Il s'est endormi comme un vieillard fatigué,
Dans les mains des ruissellements d'eau usées,
Dans le coeur, une lassitude enterrée de ses espoirs
Et dans la pensée des amours pris au gré des miroirs.
Il n'avait que le coeur au creux de ses mains lacérées
Par tant de labeur forcené à ses prières, sans cesse répétées,
Aux sols creusés pour que ses belles aient maisons en beauté,
Il avait mis tant de passion à construire leur sécurité
Qu'encore, il regarde ses mains lacérées de passion,
Le front épuisé de rides ravagées par ses dérisions.
Il n'avait que l'amour niché au gré des manques terribles,
Tant de rires inventés pour les oublier dans ses Bibles,
Au bord des plages , regardant seul le lointain horizon,
Il savait que, jamais, il ne reverrait ses soleils si profonds.
Il disait au plus fort, comme au plus humble des êtres,
Tout l'amour du monde qui le parait. Accoudé à sa fenêtre,
Il montrait le lointain, observant la nature et le ciel
Remplissant de son regard son coeur torrentiel.
Il n'avait rien qu'un coeur, parfois blessé, parfois heureux,
Qu'à ses langueurs d'éloignement, il emplissait ses creux
De visages filigrannés de ses enfants, dont la terre le privait.
Il avait, de ses défaites, creusé la tombe, qui l'enlisait dans ses marais.
C'était Roman endormi qui pleurait ses enfants,
Tout le long des nuits, au rêves éveillés fait de son sang,
Qu'il osait, accoudé, toujours, à sa fenêtre, appeller,
Portant aux vents ses pensées, pour les faire chapelle.
C'est de matins, assoiffé de terribles amours,
Qu'il revêtit ses souvenirs de père, privé d'humour,
Qu'il cria son desespoir de solitude, aux oiseaux chantants,
Les printemps accrochés à son âge, des ruisseaux voguants.
Un jour, pris de lassitude, Roman endormi cria leurs noms.
La vieillesse galopait au temps du mourir sous l'adorée prénom
Qu'il murmurait sans lassitude de la voir contre son coeur,
Rêvant de l'achèvement des douleurs, aux printemps des senteurs.
Assis sur un banc de pierre, attendant l'inespérée venue,
Il regarda sa fille de tant d'amour qu'encore le banc s'en remue.
De muettes espérances au gré de la grande roue qui tournait,
Tournait, s'envolait au haut du grand dôme que Carolus choyait,
Il dit : Va voir le beau trône, et redescend de la grand roue,
Sans omettre de me rapporter un massepain, du coin de la rue.
Der Dom Aachen
Roman endormi regardait ses enfants du haut de la belle ville
Qui d'Aix était la Chapelle au royaume des pierreries du bel autel.
Comment endormi monta-t-il l'interminable escalier qui va au trône,
M'offrant la belle assise, pourtant interdite, qu'il m'y installa en Madone.
Le regard des gardiens n'osa pas déloger la volonté de Roman endormi,
Leurs bras soutenant la volonté du vieil homme aux jambes endolories.
C'est mon au-revoir susura-t-il ; retournons voir la pierre qui nous attend,
Reposons nos jambes, et ton dos, sous l'oeil averti de l'ange qui m'attend.
Comment vont tes enfants, dit la faible voix, loin de la châsse de Carolus.
Oh ! la belle châsse ! répondis-je des lointaines enfances à l'heure de l'angélus .
Retournons au banc de pierre que l'homme a un jour taillé pour nos coeurs,
Si de la pierre tu dis l'adieu, qui enfante une nouvelle naissance à cette heure !
Roman endormi esquissa pour la première fois un sourire plein,
De ces sourires qu'il n'avait donnés qu'aux fleurs des petits riens,
Qu'aux oiseaux envoyés en messagers de tous ses écrits,
Qu'aux océans des exilés soumis aux lettres de tous les cris.
Roman endormi prit mes deux mains, bénissant et Dieu et moi.
Va aux silences des mémoires que la vie a châtié de ses lois,
Pense à moi souvent, que jamais je ne te quitte, ajouta Roman endormi.
Récite-moi Alphonse de Lamartine, de temps en temps, ma mie.
Lorsque tu t'assoiras aux rives des fleuves oubliés, griffe la terre,
Que sous tes ongles, je sente encore les rives mouillées des beaux parterres.
Va, pieds nus, qu'à chacun de tes pas au beau corps de vie,
Je vive de tes pieds, l'honoré sacrifice à ce vase, dit Roman endormi.
Il s'est endormi, usé, le Roman des alexandrins Hugolien,
Osant l'ultime demande : Qui de Cosette ou de Fantine, es-tu de liens ?
De Gaspard Hauser, feras-tu ta propre tombe dans un cri de pardon,
Aux hommes des tristes inconsciences, dit l'endormi à la mort des abandons.
Je pris de l'abandon, l'ultime sourire posé sur les draps blancs,
Fleurissant de roses blanches nos souvenirs, sous des nuages blancs,
Que le soleil emplissait de pétales, étalés aux rives griffées,
Des enfants séparés du Roman endormi, dans sa vie d'amour assoiffé.
Je n'ai rien dit, ni à son frère, ni à ses autres enfants,
Car sa préférée, sa complice, son âme soeur j'étais de tous les temps.
Je n'ai rien dit à personne, refusant que l'on salisse sa mémoire
Que certains ont pourtant piétinée sans vergogne pour leur victoire.
Trône de Charlemagne, cathédrale d'Aix la Chapelle
à Aachen (Aix la Chapelle) Deutschland -28/08/2008-
En mémoire de Roman Alexandre Lukomski -Polonais/Français immigré en Allemagne-