Béatrice Lukomski-Joly


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Roman endormi

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

Roman Guy Alexandre Lukomski ( F 1932- D 2008)

 

Il s'est endormi comme un vieillard fatigué,
Dans les mains des ruissellements d'eau usées,
Dans le coeur, une lassitude enterrée de ses espoirs
Et dans la pensée des amours pris au gré des miroirs.

Il n'avait que le coeur au creux de ses mains lacérées
Par tant de labeur forcené à ses prières, sans cesse répétées,
Aux sols creusés pour que ses belles aient  maisons en beauté,
Il avait mis tant de passion à construire leur sécurité
Qu'encore, il regarde ses mains lacérées de passion,
Le front épuisé de rides ravagées par ses dérisions.

Il n'avait que l'amour niché au gré des manques terribles,
Tant de rires inventés pour les oublier dans ses Bibles,
Au bord des plages , regardant seul le lointain horizon,
Il savait que, jamais, il ne reverrait ses soleils si profonds.

Il disait au plus fort, comme au plus humble des êtres,
Tout l'amour du monde qui le parait. Accoudé à sa fenêtre,
Il montrait le lointain, observant la nature et le ciel
Remplissant de  son regard son coeur torrentiel.


Il n'avait rien qu'un coeur, parfois blessé, parfois heureux,
Qu'à ses langueurs d'éloignement, il emplissait ses creux
De visages filigrannés de ses enfants, dont la terre le privait.
Il avait, de ses  défaites, creusé la tombe, qui l'enlisait dans ses marais.

C'était Roman endormi qui pleurait ses enfants,
Tout le long des nuits, au rêves éveillés fait de son sang,
Qu'il osait, accoudé,  toujours, à sa fenêtre, appeller,
Portant aux vents ses pensées,  pour les faire chapelle.

C'est de matins, assoiffé de terribles amours,
Qu'il revêtit ses souvenirs de père, privé d'humour,
Qu'il  cria son desespoir de solitude, aux oiseaux chantants,
Les printemps accrochés à son âge, des ruisseaux voguants.

Un jour, pris de lassitude, Roman endormi cria leurs noms.
La vieillesse galopait au temps du mourir sous l'adorée prénom
Qu'il murmurait sans lassitude de la voir contre son coeur,
Rêvant de l'achèvement des douleurs, aux printemps des senteurs.

Assis sur un banc de pierre, attendant l'inespérée venue,
Il regarda sa fille de tant d'amour qu'encore le banc s'en remue.
De muettes espérances au gré de la grande roue qui tournait,
Tournait, s'envolait au haut du grand dôme que Carolus choyait,
Il dit : Va voir le beau trône, et redescend de la grand roue,
Sans omettre de me rapporter un massepain, du coin de la rue.

 


Der Dom Aachen

Roman endormi regardait ses enfants du haut de la belle ville
Qui d'Aix était la Chapelle au royaume des pierreries du bel autel.
Comment endormi monta-t-il l'interminable escalier qui va au trône,
M'offrant la belle assise, pourtant interdite, qu'il m'y installa en Madone.


Le regard des gardiens n'osa pas déloger la volonté de Roman endormi, 
Leurs bras soutenant la volonté du vieil homme aux jambes endolories.
C'est mon au-revoir susura-t-il ; retournons voir la pierre qui nous attend,
Reposons nos jambes, et ton dos, sous l'oeil averti de l'ange qui m'attend.

 


Comment vont tes enfants, dit la faible voix, loin de la châsse de Carolus.
Oh ! la belle châsse ! répondis-je des lointaines enfances à l'heure de l'angélus .
Retournons au banc de pierre que l'homme a un jour taillé pour nos coeurs,
Si de la pierre tu dis l'adieu, qui enfante une nouvelle naissance à cette heure !

 

 

Roman endormi esquissa pour la première fois un sourire plein,
De ces sourires qu'il n'avait donnés qu'aux fleurs des petits riens,
Qu'aux oiseaux envoyés en  messagers de tous  ses écrits,
Qu'aux océans des exilés soumis aux lettres de tous les cris.

