Pleurons nos âmes
quand imparfaites, elles pleurent,
car de leurs larmes,
que l’on dit inaudibles, meurent.
Meurent à elles-mêmes
quand, entendant leurs cris et leur tourment,
nos fronts, elles baignent,
et nos yeux se lavent sans larmoiement.
Envahissent-elles l’espace
qu’aucun ne voit ni n’entend d’abondance,
elles racontent leur peine et leur grâce,
leur désarroi en notre chance.
Pleurent-Elles, invisibles,
baignant nos visages silencieux,
que nos âmes pleines de martyr sensible
disent leur calvaire religieux.
Qui sanglote Son âme en pleurs
quand imperceptible, Elle appelle,
triste et pourtant mélodieuse, notre malheur
prenant racine en nos chapelles ?
"La Piéta au pied de la Croix" Eugène Delacroix
https://www.musee-delacroix.fr/fr/actualites/evenements/du-sang-et-des-larmes-la-restauration-de-la-pieta-d-eugene-delacroix-a-l-eglise-saint-denys-du-saint-sacrement
Tombe le jour
En plein jour,
La nuit sous la lune,
Les étoiles sur la dune,
Le soleil sous la pluie,
Au jour est la nuit,
À la nuit est le jour,
Tombe le jour !
Le crépuscule est aurore,
L'aurore, le bouton d'or,
Ses levers, des typhons,
Mon émoi se fond.
Des offrandes, des amandes
Ces offrandes, des andantes
À mes lointains, mes mains
Posées sur des satins.
Poètes, qui m'aimez
Mes verts émeraudes adorez,
Qui de mes nuits
Quand je suis
Loin des tourments,
Proche des serments
De vous, affamée
De rimes acclamées,
Parturiente modèle
À mes citadelles
Amante et amie fidèle
Oui, fidèle !
Oui, citadelle !
Génitrice de voyelles
Que l'esprit conçoit
À l'orée des bois,
De rayons flammés,
De mots enflammés
Je vais, âme en peine
Mais à peine !
Parfois heureuse
Jamais amoureuse
Mais d'amour aimant,
Au feu des catharsis, l’élan;
Encore de liesse
De détresse
Sous le saule
Sur l'épaule
Douloureuse,
Mais pas ombrageuse.
Je vais sans l'ombre
D'une ride sombre
Ni l'ombre d'un rire,
Armée d'un sourire.
Légère
Amère
Lourde
Gourde.
L'âme vilipendée
Le refuge loué,
Je cours
Sans détours
Dans la ligne arrondie
Que la courbe parodie.
De poèmes en miettes,
D'amour aux poètes,
Qu'au temps j'ai volés
Que le temps m'a volés
Au ciel des firmaments
J'ai levé de froment.
J'ai écrit Liberté
Sans fragilité
Aux fronts rondelets
De mes envolées.
Faut-il être bien-né
L'âme confinée
Sous le héraut,
Sous les barreaux
Des exigences
Sans confiance.
Serai-je la goulue
Que la fronde a voulu
Aux émois de la nature
Aux poèmes de pâture
Quand fleurs m'embrassent,
Quand émotions me brassent,
Aux calices des lys
Complice du physalis
Qu'aux pétales mariés,
J'ai aimé la fleur épousée
Qu'aux roses, j'ai rêvé
La larme à l'œil, enclavée ?
Sans malice,
Farouche aux délices,
Des adoubements,
Des accouchements,
Des sacrifices,
Des Artifices !
Tombe le jour,
Naît le contre-jour,
Vient la tombe
L'outre-tombe
Sans palombes
Sans colombes.
Le cheveu blanc argent
Auréolé de vif-argent
Naît,
Paraît
À l'antre de la chimie
Pour le feu de l'alchimie.
Symphony No. 9 ~ Beethoven
"Le sommeil de saint Pierre" de Giuseppe Antonio PETRINI https://fr.wikipedia.org/wiki/Giuseppe_Antonio_Petrini
au musée du Louvre : https://www.louvre.fr/
J’ai longtemps pensé à écrire un article sur ce qu’est devenue la poésie aujourd’hui, puis faisant des recherches sur sa qualité et son état, sa vie et sa mort lente, j’ai trouvé des écrits de Constant Martha qui en parlent de façon juste. Écrire un tel article serait alors une pâle copie de ce que C Martha écrivit. C’était en 1866 dans “la revue des deux mondes”. Oui, je dis bien 1866 !
