Où vas-tu mon bien-aimé,
Si loin de la douceur de mes mains
Que mon cœur questionne de matins
De printemps et d'hivers,
De noix et de miel
À nos palais de douceurs enrobés ?
Où vas-tu mon très tendre
À préférer l'isolement
Observant les lierres des mères
Sans me couronner d'étoiles,
Me laissant deviner tes âmes
Sans les porter nues de demandes ?
Où vis-tu mon bien aimé
Que je ne n'entende plus rien
De tes lèvres qui ont tu ton sentiment,
Niché au faîte de ton grenier,
La mansarde sombre de mes nuits,
De mes nuits aux soins des indigents ?
Où penses-tu mon adoré
Que je n'entende plus tes secrets
Ni tes désirs, face aux frontières
Qui nous séparent d'invisible,
Des souvenirs du beau village ?
Tout ce silence !
Dis-moi !
Fait-il chaud en ton cœur ?
Est ce que tes veines palpitent un peu
Sous les images de mes venues
Et aux tiennes à jamais éteintes.
Est-ce que je te manque un peu ?
Déjà trois mois que mes rues
Tu n'épouses plus ,
Silencieuses de leurs émois,
Aux rives de l'Yonne
Qui arpentent les plaies de ma terre
Et aux palais des rires, notre joie.
Dis-moi !
Ai-je une vie en nos étoiles
Qui semblent faire l'aumône
À mes appels muets,
Si loin de tes bleuets,
Pour des bleus à mon âme
De tant de silence ?
Raconte-moi !
Tu as bien l'esprit ancré
Aux jardinets des jacinthes partagées,
Amoureux de ta seule gloire
Qui ne rêve pas de partages
Que je ne peux cultiver bellement !
Dis-moi !
Tu n'as pas froid, ni faim ?
Seulement me dire cela !
Rien que cela !
As-tu chaud ? Faim ? Soif ?
Que je t'apporte les trois sur un plateau .
Où vis-tu d'espérance
Si encore je t'habille de reflets,
Un tout petit peu,
D'ondoiements
Et d'ondulations
Et de parfums ?
Je voudrais vivre
La même histoire, sans triste chanson,
Sans désespérance
De tant de solitude
De tant de silence
Sans l'oraison des chastes vestales.
Je croyais tellement,
Non, je ne croyais rien !
Qui des faiblesses
Et des éloignements
Nourriraient l'attente,
Ma candeur à toujours croire !
http://beatrice-lukomski-joly.copyright01.com/
Joseph Haydn Symphony No. 45 in F-sharp minor "Farewell"
Tableau de Louis Janmot
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Janmot
Par un soir fait de vieux matins,
Je m'en suis allée me promener
Parmi les arbres et les blés,
Le long de la rivière aux cent reflets des jours passés.
Avais-je pensé que mouvement de l'eau était fait de rides
D'elle, qui a vieilli sans que jamais je ne m'en aperçoive ?
Elle, qui de ses gestes a usé mes pensées !
L'ai-je seulement vraiment vue passer,
Abritée sous mes paupières meurtries,
Et encore tenue par le souffle de l'espoir
Qu'encore me porte la vie ?
L'ai-je seulement vue dans l'ombre de sa mémoire
Qui se dit peu ?
Je m'en suis allée me promener,
Dans l'air de rien, sous les vents étales,
Semblables, si semblables aux marées
Des eaux qui affluent et refluent.
Elle qui a tant de mémoire
Que je m'en souviens, Ô ma mère !
J'ai des souvenirs plus que le monde n'en contient,
Avec elle, n'en convient,
J'ai des voyages troués de voix multiples
Que l'alizé ramène au gré des images
Et encore des tableaux noircis d'encre de chine
Aux reflets argent.
Dans l'ombre des lieux sans fenêtres,
Des soleils absents au firmament des émois,
Que ne l'ai-je vue dessiner ses sanguines
Qui ont esquissé nos avenirs
Et encore les mots écrits qui n'ont de saveur
Qu'en nos cœurs blessés.
