à mes obsèques, j'attendrai dehors....
Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaireIllustration tableau de Louis Janmot
Quand viendra l'heure de mon éternel envol,
Et que vous logerez sur les bancs de ma coupole,
Ou des clochers pointus, comme vous voudrez !
Un peu poudrée, un peu ridé(e), à peine effondré(e)s,
Souvenez-vous que je vous attendrai sous un arbre,
Presque indifférente aux paroles de marbre.
Absente de mes obsèques, ne vous en déplaise !
Pendant que vous écouterez ce que dit le prêtre,
Les autres, vous voyant peu attentif à mes lettres,
J'écrirai dans la nef, expirant vos pensées
Si elles ne sont pas d'une rose dorée !
Et j'attendrai dehors, que messe soit dite.
J'irai voir danser, dans la rivière bleue, les truites.
Absente de mes obsèques, ne vous en déplaise !
Quand l'heure sera de m'enterrer avec les graines,
Au printemps fleuri de « forget me not » que j'égrenne,
Si je les vois faner au seuil des souvenirs flous,
Je vous attendrai assise sous les bambous.
J'entrerai parfois pour vous regarder, l'air confus
D'être l'intruse dans ma transparence, nue.
Absente de mes obsèques, ne vous en déplaise !
Puis, je vous attendrai, sage, debout, sous un chêne,
Enfin enchantée d'être libérée de mes chaînes.
Vous sortirez l'air, peut-être, triste, l’œil plissé,
Heureux que cela s'achève enfin ! Hâtés de jacasser
Sans penser un instant que je vous écouterai,
Amusée des verbes faux comme on le devrait.
Je vous attendrai dehors, ne vous en déplaise !
Et si par hasard, vous décidiez d'y lire ce poème,
Afin de rire un peu, sachez que je brasserai, à peine,
L'air autour de l'autel pour vous dire que je vous ai aimés.
Vous verrez un fluide, regardant si portes sont fermées,
Et porte claquera, car je prendrai le seuil
Pour vous signer mon allégeance d'un clin d’œil.
Je rentrerai cinq minutes, ne vous en déplaise !
J'espère que vous n'oublierez pas de me jouer
Les chants et musiques que j'aimais écouter,
Pour qu'encore, je danse, sinon, je sortirai ;
Passant, avant, des uns aux autres, je chanterai...
Dites-moi, quoi ? Quoi ! Point, vous ne vous souvenez !
Un peu de Parsifal, un peu de Schiller, avec l'amie la rose.
Peut-être entrerai-je, ne vous en déplaise !
Oh ! Mais qui vois-je ? Non ! Pas eux ici en ce lieu !
Je ne les ai jamais vus aimer ! Ces gueux !
Qu'on les jette dehors avant que je ne me lève
D'un typhon qui fenderait le toit de mon glaive !
Non ! Pas eux ! Vils serpents ! Sortez immédiatement !
Rampez dehors que je vous terrasse d'un élan !
Ne vous en déplaise ! Ne vous en déplaise !
tableau de Louis Janmot du "poème de l'âme"