Aussi, je n’écrirai pas cet article tel que je souhaitais le rédiger, et si la poésie vous parle un peu, j’espère beaucoup, car il faut dire que de nos jours, tout le monde écrit et plus personne ne lit, se désolant âprement sur le fait de ne pas être lu sans pourtant aller voir ce qu’autre poète peut produire, lequel poète se lamente aussi. Il est sage alors de rétablir la parole avant que de voir cette mort, voire l’agonie de l’écriture poétique.
Je fais partie des rares allant lire tous les autres et principalement la poésie, à défaut de lire du roman contemporain, vide de pensée nourrissante, à mon constat propre, pour avoir tenté souvent d'entrer dans cette contemporanéité romancée qui ne me satisfait pas. Je m'y meurs. Mais ! la poésie, ah ! la poésie. Il y a encore bien de vrais poètes même s'ils se sont raréfiés comme neige au soleil.
Cependant, lorsque je lis la poésie moderne, à mes presque deux siècles traversés, je pense que Constant Martha hurlerait davantage en lisant un poème qui n’en est plus un. Ce que nous lisons aujourd’hui, et qui se dit poème, se résume à une phrase découpée en dits-vers qui n’en sont plus, car absence de rimes, absence de forme et même de fond. L'écriture automatique fleurit bon vent et le public se gausse face à ces non-sens. Certes, cela peut — sembler - (je dis bien sembler !) poétique, mais est-ce de la poésie si j’écris :
“J’ai vu un magnifique
oiseau bleu
traverser la lande
à tire-d’aile sur le dos
d’un poisson rouge.“
?
C’est pourtant ce que nous lisons, abondamment, aujourd’hui, sur le web, qui est publié, encensé, adulé comme art. Le lecteur applaudit faute d'avoir eu le goût de l'éducation poétique.
Allons lire ce que disait Constant Martha en 1866..... Oui, la poésie est bien agonisante ! agonisante, mais pas défunte puisqu'il y a encore quelques poètes en les années 2000, sans pour autant qu'ils soient lus par le nombre.
"Notre littérature offre depuis quelques années une singularité, peut-être unique dans son histoire, et qui est curieuse précisément parce que personne n’y prend garde. La poésie a disparu des lettres françaises, ou du moins tout le monde croit qu’elle a disparu, sans que personne songe à le constater, à s’en affliger. Ce qui nous étonne, ce n’est pas qu’elle nous ait quittés, c’est que le public ne se demande pas même ce qu’elle est devenue, ni si elle est partie pour toujours. Elle ne lui manque pas, il ne la regrette point. Connaissez-vous quelqu’un qui se plaigne de n’avoir plus de vers à lire ? Nous ne dirons pas que le public a pris là-dessus son parti : ce serait faire croire qu’il s’est résigné à une privation. Non, il ignore même que la poésie fait défaut, il n’y a jamais pensé, elle lui est aussi indifférente que pourrait l’être une chose dont on n’a aucune idée et qui n’aurait jamais existé. Celui qui dans un salon s’étonnerait de ce qu’il n’y a plus de poésie en France aurait l’air d’un écolier naïf se plaignant de ce que les arbres ne distillent plus le miel comme au bon temps de l’âge d’or, ou de ce que dans les plaines ne serpentent plus des ruisseaux de lait. On ne manquerait pas de lui répondre : Eh ! quand il y aurait de la poésie, nous ne la lirions pas ; pourquoi donc nous préoccuper de son absence ?"
"Le Printemps des poètes," créé en 1982, a tenté de la guérir en lui apportant le remède gracieux d'une journée par an pour éveiller les âmes à sa noblesse. Une seule journée semblable à sa Toussaint pour ne pas oublier sa mort et la célébrer à grands coups de pompe florale qu'est sa rime ! Dans ma commune de 3000 âmes, la journée poésie, se résume à quelques enfants accompagnés de leur instituteur collant sur les devantures et de quelques poteaux électriques, des feuilles imprimées de quelque dix poèmes que nul ne lit et que même Baudelaire en aurait eu la nausée de ne pas être clamé sur la place du village. Baudelaire ? Bah ! oui ! lui, car son nom résonne encore quelque peu en la mémoire de quelques adultes, à défaut d'entendre parler d'Anna de Noailles, de Ronsard, d'André Chénier, de Rumi, de Tagore, Homère, Schiller, Novalis, Christian Morgenstern ou Palladas pour ne citer que ses quelques nobles noms.