Roman endormi prit mes deux mains, bénissant et Dieu et moi.
Va aux silences des mémoires que la vie a châtié de ses lois,
Pense à moi souvent, que jamais je ne te quitte, ajouta Roman endormi.
Récite-moi Alphonse de Lamartine, de temps en temps, ma mie. 

Lorsque tu t'assoiras aux rives des fleuves oubliés, griffe la terre,
Que sous tes ongles, je sente encore les rives mouillées des beaux parterres.
Va, pieds nus, qu'à chacun de tes pas au beau corps de vie,
Je vive de tes pieds, l'honoré sacrifice à ce vase, dit Roman endormi.

Il s'est endormi, usé, le Roman des alexandrins Hugolien,
Osant l'ultime demande : Qui de Cosette ou de Fantine, es-tu de liens ?
De Gaspard Hauser, feras-tu ta propre tombe dans un cri de pardon,
Aux hommes des tristes inconsciences, dit l'endormi à la mort des  abandons.


Je pris de l'abandon, l'ultime sourire posé sur les draps blancs,
Fleurissant de roses blanches  nos souvenirs, sous des nuages blancs,
Que le soleil emplissait de pétales, étalés aux rives griffées,
Des enfants séparés du Roman endormi, dans sa vie d'amour assoiffé.

 

Je n'ai rien dit, ni à son frère, ni à ses autres enfants,

Car sa préférée, sa complice, son âme soeur j'étais de tous les temps.

Je n'ai rien dit à personne, refusant que l'on salisse sa mémoire

Que certains ont pourtant piétinée sans vergogne pour leur victoire.

 

Trône de Charlemagne, cathédrale d'Aix la Chapelle

 

à Aachen (Aix la Chapelle) Deutschland -28/08/2008-

En mémoire de Roman Alexandre Lukomski -Polonais/Français immigré en Allemagne-

 

http://beatrice-lukomski-joly.copyright01.com/

Osip Kozlovsky - Requiem in E-flat minor (1798)

Requiem pour un regard

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

 

Aquarelles de Jean Daniel PERRIN

https://jeandanielperrin.wordpress.com/


Et si j'étais le temps,

Moi, le fou des harmattans,

M'auriez-vous aimé,

Moi, le doux affamé ?

Si j'étais le vent déclaré

M'auriez-vous entouré ?

M'auriez-vous étreint

De légers embruns ?

Si j'avais été le Rhin

Et été votre pèlerin !

 

Je n'ai rien dit.

Elle s'est tue aussi.

 

Pourtant ! Pourtant !

Debout, contre le temps,

De ses yeux, m'a raconté,

Le torrent de perles nacrées

Et encore la rivière fine

Des sources alpines

Qu'au loin elle regardait.

Elle n'a pas bougé, se taisait.

Elle a simplement vieilli,

Et moi, sans elle, suis parti.

 

Elle n'a rien dit.

Je me suis tu aussi.

 

Pourtant ! Aquarellés,

Nos regards se sont ailés

Et encore croisés, adorés,

Aimés, entrelacés.

Mais elle n'a rien dit,

N'a rien promis ! Rien dit !

N'a rien chuchoté,

Guère moi non plus.

Là, serré contre moi !

Je me suis tu, perdu,

Le cœur mis à nu.

 

Je n'ai rien dit.

Elle n'a rien dit.

 

 

Le Rhin coulait.

Basel s'endormait.

Le Rhin n'a pas frémi

Ni Basel n'a compris.

Le Rhin a coulé

Lascif et troublé.

Le pont a faibli,

A blêmi, tressailli.

Basel n'a rien dit.

Et le Rhin a gémi.

 

Je n'ai rien dit,

Elle s'est tue aussi.

 

J'ai rêvé, rêvé d'elle,

Qu'elle a souri, si belle !

Lorelei dans sa chapelle

Du haut de sa citadelle,

Enviait le Rhin et Basel

Que ne connaît pas l'hiver.

Elle est partie, vers Anvers,

Sans se retourner, fière,

Sans me voir, ni me pleurer.

Être lui, les jours implorés !

 

Je n'ai rien dit,

Elle s'est tue aussi.

 

Et.. le vent est parti avec elle,

Et... le Rhin avec moi, irréel,

Laissant Basel jouer sa romance,

Son requiem en dormance.

