Illustration de Vincent Wagner pour "Le roi des aulnes " de Goethe
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Il est parti, le cœur livide, en bandoulière,
L'amour éclatant en berne, laissé à l'ombre
Que le crépuscule a pris d'un lancé de flammes.
Il est parti, l'âme pâle, feue la prière,
Pour un acte reniant la valeur du nombre,
À cause du tollé effroyable d'un blâme.
Pourquoi ? demande le cœur transi et peiné.
Un enfant, peut-il subir d'être mal-aimé
Quand intercède le tonnerre avec l'éclair ?
Qu'as-tu vu d'obscurité en cet Athénée
Qu'enfant subisse la laideur de l'inanimé,
Lors ces jours d'éclatant mensonge tutélaire ?
Un homme fort velu est venu d'un feu lu
D'un livre sans nom, prendre le gain et le pain,
Arguant que tous les droits justes sont malhonnêtes
Et qu'enfant est sien au nom des lois vermoulues.
Le livre des édits entre les doigts malsains
Ricanait tel un diable levant les pique-assiettes.
Il a volé l'âme de l'enfant sans le voir,
Juste d'un vœu âpre, le rire goguenard,
L'écharpe de justice, le mandat acariâtre,
Puis a rejoint le ciel des grandes lunes noires,
Riant haut et fort de son méfait pyrolâtre,
Escorté de sa Lilith, pour sa rôtissoire.
Devenu sans logis, sans beau foyer vibrant,
Il vola l'enfant et en fit un jeu sournois,
Laissant la traînée des cendres sur le chemin
Qu'il adorait d'un brasier flambant au soir levant.
Sûr de son méfait, il agita le droit, benoît
De tant de ruses dans la lie de son venin.
Le roi des aulnes était revenu, chevauchant,
La nuit dans la main, pour arracher le marmot.
Le bruissement des feuilles de la rivière d'Yonne
Taisait le courant des chagrins caracolant
Du frisson de l'horreur dans la ronde des maux,
Que nuit offre à l'enfant, que tourment aiguillonne.
"Dweller on the Threshold" d'Arthur B Davies
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Bowen_Davies
Va ! Dit la voix de l'âme. Va !
Je t'emmène au bout de l'exubérance,
Marcher parmi monts et rivières dans le silence,
Dans les ondulations des campagnes d'opulence.
Va ! Dit la voix de l'esprit ! Va !
Avec toi, je suis le serment de l'abondance,
Et si je danse entre tes bras en cadence,
Tu es l'ornement des champs providences.
Venez ! Répondis-je. Venez !
L'enceinte du pré est étroite, la voie ardue.
Que sais-je de vos chemins pris sous l'orage,
Lorsque le vent balaye ma vue de mirages ?
Venez ! Dis-je, encouragée. Venez !
Le vin est amer ; la vigne s'épanouit, tendue
Sur un barbelé griffant ma volonté sensible,
Et mes yeux préparent l'étendue terrible.
Partons ! Demain est si loin ! Partons !
Le temps qu'il faut pour atteindre le seuil
Est aussi lourd qu'une mesure de grains ;
Saurons-nous, toujours, demeurer sereins ?
Marchons ! Dit la vie douloureuse. Marchons !
Pourquoi tes jambes si tu te reposes d'écueils ?
Un pied l'un devant l'autre, et tout ira bien,
Même si se rétrécit la largeur du chemin.
Va ! Dit la voix de l'esprit. Va !
N'as-tu pas vu tant d'épreuves en mon écrin
Quand souffle t'étreint de vrais efforts ?
Tu peux, enfin, nous consacrer d'un nimbe or.
Pourquoi être ce soir, si tu me crains ? Va !
Et après avoir tant vu, tant nourri le romarin,
Le seuil m'a adorée, gaie, aussi blessée.
Qui croyons-nous donc être de liliacées ?
illustration Pixabay -photo libre de droits- " détail d'unestatue à Hambourg, église saint Michel"
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Point ne t'inquiète, petit frère !
Sur maman vieille, je veille,
Quand elle faiblit ; ton souvenir veille,
Quand elle pleure regardant ses lavandes ;
Quand d'une prière, elle te demande,
Triste de ton absence, petit frère.
Point, ne t'inquiète, petit frère !
Si de sa vieillesse belle et fière,
Je ne voyais la trace de la Lumière,
Malgré blessures, plaies et outrages,
Malgré affronts, désordres, et rages,
Serai-je fidèle à tes vœux, petit frère ?
Point ne t'inquiète, petit frère !
Qui te demande au chevet de son couchant ?
Elle, moi ? Nul ne t'oblige à son dernier chant,
Ni les orages, moins tes belles vertus,
Que conscience abandonne, abattue,
La main dans son désert, petit frère.
Oh ! point ne t'inquiète, petit frère !
Ne suis-je pas là à adorer sa vie sans plus d'espoirs,
Quand l'étreint la peur de ne plus te revoir,
Ses matins, tous tes silences, et ses regrets,
Tous ces ombrages laissés dans la forêt.
Quelle est ta quête petit frère ?
Quand de ses souvenirs douloureux,
Elle dit ce que furent ses jours heureux,
Le sanglot jaillissant de ses yeux,
Dans lesquels, j'ai une petite place avec ses aïeux,
Me diras-tu si ton amour est de glace ?
Petit frère ! oh petit frère ! Quoi t'agace ?
Quand elle dit nous revoir de mémoire
En ma chambrée interdite, toi et ton mouchoir,
Ô petit frère, toi bravant pourtant l'injuste,
Que furent ses paroles tièdes, parfois augustes,
Et aussi si dures que tu la laisses
Sur le bord de sa mort venant ? Toutes ses faiblesses !