Que raconter de la conscience
Qui vendange et se met à hurler
Alors que le geste se raréfie
En la vieillesse qui la réclame ?
" L'as-tu seulement vue passer ?
L'as-tu seulement vue aimer ?
As-tu cueilli mes brassées de fleurs ?
As-tu séparé du bouquet l'ivraie de mes actes bons ?
As-tu séparé de la boue, les amours vrais ?
As-tu seulement vécu en elle comme un fleuve né de sa source ?
"Tais-toi conscience !" crie la mémoire du temps.
Le soleil qui l'attend, les rayons en offrande,
L'auréolant parfois ;
" Tais-toi conscience !"
Dit le manque à l'orée des partances.
Et la conscience s'amuse avec un juste rien
Qui chatouille l'inconfort,
Refusant de se taire,
Se laissant seule faire,
Moissonner l'incommensurable pas de géant .
" Comment ? Tu me laisses ! "
Et moi, et moi ! Comment te laisserai-je ?
Partiras-tu avec ce baluchon fait de drames
Qui n'ont pas eu le temps de faire appel
Dans cet au-secours géant que je crie ? "
Regarde le temps qui coule en les vagues
Abritant nos déconvenues !
Ne t'ai-je point vue que c'est moi qui semble mourir !
Il me semblait que c'était toi la créatrice d'adieux !
Alors !
Par un soir fait de vieux matins,
Je m'en suis allée me promener
Parmi les arbres et les blés,
Le long de la rivière aux cent reflets des jours passés
Pour l'aimer,
Rien que l'aimer
Avant qu'elle ne parte.
Moi usée, usée
D'avoir emboîté ses pas vers la mort !
Elle me prend dans ses bras,
Déposant mon corps sur la rive des souvenirs
Qui ont dit leur dernier mot .
Amen.
Tableau de Ramon Casas "Fatiguée"
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ramon_Casas
Je n'écrirai pas ce soir ;
Je suis si fatiguée à déchoir,
Je n'écrirai pas ce soir ;
Je vois tant de déboires.
Travailler jusqu'à l'usure,
Heure forgées de démesures,
Je n'écrirai pas ces griffures
Que les patients endurent.
Je n'écrirai pas ce soir,
Dire quoi, à quoi surseoir ?
À qui, dire la mémoire
Des blouses d'au-revoir ?
Rentrer et se dire, stupides,
Que les gens insipides
Ignorent tout des lits vides.
Il, elle, est partie, livides.
Je n'écrirai rien de beau,
Rien des tombeaux,
Rien de trop, rien, rien,
Le pathos court galérien.
Je n'écrirai rien des douleurs,
Ni des cris que la morphine pleure,
Je n'écrirai rien des départs
Qu'un rein sans eau part.
Mon seul cri, s'il en est,
Sera celui du cri du lest
Que malade rend au souffle
À ses dernières pantoufles.
Je n'écrirai rien ce soir
Car de quoi se nourrit le noir
Quand le soleil s'éteint,
La vie ensevelie au matin ?
Et... soudainement se lève,
Un chant à midi s'élève,
Dans l'éther de la chambre
Qu'emplit l'antichambre.
Je ne dirai rien, non !
Je n'écrirai rien, non !
La blancheur de ma blouse
Qu'au soudain rouge-sang épouse !
On appelle cela une infirmière
Qu'aux infirmes des lumières
Ils sont d'elles, toutes ces heures !
Priez pour leurs noms sans gloire !
Je n'écrirai rien ce soir,
Je suis si lasse de tout voir
Sans que quiconque ne pense
La plaie que l'on panse.
Non ! ne dites rien,
Vous passant pour rien,
Ne sachant d'elles rien de rien,
Non ! ne dites rien !
Fil RSS des articles