Lacrymosa sans notes classique !

Partition sans musique !

Juste le vent sur l'eau

Sur le pont des sanglots.

Parce que je n'ai rien dit,

Parce que je me suis tu aussi.

 

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La dame en noir

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"la cape du destin" d'Odilon Redon

http://www.musba-bordeaux.fr/sites/musba-bordeaux.fr/files/odilon_redon-dossier_pedagogique.pdf

 

La dame en noir est partie

Hier à la tombée de la nuit

Laissant sa robe d'ombre miel

Aux étoiles tombées du ciel.

 

Les étoiles ont un peu crié,

Un peu pleuré, quand a prié

La dame en noir qui est partie

Sans chérir ses tous petits.

 

L'enfant balance sa chevelure

Qui s'enflamme des brûlures

Et sur le rivage dit au sable :

La dame est partie au diable.

 

La dame en noir a fort pleuré

Quand le jour s'est éteint, effaré,

Voyant dans le ciel les minois

Des enfants apeurés d'autrefois.

 

Elle a vu la griffe qui lacère

Et encore la gifle qui ulcère.

Elle a su que des enfants à Noël

Attendent de la beauté, l'arc-en-ciel.

 

La dame est partie inconsolable,

Laissant sur les bancs de sable

La somme des roses qu'aime le ciel

Qu'enfants n'ont pas vues, cicatriciels.

 

La dame en noir est partie

Hier à la tombée des repentis

Sans rien dire à ses tous petits

Qu'elle n'a pas vus vieillis.

 

 

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Paula Cole - Autumn Leaves

Avocate

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

PHOTO http://www.billfrymire.com/blog/

 

Elle était avocate, accrochée à la barre,

Soutenant la tête d'un misérable gars.

Halluciné il ne comprenait pas sa peine.

Elle a allumé des espoirs contre la haine.

Elle a affligé, au palais, bien des regards

Quand juges écoutaient plaider pour le vieillard,

Leur lourd fauteuil fatigué de juger le monde.

 

Elle avait la hauteur d'une étole d'hermine,

Rien qu'un combat interrompu à leurs babines.

Elle n'était que le verbe du pauvre hère,

Quand épuisé, il en appelait à la trêve.

Lui n'avait rien d'un astre étincelant levé,

Juste des larmes versées sur le beau parquet

Des couloirs mélancoliques du grand quart-monde.

 

Les étincelles ont des aspirations.

Les ailes souvent sont des révélations.

Un ciel aussi opalescent que deux miroirs.

Une paillasse de métal pour tout espoir.

Les magistrats ont des pèlerines usées.

Les marquises ont des vitrages épuisés.

 

Joconde, le sourire lié et éloquent,

La prestance déconstruite, un peu suffocant,

Elle avait terrassé l'ardeur du patriarche

Comme une sirène ombrageuse sur les marches

Quand à l'abysse du tribunal, l'enfant meurt.

Elle a vu la misère d'un grand nombre d'heures

Et l'enfant meurt à son enfance pour toujours.

 

Elle pleurait parfois, arpentant le perchoir,

Traçant un poème pour taire sa mémoire.

Un diable a dit au-revoir pour de lourds barreaux,

L'utile défi qui enlise le chaos

Quand infraction n'était qu'un arbre brûlé.

Elle a gagné, parfois perdu, ses plaidoyers

Mais a osé dire la foi des mecs, toujours.

 

Les étincelles ont des aspirations.

Les ailes souvent sont des révélations.

Un ciel aussi opalescent que deux miroirs.

Une paillasse de métal pour tout espoir.

Les magistrats ont des pèlerines usées.

Les marquises ont des vitrages épuisés.

 

À Suzanne Walther-Siksou

http://poesie.webnet.fr/vospoemes/poemes/suzanne_walther_siksou/suzanne_walther_siksou.html

Avocate et poète.

Elle écrit un poème par jour.

 

http://beatrice-lukomski-joly.copyright01.com/

 

 

Pourquoi

Rédigé par béatrice Lukomski-Joly Aucun commentaire

" Pourquoi ? " tableau de Jean Daniel Perrin

https://jeandanielperrin.wordpress.com/

 

Sois belle, Oh ! Ma vie ! Lointaine espérance, ma jeunesse !

