de douleurs ;
Nous comprîmes que nos acquis traversaient les époques.
Rien ne se perd de ce que nous avons en nos âmes, réuni ad-hoc.
* Philippe le Bel : Joinville connut de son vivant 6 rois régnant mais toute sa vie ne resta fidèle qu'à un seul sur le plan moral et politique : Louis IX