Et
"L’effacement de la poésie nous a privés du plus beau, du plus légitime, du plus facile moyen d’éducation et d’un aimable enseignement moral. Sans doute, il est un âge où l’on peut se passer de poésie, où un esprit formé, un cœur réglé, la gravité des devoirs, les soucis de la vie, nous permettent et nous obligent de ne penser qu’à la réalité ; mais dans la première jeunesse, on n’est pas impunément privé de cette distraction élégante et de ce grave plaisir."
dans
https://fr.wikisource.org/wiki/La_Po%C3%A9sie_d%E2%80%99aujourd%E2%80%99hui
http://www.revuedesdeuxmondes.fr/article-revue/le-poete-lucrece/
Cependant, je m'insurgerai à sa dernière phrase évocatrice de l'abandon de cet enfant qu'est la poésie, car la poésie n'est pas l'apanage de l'enfance, mais bien d'une vie jusqu'aux confins de notre mort.
Où sont donc passés les poètes utilisant la rime, le vers compté appris, avant que de s'être laissés aller aux vers libres ? ils existent fort heureusement, mais en une telle minorité que nous ne pouvons que constater que poésie est réellement morte à elle-même.
Aucun éditeur ne prend plus en charge la poésie et pour cause ! plus de lecteurs ! poésie agonisante ! que même l'éditeur ne la comprend plus. Poètes ? ou se disant comme tels, s'auto-publient à grands coups de finance personnelle, sans oser dire que ce n'est pas de la poésie à compte d'éditeur. Les éditeurs ne prennent plus de risque, car il vaut mieux avoir un compte en banque correct que de publier ce qui partira à la benne, l'année achevée. On les comprendra mais... nous regretterons qu'aucun d'eux ne relève le défi de lui redonner son écriture si belle quand un poète émerge. Et dieu sait, si j'ai lu quelques rares pièces d'une réelle plastie poétique, narrant encore le monde et l'univers, et entendu une superbe fine bouche la clamer de mises en bouches aisées ou ardues, comme elle dit.
Alors, je me remémore ce que disait Rudolf Steiner à son sujet et me fais un plaisir de retranscrire sa pensée. C'était en 1915 !
"Alors, le temps viendra où, à nouveau, la création poétique au véritable sens du mot sera présente dans le monde. Jusqu'à un certain point, elle a pris fin. Les rêves divins qu'ont incarnés les poètes authentiques étaient encore les derniers vestiges de l'antique héritage des dieux..... De ces vers tintant à répétition en reproduisant ce que les humains vivent dans le physique, on dira dans un temps qui n'est plus très éloigné : les gens devraient nous laisser tranquilles avec ça.* L'amour, la haine et les joies par lesquels ils passent du matin au soir, c'est leur affaire. ce qu'ils vivent avec les dieux, lorsqu'ils trouvent comment sortir du chemin de l'expérience terrestre, ils nous en parleront dans leurs œuvres musicales, ils nous en parleront lorsqu'ils créeront des drames, des œuvres épiques ou lyriques. Car, nous le savons : tout ce que l'être humain peut vivre en liaison avec l'existence extra-terrestre doit être amené sur terre par une activité créatrice réelle et qui se dégage de la vie quotidienne, par la science de l'Esprit."
Dans : "L'art à la lumière de la sagesse des mystères" conférence du 30 décembre 1914.
http://www.editions-med-ant.fr/librairie/lart-a-la-lumiere-de-la-sagesse-des-mysteres
* Nous y sommes ! ce n'était donc vraiment pas si lointain que cela, mon très cher Rudolf ! oh ! très cher Rudolf !
Mahler -- Symphony No. 2 'Auferstehung'
Tableau d'Auguste Ravier - peintre impressionniste lyonnais-
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Auguste_Ravier
http://www.maisonravier.fr/francois-auguste-ravier-1814-1895/
http://www.galerie-mazarini.fr/category/peintres/ravier-auguste-francois/
Je ne viens pas pour vous parler de moi,
Moi est moi, et n'a d'importance que pour moi,
Pour l'Esprit a valeur d'éternité,
Pour le Christ-Roi est le cœur de son épée.
Je ne viens pas pour vous parler de moi,
Moi est l'autre, et n'a de valeur que pour Christ-Roi,
Pour l'Amour du monde dans Son éternité,
Pour le Fils de l'Homme qui est nous dans Son été.
Je ne viens pas pour vous parler de moi,
Moi suis vous, je ne peux donc blâmer aucune foi,
Pour la vérité en chacun de nous en éveil,
Pour l'avenir de l'homme qui nous veille.
Vous parler de moi serait follement insensé
Si je voulais me mettre en avant par vanité,
Car de l'orgueil j'ai dépassé le malheur,
Quand vous éteignez ma pensée d'autres valeurs.
Je ne suis pas venue pour vous parler de moi,
Car pour vous n'est pas d'importance, ni de lois.
Pour l'infinitude se plaisant à ruisseler d'esprit,
Moi s'efface et avec joie donne son verbe épris.