Sois le silence, Oh ! Ma mémoire des années sans paresse !

Ai-je pensé ne jamais éteindre l'étreinte des inavoués amours

Que les vagues des regrets sont venues, sans porter secours.

 

Laissant mes empreintes aux siennes naître à mes rides,

J'ai porté mon visage en d'intimes pourquoi, dans le vide.

à ma jeunesse vieille, aux lambeaux de ma mantille trahie,

Je n'ai pas eu de réponses, refusant toutes les embellies.

 

De ci, de là, de loin, toujours belle, toujours assurée,

J'ai cueilli le fruit des rencontres en voluptés mesurées.

Aux graines semées, je n'ai pas abreuvé l'été de mes saisons,

Me croyant ancrée à la beauté du rêve, sans rêver ma maison.

 

Me suspendant aux bras de l'amant sans toucher à ses lèvres,

Je n'ai pas osé marcher, ne ceinturant jamais ses épaules d'orfèvre,

L'âme prisonnière des conventions, vieille avant que de l'être.

J'étais centenaire à mes vingt ans, sonnant le glas des ancêtres !

 

Cent printemps que j'attends son fol amour mystérieux !

Pourquoi n'ai-je pas osé enlacer son cœur au bras de ses vœux ?

L'alliance à mon doigt n'a pas brillé des éclats des légèretés.

Je suis née au grand clocher des sermons d'une ère d'âpreté.

 

Terrassée avant que je ne choisisse de la vie, ma folie,

Je veux dire le fond des tristesses qui font la mélancolie,

Je me suis noyée dans de tristes pilules blanches, parfois roses.

J'ai cent ans ! Et je me demande encore pourquoi, si j'ose !

 

Faudrait-il des fleurs ramassées, tressées en bracelets,

Pour que je revienne à la vie ! Rien qu'un baiser pour un oeillet !

Oh ! Morte avant l'heure, des amours désavoués pour une idée

Parce que je n'ai pas vu, ni voulu voir l'amour d'une orchidée !

 

Pourquoi me suis-je faite vieille avant l'heure !

J'ai encore sur sa bouche ses mots enchanteurs,

Et sur ses mains l'empreinte des frissons que je dérobe,

Le frisson de ses doigts volant aux plis de ma robe.

 

Quant au jardin , assise près des jacinthes, de marbre,

Je levai le printemps éternel, buvant la sève des arbres,

Je me suis, au matin de ma jeunesse, approchée de ma vieillesse,

Criant : Non ! Persuadée qu'au cœur de mon église, je me blesse.

 

Je n'avais d'autel que pour la pudeur, et la pudeur devint cri.

J'ai laissé ma robe voler au vent, coiffant chaque pli proscrit.

Le tissu insolent, sans que je ne vois l'air l'épouser, s'est froissé.

Je suis repartie, pétales dans les cheveux, affaissée.

 

Le visage encore jeune dans ma vieillesse sans âge,

Je suis allée, le laissant sur la rive des désirs, le corsage sage !

Oh ! Tais-toi ma vie ! Noie ta peine immense dans la folle rivière

Que les méandres ramènent d'alluvions infertiles sur ma civière.


Mon ventre n'a porté aucun de ses fruits, ni d'allégresse,

N'a pas même frémi, tellement meurtrie par sa jeunesse,

Tellement abîmée dans ma tristesse, que j'attends à ma fenêtre !

Je meurs sous la rigidité fracassante de mon beau prêtre.

 

Pourquoi n'ai-je pas été libre, libre de moi, libre ?

Quand à la fibre de mon âme j'ai connu le déséquilibre !

Et reste l'indolence des rêves brisés ! Si j'avais su !

Suis-je si vieille qu'encore, je ne puisse être à mon insu ?

 

Alors, le visage désenchanté, le vide sans revanche,

Je décide de rajeunir ; je jette mes pilules blanches.

Je fais de mes pourquoi un bouquet sans épines

Qu'au vent je jette, que la rivière emporte, chagrine.

 

Béatrice Lukomski-Joly

avec ma profonde reconnaissance et amitié pour sa confiance en mon art

 

Edvard Grieg : Peer Gynt suite n°1

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