Oh ! Petit frère, tellement aimé, toi son flambeau,
Tellement préféré, parce que si beau,
Parce que représentant de la force
Ainsi que de l'ordre bleu, ton écorce,
Où es-tu que je lui dise, l'air courtois :
"Il va bien ! Il t'aime. Il pense à toi."
Ne t'inquiète pas, petit frère ! toujours !
Je prends soin d'elle tous les jours,
Ayant abandonné dans la fosse les mots sourds,
Les tristes rancœurs et son fol désamour,
Pour que tu lui survives, sa fronde,
Quand elle ne sera plus de ce monde.
Oh ! Petit frère qui me lit, parfois ! affolé,
Qu'est une reine-mère, sa tiare volée,
Délaissée à la couleur de ses rides à venir,
Quand sa mémoire trahit ton souvenir,
Et que je l'épanche, toujours obligée de m'effacer...
Ne t'inquiète pas, petit frère bleu, tant blessé !
Et si d'un coin de ciel, remuant ta vie, un peu !
Au-delà de la tombe, au-delà de la mort, si peu !
Tu voyais le voile noir déposé par tes mains,
Que sera cet instant déployé d'une agonie au matin,
Elle, retrouvant sa souvenance sur la rive
Que pardon n'aura pas effacée, soumis à la dérive ?
Point ne t'inquiète, petit frère en sommeil !
Sur maman si vieille, tous les jours, je veille,
Quand elle faiblit, malgré les douleurs,
Regardant ses lavandes quand elle pleure,
Quand elle me supplie, ses yeux à genoux,
Me priant, l'âme en peine, de la sortir de la boue.
Pourtant, petit frère, sachant que point je ne la reverrai
Si tu clamais ton retour, toi, seul élu en son cœur de jais,
Par tant d'années d'oubli derrière mes volets,
Serait-ce supplique ultime pour la mémoire d'un bolet
De croire que tout est possible pour l'humaine loi
Quand l'amour est la dernière rose aux abois ?
Faut-il être de bonne foi pour ainsi appeler,
S’époumoner en vers déchirants modelés,
Petit frère ! rien pour moi, tout pour elle,
Même avec quelques claques comme voyelles
Alitées sur le seuil, ses lavandes fanées,
Petit frère, ton hamster dans ta main agrippée !
Ne m'en veux pas, ne m'en veux plus de Croire,
Mes consonnes déposées dans ce trésor, ce soir,
Qui fut, est, le meilleur de ce qui fut, seul celui-là !
Un triste soir, une triste nuit, petit frère, par-delà
Sa vie suppliant dans l'oubli des allures muettes,
Pour une gerbe à naître au cimetière ; Ô Odette !
Oh, petits frères ! vous qui laissez l'entier soutien
Entre mes mains, souffrant avec elle son quotidien,
Entendant sans relâche l'expression de vos prénoms,
Comme si je n'existais toujours pas en l'âme de Junon,
Serez-vous au temple des lys que j'ai fleuris,
Malgré vos inimitiés pour toutes plaidoiries ?
Odilon Redon " une fleur illuminée"
https://fr.wikipedia.org/wiki/Odilon_Redon
Va ! Ô terre des hommes ! que ta joie souffre !
Toi, ma parure, ivre de courage à mon chevet,
Revêt ton suaire qu'afflue la vie dans ce gouffre !
Je veux te voir renaître des larmes d'un bleuet.
Va, ma terre ! Là, où tu sais devoir aller,
Entre lumière et nuit obscure pour ton pacte ;
Et hommes armurés de noir, de casques zélés,
Méprisent l'autre de malheurs et d'infâmes actes.
Ô ma terre, toi dont le linceul sombre pleure,
Ta blancheur embrumée prend sur son âme
Le spectre qui, en cette terrible douleur,
Nous désigne, tous, arbitres du clair-obscur.
Va, sans plus tarder, accomplir le geste qui sauve,
Et vois la concorde naître après le typhon !
Va, sans plus attendre, fonder le destin des dieux
Qui nous choisissent, enfin ! terre d'alluvions !
Il faut des hommes en colère, et d'autres de gains,
Pour que la voix bat köl ressurgisse d'avant,
Et dans sa tristesse infinie nous donne le grain.
Lève ta flamme pour que nous bravions le vent.
Ô ma terre, Toi à la vision claire qu'en ton aether
Tu nous pares d'onctions, vois venir ton contraire.
Tu te soulèves de marées humaines contestataires
Qui te signent, et crient la venue de ton faux-frère.
Tu trembles tel un cataclysme arguant son chaos ;
Et dans ton immense espoir d'humanité,
Tu plaides Ta parole, à peine audible d'idéaux.
Vivre est un droit ; mourir est une nécessité.
Que Tes hommes ayant prix l'habit du malin,
Soient le témoignage des forces ténébreuses.
Et s'incarne, à l'abri de la lumière, le venin
Qui établit ses futures âmes en gueuses.
Oh ! si je vois tous les jours Ton vendredi,
Et Ton corps en souffrances prolongées,
Toi brisant la bogue de cette tragédie,
Je Te souffre dans Ton saint geste renouvelé.
Je Te vois ; je Te vis ; je Te prends en moi,
Comme autant de noces édifiées, pour Toi ;
Toi, regardant la venue de l'anti-vie sans émois,
Qui espère notre être devenu discourtois.
Va ! des hommes, à ton chevet, pleurent,
Attristés que l'on ne Te réclame de prières,
Quand tout s'effondre pour de l'argent enjôleur
Comme planche de salut pour tout sanctuaire.
Et si, aujourd'hui et demain, Ô ma terre,
Je suis Ta certitude de foi en mon sauveur,
Que Ton fraudeur tombe, ébloui par Ta lumière,
Qu'il ne pourra regarder sans chuter de frayeur.